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01/09/2016

Tornade

Sans crainte, ils font face, susceptibles de mourir à tout instant. La passion conduit à bien des défis.


 

01/02/2016

Pluie

La pluie est arrivée subrepticement. On ne l’attendait pas, on ne l’avait même pas prévue. Ce matin, l’horizon s’est découvert un ciel d’écailles. Tous les poissons de la mer sont montés à la surface. Le ciel s’est obscurci de reflets gris clair, presque blancs. Le vent les mouvait au gré de sa direction. On relevait alors le col pour s’abriter de la bise, on cherchait son parapluie et on poursuivait sa route.

Puis, quelques gouttes sont tombées. Presque rien. Juste de quoi assombrir les trottoirs et faire rentrer les vieux accroupis sur le pas de leur porte. Les yeux des passants se sont ouverts. Ils ne craignaient plus le sable. Certains ont même mis leurs lunettes dans la poche et regardé les dunes sans crainte. Mais les plus âgés leur disaient de prendre garde, le sable se cache là où l’on ne l’attend pas. Une certaine fraicheur, toute relative, a envahi l’atmosphère. On respirait mieux, à plus grandes goulées et cette fraicheur descendait au fond de la gorge et glissait le long de l’œsophage jusqu’au plexus solaire. On se purifiait par la volonté de la nature et on se laissait faire. Les enfants de mirent à rire plus bruyamment, à courir plus vite, à crier plus fort. Les femmes dégageaient leurs voiles et découvraient leurs épaules. Les hommes, toujours prudents, attendaient de voir.

Déception. La petite pluie s’arrête. Cela n’aura duré que deux ou trois minutes. Mais il fait meilleur malgré tout. Tiens, on entend les grenouilles coasser. Cela faisait longtemps que ce n’était pas arrivé. Le vent se calme, les herbes se redressent et l'on voit plus loin vers l’horizon. Une accalmie, dirait-on. Les humains se détendent, se posent çà et là, assis au bord des maisons... sans abri, à quoi bon. Les bébés arrêtent leurs pleurs et sourient à leurs mères. Celles-ci osent une chanson douce comme l’air rajeuni.

Brusquement, une bourrasque, sèche, brutale, comme un coup de balai. Les voiles s’agitent, les chiens aboient, les poules caquettent, les chaumes grincent. Les enfants crient de joie. Une odeur fanée envahit l’air, portée par les rafales qui maintenant s’engouffrent entre les maisons : relents d’herbes séchées, de mares putrides, d’excréments déshydratés. Elle assèche la bouche, encombre le nez, obscurcit les yeux. On entend au loin un grondement puissant, presque des tambours en folie sonnant la charge. La pluie arrive. Elle fouette soudain le passant de mille piqures glacées, colle les tissus à même la peau, mettant à nu les seins des femmes qui courent se mettre à l’abri. Les enfants, eux, s’exposent à l’eau, découvrant largement leur torse maigre, voire, pour certains, les plus osés, retirant tout vêtement et se laissant balayer, nus, par l’eau fraiche. Ils crient, certains chantent même. Les hommes, plus lents à se réjouir, regardent le ciel et sourient dans leur barbe. Leurs yeux s’allument d’une étincelle de vie. Ils se lèvent, prennent leur bâton et marchent jusqu’à l’orée du village. La plaine prend une couleur argentée. Quelques flaques très vite se forment. Elles grossissent, deviennent mare. Puis se forme un ruisseau qui descend tranquillement la pente. La terre a d’abord bu, assoiffée. Mais l’eau coule toujours. Elle ne peut plus rien avaler. Les ruisselets deviennent ruisseaux, les ruisseaux rivières, les rivières torrents. L’eau emporte sur son passage les déchets accumulés, les branchages inutiles, les récipients non arrimés, et même un berceau dans lequel un bébé crie, terrorisé. Un homme se précipite, l’empoigne et le ramène à sa propriétaire éplorée.

D’un coup, la pluie cesse. Juste quelques gouttes encore martèlent les toits de tôle après le vrombissement au plus fort de la chute des eaux. Le silence maintenant, impressionnant. On entend encore l’écoulement des flots rassemblés en longues colonnes tumultueuses. Mais c’est un chant irréel, un frémissement bourbeux, jaunâtre, enveloppé des coups de boutoir des troncs qui s’entrechoquent. Sur le promontoire du village, les hommes regardent, hébétés. Certaines femmes pleurent sans savoir pourquoi. Les vieux jettent un œil par la porte et sourient, édentés. Les enfants vont constater le devenir de leurs cachettes. La vie reprend au village, sous un rayon de soleil suffisant pour réjouir le cœur. Tiens ! On entend le forgeron qui reprend ses coups de marteau sur l’enclume. Tout va bien !

02/03/2013

Promenade montagnarde

J’ai vu les montagnes étirer leur blancheur au réveil des matins, aux veilles des soirs. A l’aube, de grisâtres nuages voilaient leurs cimes endeuillées et se jouaient des lumières accrochées comme des vers luisants sur leurs flancs arrondis et tachés de rousseur. Leur tristesse insolite couvrait les forêts bleutées de larmes transparentes, prisonnières des trames d’araignées oisives.

Les promontoires allégés sentaient au réveil l’encre et le papier-peint, peint de fleurs inconnues et de blanches opuscules. Je riais de voir leur lente paresse à lever leur vieilles têtes vers la lumière des cieux.

Lorsque la nuit étendait son manteau, comme un cavalier sur les flancs de son cheval, la neige bleue riait de ses lèvres gercées sous nos pas malhabiles. Mes bâtons frappaient sa coquille comme les voyageurs sur l’huis des auberges inconnues. Je sentais le silence infini comme on sent l’odeur de l’obscurité. Dans les ravins obscurs, même l’eau suspendait son chemin en de longs filaments, comme les doigts d’une morte de verre et l’on n’entendait plus le mélancolique frémissement des pleurs de ces monstres alanguis. Parfois, les cimes respiraient l’air pur et buvaient les rayons dorés des soleils brûlants, tandis que leurs pieds nus ou nantis de poils verts, flottaient au caniveau des dieux.

Mon âme était naïve, elle avait perdu la perversion des couleurs humaines, le gris de leurs vêtements, le brun des cheveux ébouriffés et le rose de leurs mains avides.

Un jour, je possèderai une montagne. Elle aura les flancs lisses comme ceux d’un enfant et les pieds burinés des sages qui marchent en Inde, nus. Sa barbe verte aura des reflets bleus en regardant le ciel bronzé ; j’y enfouirai les pieds, écartant les orteils, comme dans le sable chaud. J’étirerai mes pas tout au longs de ses rides et caresserai du doigt ses phalanges mauves. Ses yeux bleus serviront de miroir aux étoiles riantes et aux robes des fleurs. Elle sera coquette et futile, aimant ses nombreuses parures, mais gardera la pureté des visages d’enfants.