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07/12/2016

L'équilibre des valeurs

Pour revenir sur les valeurs, seul compte l’équilibre des valeurs entre elles. Ne prôner qu’une valeur revient à s’asservir à elle et à asservir les autres valeurs à celle-ci. Alors la logique des valeurs s’écroule et devient prison.

Prenons le cas de la valeur travail. Dans son ouvrage, Condition de l’homme moderne, Hannah Arendt donne un exemple topique du renversement des valeurs autour d’une seule. Le travail est une nécessité, il permet d’acquérir une certaine liberté qui lui donnera l’accès à d’autres activités, telles que la création ou la réflexion. Or notre époque fait du travail l’activité de base de l’homme. Elle glorifie le travail tant du côté des capitalistes que du côté des socialistes et des marxistes. Dans les deux cas, l’homme devient une machine à produire. La société et chaque homme doivent sans cesse augmenter leur productivité sous peine de déchéance.

Pour installer une véritable société humaine, il convient donc non pas d’afficher telle ou telle valeur comme prioritaire, mais de trouver un équilibre le plus parfait, selon l’histoire et l’environnement de cette société, entre les différentes valeurs sur lesquelles elle prétend fonder son avenir. C’est cet équilibre seul qui garantit le développement de la société. Une société qui ne met l’accent que sur l’égalité supprime très vite toute liberté d’entreprendre et de vivre chacun à sa manière. La liberté est la garantie de l’épanouissement de chacun dans son être intérieur. Inversement, une liberté excessive détruit la société en appliquant la loi du plus fort.

Allons même plus loin. Toute recherche de valeurs fondée sur des pairs, telles qu’égalité et fraternité, entraîne inévitablement  des heurts sociétaux selon les opinions des uns et des autres. Il en est de même de la dichotomie entre le droit et le devoir. Une société qui ne met l’accent que sur le droit des uns et des autres à penser, à agir, à vivre à sa manière devient très vite totalitaire, car la plupart du temps un droit accordé à l’un peut empêcher le libre exercice d’un autre droit accordé à un autre.

C’est donc bien un équilibre entre plusieurs valeurs dans différents domaines qui crée une société stable. Il apparaît également que ce ne sont pas les valeurs qui seules comptent, mais l’équilibre de l’importance accordée entre les valeurs propres aux personnes et les valeurs de la société. Cet équilibre est toujours à trouver, à remettre en question entre la prédominance des personnes et la suprématie de la société sur l’individu. Prenons l’exemple du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes. Si l’on en fait une valeur fondamentale sur laquelle se construit la société, celle-ci a de grandes chances de ne pouvoir durer. La contestation devient très vite l’action fondamentale des personnes au détriment de la stabilité qui seule permet l’épanouissement des personnes.

Au fond, la seule règle sur l’emploi des valeurs est bien d’abord le développement d’un bien commun et la recherche par le politique de l’épanouissement de chacun en harmonie avec l’épanouissement des autres.

06/12/2016

Les valeurs

On n’a jamais autant parlé des valeurs que depuis qu’on ne sait plus ce que c’est. Tous s’en mêlent, à commencer par les politiques qui ne cessent de se justifier au nom des valeurs de la république ou de la démocratie. On s’échange les mots avec avidité, chacun étant considéré comme supérieur à l’autre. Mais ils sont devenus des mots creux, des étendards sans fondement, des fondements sans assise.

Alors qu’est-ce qu’une valeur ?

 Le mot vient du latin « valor », dérivé de « valere », valoir, avoir de la valeur, et, primitivement, « être fort, puissant, vigoureux ». La valeur est ce que représente quelqu'un ou quelque chose, quantitativement, financièrement, qualitativement ou symboliquement. Mais cette signification s’est élargie. Parler de valeur, c’est poser le fondement de l’action et sa légitimité. Certains comportements valent plus que d’autres. Ils s’organisent autour des concepts de bon et de mal. La valeur est donc le fondement d’un jugement critique vis-à-vis de tel ou tel comportement et des motifs pour lesquels ce jugement est considéré comme définitif, ou presque, par chacun.

