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05/09/2016

Contes et nouvelles de Guy de Maupassant

Ce matin, levé tôt, je pris un livre dans la bibliothèque avant de me réfugier, à mon habitude, dans la cuisine pour prendre un café. Je ne pensais à rien en choisissant ce livre, sinon que ces nouvelles continuaient à enchanter de nombreux lecteurs. Elles sont courtes, une vingtaine de pages en moyenne, et vous embarquent en imagination dans un monde de sensations où se mélangent couleurs, odeurs, bruits, caresses ou répulsions, qui suscitent ensuite réflexion et admiration.

Vous êtes plongé brusquement, mais si doucement, dans un marché :

Sur la place de Goderville, c’était une foule, une cohue d’humains et de bêtes mélangés. Les cornes des bœufs, les hauts chapeaux à longs poils des paysans riches et les coiffes des paysannes émergeaient à la surface de l’assemblée. Et les voix criardes, aiguës, glapissantes formaient une clameur continue et sauvage que dominait parfois un grand éclat poussé par la robuste poitrine d’un campagnard en gaieté, ou le long meuglement d’une vache attachée au mur d’une maison. Tout cela sentait l’étable, le lait et le fumier, le foin et la sueur, dégageait cette saveur aigre, affreuse, humaine et bestiale, particulière aux gens des champs.

Mais vous faites aussi connaissance avec des émotions que vous avez vous-mêmes éprouvées et dont vous conservez le souvenir dans un coin de votre mémoire, comme un diamant perdu sur une plage de sable :

Comme il cherchait un endroit pour grimper, je lui indiquai le meilleur et je lui tendis la main. Il monta ; puis nous aidâmes les trois fillettes, rassurées. Elles étaient charmantes, surtout l’aînée, une blondine de dix-huit ans, fraîche comme une fleur, si fine, si mignonne ! Vraiment les jolies anglaises ont bien l’air de fruits de la mer. On aurait dit que celle-là venait de sortir du sable et que ses cheveux en avaient gardé la nuance. Elles font penser, avec leur fraîcheur exquise, aux couleurs délicates des coquilles roses et aux perles nacrées, rares, mystérieuses, écloses dans les profondeurs inconnues des océans.

Quel bonheur de relire ces nouvelles. C’est une pincée de fraîcheur qui tombe du ciel au petit matin et enchante la journée d’un rayon de soleil parfumé. Merci Monsieur de Maupassant !

 

08/03/2011

Promenade campagnarde

 

Laissant la voiture dans un chemin empierré auprès d’une ferme inhabitée, je poursuivis ma route à pied, contemplant la campagne ouverte, aux champs bleutés par un soleil d’hiver, envahie par des haies qui s’étiraient au loin jusqu’à l’abri du regard. Rien, ou presque rien, ne pouvait accrocher l’attention. L’horizon dentelé des bois se détachait sur la luminosité inhabituelle du ciel, comme une lame de glace à la surface de l’eau. J’avançais, affrontant un vent froid, mais la chaleur des rayons bruts du soleil agrémentait le temps d’un bienheureux soulagement. Prenant à droite, vers un chemin qui montait légèrement, tapissé de boutons d’or, mais clos d’une haie d’arbres plus ou moins morts, j’eus la surprise, après une cinquantaine de mètres, de découvrir une longue allée ensevelie sous les arbres dénudés qui s’effilochait dans la lumière à contre-jour en une descente progressive vers un jardin lointain dans lequel on devinait des tourelles, peut-être même des tours.

 

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Cette allée était bordée de deux haies d’arbres aux multiples branches qui se terminaient comme des bras et des mains aux mille doigts s’entrelaçant dans la bise, éclairées par moments des éclats d’un soleil acide et tranchant. Lentement, comme dans une longue promenade au bord d’un fleuve, je descendis le parterre d’herbes et de fleurs, regardant un bouquet de jonquilles poussées dans une végétation desséchée. Arrivé au bout de l’allée, je m’installais au creux du chemin perpendiculaire, abrité du vent par le talus.

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Dans cet abri, je ne ressens rien que le tiède et cotonneux éclat du soleil vers lequel je tends le visage. Sous la couche rouge de Chine de mes paupières, seules existent la chaleur de son disque et la fraicheur du petit vent d’hiver qui agite les branches mortes. Je suis assis sous la butte d’un ancien chemin creux, auprès de jeunes pousses du début de printemps et de quelques jonquilles qui se dressent fièrement. Pas un bruit, sinon celui de ce vent qui court sur la terre et fait bruisser les herbes hautes. Un calme profond s’étend et envahit progressivement l’être. Peu à peu, les idées s’arrêtent devant cette magnifique solitude, comme si j’avais passé les bras, puis le corps tout entier au travers de ce voile rouge pour, par un hasard extraordinaire, regarder, de loin, d’un œil indifférent, cette vie qui souffle et va et vient dans laquelle j’ai l’habitude d’errer. Dans la chaleur du corps et du cœur, je suis, seul, devant une nature immobile et je descends au plus profond de mon être, là où il n’y a nulle pensée, nul sentiment, mais seulement des sensations, des impressions, des titillements du corps qui résonnent en moi et me font vivre intensément. Rien n’est plus immortelle que cette minute.

 

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Mais déjà je ressens dans mes jambes qui soutiennent le poids de mon corps à demi-couché sur la butte, d’indélicats picotements qui m’oblige à me lever et remuer une partie de l’être qui n’arrive pas à goûter les sensations de l’autre partie. Alors, boitant un peu parce qu’une jambe était ankylosée, je repris le chemin du retour, à regret, me retournant parfois pour encore m’emplir de ce chemin irréel comme une invitation vers un paradis qui n’est pas perdu, qui est là, sous nos yeux, mais que nous ne voyons pas, imaginant l’éden comme une île lointaine, inaccessible et intemporelle.

Un arbre, dans sa solitude herbeuse, me tends les bras, ouvert à l’air pur et à la beauté de l’instant.

 

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