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24/04/2018

Le nombre manquant (52)

Ne sachant que faire, nous reprîmes le tableau élaboré à Paris chez Mathias. Que pouvait-il nous apprendre suite aux événements de la nuit ? Il leur était à peu près sûr qu’en ce qui concernait les ravisseurs, il ne pouvait s’agir que d’un seul individu. Enlever deux personnes en une nuit en des lieux différents semblait irréaliste. De plus, pourquoi enlever ces personnes ? Pour l’argent ? Nous aurions déjà reçu une demande de rançon puisqu’ils connaissaient l’adresse de l’hôtel et vraisemblablement notre existence. Ils avaient été capables de faire le lien entre Claire et notre petit groupe et l’existence du professeur et, probablement également, de sa confrérie. Il s’agissait donc forcément de personnes ayant une connaissance de nos recherches et intéressées par celle-ci. Ce qui nous semblait le plus probable étaient soit une organisation religieuse ou idéologique, voire en mal de connaissance, soit un État dominant cherchant à tout prix à maintenir son omniprésence.

– Et si nous cherchions ce qui peut intéresser ces organisations ou ces États dans nos recherches, me dit Mathias. Cela nous permettrait peut-être d’éliminer ou d’infirmer certaines hypothèses.

– Nous avons principalement, jusqu’à présent, et sans doute par manque de compétences, axés nos approfondissements sur la cosmologie et ses investigations par les nombres. Très peu en ce qui concerne les aspects philosophiques et religieux. On pourrait peut-être éliminer les églises, non ?

– Je ne crois pas. Les églises ont toujours été les premières à être bien renseignées et à s’intéresser à tout ce qui concerne l’origine du monde et aux lois de son évolution. Elle a condamné de grands savants, mais elle a également laissé des ecclésiastiques faire des recherches. Deux exemples : le Père Teilhard de Chardin, paléontologue et philosophe, pour qui matière et esprit sont deux faces d'une même réalité, et le chanoine Georges Lemaître, physicien et astronome, qui élabora sa théorie de l’atome primitif, début temporel de l’univers. Pour moi, les églises sont tout à fait susceptibles d’intervenir dans nos recherches si celles-ci s’avèrent innovantes ou risquent de remettre en question l’existence de Dieu.

– Soit, gardons-les présentes à l’esprit, accordais-je à Mathias.

– Tu ne crois pas si bien dire. Pour elles, l’Esprit, avec un grand E, est le moteur essentiel de l’univers et de la vie. La matière n’est que la manifestation de la divinité. Étonnant d’ailleurs de constater que certains scientifiques, tel Jean E. Charon, énoncent que chaque grain de matière possède une part de mémoire et donc de possibilité de choix, donc de liberté. Pour ces physiciens, l’esprit ne serait pas le propre de l’homme. La spiritualité serait ainsi contenue à l‘intérieur de certaines particules de "matière". La matière et l’esprit seraient deux aspects d’une même réalité, la matière étant l’endroit et l’esprit l’envers.

– C’est bien l’objet de notre entreprise, concilier la physique et la philosophie, la cosmologie et la théologie. Nous avons donc des précurseurs, scientifiques et visionnaires, voire mystiques.

– Oui, mais ils ne sont malheureusement pas écoutés.

23/04/2018

Le mouvement

Le monde moderne est un monde de mouvement dans lequel le temps et l’espace se confondent. Ce mouvement est la cause de l’anxiété de l’homme face à la vie quotidienne. Il engendre le désir : ailleurs se trouve l’objet de ce désir et tous courent derrière, vers son rêve, son cauchemar, son idéal ou même sa folie. Tous s’essoufflent dans ce rêve. La plupart y laissent des plumes, détruisent ce qu’ils ont patiemment construits, sans trouver mieux le plus souvent. Ils reconstruisent un autre rêve et courent à nouveau derrière lui. Peu s’interrogent sur le but réel. Ils ne rêvent qu’au but immédiat. Le reste n’est qu’un brouillard fragile et impénétrable qui, pourtant, est ce qui lui permettra de vivre. Mais y pensent-ils ?

