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13/06/2012

Concerto n°1 pour violon et orchestre de Philippe Glass, 2ème mouvement

http://www.youtube.com/watch?v=LFf6p6actPo&feature=relmfu

Début difficile, de quels sons parle-t-on ? Ils sont à peine audibles et ressemblent à ceux d’une machine. Puis monte une litanie  de cinq notes descendantes, cinq notes de la gamme tout ce qu’il y a de plus simple. Enfin, le violon intervient avec un chant plus pur, toujours aussi simple, minimaliste comme le disent les critiques musicaux. Et progressivement vous entrez dans la musique et vous laissez bercer par ce chant accompagné de la litanie. Vous flottez, vous partez vers d’autres cieux, vous quittez cette terre pour entrer dans le royaume de l’impersonnel et vous sentez chez vous.

4mn 50 : le chant s’amplifie, devient berceuse de l’âme, tout entier caresse, creusant un grand trou dans vos pensées habituelles, jusqu’à les faire oublier. Et vous errez en pensée dans cet univers sans même savoir où vous êtes. Et pourtant, que vous y êtes bien !

 

Philippe Glass est américain. Il est né en 1937 à Baltimore. Un temps intéressé par la musique dodécaphoniste, il devint un des pionniers de la musique minimaliste répétitive. Il a enfin évolué vers une musique très classique, se basant sur l’harmonie et le contrepoint. Il a également fait des études de mathématiques et de philosophie, ce qui explique sa conception personnelle de la musique. Inclassable réellement, c’est ce qui fait sa force.

Ce concerto pour violon fut écrit en mémoire de son père. « Ses œuvres favorites étaient des concertos pour violon et j'ai grandi en écoutant les concertos pour Violon de Mendelssohn, de Paganini, de Brahms. (...) Ainsi, quand j'ai décidé d'écrire un concerto, j'ai voulu en faire un que mon père aurait aimé. »

Oui, c’est un grand compositeur. Mais le connaît-on en France ?

 

08/06/2012

Canon de Pachelbel revisité par Hiromi Uehara

http://www.youtube.com/watch?v=FKGwIjqdm3A

Quelle merveille, des sons coulants, qui tombent en cascade, qui vous lavent de vos impuretés tout en vous dynamisant, le tout avec une facilité et une aisance déconcertante.

Pachelbel joué, puis imité, puis revisité et enfin oublié dans une frénésie de notes rythmées, mais restant néanmoins dans une perspective classique, plus ou moins.

C’est le propre de l’improvisation, partir sur une mélodie connue avec un arrangement classique et progressivement en dévier, doucement, mais surement vers d’autres cieux, d’autres horizons jusqu’à changer complètement les sensations, les impressions, les images suggérées. Alors se déchaîne l’esprit de l’improvisation, où la fougue et le rythme deviennent le seul motif de la poursuite débridée. Une petite pose (voir à 5 mn) et l’improvisation repart dans une autre direction, toujours aussi entraînante. Hiromi Uehara est espiègle, elle sait préparer ses effets et elle en rit, comme d’une bonne blague alors qu’il s’agit d’un instant de virtuosité que peu de pianistes pourraient donner. Quel prodige que cette japonaise qui joue comme un jazz man de Chicago !

Seul bémol, le bricolage de la table d’harmonie avec des instruments qui ne sont sans doute pas utiles pour démontrer la virtuosité de la pianiste. Nous verrons cependant qu'en d'autres occasions, elle s'en sert pour produire des effets plus qu'intéressants.

 

03/06/2012

Plus près de toi, mon Dieu, interprétation au violoncelle, par ThePianoGuys

 http://www.youtube.com/watch?v=gosY-UrpHcA&feature=related

 Encore une très belle improvisation des Piano Guys, sur ce choral bien connu : Nearer, My God, to Thee, choral chrétien du XIXe siècle, écrit par la poétesse britannique Sarah Flower Adams (1805-1848) sur une musique du compositeur américain Lowell Mason (1792-1872).

Les paroles sont inspirées des confessions de saint Augustin, livre 1 : « Fecisti nos ad te, Domine, et inquietum est cor nostrum donec requiescat in te » (Tu nous as fait orientés vers toi, Seigneur, et notre cœur est sans repos tant qu'il ne commence pas de reposer en toi).

 Joué ainsi, cela nous change des interprétations guimauves que l’on nous impose sous des prétextes puritains ou en raison d'incompétence musicale notoire. Certes, ce n’est pas non plus une interprétation liturgique. Néanmoins, dans la profondeur du chant des violoncelles, résonne en chacun de nous le vide, plein de l’inconnaissable, de cet autre nous-même qui nous transporte vers un renouvellement de l’être.

27/05/2012

Magnificat, d'Arvo Part

 

http://www.youtube.com/watch?v=1A6BfyhFSVQ&feature=related

 

Entrée au paradis comme une plongée dans l’espace intersidéral. Oubliez votre petit moi, laissez-vous gagner par cette grande solitude face à Dieu qui, malgré l’inconnaissance, vous réchauffe l’âme. C’est le propre de l’espérance : derrière l’apparent vide du soi se cache le retour au divin, qui résonne dans la totalité de votre être et votre joie renouvelée vous conduit à l’ignorance bienheureuse de celui qui se laisse bercer par cette exaltation.

Mon esprit a exulté en Dieu, mon Sauveur !

Quel compositeur, grandiose d’intimité avec le divin ! C’est un estonien qui a fait ces études musicales en URSS et a commencé par la musique sérielle, qui n’a rien à voir avec ce que nous entendons. Dans les années soixante, il se consacre à l’étude du grégorien et des musiciens médiévaux comme Machaut et Josquin des Prés. Il invente le style « tintinnabuli », appelé ainsi parce qu’il rappelle les clochettes et qui se caractérise par l'utilisation simultanée de deux voix, l'une arpégeant sur une triade tonique dite « tintinnabulante » et l'autre reposant sur une basse évoluant de manière diatonique.  

Il se lance dans la musique minimaliste, d’inspiration religieuse, presque simpliste de par les éléments de la composition : utilisation d’harmonie tonale et parfois modale, utilisant le plus souvent les trois notes de l’accord parfait, peu d’instruments, quelques voix, très peu de modulations. La musique minimaliste se caractérise par l’utilisation de la répétition de motifs musicaux courts, qui se projettent en pulsation régulière. Ecoutez « Tabula Rasa » qui met en évidence toutes ces caractéristiques :

 

http://www.youtube.com/watch?v=bxDc24zSuzU&feature=related

 

23/05/2012

Manoir de mes rêves, avec Angelo Debarre, soirée de jazz manouche

 

http://www.youtube.com/watch?v=qTmwZsy8xbg&feature=related

 

Le jazz manouche possède la profondeur du flamenco, la fougue de la musique tsigane, la ferveur du tango argentin, le rythme du be-bop. C’est une musique chaleureuse, entraînante, parfois poignante, pleine d’imprévue et d’improvisations débordantes.

Merci à ces musiciens exceptionnels pour cette soirée de jazz qui donnent un bon aperçu de la musique de Django Reinhardt, le fondateur de ce style de musique. On se laisse envahir de langueur, l’œil dans le vague, l’oreille grande ouverte, le corps assoupli par les déchaînements virtuoses sur les cordes.

 

La première pièce, pour guitare seule, jouée par Angelo Debarre, est magnifiqueDebarre jazz manouche.png de simplicité et de virtuosité. On se voit en bord de mer, autour d’un feu. La nuit est tombée, et dans l’obscurité, monte le chant de la guitare, un long enroulement de notes qui vous prend à la gorge et vous conduit à l’oubli de vous-même, au creux du ventre, là où résonne ces accords graves, frais, parfumés d’insolites, où l’on se reconnait malgré tout.

 

La seconde pièce est de style plus populaire, presque musette, au moins au début. L’accompagnement du violoncelle lui donne également un air de jazz noir avec une certaine profondeur. Une entente naît entre les instruments, guidée par la guitare d’Angelo Debarre. Le chant paraît s’arrêter pour repartir de plus belle jusqu’à la fin, déchaînée.

Accordéon cette fois, mais plutôt de style argentin, un peu fou, délirant même, un morceau d’anthologie. C’est beau, d’une beauté sauvage, comme un déchainement calculé d’improvisations.

L’harmonica gagne ses lettres de noblesse avec le morceau de Django Reinhardt « Vamp ». Il résonne dans la nuit comme un chant sans parole, comme un souvenir particulier qui ne sait plus dire d’où il sort. La nostalgie vous gagne et vous vous laissez aller, solitaire, face au feu, tentant de vous réchauffer avec cette musique langoureuse.

Enfin la clarinette de Ioan Streba vous jette dans le jazz américain, rythmé, entraînant, à la manière des improvisations  de Sydney Bechet.

 

Belle soirée musicale qui réchauffe le cœur au rythme des guitares et du solo d’autres instruments. On est loin des délires sonores de la musique métal. Ici le bruit n’existe pas, rien que des accords et des sonorités qui vous mettent l’âme à nue.

 

20/05/2012

Suite n°1 pour violoncelle de J-S Bach : dans le bruit et la musique

 

http://www.youtube.com/watch?v=V7edkwJsgN0&feature=related

 

Le métro et Bach, qui aurait pensé à un tel assemblage.

Et pourtant, c’est beau et poignant ! Cela tient-il à la jeunesse des musiciens, à leur ensemble, à leur position, ou à l’ambiance particulière du métro, le bruit des rails, le défilement des images, l’absence de voyageurs, ou encore à la musique de Bach, entraînante, mais faite de pauses, de diminuendo, de forte et de piano.

