Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

06/02/2012

Méditation sur le temps (et la musique), première partie

 

 

Voici ce que dit Saint Augustin sur le temps, dans ses Confessions :

 « Ce mot, quand nous le prononçons, nous en avons, à coup sûr, l’intelligence et de même quand nous l’entendons prononcer par d’autres. Qu'est-ce donc que le temps ?   Si personne ne m'interroge, je le sais ; si je veux répondre à cette demande, je l'ignore. »

On ne peut décrire le temps que par analogie, en particulier avec le mouvement, donc l’espace. D’après Aristote, le temps est le nombre du mouvement selon l’antérieur et le postérieur. A contrario, le temps semble ne plus faire sens quand l’idée de mouvement disparaît, car le temps suppose la variation. Ainsi, la perception du temps est liée à la mémoire. Saint Augustin dit que le temps n’est que dans la mesure où il est présent. Le présent du passé, c’est la mémoire ; le présent de l’avenir, c’est l’attente (ou l’action en vue de…) ; le présent du présent, c’est la perception.

Lisons ce très beau passage de Milan Kundera dans La plaisanterie (1967, début du chap.6) lorsque le héros du livre est rejeté du parti communiste et envoyé en dépersonnalisation : « … brisé, en un mot, tout le cours, chargé de sens, de la vie. Il ne me restait plus que le temps. Celui-ci, en revanche, j’appris à le connaître intimement comme jamais auparavant. Ce n’était plus ce temps qui naguère m’était familier, métamorphosé en travail, en amour, en toutes sortes d’efforts possibles, un temps que j’acceptais distraitement, car il était lui-même discret, s’effaçant avec délicatesse derrière mes activités. Maintenant il venait à moi dévêtu, tel quel, sous son apparence originelle et vraie, et il me forçait à le désigner de son véritable nom (puisque à présent je vivais le temps pur, un temps purement vide), pour que je n’oublie pas un seul instant, pour que je pense perpétuellement à lui, pour que j’éprouve sans cesse son poids.

Lorsqu’une musique se fait entendre, nous enregistrons la mélodie, oubliant  que ce n’est là qu’un des modes du temps; l’orchestre se tait-il, nous entendons le temps; le temps en lui-même. »

 

Cette dernière remarque est intéressante. Le temps est en effet au musicien ce que l’espace est au peintre. Stravinsky ne disait-il pas : « La musique est un art du temps. Elle naît d’une organisation du temps. » Michel Cornu, philosophe explique : « Loin donc de partir d'une théorie du temps et d'essayer d'y faire entrer la musique, il faut partir de la musique, car c'est elle qui a le plus de chance de nous faire comprendre ce qu'est le temps. »

Et Stravinsky d’ajouter (Chronique de ma vie) : « La musique est le seul domaine où l'homme réalise son présent. Par l'imperfection de sa nature, l'homme est voué à subir l'écoulement du temps - de ses catégories de passé et d'avenir- sans jamais pouvoir rendre réelle donc stable, celle de présent... Le phénomène de la musique nous est donné à la seule fin d'instituer un ordre dans les choses, y compris et surtout un ordre entre l'homme et le temps. Pour être réalisé, il exige donc nécessairement et uniquement une construction. La construction faite, l'ordre atteint, tout est dit... »

 

Les commentaires sont fermés.