La vie ne devient course de fond que lorsqu’elle laisse entrevoir la longueur des déplacements et le temps à y consacrer. Car qu’est-ce que le mouvement : du temps et de la distance. Apprendre à prendre conscience du temps à utiliser pour produire quelque chose dans sa vie, apprendre à ne pas s’inquiéter de la distance à parcourir pour l’obtenir. Chacun de ces deux facteurs du mouvement sont psychologiquement contradictoire, puisqu’un déplacement implique une perte de temps et une perte de temps implique une accélération du rythme.

Assied-toi. Regarde passer ceux qui courent, rit des vapeurs de désir qu’ils laissent derrière eux. Mais ne perd pas cet instinct de courir vers la vraie vie, celle qui délaisse le temps et l’espace et regarde au-delà ce qui fait courir.

22/04/2018

Maxime

 

Accomplir l’impossible est souvent plus facile qu’accomplir le quotidien.

Mais en parallèle, contempler les possibles quotidiens avec hauteur

Pour ne pas s’y noyer.

 

21/04/2018

Crépuscule

Le jour se poursuit dans la nuit
Pourquoi changer les aiguilles de l’’horloge
Et prolonger plus tard la lumière ?
On n’atteint pas plus de transparence,
Mais on vit une heure de plus

Alors, il faut l’occuper, cette heure
Lui donner du relief, enjoliver son passage
Y a-t-il meilleure occasion de s’oublier
D’entrer dans le vif de sa chair étourdie
Et de chasser les miasmes d’une vie insipide ?

C’est l’heure de la reconstruction
Mais d’abord se déconstruire et même se dévêtir
On erre tel un fantôme dans le crépuscule
L’œil vif encore, mais le corps endormi
Va-t-on mourir aussi d’un jour si long ?

Les minutes s’en vont, les secondes passent
Le jour est encore là, revêtu de paillettes
Il s’incruste, sans aucune honte
Il trinque avec la nuit et ne trouve plus son lit

Son chemin le conduit au-delà du temps
Dans cet espace immobile et aérien
Où l’homme se regarde vivre
Les pieds illuminés et la tête dans le noir
Il craint plus que jamais la peur
Et l’absence, et ce jour qui n’en finit pas

Est-il encore temps de rêver ?
Doit-on mettre la tête dans le sable
Et agiter ses bras comme un fou
Pour finir ce jour et ouvrir la nuit ?

©  Loup Francart

20/04/2018

Eclatement

 Il ouvrit sa chemise

il sortit son couteau

il s'entailla la poitrine

mais n'en sortit que la géométrie

que, toute sa vie, il avait choyé

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19/04/2018

Naissance moderne

Jusqu'où va-t-on ?

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Non, nous ne t'avons pas téléchargé sur Internet. Je t'ai mis au monde !

18/04/2018

Le printemps

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Il est arrivé sur la pointe des pieds, encore chaussé des bottes d’hiver et, enfin, il se dénude et dévoile ses atours bariolés. Au Japon, les fêtes du "hanami" (littéralement "contempler les fleurs") sont célébrées chaque année quand éclosent les fleurs blanches ou roses des cerisiers. C’est un moment culte qui a été célébré hier à Paris comme au Japon et qui a tant tardé.

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Et tous de sourire, d’ouvrir les yeux et les oreilles, de s’assoir et de contempler ces bourgeonnements et ces éclosions, comme des feux d’artifice qui hérissent les corps et entrouvrent les cœurs. 

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Alors quelle meilleure promenade que celle du jardin des plantes. Un épanouissement de vert de toutes teintes, de roses vifs ou pâles, de blancs en longues robes. Malgré la foule qui glisse sur les allées à pas feutrés, on se sent seuls avec la terre emplie d’odeurs. On se couche dans l’herbe, on gratte le sol, on approche son nez d’une multitude de floraisons et on s’enivre de cette grâce divine.