La musique est plus forte que le quotidien semblent-ils dire à travers ce qu’ils jouent. Ils ne sont pas dans le métro, mais dans Bach, le compositeur génial, toujours d’actualité, intemporel, immortel pourrait-on dire. Rien ne les trouble, ni le bruit, ni les sautes de lumière, ni le déplacement. Rien, le prélude de la suite n°1 se joue, émeut, fait monter les larmes aux yeux des connaisseurs, quelle beauté que cette musique extraordinaire, faite de tendresse, d’entrain, d’émotion, de générosité et d’élévation jusqu’à nous sortir de nous-mêmes pour nous laisser porter dans un au-delà qui nous semblait pourtant inaccessible.

Et pour ne pas tromper les vrais amateurs de musique, écoutons le même morceau joué par Rostropovich, plein de sérénité, mais très vif, comme empreint d’une illumination qui lui permet de jouer avec un tempo rapide, mais empli de paix.

 

http://www.youtube.com/watch?v=MUAOWI-tkGg&feature=related

 

16/05/2012

O Magnum Mysterium, Morten Lauridsen, par le Westminster Cathedral Choir

 

http://www.youtube.com/watch?v=9y9yM53TowA&feature=related

 

Entrée dans le mystère des mystères, piano, pianissimo, comme l’entrée dans un lac en montagne, nu comme un ver, débarrassé de tout vêtement cachant notre condition d’homme. Le Christ s’offre à nous dans son infinie plénitude, couvrant de sa plénitude la surface de la terre, comme un voile transparent.

La partition fait appel parfois à deux voix de sopranes, à des accords à deux voix de ténors et de basses. L’harmonie est densifiée par des accords de seconde qui se fondent dans des harmonies classiques et apportent une coloration particulière et mystérieuse. Des accords de neuvième complètent la signature caractéristique de ce compositeur américain, Morten Lauridsen, contemporain, auteur de nombreux chants chorals.

N’en disons pas plus, et écoutons les paroles si simples de ce merveilleux chant. La musique est là pour nous faire pénétrer dans le grand mystère de l’incarnation.

O magnum mysterium
et admirabile sacramentum,
ut animalia viderent Dominum natum,
jacentem in præsepio.

Beata virgo, cujus viscera meruerunt
portare Dominum Christum, Alleluia!


Quel grand mystère et admirable sacrement,
que des animaux aient pu voir, couché dans une crèche, le Seigneur qui vient de naître !
Bienheureuse Vierge
dont les entrailles ont mérité de porter le Christ-Seigneur. Alleluia!

09/05/2012

Rumi, ballet de Maurice Bejart, musique de Kudsi Erguner

 

http://www.youtube.com/watch?v=enOmxQP6JWs


 

La flûte, comme l’appel du muezzin, et la lente marche des danseurs qui semblent sortir de la12-05-08 Danse soufie.jpg nuit, après une veille mystique. Nous assistons à une véritable purification, pour ne pas dire une initiation. « Il y a un rapport mystérieux entre le corps et l’âme, et ce qui purifie le corps, par les ablutions et les gestes physiques de la prière rituelle ainsi que par la prononciation des paroles sacrées, aide l’âme à se purifier de la rouille qui ternit le miroir du cœur (sourate LXXXIII, verset 14) et qui l’empêche de refléter la vérité. Ghazâli précise qu’il ne suffit pas que le miroir soit net, car il doit être convenablement orienté, pour pouvoir donner une image. »[1]

Les corps tourne autour de « l’œil intérieur, l’œil du cœur, qui lui permet de voir les réalités supra-sensibles et d’être éclairé par les lumières célestes d’abord, puis par la lumière divine. » [2] Mais atteindre cet œil intérieur nécessite de la discipline, de la purification. On les voit se plier à la reconnaissance de leur petitesse devant la munificence de Dieu. Le cercle est d’abord imparfait et il se forme en un instant, inattendu, après que chacun succombe à l’aspiration mystique. Alors les corps ne font plus qu’un seul corps, les âmes se rapprochent et se tournent vers la lumière divine. L’œil intérieur se forme et se déforme. Quoi de plus beau que cette marche en rond, simple, pure, débarrassée de toute obscurité. Le corps devient léger, il s’envole et les robes se font ailes, les bras s’élèvent vers le ciel, tendus vers plus haut que soi. Apaisé par la lumière divine, l’homme peut se reposer dans sa chaleur et laisser en lui circuler l’énergie de l’esprit.

Il ne reste plus que l’unique réel ; et le sens de sa parole : « Toute chose est périssable sauf sa Face » est devenu pour eux une expérience personnelle (dhawq) et un état vécu (hâl).[3] Cette expérience personnelle désigne à la fois une connaissance intime, une participation sensible et émotionnelle, qui apporte certitude et compétence.

 

Merci Maurice Béjard pour cette leçon de vie qui ne s’exprime que par le tournoiement des corps et qui finit comme les astres qui tournent autour de la lumière divine.

 


[1]Ghazâlî, Le Tabernacle des Lumières Michkât Al-Anwâr, traduit de l’arabe par Roger Deladrière, Seuil, 1981, p.21.

[2]Idem, p.28.

[3]Idem, p.94-95.

 

04/05/2012

The piano guys: Bach is back

 

http://www.youtube.com/watch?v=Ry4BzonlVlw&feature=fvst

 

Quelle féérie ! Un feu d’artifice, une marche triomphale et sans gêne qui s’affirme en se moquant des conventions, une sorte de pied de nez à tous les musicologues, aux doctes du classicisme, aux serrés des globes. Amusons-nous, chantons, dansons, dans la joie, la vigueur, jusqu’à faire péter les cordes des violoncelles !

Qui faut-il admirer ? Ce(s) musicien(s) échevelé(s), jouant de manière folle, tapant sur leur instrument pour en tirer les sons les plus insolites, mais harmonieux, ou  le compositeur, ce grand Bach, toujours d’actualité, toujours merveilleux quelle que soit la manière de le jouer.

« Une divine machine à coudre », disait Colette de sa musique. 

 

 

 

28/04/2012

J.S. Bach - Suite No. 2 pour violoncelle en ré mineur BWV 1008 - I. Prélude

 

http://www.youtube.com/watch?v=gNiHcxIzACs

 

 

L’autre jour, place des Vosges, j’ai rencontré un musicien solitaire qui jouait, seul, au bord du trottoir, les yeux fermés, perdu dans son rêve musical pendant que les passants glissaie12-04-21 Violoncelliste red.JPGnt autour de lui, presque sans le voir. Certains s’arrêtaient, puis repartaient très vite, comme soumis à une obligation impérative. Et le violoncelle continuait à jouer de sa voix grave, enjôleuse, encouragé par les mains du violoncelliste qui n’existait que pour mieux faire passer l’esprit de la musique dans l’âme du passant. Les sons se répercutaient sous les voûtes de la porte d’entrée sur la place, comme pour mettre en évidence la solennelle majesté du lieu et dire à tous qu’ici se trouve un bout de Paris différent. Mais peu importe aux gens qui passent, ils sont tellement occupés par leurs propres pensées qu’ils ne perçoivent pas la beauté du lieu et de la musique réunis.

 

Quel prélude ! Comme des vagues au bord d’une plage, par un temps froid, dans la solitude d’un coucher de soleil, lorsque, seul, vous contemplez l’immensité de la mer qui se résume au bruit de chaque vague qui vient frapper le rivage. Derrière ce bruissement rythmé, vous percevez l’âme des eaux et du ciel et vous vous retrouvez nu devant tant de beauté non dite, mais que vous ressentez dans votre corps autant que dans votre cœur.

La paix vous envahit et vous devenez un réceptacle sans pensée propre, ouvert à l’univers.

 

 

25/04/2012

L’esprit de la musique

 

Il y a trois manières de faire de la musique, celle du savoir, celle de la connaissance et celle de l’esprit, et ce, que l’on improvise ou que l’on interprète une œuvre.

La première est celle du technicien. C’est la route du savoir-faire, apprentissage long et difficile. Il s’agit de maîtriser la technique pour l’élever au rang d’art de l’interprétation. Il y a aussi des techniques d’improvisation, mais elles sont généralement personnelles après l’apprentissage des règles communes.

La deuxième manière est l’apanage des grands artistes, qui ont dépassé la technique et qui, par la connaissance de leur art, englobent dans une bulle l’ensemble des éléments d’une composition et en donnent leur version. Ils transforment leur interprétation en une composition personnelle qui suit cependant de très près ce que le compositeur a voulu faire entendre. Ces artistes, compositeurs ou interprètes, ravissent à la fois le corps, l’intelligence et le cœur.

La troisième manière n’est pas le fait de l’interprète ou du compositeur, mais un supplément d’âme apporté par un moment extraordinaire dans son jeu, la marque de l’esprit. C’est un sentiment de facilité, de bonheur intégral, de remplissage du cœur par une compréhension immédiate (deuxième manière) de l’œuvre, auquel s’ajoute le vide en soi de toute autre chose que ce qui est joué. Le musicien devient musique, devient la pièce interprétée. Il a effacé le décalage entre le compositeur et l’interprète et y ajoute un plus perceptible, mais indéfinissable qui est le seau de l’esprit. Cette possession de l’esprit est toujours un grand moment pour celui qui le vit. Il efface son savoir et sa connaissance et se laisse transpercer par un autre que lui-même. Alors il vit pleinement, transfiguré, montrant par là la beauté de l’homme, sa capacité à diffuser le nuage d’inconnaissance : 

« Ne t'inquiète point si ton intelligence ne peut appréhender ce rien, car assurément je ne l'en aime que mieux. Il est en lui-même si précieux qu'elle ne peut l'appréhender. Ce rien, on l'éprouve plutôt qu'on ne le voit car il est tout aveugle et pleine ténèbre pour ceux qui ne l'ont pas encore beaucoup contemplé...