Se pose alors la question du bien et du mal et aussitôt s’établit une différence entre ce que, au fond de moi, j’appelle bien ou mal et ce que les autres considèrent comme bon ou mauvais pour eux-mêmes. On constate alors que ces notions tournent autour de la personne qui juge par elle-même de ce qui est bien ou mal pour elle-même et, dans le même temps, autour de la société qui édicte des règles de comportement qui doivent être valables pour tous et qui constituent des fondements de vie commune, ce que l’on appelle le bien commun. La valeur permet donc de justifier l’action, l’attitude, le comportement, et donc d’exercer un jugement à la fois sur telle ou telle personne et sur telle ou telle société et, plus largement, sur telle ou telle civilisation. Appelée également axiologie (théorie de la valeur), elle s’occupe de toutes les façons dont on peut prendre position pour ou contre une chose, ou dont on peut la soumettre à un jugement critique. Choisir une chose plutôt qu’une autre, c’est se déterminer pour  ce que l’on choisit et contre  ce que l’on rejette. Ainsi le problème des valeurs tient principalement à un choix personnel et à un choix de société qui peuvent s’opposer ou, au contraire, s’harmoniser.

En fait la notion de valeur est dualiste. Elle peut être subjective ou objective selon le regard qu’on lui porte et qui se différencie par l’être en tant qu’individu et la personne en tant que membre d’une société. Ainsi, Spinoza écrit : « Nous ne désirons pas les choses parce qu’elles sont bonnes, mais elles sont bonnes parce que nous les désirons » et Aristote prétend que : « Nous désirons une chose parce qu’elle nous semble bonne, plutôt qu’elle ne nous semble bonne parce que nous la désirons ». Dans le premier cas, la valeur est estimée ou désirée par le sujet, elle a un prix personnel créé par la conscience, donc intérieur, immanent et temporel. Dans le second cas, la valeur est digne en soi d’estime et de désir, elle s’impose à la conscience, donc extérieure, transcendante et intemporelle.

Maintenant parlons concrètement. C’est quoi ces valeurs dont on nous rebat les oreilles ?

On constate qu’il est difficile de les hiérarchiser et quelles se distinguent plutôt selon l’angle sous lequel on les regarde. On différencie ainsi des valeurs humanitaires (la dignité humaine, la justice, la solidarité, la responsabilité, la tolérance, le respect des différences, l’intégrité de la personne), qui mettent l’accent sur la personne, et des valeurs communautaires (le respect des civilisations et des cultures, l’histoire commune, le territoire commun, l’égalité des races et des ethnies), qui mettent l’accent sur la société. On distingue également des valeurs internationales (la notion de nation et de souveraineté,  droit des peuples à disposer d’eux-mêmes), des valeurs sociales et politiques (le droit, l’ordre, la justice, le progrès, la liberté, la démocratie, le pluralisme), des valeurs économiques (la propriété, le travail, l’échange des biens, la liberté d’entreprise). On constate également que ces notions peuvent se différencier dans leur acceptation. Ainsi la notion de justice variera selon le point de vue de celui qui l’utilise ou la subit, de même la notion du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes. Et cela est vrai pour chaque notion.

Alors y a-t-il des notions sur lesquelles tous peuvent s’accorder, des valeurs universelles ?

Oui et non. Oui, certaines valeurs éthiques, en particulier les cinq valeurs que l’individu comme la société reconnaissent, c’est-à-dire le bien, le bon, le vrai, le beau, le juste, peuvent être considérées comme universelles. Mais derrière ces mots qu’appelle-t-on réellement bien, bon, vrai, beau, juste ? Tous y mettront des acceptions différentes qui les opposeront dans l’action comme dans le concept lui-même de chacune d’entre elles.

Est-ce à dire qu’il n’y a pas de valeurs ou qu’elles ne servent à rien ou qu’à opposer les hommes plutôt qu’à les rassembler ?

