03/09/2013
La Vasija de Barro (Musica Ecuatoriana), de Patricio Cadena Pérez
http://www.youtube.com/watch?v=FK2c_lYSD7o&feature=c4...
Le pot de terre crie de terreur devant son incompréhension du monde : « Je suis le récipient, le contenant, pourquoi seul compte le contenu, ce liquide précieux qui coule de ma bouche et déverse dans la gorge des élus son parfum de miel. Qu’ai-je fait au bon dieu de n’exister qu’en creux comme un cadre de tableau précieux entourant l’existence des hommes, mais ne les traversant pas. »
Le rythme d’un battement de pied sur le sol de terre « ta-tam… ta-tam… ». Et l’accord monte et redescend sans qu’on l’entende au premier abord, comme la montée d’une émotion indicible. Et sonne la lamentation des hommes comme un cri de désir et d’ignorance qui monte et redescend. Je suis celui qui pleure et rie devant cette vie qui me berce et que je ne comprends pas. Ma plainte va vers les hommes insatisfaits qui espèrent la vie et ne touchent que le vent qui la transporte dans la valse des arbres au long des jours qui tournent dans un ciel d’étoiles et de rêves.
Passé cet instant de douleur, les cordes s’esclaffent en petits pétillements frais, comme l’eau coule de la montagne et surprend le visiteur. Halte au bord de la rivière, dans le repos de l’esprit enfin pacifié. Que faire devant l’inconnu : se laisser aller, dans le calme. L’orage est passé, la vie va renaître, une autre vie, celle de l’âme.
Le chant s’élève, simple comme le cri d’un âne terreux (burro terroso) dans le désert entouré de cactus. Mais derrière cette plainte s’élève le contre-chant qui étire la plainte dans le ciel bleu, en long filament de nuages d’une blancheur éclatante. Et en ces quelques instants, l’avenir se dessine, sans appréhension, infaillible et accepté. Le chant des anges et des femmes du ciel qui appellent à l’ouverture du cœur, chant pur et reposant comme l’eau qui coule du vase de terre, chaque jour, pour emplir le corps de sa bienfaisance.
Et l’homme terrassé reste meurtri, peint par la main des femmes de la terre qui le façonne, lui ôte ses formes voluptueuses pour les transformer en boue qui s’épancheront dans le vase de terre.
Le corps n’est plus, mais l’âme reste, intact, virile, victorieuse.
Le temps ne peut rien sur l’esprit qui reste comme l’eau vive et coule entre les pierres immobiles.
L’espace s’amplifie à l’infini à l’image de notre riche pauvreté.
Yo quiero que a mi me entierren
Como a mis antepasados
En el vientre obscuro y fresco
De una vasija de barro
Je veux qu’ils m’enterrent, moi,
comme mes ancêtres
dans le ventre sombre et frais
d'un pot d'argile.
Extrait du site de Patricio Cadena Pérez :
http://www.patriciocadenaperez.com/index.php?page=Bio.php
« Est-ce parce qu’il n’a vu le jour ni dans l’hémisphère nord, ni dans celui du sud mais qu’il est né en Équateur, juste sur la ligne… ou bien est-ce parce qu’il n’est ni un indien, ni un blanc mais un métis…que Patricio Cadena Pérez, interprète de guitare classique et compositeur est si insolite dans son art, aimant à marier le soleil à la lune, le yin au yang, la musique classique aux airs populaires… ? »
06:36 Publié dans 51. Impressions musicales | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : musique sud-américaine, chanson, écriture | Imprimer
01/09/2013
L'enterrement de l'oiseau
Ils étaient trois, trois enfants devant la tombe de l’oiseau, tout à leur chagrin.
Quel jeu ! Enterrer un pivert trouvé mort dans l’herbe tendre un matin d’été.
Ils l’installèrent dans une boite à chaussures, entouré de coton hydrophile, les plumes soigneusement lissées. La goutte de sang du bec fut essuyée avant sa mise en bière. Le long du mur du jardin, un trou fut creusé dans la terre sèche. Ce ne fut pas sans mal. Pic et pioche furent employés. Ils travaillèrent avec ardeur sous le soleil du matin, protégés par les frondaisons.