Qui donc l'appelle "rien" ? C'est assurément notre homme extérieur, non l'intérieur. L'homme intérieur l'appelle "tout", car pour lui, il lui est donné de comprendre toute chose, corporelle ou spirituelle, sans en considérer aucune en particulier. » (Le nuage d’inconnaissance, anonyme anglais du XIVème  siècle).

 

 

20/04/2012

Musique et Islam

Ecoutons ce chant, si profondément différent de notre musique occidentale, mais qui remue l'être et lui permet, s'il se laisse faire, de sortir de lui-même ou d'entrer en lui-même, ce qui revient au même.

http://www.youtube.com/watch?v=UZYE1Kr1sTE&NR=1&feature=endscreen

 

Dans l'Islam, ce sont les soufis qui, peu à peu, en vertu de leur conception mystique, ont introduit la musique comme moyen d’ascension de l’âme vers la vérité suprême. Pour eux, la musique évoque non seulement l’unité primordiale – celle de la lumière innée encore contenue dans la nuit – mais aussi le souvenir de cette union.

Cette musique exige une transmission orale. En effet, chaque mode exprime un état particulier de l’être, un moment de la vie, est à la fois une expression de la nature et une expression philosophique. Essentiellement, un mode exprime un état intérieur, l’état de joie légère ou l’état de mélancolie. Les harmoniques des instruments ont un pouvoir de pénétration et conduisent à un état d’âme particulier. Cet état, ou hâl, possède des saveurs différentes selon les auditeurs. Par le hâl, commence un voyage qui est celui du monde imaginal, c’est-à-dire un lieu de l’être où la vision spirituelle est vécue telle une corporéité subtile. Le hâl est un état diffus et concentré en même temps où l’énergie de l’être, sa virilité, au sens de communion intense de soi avec la totalité, se perçoit et se laisse percevoir. « L’artiste en état de hâl jouit d’une extraordinaire facilité d’exécution. Sa sonorité change. La phrase musicale lui livre son secret. La création jaillit. Il semble que l’essence même de la musique se manifeste, délivrée des interférences habituelles de la personne humaine ».[1]

 

Profondeur de la vision soufie vis-à-vis de la musique, alors que, rappelons-le, il existe dans l’Islam une hostilité forte et traditionnelle envers ce qui est danse et musique, instruments choisis par les soufis pour atteindre l’extase. Cette hostilité vient des mollahs et de tous ceux qui entendent suivre les règles les plus strictes de l’orthodoxie.

Il n’empêche, l’Islam a sa musique sacrée, et comme pour les autres religions, celle-ci est une des portes vers la réalisation de soi.

 


 

[1]Le soufisme, la voie de l’unité (Doctrine et Méthode), L’Originel, 1980.

 

16/04/2012

Michel Portal & Bernard Lubat improvisent

 

http://www.youtube.com/watch?v=8HV1rYH0B7Y&feature=re...


Cela commence en farce, une inspiration d'un autre monde, des résonances et des bruits qui progressivement prennent forme. Et brusquement, la construction d'un ensemble dont on ne sait ce qu'il va devenir. Cela éclate, comme la naissance d'une fleur, la mise en valeur de sa robe, de ses couleurs, de la diversité de son intimité. C'est une course échevelée, mais harmonieuse, martelée par le piano.

Retour au calme, accords dissonants, trilles complexes, jeu de mains, un amusement somptueux de sons, de silences, de cris pourrait-on dire. Et pourtant, c'est beau, c'est mystérieux, cela donne la chair de poule, on marche sur des oeufs. Nous voici dans la chambre des soupirs, des murmures, des insinuations, des mots doux parfois. Et cela enfle, grossit très vite en cris incontrôlés, comme dans une bacchanale infernale avant de redevenir un langage entre analphabètes, puis une nouvelle course dans une foule immense. Arrêt, recherche, fin. Où est le début, où est la fin ? On ne sait, mais l'on reste émerveillé devant cet art des sons qui passent du bruit à la musique sans à coup, l'incorporant dans un schéma d'improvisation insolite, mais très prenant.

Le fil directeur : mystère et danse des sonorités. Quel enchantement et dépaysement !

 

 

05/04/2012

Alessandro Striggio: Missa sopra "Ecco si Beato Giorno"

 

Le contre-ténor Dominique Visse, le chef d'orchestre Hervé Niquet et l'ensemble du Concert Spirituel redonnent vie à l'oeuvre d'Alessandro Striggio «Missa sopra ecco si beato giorno», sommet de l'art du contrepoint prébaroque, jamais donnée en concert en France depuis 1566.

http://www.youtube.com/watch?v=6OppWKYl_Ak&feature=relmfu

 

Le 21 août 1561, le compositeur Alessandro Striggio, au service de la cour de Florence, écrit au duc de Mantoue, Guillaume Gonzague : « Je viens juste de composer une musique à 40 voix sur des paroles écrites en l’honneur de votre mariage. Une telle chose pour un si grand nombre n’a jamais été entendue jusqu’à aujourd’hui ».

Cette œuvre a été enfouie pendant plus de quatre siècles dans les archives de la bibliothèque Nationale de France.

 

Après avoir écouté la magnifique interprétation du Concert Spirituel, regardez, si le cœur vous en dit, le film diffusé par France 2 le mardi 3 avril sur l’aventure de sa reconstitution :

http://www.pluzz.fr/au-clair-de-la-lune-2012-04-03-00h35.html

 

Une véritable forêt musicale ! Chaque arbre en cache un autre, chaque voix laisse percevoir une autre voix qui apporte elle-même une densité émouvante à l’ensemble de la texture du chant. Certains vous diront que c’est ennuyeux au possible. Oui, cela peut confiner à l’endormissement, mais quel merveilleux rêve il fait faire, aux portes du ciel, dans la cathédrale des sons et des silences divins.

 

 

29/03/2012

Etude N°5 pour piano, dite Toccata, d'Unsuk Chin, joué par Mei Yi Foo

 

http://www.youtube.com/watch?v=9vqiq81TVw4&feature=related

 

Impression : nous sommes dans un grenier, dehors, il fait frais et il pleut. Peu à peu, les ardoises du toit, disjointes, laissent tomber des gouttes d’eau sur le parquet, en plusieurs endroits. Cela commence doucement. Mais très vite, la pluie étant violente, cela devient une véritable fuite qui s’écoule sur le parquet, entraînant la poussière. Tout cela se fait non pas dans l’obscurité, mais sous un soleil qui contredit le fait de l’ondée. Il fait danser la poussière, en fait naître des étincelles d’argent, et l’eau s’écoule toujours du toit en bouillonnement. Deux cascades qui se répondent, s’épaulent, font preuve d’audace, l’une permanente, jouée par la main droite, l’autre plus faible, mais aux gouttes plus virulentes, jouée par la main gauche.

La beauté de l’étude tient à cet équilibre constant entre les deux mains, la main droite, contrairement à l’habitude, apporte l’accompagnement, la main gauche jouant la voix de soliste, tantôt au dessus de l’accompagnement, tantôt au dessous. Mais peut-on réellement parler de voix soliste ? Ce sont des éclatements de sons, parfaitement rythmés avec l’accompagnement, qui tournent autour du Sol, s’en éloignent, y reviennent. Et tout cela donne une musique sereine, quasi diaphane, peut-être en raison de l’absence d’accords. Tout est dans la succession des notes et le rythme propre des deux mains. In fine, tout cela se fond dans un ruisseau de sons qui s'écoulent en toute liberté.

Il faut reconnaître que Mei Yi Foo joue de manière exceptionnelle, avec une sensibilité qui n’est surement pas évidente pour ce style de musique pianistique. Avouons également que la composition d’Unsuk Chin est très difficile à jouer. Alors quel bonheur de constater ce mariage entre l’art de la composition et l’élégance du jeu. Pas d’harmonie, peu d’euphonie (beauté de la mélodie, au sens classique du terme), mais une maîtrise de l’eurythmie (qualité des sons successivement émis, considérés comme agréables à entendre), celle-ci s’entendant comme la beauté qui résulte de la combinaison harmonieuse des sons, des lignes, des mouvements. D’une manière plus générale, elle désigne la beauté des proportions, du rapport des parties entre elles et avec l'ensemble.

 

 

Unsuk Chin, née en 1961 à Séoul, est une compositrice sud-coréenne de musique classique européenne, qui vit à Berlin. Elle a étudié la composition à l'université nationale de Séoul avec Sukhi Kang, puis à Hambourg avec György Ligeti ; l'enseignement de celui-ci a fortement contribué à la définition de son propre style, beaucoup plus que l'influence coréenne qu'elle nie. Alors qu'elle était encore étudiante auprès de Ligeti, elle reçut en 1985 l'International Gaudeamus Competition for Composers. Elle emploie des instruments traditionnels aussi bien qu'électroniques dans ses œuvres. Selon ses propres mots, "la virtuosité [la] fascine".

From Wikipédia : http://fr.wikipedia.org/wiki/Unsuk_Chin

 

 

23/03/2012

Agnus Dei de Samuel Barber, The Choir of New College, Oxford, Direction Edward Higginbottom.

 

http://www.youtube.com/watch?v=TFJ4hN7vxWo

 

Bien qu’originellement  cette pièce fût écrite pour orchestre, elle n’en est pas moins profondément spirituelle. Et elle le reste jusqu’à la fin. Une première note soutenue, puis un accompagnement sur une seule note, et une lente montée de trois notes, qui se répète deux fois ensuite en repartant de la note du milieu. Une merveilleuse montée vers le ciel qui se suspend dans un silence avant de reprendre dans un mouvement quasi descendant, puis qui ondule comme une vague. Oui, nous pouvons supplier Dieu, mais déjà il nous répond dans ce mouvement lent et majestueux. On s’envole, le nez au vent, dans les nuages de la vie, les contournant, les ensorcelant, pour une lente montée de l’être vers la lumière.