Sûrement pas ! Les valeurs sont nécessaires et justifient chaque homme comme chaque société. Elles sont donc un bien commun inaltérable qui caractérise l’humanité, sans que l’on puisse cependant les énoncer comme inaltérables et effectives pour tous, même les valeurs éthiques.

Alors plutôt que de parler et de s’échanger des valeurs considérées comme supérieures à celles des autres, il conviendrait plutôt de faire preuve de juste milieu sans vouloir placer l’une ou l’autre valeur en prééminence par rapport aux autres, telle que la notion d’égalité par rapport à la notion de liberté ou la notion de travail par rapport à la notion de propriété. De même la même notion peut avoir une valeur véritablement différente selon ce sur quoi elle s'applique. La valeur, sous prétexte qu'elle est mise en avant, ne peut excuser tout. Ainsi de la liberté de faire ce que l'on veut de son corps, liberté de se droguer ou de se suicider. La valeur ne peut justifier un droit, en opposition à une autre valeur. Toute valeur a ses limites et, encore une fois, le juste milieu est la meilleure norme.

12/11/2016

Simple en esprit

 

Être simple en esprit et non simple d’esprit

Avoir l’esprit d’enfance et non l’esprit d’enfantillage

 

 ©  Loup Francart

09/11/2016

Ecologie

"Pourquoi l’écologie ne réussit-elle pas à percer et à emporter les convictions ? Parce qu’elle s’obstine à rester dans le domaine factuel alors que son champ d’action est aussi celui de la beauté et qu’elle l’ignore. Elle est restée fermée à la résonance esthétique et spirituelle des choses, à l’exaltation de l’absolu et de l’infini. Préserver la nature est un impératif parce que nous avons aussi besoin d’une nature belle qui évacue les miasmes et les nuisances du monde humain."

Pierre Rabhi, La convergence des consciences, Paris, le Passeur, p.58

 

C’est vrai, l’écologie qui est, à l’origine, la science qui étudie les relations entre les êtres vivants (humains, animaux, végétaux) et le milieu organique ou inorganique dans lequel ils vivent, est devenue une véritable idéologie. Alors peut-être vaut-il mieux la définir comme l’étude des relations réciproques entre l'homme et son environnement moral, social, économique. Cette définition correspond mieux à l’idée de ce que maintenant la société appelle écologie parce qu’elle implique une vision morale, sociale, économique et surtout politique. Mais elle a totalement perdu le point de vue éthique et spirituel qui devrait constituer son fondement et les bases de sa morale. Si bien que l’écologie introduit le scepticisme de la part des citoyens et l’affrontement de la part des politiques. Elle produit ses propres anathèmes et parle une langue de bois qui exclut toute idée non écologique et toute expression qui ne va pas dans son sens. Ainsi, les écologistes estiment qu’ils doivent imposer au peuple ce qui fera leur bonheur, à l’égal du communisme. C’est à la société d’apprendre à l’homme ce qui est bon pour lui.

C’est pourquoi Claude Allègre, l’ancien ministre de l’éducation nationale, se permet de déclarer : « L'objectif de la secte verte, c'est pour l'homme la punition, la vie dure ; pour la société, c'est la contrainte, la règlementation. La méthode, c'est la peur. » (Claude Allègre, Ma vérité sur la planète, 2007).

Oui pour une écologie qui aide l’homme à admirer son milieu naturel, non pour une écologie idéologue « qui pensent que la seule chose qui cloche dans ce pays est qu'il n'y a pas assez de pistes cyclables » (Georges Carlin, humoriste, acteur et scénariste américain).

26/10/2016

Simple, c'est tout

 

Être simple par inconscience n'est pas une qualité

plus difficile est d'être simple par innocence

 

©  Loup Francart 

21/08/2016

Maxime

 

« Tout voir, mais ne rien entendre. »

 

 C’est la maxime du sage :

Observer le monde d’un œil impartial,

Sans écouter la parole de quiconque,

Surtout lorsqu’il parle à un autre.

 

30/07/2016

Maxime

Le jugement sûr passe inaperçu.