Quand tout fut prêt pour l’instant solennel, ils se figèrent au garde-à-vous, l’œil embué et entonnèrent la Marseillaise. Puis, se regardant, ils entreprirent de chanter « Ce n’est qu’un au revoir, mes frères… ». Le carton enfoui dans son trou, ils le recouvrirent de la terre poussiéreuse qui, longtemps encore, laissa voir le bleu du couvercle, comme un avant-goût du ciel.
Alors le plus jeune accrocha à la croix fabriquée par les deux autres l’épitaphe longuement réfléchie et retranscrite telle quelle :
Cher Général Jean-Claude Pivert
Merci de votre loyal service tout au long de ces 50 ans. Merci de nous avoir fait en partie gagner les 2 guerres. Merci de ces trois médailles d’or, ces 4 médailles d’argent et ces 6 de bronze en parachutisme. Au nom de la France : MERCI.
Biographie :
Jean-Claude Pivert, né le 8 octobre 1910, mort le 21 août 2013, à l’âge de 103 ans. Marié avec Marie-Dominique, il eut trois enfant ; Pierre ; Paul ; Jack, qui ont 50, 20 et 10 ans. Mort Fauché par une voiture numéroté ZZ 345 SR département 01 : Ain.
07:41 Publié dans 12. Trouvailles diverses | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : chanson, france, guerre, poésie, société | Imprimer
26/08/2013
Musica vini
L’entrée est longue et noble, loin de toute habitation. On prend le bateau de l’errance et c’est le départ pour une aventure unique. Rien dans les mains, rien dans les poches, presque rien dans la tête. Et défilent les champs et les arbres jusqu’à l’arrivée. L’atmosphère y est différente. Tout est tamisé : le regard erre de l’eau, de l’herbe, du ciel et des pierres aux sensations les plus insolites, la couleur des robes, le sourire des enfants, les plaisanteries des hommes, la vie qui passe, qui demeure et qui persiste.
Musique ! Mais aussi le vin liquoreux (presque, mais pas tout à fait), ample, d’or transparent, aux reflets onctueux, à garder de la main dans son contenant au doux chatoiement. Admire sa toison telle le velours d’un chat. Elle te caresse la joue et danse pour toi avec une tranquille assurance : danse lente et majestueuse, ornée de broderies, du clavecin ouvert devant les yeux clairs de l’assemblée. Le son est étouffé. Il se fraye un passage parmi les cris des oiseaux, les craquements du bois, le raclement des chaises, la plainte d’un enfant. Les notes s’égrainent, une par une, deux par deux, puis trois contre deux, jusqu’à trois contre trois. Un violon entame la mélodie, courbe, ensorcelante, délurée, mais reposante, parfumée, au goût de miel et de myrrhe. Et danse devant tes yeux les bras dorés des femmes ensorceleuses et des enfants endiablés. Tu te laisses aller. L’arôme du vin active tes sens. Ils s’échauffent en toi comme l’eau du ruisseau sort de son lit. L’enivrante boisson te prend à la gorge, gouleyante, primesautière, insidieuse et, comme la fumée de l’innocence, te vole la primeur de la rationalité. Pourquoi chercher, te questionner, encombrer ta machine à penser ?
Laisse errer ton corps : écoute l’odeur ineffable des pas sur les feuilles, goûte l’ombre de la valse lente décrite par les notes caillouteuses de la guitare, vois le toucher rugueux du vin de Cristal qui palpite dans ton cerveau et l’enchante de mille sons et senteurs subtiles. Tu souris enfin, sans arrière-pensée. Le vide céleste t’envahit, ton regard ne se pose plus sur les faits, mais sur l’étincelle d’un sourire, la caresse d’une main, l’éclat d’une chevelure vibrante, la courbe d’une épaule dénudée. Alliance magique de l’ouïe et du goût, mais aussi de l’odorat, du toucher des cordes par l’archet et de la vue dansante d’une après-midi enchanteresse sous le soleil tardif, mais réel.