Et le thème reprend, avec une envolée plus impressionnante vers l’altitude, comme un cri de détresse, mais sans rancœur. Les hommes reprennent le thème des trois notes, les voix féminines accompagnent cette nouvelle version, la bercent, jusqu’à ce qu’elles reprennent le dessus, dans un entremêlement des voix au rythme toujours serein, mais plus poignant. Un temps de silence et la relance dans la sérénité après une brève introduction, les voix de femmes reprennent le thème des trois notes et les voix d’hommes magnifient la montée puissante vers les cieux pour finirent, ensemble, dans un calme absolu.

C’est une promenade du cœur vers son origine, dans la paix, dans une confiance illimitée, dans une harmonie sereine. Quel chant merveilleux et reposant. On se laisserait endormir. Oui, c’est vrai, il ne correspond pas vraiment à l’esprit d’un Agnus Dei. Il est trop près du ciel, trop emprunt déjà les félicités entrevues, alors que l’Agnus est une supplication, un grincement de dents devant les difficultés de la vie et la faiblesse de l’homme face au monde. On peut comprendre cette ambivalence. Le thème n’a pas été écrit directement pour un chœur dans l’esprit d’un chant liturgique. Il a d’abord été annoncé dans le second mouvement de son quatuor à cordes en si mineur, puis arrangé pour orchestre à cordes sous le nom d’Adagio for strings, sur une suggestion d’Arturo Toscanini. Ce fut un succès considérable qui ne doit cependant pas occulter le reste de l’œuvre de Samuel Barber.

 

L’interprétation pour orchestre de Rostropovitch, bien que l’enregistrement ne soit pas au top, est magnifique :

http://www.youtube.com/watch?v=iFAOamuXfUE&feature=related

 

Il ya aussi une version, sans doute un peu plus mièvre, mais également très belle, plus ensorcelante par son calme expressif et sa douce quiétude. Mais on ne sait qui la joue :

http://www.youtube.com/watch?v=GNLtvAcQMIk&feature=related

 

Cette pièce est à rapprocher du quatrième mouvement « Adagietto » de la symphonie N°5 de Gustav Mahler : même calme, même envolée, au moins pendant la première partie du mouvement.

 

 

12/03/2012

Le plein du vide, composition musicale de Xu Yi (1997)

 

http://www.youtube.com/watch?v=-kpIxptSdm0

 

C’est un voyage dans le continuum espace-temps d’Einstein. On y flotte, sans repère, à la dérive, dans un ensemble inconnu. Où se trouve-t-on ? Qu’entend-on ? Perte de la réalité, le noir, le vide, comme un manque d’espace, ou plutôt un trop d’espace vide, sans rien qui le limite.

 

Nous sommes partis, le tambour l’affirme.
Alarme ! Les trompettes...
Frottement du véhicule dans l’espace
Puis, plus rien. Ah, si !
Qu’est-ce ? Une ombre de sons,
Un délicat enchantement des nerfs,
Une attente exacerbée d’un accord
Qui arrive parfois, au détour d’une absence.
Montée des insectes qui piétinent
Dans le sable qui crisse sous les pas.
Quelques bulles éclatent, irisées,
A deux encablures de votre corps.
Vous restez impassible, engourdi.
Appel des bambous cognés,
Des bonbonnes résonnantes,
Des serpentins de clarinettes,
Et montée en puissance
De voix obscures et diffuses
Dans la forêt de bruits atténués
Par l’espace, l’espace, l’espace…
Le temps n’a plus de prise,
Il fuit, écrasé de sons, d’éclatements ;
Il se réfugie sous la couverture
Du crâne qui résonne intensément.
Silence ! Pénétration du vide
Dans la calotte cervicale
Comme un glaçon glissant
Entre les neurones atones.
Le temps s’allonge, s’allonge,
Prend de l’espace, loin, très loin.
Pas de final, l’arrêt du son
Est-il un signal de finition ?
Vous vous complaisez
 Dans cet univers insolite
Inimaginable, empli de pièges.
Vous vous sentez projeté
Par les explosions,
Les insinuations,
Les appels d’on ne sait où !
Et si vous vous laissez aller,
Vous sombrez dans l’absence,
Vous rétractez votre personne
Jusqu’à ne plus contenir
Qu’un vide nourrissant.
Quelle perspective !

 

 

« Xu Yi est née à Nankin, en Chine, peu avant la Révolution culturelle. À l'âge de six ans, elle doit suivre sa mère envoyée à la campagne dans une ferme de rééducation ; là, elle commence l'apprentissage du violon chinois (voir article du 16 septembre 2011 sur l’erhu). Elle entre au conservatoire de Shanghai où elle poursuit cet apprentissage, puis, à l'âge de dix-sept ans, elle intègre la classe de composition. Elle obtient une bourse d'étude pour venir en France. À son arrivée, en 1988, elle suit le cursus de Composition et informatique musicale de l'Ircam (1990-1991). Elle entre au Conservatoire national supérieur de musique (CNSM) de Paris où elle étudie avec Gérard Grisey et Ivo Malec, et obtient un premier prix de composition en 1994. Elle vit actuellement à Pékin. »(Jean-Luc Idray)

 Il semble que, chez Xu Yi, le temps soit davantage psychologique que chronologique : c'est la densité des sons-évènements qui produit la perception du temps. En fait, entre dynamisme et immobilisme, c'est une conception circulaire du temps que l'œuvre reflète. Xu Yi n'envisage pas un temps musical T qui se référencerait suivant le schéma habituel du Chronos, soit un temps linéaire allant du passé à l’avenir, tel que le conçoit l’occidental dans sa vision matérialiste et mesurable du temps. Xu Yi envisage plutôt un temps unique par nature et qui se redéfinit en permanence en puisant en lui-même son évolution. Il s’agit d'un temps circulaire en mouvement, en perpétuelle « inventivité » et non d’un temps circulaire statique. Xu-Yi redéfinit le temps par rapport au non-temps, mêlant le yin et le yang dans une recherche sonore complexe. Le temps dans sa musique s’étire, forme un équilibre qui traduit l’harmonie universelle, un juste milieu entre le son et le silence, la lumière et l’obscurité, le vide et le plein.

 

Ceux qui désirent approfondir ce style de musique pourront lire utilement le contenu du site :

http://www2.cndp.fr/secondaire/bacmusique/xuyi/musique_temps.htm

 

 

29/02/2012

L’art et le beau

 

« On prouve tout ce qu’on veut, et la vrai difficulté est de savoir ce que l’on veut prouver. » Ainsi parle Alain dans son « Avant-propos du Système des beaux-arts », écrit en 1926 et qui n’a pas perdu de pertinence. Il poursuit : « Le choix est tout fait, et inébranlable, et ce qu’on voudrait prouver, à savoir que l’œuvre est belle, est affirmé sans aucun doute par l’œuvre elle-même. »

C’est pourquoi l’art, à l’inverse des mathématiques, n’a pas de point de vue universel et les appréciations que l’on y porte, ne sont que le reflet de la pensée d’un seul, parfois partagées par un certain nombre d’autres humains.

Cependant, ne l’oublions pas, le goût pour l’art, et donc l’intérêt que l’on y porte, est également affaire d’éducation. Mais jusqu’à un certain point seulement. Apprendre à apprécier une œuvre et l’apprécier réellement est différent. Disons plutôt que l’on apprend pourquoi l’on apprécie telle œuvre plutôt que telle autre, on apprend à en goûter la vision d’ensemble et chacun des détails, mais au fond de nous, en dehors des modes et de l’influence des autres, on sent instinctivement ce qui nous plaît ou ne nous plaît pas. On baptisera chef d’œuvre ce que d’autres considèrent comme sans valeur esthétique, voire médiocre. Alors l’art serait-il simplement affaire de goût ?

Eh bien, là aussi, nous sommes sur la corde raide des sommets, avec, à droite et à gauche, la pente qui conduit à deux lieux opposés. Mais c’est bien cette fine limite, qui est le juste milieu, qui détient la vérité. Rien n’est blanc ou noir, tout est nuance et non pas gris. Et ces nuances sont la couleur de la vie et du monde.

On rejoint là un autre auteur, Maurice Nédoncelle, avec son livre « Introduction à l’esthétique », aux presses universitaires de France en 1963. Que nous dit-il ? L’esthéticien est le philosophe de l’art : il cherche à en éclairer la nature, à en décrire l’origine, les espèces, la finalité ; il essaie d’en discerner les rapports avec le beau, il analyse le mystère de la beauté même. Mais il ajoute aussitôt après : On peut se demander, il est vrai, si une telle réflexion est utile et ne se résout pas en verbiage… Nous pouvons nous familiariser avec le beau, nous ne pouvons le définir, il est aussi réel et indéfinissable qu’une personne vivante. Et c’est bien en cela que telle œuvre d’art fascine certains et pas d’autres, parce qu’elle ne correspond pas à sa façon d’appréhender la vie.

En réalité, l’œuvre d’art nous plaît parce qu’elle rencontre en nous une aspiration, une élévation de l’âme dont nous avons besoin pour vivre. Or, parce que chaque homme est unique, nous avons tous des voies différentes pour arriver à notre réalisation. L’œuvre d’art reflète plus ou moins ces voies et nous entraîne vers le haut selon que la beauté que l’on y trouve correspond à la voie qui nous permettra de nous élever. Mais alors, me direz-vous, l’œuvre d’art n’a pas de valeur universelle ? Si, elle en a bien, car cette élévation, cette aspiration se rejoint bien en un point, que certains appellent Dieu, quel que soit celui-ci, que d’autres appellent principe universel, et qui possède mille noms selon la pensée de chacun. Au-delà du Big bang, cette lumière qui éclaire le Tout, constitue notre ultime réalisation. Elle est sans nom  et l’on comprend que dans certaines religions on ne nomme pas Dieu (le judaïsme n’accorde que des attributs à YHWH), on ne représente pas Dieu (l’Islam a ainsi développé un art géométrique fascinant et impressionnant faute de pouvoir développer des images), voire même l’idée d’un dieu supérieur n’existe pas (le bouddhisme est une religion sans Dieu).

