L’esprit de la musique (25/04/2012)

 

Il y a trois manières de faire de la musique, celle du savoir, celle de la connaissance et celle de l’esprit, et ce, que l’on improvise ou que l’on interprète une œuvre.

La première est celle du technicien. C’est la route du savoir-faire, apprentissage long et difficile. Il s’agit de maîtriser la technique pour l’élever au rang d’art de l’interprétation. Il y a aussi des techniques d’improvisation, mais elles sont généralement personnelles après l’apprentissage des règles communes.

La deuxième manière est l’apanage des grands artistes, qui ont dépassé la technique et qui, par la connaissance de leur art, englobent dans une bulle l’ensemble des éléments d’une composition et en donnent leur version. Ils transforment leur interprétation en une composition personnelle qui suit cependant de très près ce que le compositeur a voulu faire entendre. Ces artistes, compositeurs ou interprètes, ravissent à la fois le corps, l’intelligence et le cœur.

La troisième manière n’est pas le fait de l’interprète ou du compositeur, mais un supplément d’âme apporté par un moment extraordinaire dans son jeu, la marque de l’esprit. C’est un sentiment de facilité, de bonheur intégral, de remplissage du cœur par une compréhension immédiate (deuxième manière) de l’œuvre, auquel s’ajoute le vide en soi de toute autre chose que ce qui est joué. Le musicien devient musique, devient la pièce interprétée. Il a effacé le décalage entre le compositeur et l’interprète et y ajoute un plus perceptible, mais indéfinissable qui est le seau de l’esprit. Cette possession de l’esprit est toujours un grand moment pour celui qui le vit. Il efface son savoir et sa connaissance et se laisse transpercer par un autre que lui-même. Alors il vit pleinement, transfiguré, montrant par là la beauté de l’homme, sa capacité à diffuser le nuage d’inconnaissance : 

« Ne t'inquiète point si ton intelligence ne peut appréhender ce rien, car assurément je ne l'en aime que mieux. Il est en lui-même si précieux qu'elle ne peut l'appréhender. Ce rien, on l'éprouve plutôt qu'on ne le voit car il est tout aveugle et pleine ténèbre pour ceux qui ne l'ont pas encore beaucoup contemplé...

Qui donc l'appelle "rien" ? C'est assurément notre homme extérieur, non l'intérieur. L'homme intérieur l'appelle "tout", car pour lui, il lui est donné de comprendre toute chose, corporelle ou spirituelle, sans en considérer aucune en particulier. » (Le nuage d’inconnaissance, anonyme anglais du XIVème  siècle).

 

 

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