Il conduit toute chose

à un achèvement naturel et sans histoire.

 

23/07/2016

Maxime

La bonté est timide. 

Elle agit sans dire mot

et se cache derrière la vie quotidienne.

 

09/07/2016

Le plaisir et le bonheur

On confond trop souvent plaisir et bonheur. C’est une confusion profonde, au-delà d’un malentendu entre les mots. Sous prétexte de rechercher le bonheur, on recherche les petits plaisirs. C’est tellement plus facile. On se trouve du bien-être à la chaîne qui, mis bout à bout, donne l’illusion du bonheur.

Le plaisir est passager. Il ne dure pas. Certes, il provoque des décharges d’adrénaline qui enchante l’instant. Mais très vite, comme l’enfant devant un jouet nouveau, il ne comble plus l’esprit de celui qui l’éprouve. Vous aurez alors besoin d’une nouvelle quête, d’un nouveau sujet de plaisir pour vous satisfaire, qui, lui-même, deviendra caduc le jour où vous l’obtiendrez. Observons que le plaisir est lié au monde extérieur. Il n’est que la réaction positive recherchée face aux circonstances que vous vous efforcez de faire naître favorablement.

A l’inverse, le bonheur est durable, car il n’est pas lié aux circonstances extérieures, mais à votre état d’esprit. Peu importe les circonstances de la vie. Seule compte la façon dont je les vis de l’intérieur. Alors, qu’est-ce qui fait la différence, in fine ? Soit je perçois la succession de grains que je côtoie dans l’écoulement du temps, soit je m’efforce de percevoir ce qui les relie à moi-même et aux autres. La qualité de la relation a plus d’importance que la relation elle-même. C’est cette qualité, recherchée et développée, qui ravie et fait éprouver le bonheur.

N’accumulons pas les grains offerts par la vie, mais cultivons la façon dont on les perçoit et les intègre dans notre vie intérieure.

08/07/2016

Maxime

 

Ceux qui se gouvernent peu

N’ont aucun mal à gouverner les autres

Le sage ne gouverne pas

Il conseille et laisse libre

 

©  Loup Francart 

17/08/2014

Le mal et le bien

On oppose sans cesse le mal au bien, comme les deux extrêmes du comportement des hommes, voire de l’univers. On trouve le mal partout. Dans la nature, les cataclysmes viennent et partent sans cesse. Il y a des plantes carnivores et d’autres vénéneuses. Les animaux s’affrontent sans merci pour manger et subsister. Quant aux hommes, il n’est point nécessaire d’en parler : certains pensent qu’ils ne sont que mal et qu’aucun bien n’en sort.

Mais qui d’entre vous a vu le mal personnifié ? De toute chose l’homme attend un bien, même du mal. L’inverse n’est pas vrai. Personne n’attend du bien qu’il produise du mal. Il y a donc une différence notoire entre l’un et l’autre. Le bien supplante le mal parce que du bien comme du mal on attend un mieux, c’est-à-dire un bien supérieur. Les cataclysmes n’ont lieu que pour équilibrer les forces de la nature. Le serpent pique pour se protéger. Le loup mange l’agneau pour subsister. L’homme mauvais ne fait qu’espérer que sa méchanceté lui apporte plus de richesse, de gloire, de pouvoir ou d’autre chose qui sont censés représenter le bien pour lui. L’inverse n’existe pas ou n’est qu’un stratagème qu’utilise le mal pour atteindre un bien. Seule la pensée humaine peut imaginer que le mal personnifié existe. C’est la figure du diable. Il fait le mal pour qu’il y ait encore plus de mal. Il tisse sa pelote par le mal, pour le mal, dans le mal. Mais l’avez-vous vu ?