Pour revenir à notre vision de l’art, et donc à notre idée du beau, il semble que celui-ci a donc un rôle très particulier. Par l’attirance irrévocable que certaines œuvres possèdent, et qui est différente selon les personnes, l’art est une aide précieuse et un moyen sûr pour conduire à sa propre découverte, au-delà d’un moi imprégné de contexte, environnement, histoire, géographie, société et même mathématique, la science la plus universelle.

 

 

11/02/2012

Concert en l’église Saint Vincent de Paul

 

Concert dans notre église, bien sûr que l’on y va !

Un véritable orchestre, un chœur fourni, des solistes émouvants, tout cela dans une église du XIXème siècle, consacrée à Saint Vincent de Paul.

 

Saint Vincent de Paul 1.jpg

 

 

Evoquant plus une basilique qu’une église paroissiale, elle emprunte à toutes les architectures religieuses sans cependant en adopter aucune. Avec un portique grec donnant sur la place Franz Liszt, surmonté d’un fronton représentant la glorification de Saint Vincent de Paul, elle contient de part et d’autre de la nef quelques deux cent personnages exécutés par Hippolyte Flandrin et une magnifique charpente polychromée

 

Dominus regnavit et In exitu Israel, motets de Jean-Joseph Cassanéa de Mondonville (1711-1772)

http://www.musicologie.org/Biographies/mondonville.html

(Vous y trouverez des extraits de ces deux œuvres)

 

Sans connaître le psaume 92, vous êtes immédiatement pris par sa description chantée d’une tempête qui s’accorde avec les paroles :

Les fleuves ont élevé leurs flots par l’abondance

Des eaux qui retentissaient avec grand bruit,

Les soulèvements de la mer sont admirables,

Mais le Seigneur qui est dans les cieux est encore plus admirable.

 

En voici un extrait, ce n’est malheureusement pas le mouvement de la Tempête, mais je ne l’ai pas trouvé sur Internet. Il s’agit de l’entrée dans le psaume, avec le Domine regnavit, petite phrase répétée jusqu’à former une véritable pièce avec toute la magnificence du siècle des lumières. Puis le petit chœur des solistes vous élève dans un calme contrastant avec la fureur préalable. Vous reposez dans la paix toute masculine des voix d’hommes, puis dans la grâce aérienne des deux voix de femmes.

Ecoutez également des extraits du motet In exitu Israel. On se laisse vite prendre par l’harmonieux accompagnement par l’orchestre de la soliste qui forme un duo inédit et enjoué.

 

Tranfige dulcissime Jesu, motet de Marc-Antoine Charpentier (1643-1704) :

http://www.mp3ye.eu/1252226_marc-antoine-charpentier-da-ut-anima-mea-extrait-de-transfige-dulcissime-jesu-h-251-mp3-download.html

 

Ce motet, plus ancien, contient un petit chœur qui commence très classiquement en laissant les solistes masculins s’exprimer en réponses successives, puis en duo homme-femme très tendre, presque sensuel, bref, mais plein de rondeurs. C’est une lente montée vers les cieux ou vers une intériorisation avant le bouleversement émouvant de la rencontre divine.   

Elle se manifeste par un passage assez extraordinaire, avec changement de rythme fréquent d’un contrepoint serré qui se termine dans un retour au calme très harmonieux dans un enchaînement interrogatif de l’ensemble des voix jusqu’au final qui vous fond dans une béatitude bienfaisante.

 

08/02/2012

Méditation sur le temps et la musique

(suite et fin de la première partie publiée le 6 février) 

 

Tentons d’analyser l’importance du temps dans la musique. S’il est évident que la musique se construit dans le temps, comment s’y prend-elle ?

Le fondement de la musique est la mélodie, ce que vous sifflez lorsque vous êtes heureux (ou malheureux). C’est une phrase musicale, faite de successions de notes à intervalles, hauteurs et durées variables, tournant généralement autour d’une dominante et se terminant sur une finale. La mélodie utilise la diachronie, soit le temps en tant que succession d’instants, construction équilibrée avec un commencement, un développement et une fin. Cette mélodie peut ensuite constituer une pièce en étant réutilisée par imitation (rétrograde, inversée, etc.) ou encore mise en opposition avec une autre pièce constituant, par exemple, un refrain et des couplets.

Deux autres fondements furent ajoutés à la mélodie. Au Moyen-âge, fut inventée l’harmonie. Celle-ci fait appel à la synchronie, c’est-à-dire à la juxtaposition des notes en un même instant. Elle commença par l’accord de quinte ou de quarte, puis de trois sons et se densifia par des accords de quatre notes et même beaucoup plus dans les pièces d’orchestre. Des règles d’harmonie furent édifiées, évolutives elle-même dans le temps, selon l’oreille musicale de l’époque. Enfin, le contrepoint est la superposition, en synchronie et diachronie, de plusieurs mélodies.

Cependant, à ces trois fondements s’ajoute un impératif également fondamental, la manière de décliner le déroulement du temps, c’est-à-dire :

.   La mesure : C’est la dimension mathématique et intelligible.

.   Le tempo : C’est l’allure d’exécution d’une œuvre musicale. Le tempo peut varier au cours d'un même morceau. Il lui arrive parfois même d'être purement et simplement suspendu (point d'orgue, récitatif, etc.).

.   Le rythme : C’est l’ordre du temps, fait d’élan et de repos, de temps forts et de temps faibles, de tensions et de détentes. Dans le rythme, comme dans la mélodie et comme dans la conscience, continuité et discontinuité se combinent.

Mesure et rythme sont nécessaires l'un et l'autre et l'un à l'autre, mais la musique ne devient vivante que grâce au rythme. A la rigidité de la mesure métronomique s'oppose le jeu du rythme qui varie, contredit les prédictions, suscite une activité toujours neuve. Comme l’explique Gisèle Brelet (Le temps musical ; P.U.F. 1952) : "Et précisément le devoir de l'exécutant est de retrouver le rythme par delà la mesure, l'être par delà le phénomène et la réalité vivante par delà l'intelligibilité schématique. »

 

Mais si l’on regarde l’expérience concrète et personnelle de la musique, on constate qu’elle est avant tout mémoire. C’est la répétition de la mélodie, l’agencement de l’harmonie et ses variations, l’entrée en jeu d’un contrepoint varié, le rythme donné, qui fait que cette pièce nous plaît. La mémoire n’est pas seulement liée au passé. Elle s’invente dans le futur, elle anticipe ce qui n’a pas encore été joué. Grâce à la construction intelligente et organisée de la musique dans un temps psychologique tel que Saint Augustin l’a décrit, naît une autre temporalité, une conception du temps réversible, basé sur le souvenir et l'anticipation.

 

 

06/02/2012

Méditation sur le temps (et la musique), première partie

 

 

Voici ce que dit Saint Augustin sur le temps, dans ses Confessions :

 « Ce mot, quand nous le prononçons, nous en avons, à coup sûr, l’intelligence et de même quand nous l’entendons prononcer par d’autres. Qu'est-ce donc que le temps ?   Si personne ne m'interroge, je le sais ; si je veux répondre à cette demande, je l'ignore. »

On ne peut décrire le temps que par analogie, en particulier avec le mouvement, donc l’espace. D’après Aristote, le temps est le nombre du mouvement selon l’antérieur et le postérieur. A contrario, le temps semble ne plus faire sens quand l’idée de mouvement disparaît, car le temps suppose la variation. Ainsi, la perception du temps est liée à la mémoire. Saint Augustin dit que le temps n’est que dans la mesure où il est présent. Le présent du passé, c’est la mémoire ; le présent de l’avenir, c’est l’attente (ou l’action en vue de…) ; le présent du présent, c’est la perception.

Lisons ce très beau passage de Milan Kundera dans La plaisanterie (1967, début du chap.6) lorsque le héros du livre est rejeté du parti communiste et envoyé en dépersonnalisation : « … brisé, en un mot, tout le cours, chargé de sens, de la vie. Il ne me restait plus que le temps. Celui-ci, en revanche, j’appris à le connaître intimement comme jamais auparavant. Ce n’était plus ce temps qui naguère m’était familier, métamorphosé en travail, en amour, en toutes sortes d’efforts possibles, un temps que j’acceptais distraitement, car il était lui-même discret, s’effaçant avec délicatesse derrière mes activités. Maintenant il venait à moi dévêtu, tel quel, sous son apparence originelle et vraie, et il me forçait à le désigner de son véritable nom (puisque à présent je vivais le temps pur, un temps purement vide), pour que je n’oublie pas un seul instant, pour que je pense perpétuellement à lui, pour que j’éprouve sans cesse son poids.

