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11/01/2016

Transplantation (2)

Votre assistante est revenue pour vous prêter main-forte (oui, on va voir que c’est nécessaire). À deux, vous poussez, puis tirer, fortement, par petites secousses, sur les branches basses, de façon à laisser les dernières racines se déterrer d’elles-mêmes. Vous transpirez. Vous ne vous doutiez pas que l’arbuste se défendrait et qu’il tenterait de rester à sa place. Même à moitié couché, il ne veut pas céder. Vous le relevez, lui faites faire la même gymnastique de l’autre côté, puis vers les quatre points cardinaux, méthodiquement, sans grand succès. Il faut redonner quelques coups de bêche, recouper une ou deux racines qui s’accrochent à cette terre sèche et aride, puis incliner à nouveau dans tous les sens ce mastodonte de branches et de feuilles, qui gémit et cède, enfin, d’un cri bref. L’arbuste couché, vous mesurez sa taille et surtout le poids de sa gangue de terre. Il est intransportable. Trop lourd ! À deux, vous donnez de petits coups sur la gangue de terre entourant ses racines. Celle-ci laisse tomber de la poussière fine qui s’étale à vos pieds comme l’or des Incas. Mais elle est toujours trop lourde. Vous allez chercher la brouette, vous la couchez le long des racines et vous demandez à votre assistante de la relever en même temps que le corps de l’arbuste dont vous saisissez les branches. Mais ce demi-cadavre a pris une rigidité qui ne vous facilite pas le travail. Oui, vous arrivez bien à redresser son haut, mais son buste et ses jambes restent résolument fixés à terre, la brouette fuyant devant cet obstacle incontournable. Il vous faudra plusieurs essais, plaçant la brouette sous des angles différents, pour hisser le mastodonte dans la cuvette de votre moyen de locomotion. Allez, encore un petit effort. Il faut maintenant le porter jusqu’au nouveau trou, situé à soixante pas de là. Ce n’est pas sans mal que vous arrivez à le trainer, le ventre accroché à l’engin, les bras trainant par terre comme un soldat vaincu emmené dans une ambulance.

Vous y êtes. Dernier épisode, le plus crucial. Toute attention concentrée, vous examinez comment vous allez l’installer dans son trou. D’abord, déverser un demi-arrosoir, écarter les outils risquant de tomber dans ce reposoir, pencher la brouette jusqu’à l’incliner complètement. Le cul-de-jatte tombe pesamment et reste sur place, inerte comme un mort. Encore un peu de courage. Il faut le redresser. À deux ce doit être faisable sans trop de difficulté. Eh bien, non ! Certes, vous redressez ses bras vers le ciel ; mais comment déplacer l’ensemble pour le mettre dans le trou ? Vous jouez les hercules en l’empoignant contre votre ventre, comme une lourde femme que vous voudriez monter sur un lit, et, ahanant, soufflant, pestant, vous le laissez tomber dans le trou, en vous éclaboussant de boue. Bel effort, approuvé par l’assistante ! Certes, il penche, il a un air malheureux et laisse ses bras gauches trainer au sol. Mais maintenant qu’il est calé, il devient plus aisé à manœuvrer et vous le redressez sans trop de peine. Vous glissez de la terre sous son pied gauche, une terre grasse et élastique qui lui fait un édredon dans lequel il s’appesantit. Vous comblez les lèvres du trou d’un mélange de la terre prise dans l’ancien trou et de feuilles décomposées : un beau matelas lui permettant de reposer tranquillement jusqu’à ce qu’il reprenne racine et s’ancre réellement dans cette nouvelle place. Ah, oui, il penche un peu. Vous trouvez une petite fourche de bois que vous glissez à hauteur de ses hanches et qui le maintient droit. Vous comblez à nouveau avec un peu de terre. Un coup de râteau… Miracle, votre trésor est installé comme un bébé dans son berceau et il ne pleure pas. Main dans la main avec votre assistante, pardon, votre collègue, vous contemplez votre œuvre en souriant et ces deux sourires illuminent le jardin sur lequel un rayon de soleil perce à cet instant. Fini. Quel enchantement !

 

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