Le miracle de l’homme est donc cette recherche permanente d’un bien par tous les moyens. Il est attiré par le bien, même si les moyens qu’il utilise sont mauvais. Et seul l’homme est ainsi. Les autres êtres des mondes minéraux, végétaux ou animaux n’ont pas conscience du mal. Ils existent, craignent pour leur vie, cherchent à subsister parce que c’est dans leur nature, voire leur inconscient en ce qui concerne le monde animal. Les animaux ont en effet un inconscient et un conscient, certes beaucoup moins développé que l’homme, mais tout de même. Regardez un chien dormir. Il rêve comme l’homme. Cela se voit à ses gestes inconscients. Regardez tigres et panthères, ils défendront leurs petits jusqu’à la mort. Mais cela ne les empêche pas d’attaquer les petits des autres et d’user de toute sorte de ruses pour en faire leur festin.

Ce qui caractérise l’homme par rapport à l’animal est d’avoir la conscience du bien et du mal. Serait-ce l’acquis qui lui donne ce plus qui est une montagne en soi ou cette conscience est-elle innée ?  Seul un regard sur l’enfant peut nous le dire. Non, ce n’est pas inné. L’enfant prend sans aucune interrogation morale ce qui ne lui appartient pas comme l’animal attaque celui qui est plus faible que lui. La notion de propriété, lié à une réminiscence de bien de la possession, est supérieure à celle de partage. Il agit comme l’animal et celui-ci, s’il s’agit de ses propres enfants, est plus évolué que l’enfant humain.

C’est donc un long apprentissage que celui de la notion de bien et de mal. Passer de la notion de bien au sens individuel qui comprend toutes choses qui comblent son receveur au risque d’entrainer des difficultés pour l’autre, à la notion de bien pour tous qui contraint beaucoup plus le receveur, est une des étapes de la vie la plus difficile à franchir.

Pourtant il existe des hommes qui agissent sans recherche de bien. Le mal pour le mal existe. La haine et l’idéologie en sont le moteur. Disons que dès l’instant où l’homme n’a plus de buts réfléchis, où l’éclaircissement de la raison fait place à l’aveuglement de la rage, le mal peut apparaître dans toute sa froideur et sa cruauté. L’homme en proie à cet aveuglement se fabrique un monde imaginaire qui conspire contre lui-même et sa représentation du monde. Il croît encore chercher le bien, mais c’est le mal qui l’emporte, hors de toute raison.

Alors méfions-nous de nos pensées toutes faites sur le monde et les hommes. Elles peuvent être dangereuses.

11/07/2014

L’absence de vision pour la France

Depuis plusieurs décennies les politiques sont devenus politiciens. Qu’est-ce à dire ? Ils n’ont pas de vision d’avenir pour la France, leur programme consiste en l’énumération d’un certain nombre de points, à la manière américaine, comme un marché à présenter à l’opinion pour être élu. Le passage du septennat au quinquennat a consacré cette indécision à choisir le style constitutionnel de la politique française.

Deux conceptions du pouvoir s’opposent. La première est celle de la politique ou politics pour les anglo-saxons. C’est le lieu des combats, des conflits, des divisions. La politique relève de la contingence. Elle n’est pas réductible à la lutte, car elle est aussi l’objet sur lequel le pouvoir porte ses préoccupations. La seconde est celle du politique ou policy : elle évoque le monde des essences[1] et est le lieu d’un discours rationnel, dégagé des contingences, sur le sens de l’évolution de la société.  « Le politique qualifie un certain arrangement ordonné des données matérielles d’une collectivité et des éléments spirituels qui constituent sa culture… Le politique est l’expression du groupe. [2] » Ce sont donc deux conceptions de la fonction présidentielle qui s’affrontent : une conception américain où le chef de l’Etat est acteur de la politique et en même temps visionnaire du politique, ou une conception européenne où la pérennité est assurée par un dédoublement des pouvoirs qui correspond aux deux aspects évoqués. La politique française flotte entre ces deux positions, sans choix, donc inefficace.

La thèse quinquennale est liée à celle d’un monde politique fondant sa décision sur le temps-espace ou la durée-mesure : la quantité est la norme décisionnelle au détriment de la qualité. Elle engendre l’immédiateté de la décision, l’emploi de la communication comme effet d’annonce, l’urgence de l’intervention politique dans tous les domaines et l’interférence normative et législative dans l’éthique et la vie privée. La thèse septennale et celle d’un monde où le rythme du vécu et de l’histoire est pris en compte pour instaurer la finitude dans la direction de la nation. Il s’agit d’utiliser le pouvoir non comme une succession de réaction aux événements, mais comme une durée finie pour mettre en place les éléments à la fois du changement et de la continuité.