Lorsqu’une musique se fait entendre, nous enregistrons la mélodie, oubliant  que ce n’est là qu’un des modes du temps; l’orchestre se tait-il, nous entendons le temps; le temps en lui-même. »

 

Cette dernière remarque est intéressante. Le temps est en effet au musicien ce que l’espace est au peintre. Stravinsky ne disait-il pas : « La musique est un art du temps. Elle naît d’une organisation du temps. » Michel Cornu, philosophe explique : « Loin donc de partir d'une théorie du temps et d'essayer d'y faire entrer la musique, il faut partir de la musique, car c'est elle qui a le plus de chance de nous faire comprendre ce qu'est le temps. »

Et Stravinsky d’ajouter (Chronique de ma vie) : « La musique est le seul domaine où l'homme réalise son présent. Par l'imperfection de sa nature, l'homme est voué à subir l'écoulement du temps - de ses catégories de passé et d'avenir- sans jamais pouvoir rendre réelle donc stable, celle de présent... Le phénomène de la musique nous est donné à la seule fin d'instituer un ordre dans les choses, y compris et surtout un ordre entre l'homme et le temps. Pour être réalisé, il exige donc nécessairement et uniquement une construction. La construction faite, l'ordre atteint, tout est dit... »

 

27/01/2012

Les chemins de l’amour, de Francis Poulenc

 

Le poème Léocadia, de Jean Anouilh, a été mis en musique par Francis Poulenc. 

 

Ecoutons-le d’abord chanté par Jessye Norman :

http://www.youtube.com/watch?v=ueD33sF3be8&feature=endscreen&NR=1

 

Les chemins qui vont a la mer
Ont garde de notre passage
Des fleurs effeuillées et l'écho sous leurs arbres
de nos deux rires clairs
Hélas, des jours de bonheur
Radieuses joies envolées
Je vais sans retrouver traces dans mon cœur

Chemins de mon amour
Je vous cherche toujours
Chemins perdus, vous n'êtes plus
Et vos échos sont sourds
Chemins du désespoir
Chemins du souvenir
Chemins du premier jour
Divins chemins d'amour

Si je dois l'oublier un jour
La vie effaçant toute chose
Je veux dans mon cœur qu'un souvenir repose
plus fort que notre amour
Le souvenir du chemin
Ou tremblante et toute éperdue
Un jour j'ai senti sur moi bruler tes mains

Chemins de mon amour
Je vous cherche toujours
Chemins perdus, vous n'êtes plus
Et vos échos sont sourds
Chemins du désespoir
Chemins du souvenir
Chemins du premier jour
Divins chemins d'amour

 

Oui, c’est vrai, c’est un style un peu usé, voire pompier, mais c’est tellement bien chanté que progressivement on se laisse ensorceler.

 

Et maintenant écoutons l’improvisation de Jacky Terrasson.

http://www.youtube.com/watch?v=FYbfRZnY0mg

 

C'est une véritable ballade, voire une méditation. Elle débute sur un rythme lent joué sur une note, au pouce de la main droite avec des accords qui vont permettre d’entrer dans la mélodie de Poulenc. Celle-ci s’infiltre dans cette méditation, doucement, tendrement. On entrevoit la valse lente prudemment introduite, qui se dilue dans des rythmes de jazz, mais est bien présente, en style syncopé. Retour au rythme initial, à la ballade, au rêve. Vous repartez dans un autre monde, bousculé par les changements de cadence, mais gardant toujours en arrière plan la mélodie.

Quelle improvisation ! On pourrait presque dire quelle modernisation de la mélodie. Elle reste à arrière plan, mais elle est entourée d’un nouveau charme, actualisée par ce style cher à Jacky Terrasson.

 

 

23/01/2012

Un récital pas comme les autres.

 

Les Marx Brothers : piano récital 2

http://www.dailymotion.com/video/xlvpb_marx-brothers-piano-recital-2_fun

 

Quelques minutes extraordinaires de personnes hors du commun.

En fait, les Marx étaient cinq frères et leur mère, Minnie Marx, « issue du monde du spectacle, prend très tôt en main l'éducation artistique de ses enfants, encouragés, très jeunes, à développer divers talents : le théâtre, la musique, la danse, et tout particulièrement le chant. Chico devient un excellent pianiste, tandis que Harpo se consacre à l'instrument qui lui donnera son nom de scène : la harpe. Groucho s'exerce à la guitare, mais il commence par être chanteur soliste, domaine dans lequel ses compétences lui valent d'être le premier de la famille à monter sur les planches. Gummo et Zeppo, quand ils accompagnent leurs frères, sont également de bons chanteurs. Les talents musicaux des frères Marx seront un atout très exploité dans leurs futurs films. » (From Wikipédia)

 

Admirons ces artistes qui savent faire rire en utilisant des talents qui, normalement, ne prêtent pas à s’esclaffer. Certes ce n’est pas de la musique de hautes qualité, mais ce n’est pas le but : il s’agit de rire. Mais faire rire ainsi suppose de grands talents, même en musique.

 

 

07/01/2012

Modes majeur et mineur

 

Quelqu’un, bien intentionné, m’a l’autre jour demandé d’expliquer ce qu'étaient, pour la musique classique, les modes mineur et majeur, au-delà de l’explication simpliste (à caractère triste ou joyeux), sans entrer dans des explications de physique acoustique que l’interlocuteur, lassé d'une laborieuse explication technique, abrégerait par un désintérêt progressif.

Question apparemment simple. Mais dès l’instant où vous commencez à y réfléchir, vous éprouvez une réelle difficulté à trouver une explication juste. Comment les définir ?

L’idée m’est venue de remonter avant l’élaboration de la musique classique, c’est-à-dire la période précédant la Renaissance. Le début d’une musique polyphonique, c’est-à-dire à plusieurs voix, est la construction d’un contre-chant, en introduisant une deuxième voix, parallèle à la première. C’est ce qu’on appelait, au Moyen Âge, organum (du grec organom : orgue), voix d’accompagnement. Le cantus pouvait être accompagné par la voix organale en quintes inférieures parallèles ou en quarte parallèles en introduisant des intervalles plus petits pour éviter la dissonance de triton (intervalle de quarte augmentée ou de quinte diminuée).

Lorsque l’on inventa une troisième voix, on commença à utiliser l’accord de tierce pour compléter la deuxième voix chantée le plus souvent en quinte, avec deux possibilités naturelles, selon le mode dans lequel on se trouvait : mode de Do, à la tierce majeure (Mi), ou mode de La à la tierce mineure (diminuée d’un demi-ton par rapport à la tierce majeure, soit, en mode de Do un mi bémol).

Entrent alors les notions de dissonance et de consonance. Qu’est-ce qu’une consonance ? Elle marque, derrière la tension d’une dissonance, l’aboutissement d’une détente. L’esprit se sent reposé par la consonance qui succède à une ou plusieurs dissonances. Les musicologues distinguent la consonance parfaite (octave et quinte), la consonance mixte (quarte) et la consonance imparfaite sixte et tierce, pouvant toutes les deux être majeure ou mineure. Ceci est vrai pour les accords de deux notes, mais qu’en est-il pour les accords de trois notes ?

Si vous écoutez vous-même, en dehors de toute théorie musicale, vous ne percevez pas de la même manière l’accord basique de trois notes (Do, Mi, Sol) si le Mi est majeur ou mineur (Mi bémol). Dans les deux cas, la consonance parfaite (Do, Sol) est complétée par une tierce apportant une consonance imparfaite d’après la théorie. En réalité, à l’écoute, la tierce majeure apporte une consonance quasi parfaite alors que la tierce mineure laisse entendre une consonance plus imparfaite.

Ainsi, malgré tout, la question de l’intervalle joue, puisque dans un cas il est deux tons entiers (majeur) alors que dans l’autre, il est d’un ton et un demi-ton. Mais, à mon avis, ce n’est pas cela qui fait la différence. La différence est dans l’écoute et non dans la théorie quasi mathématique des intervalles. Dans les deux cas, ces deux accords, majeur ou mineur, apportent une plénitude, c’est-à-dire un contentement de l’être qui se sent bien en lui-même, après l’audition d’accords imparfaits ou dissonants. C’est un relâchement de l’attention qui détend l’oreille et donc le corps et ne demande qu’à être prolongé. Mais la qualité de ce relâchement est différente selon qu’elle se joue en majeur ou en mineur.

L’accord majeur vous élève vers le haut, vous appelant à la joie et la liberté, à une légèreté qui transcende. Il vous permet de vous échapper de votre condition physique par la perception d’un grand frisson, celui de l’esprit. L’accord mineur, inversement, vous fait descendre dans votre origine physique et vous amène à un retour aux fondamentaux, la terre, la mère, la naissance, le nombril. Il vous conduit à une perception de l’immanence du divin alors que le majeur vous conduit à une perception de sa transcendance. Le majeur est masculin dans sa tension élévatrice. Le mineur est féminin dans son accueil protecteur. Les deux modes sont donc indispensables à l’Humain, ils sont, tous les deux, finitude, mais d’une manière différente.

En reprenant certaines traditions, on peut penser que les modes majeur et mineur sont à l’image du Yang et du Ying, les deux aspects de tout ce qui est manifesté. Ils s’opposent et se complètent dans une danse perpétuelle. Le Yang tend à être plus dynamique, séparateur, actif et masculin. Le Ying tend à être plus stable, structurant, passif et féminin. On pourrait également dire que le majeur est la vision verticale de l’univers, symbolisée par l’arbre qui dresse ses bras vers le ciel, ou la montagne que l’homme doit escalader pour s’accomplir. Inversement, le mineur est sa vision horizontale, symbolisée par l’eau à la surface d’un lac ou la terre, retournée par la charrue.

L’accomplissement humain participe des deux perceptions. Selon votre état d’être dans la durée (votre sexe et votre caractère) ou du moment (le contexte), vous choisirez l’écoute d’une pièce en tonalité majeure ou mineure, parce qu’elle vous convient le mieux à cet instant. Il faudra, dans tous les cas, assimiler les deux. La musique facilite cet accomplissement en favorisant la perception de l’immanence et de la transcendance.