 

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Au retour, on suit la Seine, qui coule joyeusement entre les maisons et l’on s’arrête pour regarder ces Parisiens qui fêtent le printemps en dansant, les yeux fermés, joue contre joue, mains plaquées, pieds rythmés, cœur léger. Ceux qui n’osent pas les contemplent, ont les pupilles écartées ; certains laissent jaillir des perles de larmes et se rappellent les tangos argentins qui étreignent l’âme des plus endurcis.

 

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Les uns se regardent dans le blanc des yeux, d’autres exercent leur souplesse intime, d’autres s’enfoncent en eux-mêmes en oubliant Paris.

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Hier, c'était bien un jour de vacances !

 

17/04/2018

Transhumance

Il traversa lentement l’espace vide.
Dans le hublot, il contempla la mer immense.
Elle lui demanda : "Pourquoi ces yeux avides ? "
Il lui dit : "Je vois le début de la transhumance."

"Viens à moi. Ferme les yeux à la tentation.
Le bonheur n’est pas au bout de la route,
Il est là, maintenant, dans notre association.
Je t’en prie, mon chéri, reste à mon écoute."

Ainsi échangeaient-ils leurs vagues impressions,
Hélas, sans aucune faculté de renonciation.
Il cherchait l’air, elle n’offrait que son giron.

C’est ainsi que débordant d’amour pour le monde,
Il en vint à détester la belle Edmonde,
En laissant échapper ses remords sur les ondes.

©  Loup Francart

16/04/2018

Maxime

 

Ce n'est que lorsqu'on a renoncé à posséder

que l'on possède réellement.

 

15/04/2018

Le nombre manquant (51)

En début d’après-midi, nous prîmes rendez-vous avec le Commissari capo du rione[1] où se trouve l’hôtel. Celui-ci, après avoir écouté et posé quelques questions, désigna un ispettori superiori[2] qui parlait français pour l’enquête. Il leur déclara que c’est parce qu’ils avaient reçu un appel téléphonique désignant un enlèvement qu’ils pouvaient bénéficier d’une enquête. Une simple disparition ne suscite pas l’ouverture de recherche pour un adulte, comme en France, ajouta-t-il. Ils avaient convenu de ne pas s’étendre sur leurs recherches et de se présenter comme de simples touristes en visite à Rome. Mais ils durent bientôt entrer dans les détails.

L'inspecteur fut étonné d’apprendre que Claire était partie sans toucher à sa chambre, vêtue telle qu’elle y était arrivée. Serait-elle partie volontairement, comme si elle avait été appelée, probablement par l’intermédiaire de son téléphone portable ? Ce qui signifierait que la ou les personnes qui s’étaient emparées d’elle la connaissaient et connaissaient son numéro.

– Connaissez-vous l’adresse du professeur ? Nous demanda l’inspecteur.

– Nous ne connaissons que son lieu de travail qui est la villa Médicis où il est en charge des relations entre la ville de Rome et les résidents.

– Savez-vous s’il y habite ?

– Je ne crois pas, mais je n’en suis pas certain. Seule Claire pourrait nous le dire, remarquais-je.

– Demain matin, j’irai à l’Académie de France pour en savoir un peu plus. Cela va être une enquête longue et difficile, car, pour des raisons diplomatiques, il faut être discret et ne rien laisser apprendre à la presse. Vous connaissez la presse romaine, elle est à peu près semblable à celle de la France, surtout depuis l’apparition d’internet. Ne vous attendez pas à des résultats immédiats, sauf si bien sûr les ravisseurs se manifestent.

– Oui, mais d’un autre côté, je ne vois pas pourquoi ils les ont enlevés s’ils n’ont rien à nous demander.

– N’oubliez pas qu’ils détiennent déjà deux membres de votre groupe. Cela peut leur suffire. Là-dessus, il prit congé non sans nous rappeler de garder le contact et l’appeler si nous disposions d’éléments nouveaux.