Le soir, retour aux réalités de la normalité, tu entrevois ce songe béat : l’archet du vent caresse les grappes de la félicité et emplit l’air de senteurs boisées qui te font tourner la tête. Folie de l’imagination (et de la boisson).
Merci à tous les organisateurs de cette après-midi. Un rayon de soleil sur une planche à repasser qui danse la gigue !
Et si vous avez l’esprit curieux (de quoi parle-t-il ?), entrez par la porte virtuelle dans la magie de cet événement :
06:38 Publié dans 12. Trouvailles diverses | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : université d'été, musique, chanson, écriture, femme, vacances | Imprimer
21/04/2013
Colonail song, de Percy Grainger
http://www.youtube.com/watch?v=E7gRmzw3hQA
Sirupeuse, cette chanson coloniale n’en est pas moins le reflet d’une époque, romantique et campagnarde à la fois. C’est l’Australie de son enfance que Percy Grainger, pianiste, saxophoniste et compositeur, tente de traduire dans cette composition d’abord écrite pour piano.
C’est une musique passée de mode. Elle rappelle les premiers films américains muets. Elle est caractéristique de sa conception de la vie : la même année, en 1928, il se marie avec la poétesse suédoise Ella Viola Ström, au cours d’une cérémonie spectaculaire qui prend la forme d'un concert donné à l'Hollywood Bowl devant 20.000 personnes, avec un orchestre composé de 126 musiciens et un chœur.
Amateur de traditions, il étudia les musiques irlandaises, scandinaves, mais également extrême-orientales, en utilisant des instruments insolites.
Voici une autre belle version de cette chanson coloniale :
http://www.youtube.com/watch?v=IwmIDzxdMC8
Elle est interprétée de manière plus classique par ces trois artistes. Mais cela tient peut-être aux instruments qui ne peuvent donner l’impression d’un orchestre.
Vous fermez les yeux et vous êtes tranporté dans le monde du cinéma hollowoodien, dansant avec une star, ou encore dans la campagne australienne, assis dans un rocking chair sous l'auvent d'une belle maison coloniale !
06:39 Publié dans 51. Impressions musicales | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : musique, chanson, colonie | Imprimer
03/06/2012
Plus près de toi, mon Dieu, interprétation au violoncelle, par ThePianoGuys
http://www.youtube.com/watch?v=gosY-UrpHcA&feature=related
Encore une très belle improvisation des Piano Guys, sur ce choral bien connu : Nearer, My God, to Thee, choral chrétien du XIXe siècle, écrit par la poétesse britannique Sarah Flower Adams (1805-1848) sur une musique du compositeur américain Lowell Mason (1792-1872).
Les paroles sont inspirées des confessions de saint Augustin, livre 1 : « Fecisti nos ad te, Domine, et inquietum est cor nostrum donec requiescat in te » (Tu nous as fait orientés vers toi, Seigneur, et notre cœur est sans repos tant qu'il ne commence pas de reposer en toi).
Joué ainsi, cela nous change des interprétations guimauves que l’on nous impose sous des prétextes puritains ou en raison d'incompétence musicale notoire. Certes, ce n’est pas non plus une interprétation liturgique. Néanmoins, dans la profondeur du chant des violoncelles, résonne en chacun de nous le vide, plein de l’inconnaissable, de cet autre nous-même qui nous transporte vers un renouvellement de l’être.