C’est en cela que la musique classique est une école du juste milieu. Elle ne choisit pas, elle n'impose pas. Elle donne à ressentir, penser, vivre, sans contrainte entre l’un ou l’autre mode d'accomplissement. Il appartient à l'auditeur d'accorder son choix à son état d'être. Mais attention, se laisser envahir par un seul mode ne peut conduire à la réalisation personnelle. Seule l'expérience de la plénitude des deux modes, majeur et mineur, conduit à cette réalisation.

 

 Ecoutez, en sol mineur, l'adagio d'Albinoni :

http://www.youtube.com/watch?v=1AHRDRp_4zY 

 Ecoutez, toujours en sol, mais majeur, de Johann Bernhard BACH, des extraits d'une Suite :

http://www.youtube.com/watch?v=X65eGKylnvM 

 

 

30/12/2011

La diphonie, voix de l’outre terre

 

La diphonie est l’émission simultanée de deux sons différents. Le chant diphonique émet un son fondamental, de hauteur constante, et un son harmonique que le chanteur fait varier.

 http://www.youtube.com/watch?v=qNFSB4PnVPI&feature=related

 

Voix extra-terrestre semble-t-il qui vous projette dans l’univers sans rapportmusique, chanson, chant avec les sons habituels produits par la voix. Est-ce du chant, est-ce une technique, est-ce un concours de souffle, est-ce une farce ? C’est beau, mais d’une beauté incompréhensible. C’est harmonieux, mais l’harmonie reste factice ; C’est mystérieux comme une grotte mi-marine, mi-terrestre dans laquelle les flots créent des sons inhabituels. Est-ce de la musique, sont-ce des bruits ? Tout dépend de l’art du chanteur et de son souffle, car il en faut.

 

 

http://www.youtube.com/watch?v=8Y4SCDzNwUY&feature=endscreen&NR=1

Un exemple d’utilisation du chant diphonique dans la musique mongole. C’est une véritable symphonie, certes lassante, mais tellement inusité à nos oreilles qu’on peut l’écouter sans se lasser. Bien qu’étant au centre Pompidou, on est projeté à mille lieues de Paris, de la société occidentale et de la musique savante. Retour à la nature, au corps, à ses résonnances naturelles.

 

http://www.youtube.com/watch?v=0M3YFK3sJ54&feature=related

 

La diphonie se mêle au chant normal pour évoquer toute l’horizontalité de la terre mongole et toute la verticalité de leur vision de la vie. Rencontre opportune entre la vie quotidienne, difficile, et une aspiration magique vers d’autres vies, plus secrètes, cachées dans les replis du chant comme dans une couverture aux plis immenses.

 

http://www.youtube.com/watch?v=NNVrmW0VL2I&feature=related

Sans explication technique, voici les différentes manières de produire la diphonie. Passionnante leçon de choses qui montre la diversité de l’homme et son ingéniosité.

 

 

Vous pouvez aussi écouter des démonstrations intéressantes de chant diphonique qui met en évidence les différents styles d’obtention de la diphonie.

http://www.alashensemble.com/French/demos.htm

 

 

Si vous êtes intéressés par cette technique vocale, lisez l’article très bien documenté de Wikipedia sur le chant diphonique :

http://dictionnaire.sensagent.com/chant+diphonique/fr-fr/

 

 

22/12/2011

Le concert vu par un choriste qui n’a rien compris à la musique

 

Ce ne sont que des impressions, sans plus, qui ne rendent nullement compte de l'atmosphère réelle du véritable concert. La musique vue par un non initié qui s’intéresse aux réactions plutôt qu’à l’effet musical.

 

Instants précédents, dans l’église

Lorsque les spectateurs toussotent benoîtement

Lorsque les choristes deviennent ordonnés

Lorsque le chef de chœur sent un nœud

Au plus profond de son ventre

Avant de dire : A Dieu va !

 

Entrée, à pas menus, celui des femmes

Montée sur l’estrade, face au public

Regard des choristes sur celui-ci, curieux

Puis report de l’attention sur l’initiatrice

Qui dresse ses mains comme une déesse

Un battement et l’orchestre commence à jouer

Ensemble, les violons chatoyants,

La clarinette sourde, la flute aigrelette

D’où sort un air réglé, sonore et vaillant

Rythmé par les battements du chef

Amoureusement, avec souplesse

Elle imprime sa volonté aux instrumentistes

Réservant sa verve gestuelle

Aux choristes qui pour l’instant écoutent

 

Enfin, voilà leur tour, ils s’agitent, pas trop

Placent leur partition en face de leur regard

Respirent en mesure, grandement

Et entrouvrent leur bouche, rondement

Pour sortir un accord devenu parfait

A force de répétitions et d’encouragements

Dans le sens voulu par le compositeur

Peu à peu, le chant s’harmonise et se fond

Module avec une précision mathématique

Les notes entremêlées, individuelles

Jusqu’à former une conjonction de mélodies

Que l’oreille avertie peut distinguer

Et qu’entendent ceux d’en face

Assis sur leurs chaises branlantes

Bougeant en périodes indéterminées

Pris d’une soudaine envie de tousser

Mettant discrètement la main

Devant une bouche ouverte et silencieuse

Quel spectacle ! Les spectateurs observés

Par les chanteurs qui s’attendent

A une manifestation chantée de leur part

Mais rien ne vient, rien qu’un discret grondement

De celui qui ne peut se retenir

Mais qui cherche à le camoufler

Par un mouvement de sa chaise

 

Et pendant ce temps la pièce musicale

Egraine sa mélodie, avec toutes ses embûches

La voix collée au palais, ils chantent

Encouragés par l’attention soignée

Du maître de musique tout en rondeur

Et sourire affectueux et prudent

Reprise des instruments, au fil du temps

Organisant  l’espace musical

Découpant la musique en pièces

Piécettes et comptes d’apothicaire

Silence, soupirs, reprise

Rien n’est épargné à l’auditeur

Qui se délecte sur sa chaise

Se gratte l’oreille, croise ses jambes

Fait mille bruits incongrus, en murmure

Inaudible à l’inhabitué des concerts

 

Et voilà, déjà les dernières mesures

Un geste apaisant, menu

Avant celui définitif d’une fin annoncée

Fermées les bouches des choristes

Sans souffle ni toucher pour les instruments

Un instant de suspension

Un air plus léger, résonnant encore

Des derniers accords jusqu’au fond

De l’église avant de revenir atténués

Vers les exécutants. Encore un instant

De silence encouragé par le chef

Qui lentement abaisse ses bras,

Relâche ses épaules, incline la tête

Avant que les applaudissements

Ne lui laissent un sourire au coin des lèvres

L’esprit tranquille, elle respire

L’air des fleurs du travail bien fait

Quel beau concert, merci à tous

Semble-t-elle dire en regardant

Sa petite ménagerie chantante

 

Mais où est donc passé le compositeur

D’une aussi divine musique

Et le chant a-t-il élevé les sopranes

Enrobé les alti, approfondi les basses

Ennuagé les ténors ?

Oui, sans doute, mais seuls

Les auditeurs peuvent le dire

Il leur reste au creux de l’oreille

Des souvenirs et des caresses

Et l’âme encore endolorie

D’une nostalgie incontestable

Troublante et difficilement exprimable

 

 

20/12/2011

Oublivione, avec Richard Galliano à l’accordéon

 

 

http://www.youtube.com/watch?v=yAsmVnwiKu4&feature=related

 

 

Quai des brumes, le troisième homme, une musique venant des ports lointains d’un autre continent, une nostalgie amplifiée par l’accordéon accompagné par les cordes. Quelle belle entrée en matière pour pénétrer dans une rêverie profonde. 

Certes, tout ceci fait un peu vieille garde 1930 ou 1950. Cela rappelle les femmes accordéonistes aux cheveux bouclés, portant sur le ventre leur instrument comme un bébé, le dorlotant dans leurs bras, le brassant comme on masse un malade, lui tirant des miaulements qui font monter les larmes aux yeux.

Mais cela vous fait partir dans les plaines du rêve, au bord d’une eau qui laisse trainer quelques filaments de brume, sur un chemin de pierre qui semble sans fin, jusqu’au tournant dans le noir de la nuit qui, en un instant, découvre un autre monde, le creux des pavés d’une ville où résonnent les pas d’un promeneur nocturne qui marche sans but, sans ligne de pensée. Il marche et se voit, jeune, attendrissant d’innocence, observant les femmes danser entre elles, des femmes alanguies, esseulées, ne se regardant pas, l’œil triste, mais vif, perdues dans leur nostalgie, mais laquelle ? L’une d’elle le dévisage, lui sourit, le regard éclairé, son corps devenu plus souple, plus félin, malgré les bras de sa compagne qui reste raide et froid. Elle le suit des yeux, lentement au fur et à mesure de sa marche lente, elle compte ses pas et se dit : « je vais le perdre. Comment attirer son attention ? »

Alors, d’un mouvement improvisé, elle lance son bras en l’air, la main recourbée, élastique, aux doigts enchanteurs qui dessinent des volutes que l’on suit des yeux grâce aux traces de fumée qu’ils laissent dans l’air froid, le coude plié, légèrement. Et l’on voit le creux de l’avant-bras, juste après le coude, dont la chair est fascinante de douceur, refléter son désir de vivre, malgré cette danse dans les bras d’une autre femme, moins favorisée par la nature. Et elles tournent, tournent, avec lenteur comme des poupées, le regard fixe, perdues dans leurs pensées ou plutôt leurs souvenirs d’une vie rêvée.

Et vous avez déjà dépassée ce souvenir, comme une image de télévision, éphémère, accompagnée d’une musique d’accordéon, aux notes pâles, aux sons cependant fermes, à la mélodie rengaine d’années passées, aux couleurs de fraises enrobées de noisettes. Vous continuez votre route de la vie, ragaillardi malgré tout, le cœur embaumé de guimauve, salivant quelques morceaux de chocolat au lait jusqu’à ne plus rien avoir dans la bouche. La musique s’est tue, vous poursuivez et entrez dans votre nouvelle vie, le cœur ouvert, prêt aux aventures à venir.