 

[1] Les Rioni sont les quartiers situés dans le centre historique de Rome.

[2] L’équivalent d’un commandant de police en France.

14/04/2018

Le gardien, pièce d’Harold Pinter

Ce clochard recueillit par une sorte de misanthrope doublé d’un sage proche de la folie, c’est une caricature de l’homme, c’est-à-dire un être qui cherche avant tout un certain bien-être physiquepièce,théâtre,fraternité,psychologie et la certitude de sa continuité, quitte à empiéter sur le bien-être d’autrui. Il lui semble que ce bien-être acquis grâce à la bonté d’un homme, lui est dû et que nul n’a le droit de le lui retirer, pas même celui qui le lui a donné.

Le frère de cet homme, moins complexe, et cependant plus difficile à définir : il s’intéresse aux choses, c’est-à-dire à tout ce que la vie lui permettra d’acquérir et ne voit dans les autres que le moyen de lui apporter ces choses. Cependant, il a conscience du sentiment fraternel qui le lie à son frère. Peut-être même l’admire-t-il inconsciemment ?

Théâtre réaliste, très cru, il n’en émane pas moins une profonde poésie du quotidien, pleine d’humour, qui fouille jusqu’au fond des êtres, livrant leurs réactions intimes.

13/04/2018

Le sel

Va et ne te retourne pas

Le sel de la terre est là

Avance sur ton chemin

Et ouvre ton cœur aux humains

 

lui,toi,humain

 

 

12/04/2018

Moi et la vie

On a l’habitude de dire : « C’est la vie », lorsqu’une contradiction se présente et que l’on refuse de se laisser préoccuper par elle. Mais pourquoi faire de la vie quelque chose d’extérieur dont il faudrait accepter la fatalité ? Ce que l’on appelle prendre la vie avec philosophie n’est qu’un renoncement à être. On renonce à notre propre réalité.

Note système éducatif est élaboré  pour faire face à la vie, si bien que l’homme finit par croire qu’il y a deux choses : lui et la vie, c’est-à-dire le monde. Pourtant, le monde n’est pas plus la vie que lui. Le tout est la vie, car la vie est ce qui est.

Descartes a trompé l’homme lorsqu’il a dit : « Je pense, donc je suis ». Par cette simple phrase, il a dissocié la pensée et l’être, argumentant en faveur du fait que la vie de l’homme est en dualité permanente entre la pensée et l’être. Il a mis la pensée avant l’être. Pour lui, l’être n’est que parce qu’il pense, alors qu’en fait, en dehors de tout système philosophique, la pensée n’existe que parce que j’existe. Elle n’est qu’une des manifestations de l’être, comme l’amour. « Je suis, donc je pense » ?

Alors la dualité disparaît, le dualisme du sujet et de l’objet s’évanouit. Nous ne cherchons plus à saisir, car nous sommes ce que nous saisissons, le soi et le monde constitue une unité.

11/04/2018

La raison

 

La fonction de la raison est de conduire l'esprit jusqu'aux frontières du mystère de l'être.

Elle cerne le domaine du mystère et démystifie les réalités naturelles.

 

10/04/2018

Le nombre manquant (50)

– Quant à la quintessence, autant que je souviens, c’est ce qu'il y a de meilleur, de plus précieux dans quelque chose ou chez quelqu'un.

– C’est la définition habituelle. Mais n’oublions pas que la quintessence vient du latin quinta essentia, soit « cinquième essence » et s’ajoute chez les philosophes anciens aux quatre premiers (la terre, le feu, l’air, l’eau) et en assure la cohésion ou la vie.

– J’avoue que pour un informaticien, tu es assez bon sur l’origine des mots. Bravo ! Mais cela nous apprend-il quelque chose ?

