17/08/2016
Savoir être vieux
Peu de gens savent être vieux.
(La Rochefoucauld)
Oui, c’est vrai, et pourquoi ? Il n’y a pas une réponse, ni même deux, mais une multitude. Pourquoi ? Parce que chaque homme a son histoire secrète et que celle-ci est ce qui conduit à la vieillesse.
Tout d’abord, de nombreux hommes arrivent à un âge avancé sans se savoir vieux. Ils font des projets, poursuivent ce qu’ils ont commencé sans qu’il leur vienne une seconde l’idée d’arrêter. Ce sont des actifs qui poursuivent sur leur lancée leur rêve de vie et n’ont jamais eu l’idée de faire autre chose que ce qu’ils ont toujours fait. Ils le font bien, à leur manière ; mais ne savent faire que cela et s’enlisent dans ce rêve sans comprendre l’’importance d’en sortir. Savent-ils vieillir ? Non, ils ne savent pas ce que vieillir veut dire.
Pourquoi les hommes plus que les femmes ? Parce qu’une femme a la sagesse du corps. Elle a connu l’amour humain sous toutes ses formes : chaste (plus que les hommes en général), fou (éros, matrimonial ou autre), maternel (ce qu’aucun homme ne connaît), familial (storgê, la femme étant la préservatrice de la famille), sociétal (philia en tant que lien social) et souvent, par ce fait, l’amour inconditionnel (Agapè, proche de l’amour divin). Alors une femme sait vieillir, cela lui vient naturellement, au travers des enfants et petits-enfants qu’elle choie comme s’ils étaient ses propres enfants, même s'ils ne lui appartiennent pas.
Inversement un certain nombre se sentent vieux avant même d’arriver à la vieillesse. Leur phrase favorite : « Comme les vieux… » Ils sont perclus de maux, ne vivent que dans leur passé qui est généralement pauvre et c’est pour cela qu’ils n’ont jamais rêvé le poursuivre à un âge avancé. Ils écoutent leur corps, à la recherche du moindre grincement des bielles et consultent le médecin avec une régularité d’obsédé.
Plus rares sont ceux qui, lorsque la vieillesse arrive, se disent qu’il est temps de changer de vie et de s’intéresser à ce dont leur jeunesse a rêvé ou ce qu’ils ont entrevu à ce moment sans avoir eu le temps de l’approfondir. Ils se découvrent un hobby qui les maintient en activité jusqu’à un âge avancé. Il peut être futile ou tout ce qu’il y a de plus sérieux. Il peut être exercé en amateur, mais aussi en professionnel et conduire à une nouvelle carrière. Mais si c’est le cas, ils se classent alors dans la catégorie des gens qui deviennent vieux sans le savoir.
On trouve aussi des gens, plus rares il est vrai, qui ont passé leur vie à s’exercer à de nouvelles approches de la vie, passant d’un métier gagne-pain à un métier hobby sans jamais se fixer, dévoreurs d’activités sans pouvoir choisir ou échouant à chaque nouvelle proposition apportée par le destin. Ce sont des indécis, des girouettes et ils aiment cette incertitude de l’avenir comme étant une ouverture permanente sur la vie et les autres. Ce peut être également de gens qui ne savent se fixer et qui en sont extrêmement malheureux, même s’ils ne le disent pas.
Enfin, il y a des personnes qui choisissent une activité (et pas forcément un métier), qui l’exercent à fond, puis choisissent de changer parce qu’ils en ont fait le tour et n’ont plus rien à apprendre. Ils exerceront ainsi trois ou quatre passions, voire plus, et sauront le moment venu en changer avant d’en être totalement lassés. Malheureusement, ceux-là ne savent pas non plus vieillir. Ils sont comme les premiers, dévorés par l’activisme.
Alors, effectivement, peu de gens savent vieillir, donc être vieux. Ils se retrouvent vieux, dans la peau d’un autre, mal à l’aise et amoindri par cette infirmité plus psychologique que physique, sans savoir se comporter comme leur âge le laisse supposer. Généralement, leurs défauts s’accentuent, leurs qualités s’amenuisent, mais aucun fait nouveau ne vient modifier leur façon d’être.
Mais au fond, qu’est-ce qu’être vieux ?
C’est avoir découvert ce qu'on a toujours pressenti au fond de soi-même, cette essence de l’homme derrière l’existence, l’invisible derrière le visible et le donner aux autres à travers ce qu’on fait, crée, produit, engendre, pense. Et c’est un secret différent pour chacun de nous qu’il nous faut découvrir et cultiver pour le partager.
07:47 Publié dans 11. Considérations diverses, 61. Considérations spirituelles | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : vie, existence, vocation, société, gériatrie | Imprimer