07:29 Publié dans 51. Impressions musicales | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : musique, chanson, chant liturgique | Imprimer
30/12/2011
La diphonie, voix de l’outre terre
La diphonie est l’émission simultanée de deux sons différents. Le chant diphonique émet un son fondamental, de hauteur constante, et un son harmonique que le chanteur fait varier.
http://www.youtube.com/watch?v=qNFSB4PnVPI&feature=related
Voix extra-terrestre semble-t-il qui vous projette dans l’univers sans rapport avec les sons habituels produits par la voix. Est-ce du chant, est-ce une technique, est-ce un concours de souffle, est-ce une farce ? C’est beau, mais d’une beauté incompréhensible. C’est harmonieux, mais l’harmonie reste factice ; C’est mystérieux comme une grotte mi-marine, mi-terrestre dans laquelle les flots créent des sons inhabituels. Est-ce de la musique, sont-ce des bruits ? Tout dépend de l’art du chanteur et de son souffle, car il en faut.
http://www.youtube.com/watch?v=8Y4SCDzNwUY&feature=endscreen&NR=1
Un exemple d’utilisation du chant diphonique dans la musique mongole. C’est une véritable symphonie, certes lassante, mais tellement inusité à nos oreilles qu’on peut l’écouter sans se lasser. Bien qu’étant au centre Pompidou, on est projeté à mille lieues de Paris, de la société occidentale et de la musique savante. Retour à la nature, au corps, à ses résonnances naturelles.
http://www.youtube.com/watch?v=0M3YFK3sJ54&feature=related
La diphonie se mêle au chant normal pour évoquer toute l’horizontalité de la terre mongole et toute la verticalité de leur vision de la vie. Rencontre opportune entre la vie quotidienne, difficile, et une aspiration magique vers d’autres vies, plus secrètes, cachées dans les replis du chant comme dans une couverture aux plis immenses.
http://www.youtube.com/watch?v=NNVrmW0VL2I&feature=related
Sans explication technique, voici les différentes manières de produire la diphonie. Passionnante leçon de choses qui montre la diversité de l’homme et son ingéniosité.
Vous pouvez aussi écouter des démonstrations intéressantes de chant diphonique qui met en évidence les différents styles d’obtention de la diphonie.
http://www.alashensemble.com/French/demos.htm
Si vous êtes intéressés par cette technique vocale, lisez l’article très bien documenté de Wikipedia sur le chant diphonique :
http://dictionnaire.sensagent.com/chant+diphonique/fr-fr/
06:56 Publié dans 51. Impressions musicales | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : musique, chanson, chant | Imprimer
21/11/2024
L'enterrement de l'oiseau
Ils étaient trois, trois enfants devant la tombe de l’oiseau, tout à leur chagrin.
Quel jeu ! Enterrer un pivert trouvé mort dans l’herbe tendre un matin d’été.
Ils l’installèrent dans une boite à chaussures, entouré de coton hydrophile, les plumes soigneusement lissées. La goutte de sang du bec fut essuyée avant sa mise en bière. Le long du mur du jardin, un trou fut creusé dans la terre sèche. Ce ne fut pas sans mal. Pic et pioche furent employés. Ils travaillèrent avec ardeur sous le soleil du matin, protégés par les frondaisons.
Quand tout fut prêt pour l’instant solennel, ils se figèrent au garde-à-vous, l’œil embué et entonnèrent la Marseillaise. Puis, se regardant, ils entreprirent de chanter « Ce n’est qu’un au revoir, mes frères… ». Le carton enfouit dans son trou, ils le recouvrirent de la terre poussiéreuse qui, longtemps encore, laissa voir le bleu du couvercle, comme un avant-goût du ciel.
Alors le plus jeune accrocha à la croix fabriquée par les deux autres l’épitaphe longuement réfléchie et retranscrite telle quelle :
Cher Général Jean-Claude Pivert
Merci de votre loyal service tout au long de ces 50 ans. Merci de nous avoir fait en partie gagner les 2 guerres. Merci de ces trois médailles d’or, ces 4 médailles d’argent et ces 6 de bronze en parachutisme. Au nom de la France : MERCI.
Biographie :
Jean-Claude Pivert, né le 8 octobre 1910, mort le 21 août 2013, à l’âge de 103 ans. Marié avec Marie-Dominique, il eut trois enfant ; Pierre : Paul ; Jack, qui ont 50, 20 et 10 ans. Mort Fauché par une voiture numéroté ZZ 345 SR département 01 : Ain.
22:42 Publié dans 12. Trouvailles diverses | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : jeu, société, chanson, france, guerre | Imprimer