L'actualité (25/09/2012)

L’actualité existe-t-elle ? Elle est du jour et meurt à peine née. Sa nature est éphémère. Son caractère est de passer vite. Son essence est d’être inactuelle dans la minute qui la suit. Rien de plus arbitraire également : elle est composée de faits triés par les journaux. Sans eux elle n’existerait pas. Et les journaux ne peuvent rendre compte, pour cent raisons, que d’une partie infinitésimale de tout ce qui arrive : ils ont laissé passer (quel oubli !) la naissance de Napoléon. L’actualité la plus répandue est celle dont il parle le moins : le solstice, la neige, la Saint Sylvestre, les saisons, la première fleur, la dernière feuille. Où est le journal qui parle de l’aube ? L’aube, suprême curiosité de l’homme. Car, ils l’ont bien compris (la Bible aussi, relisez la Genèse, relisez l’histoire du pommier), l’homme vit surtout de curiosité. C’est le dernier vice qui lui reste. Toutes ses curiosités blasées, il garde celle de son décor. Il a vu le jour. Il ne cesse de le vouloir. Au bout du compte l’homme de la grande actualité, ce n’est peut-être pas le journaliste, mais le poète. Son actualité ne se fane pas.   (Alexandre Vialatte, La porte de Bath-Rabbim, Presses Pocket, Julliard, 1986, Chroniques des longues actualités, p. 43)

 

Ephémère ? Dans la plupart des cas, oui. Mais l’actualité est-elle éphémère lorsqu’on assite en direct à la chute du mur de Berlin, à l’explosion d’AZF ou aux premiers pas sur la lune. Certainement non ! Comment faire le tri entre l’éphémère et l’évolution du monde (qui n’est pas à confondre avec le progrès) ? Ephémère toujours ou presque, les émotions. Et pourtant elles font la une de l’actualité. Ephémère également la politique politicienne. Le Français préfèrerait de l’action efficace plutôt que de la communication qui ne communique rien. Ephémère enfin, les faits divers.

Arbitraire ? Oui, certainement. D’autant plus arbitraire que maintenant les journalistes de télévision sont soumis à la dictature de l’image. Sans image, rien à dire, ou presque. Donc on peut passer beaucoup de temps sur une affaire sans intérêt et très peu sur quelque chose qui annonce un changement stratégique, mais sur laquelle on n’a pas de prise de vue.

Mais le plus souvent les deux qualificatifs se rejoignent. Politique politicienne et choix journalistique. Ainsi, écouler 10mn d’interview de Cécile Duflot pour la forcer à dire qu’elle devrait démissionner (en raison de la position des verts sur le traité européen) est d’un ridicule qui malheureusement ne tue pas le journaliste.

Mais qu’est-ce que la curiosité ? Bernard Pivot nous dit que le journaliste est un interprète de la curiosité publique. Il est évident que lorsqu’on parle de la curiosité publique on ne parle pas de l’envie de connaître, de créer ou de s’enrichir l’esprit. On parle d’une curiosité indiscrète, insolente, voire maladive. Et plus l’on est en groupe plus la curiosité devient un impératif nuisible. Certes, certains hommes (ou femmes, bien sûr) sont plus curieux que d’autres. Mais dans tous les cas, plusieurs hommes ou plusieurs femmes sont toujours plus curieux qu’un seul. Que dire alors lorsqu’il s’agit d’une caméra dont l’objet est l’actualité !

 

07:42 | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : politique, société, écolo, médias |  Imprimer