[1]J. Freund, L’essence du politique.

[2]G. Burdeau, La politique au pays des merveilles.

13/06/2014

Vertu et politique

Certains mots vieillissent, comme les humains. On s’en sert sans y prendre garde, et puis, un jour, quelqu’un rit : de quoi parle-t-il ? Oui, vous êtes décalé, ce mot ne s’emploie plus, il est ringard. Ainsi en est-il de la vertu. Certes, l’expression de « femme de petite vertu » s’applique-t-elle toujours à certaines catégories de la gente féminine, mais comme ces catégories ont singulièrement augmentées ces dernières années en raison de la libération des mœurs, on ne l’utilise plus guère.
Du temps des romains, la vertu était synonyme de force. Elle désignait le courage physique ou moral, la force d’âme, la vaillance. Son origine est dérivée de vir qui donna viril et virilité. D’après Caius Marius : « La vertu est la clef de voûte de l'empire (romain), faisant de chaque seconde de la vie du citoyen, une préparation minutieuse aux dures réalités de la guerre, et de chaque bataille rien d'autre qu'un sanglant entrainement ».
La vertu s’est ensuite déclinée en vertus cardinales (le courage, la prudence, la tempérance et la justice), en vertus intellectuelles (la sagesse, la connaissance, l’humilité), en  vertus morales (la charité, la chasteté) ou même théologales (la foi, l’espérance et la charité). Mais ces déclinaisons nous semblent bien loin.
Les Romains étaient-ils aussi vertueux que nos politiques sont obstinés ? Les premiers flottaient dans leur image et montaient au plus haut des opinions, les seconds persistent et signent pour accumuler sièges et mandats. La vertu étant devenue un mot ringard, on lui cherche des équivalents. Celui qui semble le plus proche serait sans doute l’éthique. Ce mot fait plus sérieux, plus philosophique et moins moraliste. On en parle beaucoup, on la pratique peu. Elle est l’objet de débats et de colloques, mais sa pratique reste tiède. Pourquoi s’encombrer d’un moteur de quatre chevaux alors que la puissance se situe sans conteste du côté de la pratique des amitiés politiques. Pourtant la vertu politique, disait Robespierre, est un « sentiment sublime qui suppose la préférence de l'intérêt public à tous les intérêts particuliers ; d'où il résulte que l'amour de la patrie suppose encore ou produit toutes les vertus : car sont-elles autre chose que la force de l'âme qui rend capable de ces sacrifices ? Et comment l'esclave de l'avarice et de l'ambition pourrait-il immoler son idole à la patrie ? ».
Au siècle précédent la vertu restait à l’honneur, mais de manière plus personnelle. Elle désignait une personne propre et devenait synonyme d’austérité. Les grandes figures morales devenaient  des hommes ou des femmes à principes, pratiquant la chasteté, la fidélité, l’honnêteté. Mais ces façades cachaient beaucoup d’hypocrisies.
La vertu existe-t-elle encore ? Oui, certes. L’utilisation de la locution en vertu de reste un pied de nez littéraire, une culbute des artistes de la parole comme des hommes de loi. Et lorsqu’elle est employée dans la formule magique en vertu des pouvoirs qui me sont conférés, on atteint le fond de l’hypocrisie politique. Cependant, la vertu républicaine est remise à la mode, mais une mode fantoche.
Le mot vieilli. Et pourtant, n’est-elle pas belle cette qualification de vertueux ? Elle me fait penser immanquablement à la personne qui s’enduit de crème transparente pour errer dans le monde et se glisser entre les colères et autres luttes sociales, au-dessus du lot et des foules.
Aussi, je m’interroge : quelle est ma vertu première ? Je n’ai pas encore trouvé.