22/12/2011
Le concert vu par un choriste qui n’a rien compris à la musique
Ce ne sont que des impressions, sans plus, qui ne rendent nullement compte de l'atmosphère réelle du véritable concert. La musique vue par un non initié qui s’intéresse aux réactions plutôt qu’à l’effet musical.
Instants précédents, dans l’église
Lorsque les spectateurs toussotent benoîtement
Lorsque les choristes deviennent ordonnés
Lorsque le chef de chœur sent un nœud
Au plus profond de son ventre
Avant de dire : A Dieu va !
Entrée, à pas menus, celui des femmes
Montée sur l’estrade, face au public
Regard des choristes sur celui-ci, curieux
Puis report de l’attention sur l’initiatrice
Qui dresse ses mains comme une déesse
Un battement et l’orchestre commence à jouer
Ensemble, les violons chatoyants,
La clarinette sourde, la flute aigrelette
D’où sort un air réglé, sonore et vaillant
Rythmé par les battements du chef
Amoureusement, avec souplesse
Elle imprime sa volonté aux instrumentistes
Réservant sa verve gestuelle
Aux choristes qui pour l’instant écoutent
Enfin, voilà leur tour, ils s’agitent, pas trop
Placent leur partition en face de leur regard
Respirent en mesure, grandement
Et entrouvrent leur bouche, rondement
Pour sortir un accord devenu parfait
A force de répétitions et d’encouragements
Dans le sens voulu par le compositeur
Peu à peu, le chant s’harmonise et se fond
Module avec une précision mathématique
Les notes entremêlées, individuelles
Jusqu’à former une conjonction de mélodies
Que l’oreille avertie peut distinguer
Et qu’entendent ceux d’en face
Assis sur leurs chaises branlantes
Bougeant en périodes indéterminées
Pris d’une soudaine envie de tousser
Mettant discrètement la main
Devant une bouche ouverte et silencieuse
Quel spectacle ! Les spectateurs observés
Par les chanteurs qui s’attendent
A une manifestation chantée de leur part
Mais rien ne vient, rien qu’un discret grondement
De celui qui ne peut se retenir
Mais qui cherche à le camoufler
Par un mouvement de sa chaise
Et pendant ce temps la pièce musicale
Egraine sa mélodie, avec toutes ses embûches
La voix collée au palais, ils chantent
Encouragés par l’attention soignée
Du maître de musique tout en rondeur
Et sourire affectueux et prudent
Reprise des instruments, au fil du temps
Organisant l’espace musical
Découpant la musique en pièces
Piécettes et comptes d’apothicaire
Silence, soupirs, reprise
Rien n’est épargné à l’auditeur
Qui se délecte sur sa chaise
Se gratte l’oreille, croise ses jambes
Fait mille bruits incongrus, en murmure
Inaudible à l’inhabitué des concerts
Et voilà, déjà les dernières mesures
Un geste apaisant, menu
Avant celui définitif d’une fin annoncée
Fermées les bouches des choristes
Sans souffle ni toucher pour les instruments
Un instant de suspension
Un air plus léger, résonnant encore
Des derniers accords jusqu’au fond
De l’église avant de revenir atténués
Vers les exécutants. Encore un instant
De silence encouragé par le chef
Qui lentement abaisse ses bras,
Relâche ses épaules, incline la tête
Avant que les applaudissements
Ne lui laissent un sourire au coin des lèvres
L’esprit tranquille, elle respire
L’air des fleurs du travail bien fait
Quel beau concert, merci à tous
Semble-t-elle dire en regardant
Sa petite ménagerie chantante
Mais où est donc passé le compositeur
D’une aussi divine musique
Et le chant a-t-il élevé les sopranes
Enrobé les alti, approfondi les basses
Ennuagé les ténors ?
Oui, sans doute, mais seuls
Les auditeurs peuvent le dire
Il leur reste au creux de l’oreille
Des souvenirs et des caresses
Et l’âme encore endolorie
D’une nostalgie incontestable
Troublante et difficilement exprimable
04:22 Publié dans 51. Impressions musicales | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : société, musique, concert | Imprimer
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