 

 

12/12/2011

Messe de Minuit de Marc-Antoine Charpentier (suite)

 

http://www.youtube.com/watch?v=UkuxKTJ0tvE&feature=related

Je reviens sur la messe de Charpentier. Je ne vous ai en effet que parlé du Kyrie, première pièce chantée de l’ensemble qui comprend non seulement des morceaux chantés par des solistes et le chœur, mais également des parties d’orchestre. C’est donc une composition musicale complexe à laquelle s’est livré Charpentier. Mais son originalité ne tient pas seulement à cela. Il reprit une pratique ancienne qui consiste à utiliser des œuvres existantes pour l’adapter  aux textes de l’ordinaire de la messe. Empruntant à plusieurs airs populaires de Noël, il fabriqua un véritable patchwork musical en respectant la verdeur et l’allégresse de ces mélodies qui étaient autant des danses que des pièces chantées.

http://www.youtube.com/watch?v=hQYoBysjCnQ&feature=related : Noël pour les instruments.

C’est ainsi que le Kyrie est construit sur les airs de « Joseph est bien marié », « Or nous dites Marie » et « Une jeune pucelle ». Mariage entre l’imagination musicale populaire, une musique plus savante et élaborée et la musique sacrée, cette composition est une œuvre entière, structurée, qui constitue un véritable répertoire des formes musicales du XVIIème siècle.

 

Ce style de musique laissait de nombreux choix dans la manière d’interpréter la composition en dehors des parties chantées. Les Noëls peuvent être adaptés soit à un véritable orchestre, soit à un petit groupe de musiciens, ou encore, à l’orgue seul sur lequel l’organiste peut ajouter des variantes. Le tout laisse une impression curieuse. Ce n’est pas vraiment une messe de part le style de musique employé, ce n’est pas non plus une œuvre profane. C’est une pièce pleine de vie, de profusion de couleurs musicales, qui donne envie de danser ou au moins de se réjouir de la venue du Sauveur à la manière des gens du Moyen-âge, de manière simple, directe, bon enfant, alternant les airs de danse, la méditation de certaines paroles, la puissance du chœur, pour proclamer l’heure importante que vivent les fidèles en ce jour de Noël.

 

Vous êtes à nouveau conviés à venir écouter cette messe qui sera précédée de quelques chants de Noël traditionnels aussi enjoués :

      .   Die heilige Nacht (douce nuit),

.   Dans une étable il est couché (choral de Bach),

.   A pleine voix chantons pour Dieu, mélodie du psautier de Genève, d’après  une harmonisation de Goudimel,

.   Dans une étable obscure, de Praetorius,

.   Quand Dieu se fut résolu, sur l’air de « Joseph est bien marié ».

Ensuite, place à la magnificence de Charpentier.

 

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03/12/2011

Cinquième symphonie de Beethoven … façon moderne

 

Quelle extraordinaire imagination ont les musiciens modernes pour assaisonner la 5ème de Beethoven. A toutes les sauces : les uns utilisent le thème, d’autres mélangent le classique orchestral et la guitare électrique ; d’autres innovent carrément  avec force bruits et batteries ; d’autres transforment en danse mêlée de bruits de foule la furie beethovenienne du premier mouvement.

Quelle cmusique classique,musique metal,metal rockuisine ! On utilise tous les instruments, du hachoir au fendoir de boucher, en passant par la meule pour l’affûtage de couteaux de désosseur. Parfois, les choses se passent plus en douceur, un assaisonnement mêlé de senteurs diverses : thym, mais aussi formol ; gingembre avec sauce crevettes ; menthe à la manière britannique moderne, aigre et métallique.

La préparation est longue, avec beaucoup de répétition et force gestes et circonvolutions, comme lorsque l’on monte les blancs en neige en tournant toujours dans le même sens. Mais cela monte progressivement dans un bruit de casseroles qui s’entrechoquent, assourdies par les torchons de cuisine vivement agités. Parfois les cris étouffés des cuisiniers apportent une note humaine qui semble néanmoins animale. Et cela dure le temps que l’oreille s’imprègne de ces sons inconnus et bizarres et rende hommage à l’inventeur de sonorités incongrues. Alors lentement, sans même vous en rendre compte, vous esquissez avec la jambe un rythme que l’ouïe refuse, vous accompagnez de claquements de doigts inconscients cette première ébauche de mouvement et progressivement vous laissez encombrer d’un tremblement léger partant du corps et envahissant votre esprit pour s’en emparer, bon gré, mal gré, et l’emplir de percussions sévères, parfois chatoyantes, souvent sur-audibles, toujours extravagantes.

La recette étant prête, encore faut-il l’arranger sur un plat et l’enjoliver de quelques feuilles diverses, salade avec huile d’olives pour faire passer, cornichons acides à l’oreille, faisant grincer les dents, ou encore un peu de sucreries sous forme de confitures étouffant les timbres ou figues molles résonnant creux.

Enfin, le plat se présente à vous, parfois beau à l’œil, d’une beauté de surface, sans consistance à l’oreille, comme cette interprétation de Vanessa Mae, qui manque totalement d’imagination (répétitions et crin-crin) :
http://www.youtube.com/watch?v=HYNCvf1AF3E&feature=re...

Il peut aussi faire penser à ces vermicelles chinois qui tremblent dans l’assiette avec un peu de sauce soja pour masquer un goût incertain, accompagnés de légumes bouillis qui s’entrechoquent avec des bruits métalliques comme s’ils manquaient de cuisson. On est noyé de multitude de sonorités patchwork qui s’entremêlent jusqu’à l’écœurement :
http://www.youtube.com/watch?v=wl2GtGBonTY&feature=re...

Il se présente aussi en flots de bruits sourds et lourds, agrémentés de force grognements et petits bruits acides comme un plateau de fruits de mer étalés sur la glace que l’on mange avec une vinaigrette entrecoupée d’échalotes. Il faut une bonne dose de pain et de beurre pour arriver au final. Mais on y arrive, car, finalement, c’est assez proche de la recette initiale, même si l’assaisonnement est totalement différent. C’est comme si l’on mangeait un bœuf bourguignon à la sauce huître et cuisiné façon chinoise :
http://www.youtube.com/watch?v=kWVMf4rdYYc&feature=re...

Au fond, n’est-ce pas cela la mondialisation. Toutes les cuisines du monde sur un même plateau. En musique, c’est sans doute un peu fatigant et décalé. Mange-t-on un faisan bouilli ou fait-on griller un artichaut à la poêle ? Cela pèse sur l’estomac et laisse un goût bizarre, comme un fromage sucré !

Et, pendant ce temps, le pauvre Beethoven, sourd, ne sait pas ce que l’on fait de sa musique divine.

 

27/11/2011

Messe de Minuit de Marc Antoine Charpentier

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Quelle idée d’avoir conçu un Kyrie comme une danse. Chanter « Seigneur, prends pitié » sur un air qui se danse !

Certains chefs d’orchestre ou de chœur sont bien conscients de cette manipulation de la part de Charpentier. Aussi donnent-t-ils à leur interprétation une forme solennelle comme cette interprétation d’un concert, donné le 5 décembre 2010, par le choeur et l’orchestre de la cathédrale Saint-Louis de Versailles sous la direction de l'abbé Amaury Sartorius (Jean-Pierre Millioud, grand-orgue ; Jean-Philippe Mesnier, orgue de chœur).

http://www.youtube.com/watch?NR=1&v=GmX6HMT9PcE

Je ne pense pas que ce style soit dans l’esprit de la composition de Charpentier. Cette messe rassemble des airs populaires de Noël que les fidèles avaient l’habitude de chanter. Le Kyrie se chante effectivement sur l’air de « Joseph est bien marié… », sorte de danse joyeuse qui n’a pas grand-chose à voir avec la supplication d’une assemblée qui se tourne vers le Père et le Fils pour lui demander sa pitié.

http://www.youtube.com/watch?v=MsOc7WSDCr0

Cette interprétation des chœurs des Musiciens du Louvre semble plus proche de cette vision. Elle est plus rapide, plus légère, et conserve cependant une certaine gravité. Mais peut-on dire que l’on retrouve l’esprit du Kyrie de la liturgie ? Probablement pas. Le kyrie est une purification du fidèle qui dit à son Dieu ses insuffisances pour que, lui accordant sa pitié, Celui-ci l’aide à vivre pleinement le sacrifice, lui permette de chanter d’une voix pure le Gloria, puis lui accorde l'entrée dans le mystère de la messe.

L’ambiguïté tient à la composition de Charpentier lui-même. C’est un chef d’œuvre musical, étrangement beau en raison de cette ambiguïté même, mais ce n’est sans doute pas ce qui permet au fidèle d’entrer en lui-même et de s’ouvrir au mystère. Quand on y réfléchit, il semble que cette période de l’histoire de la France soit assez proche de celle que nous vivons, l’effet compte plus que la profondeur et la véracité de la pensée. C’est beau, mais cela ne lave pas !

 

Quoi qu’il en soit et parce que, malgré ces réflexions, cette messe reste un chef d’œuvre, nous nous préparons depuis le mois de septembre et vous êtes convié à venir écouter cette Messe de Minuit de Charpentier, le mercredi 14 décembre à 20h45 en l’église Saint Germain l’Auxerrois, 2 place du Louvre, à Paris.

 Après le concert vous êtes convié à un pot qui vous permettra de rencontrer musiciens, chanteurs et chef de chœur. Si vous décidez de venir, envoyez-moi un mail (galavent@free.fr) pour que nous puissions avoir une idée de ce qu’il faut prévoir.