– Peut-être, de manière indirecte. C’est ce qu'il y a d'essentiel, de plus important dans un ouvrage, dans une œuvre, dans un concept et que l'on présente sous une forme résumée et condensée. Connaître ce mot de passe et savoir l’utiliser pourraient conduire à entrer dans un secret jalousement gardé par une barrière intellectuelle ou mystique.

– Quelque chose comme les différents sens de l’écriture dont Origène parle dans son homélie sur les nombres.

– Oui, ce pourrait être ça. La bible raconte l’histoire de la rencontre entre l’humanité et Dieu, mais elle est aussi terrain d’expérimentation de la vie spirituelle de tout homme et conduit à la découverte de soi.

– Ainsi, ce mot de passe, parce qu’il s’appelle quintessence, pourrait être une ouverture vers une autre compréhension ?

– C’est une possibilité, pas une certitude. Mais elle vaut la peine d’être creusée.

– Donc, si je comprends bien, les ravisseurs pourraient être intéressés par nos connaissances et tenter de se les procurer. Ce pourrait donc être un organisme qui aurait également pénétré dans notre base de données pourtant très sûre.

– N’allons pas si vite. Ne laissons pas marcher notre imagination.

On avait donc avancé, même si rien n’était résolu. Ils étaient vivants, on pouvait presque communiquer avec eux. L’homme paraissait intelligent, donc on pouvait négocier avec lui. On disposait d’un mot de passe sans savoir à quoi il pouvait servir. Ce n’était déjà pas mal. À nous de découvrir la suite. Mais comment et de quelle suite s’agit-il ?

– Dans tous les cas, il faut maintenant mettre les carabiniers dans le coup. Il est temps de faire une déclaration pour qu’ils tentent de retrouver Claire et le professeur.

08/04/2018

Stupre

Tu es mon rêveur, lui dit-elle
Rêve encore à cette nuit magique
Où nous avons fait connaissance
Il noua la ceinture de sa robe de chambre
Il chaussa ses lunettes d’inconnaissance
 Et partit les bras tendus vers les bas-fonds
Environné de fumée, d’espoir et d’inquiétude
Il croisa le diable qui remontait de la cave
Les bras chargés de maigres turpitudes
« Tu te trompes de chemin », lui dit-il
« Non, je vais voir ma sœur aux longs cheveux »
Il se retourna, le voyant poursuivre sa route
Elle attendait le gaillard en haut de l’escalier
Câline et souriante, ouverte à tous vents
Lui-même rata une marche, se laissa aller
Et plein d’horreur, plongea dans la lave bouillonnante
Il eut ce dernier mot, surpris d’autant de connivence
« Adieu Zibeline, le rêve se finit mal
Je voyais en toi la quintessence humaine
Et je ne trouve que le pâle reflet
Du monde des ténèbres et de la stupre
Et toi, le noir et chevelu mage
Des songes enracinés en l’homme
Puisses-tu t’évanouir face à la lumière
Que tu trouveras si tu poursuis ta montée »
Telle fut la dernière pensée du rêveur…

©  Loup Francart

07/04/2018

adaptation

Trop de milieux divers nuisent au sensible qui tente de s'adapter.

Il était (une fois) un caméléon.

Son maître pour lui tenir chaud,

le déposa sur un plaid bariolé.

Le caméléon mourut de fatigue.

06/04/2018

Les meilleurs jours

Tu m’as donné les meilleurs jours
Environné de désespoir, j’errais dans l’ombre
Fantôme détrôné à l’esprit déraciné
Me heurtant aux piliers du qu’en-dira-t-on
Tu es venu tendrement comme un nuage
Et tu m’as pris dans ton haleine vaporeuse
L’odeur de la vie m’a submergé et conquis
Ouvrant béatement le puits sans fond
Où j’ai jeté mon embarras et ma folie
Sais-tu que j’ai gardé longtemps ce parfum
Au creux de mes tempes endolories, muet d’étonnement
Je chevauchais la lune, bordé de garde-fous
L’œil acerbe sur mes propres défaillances
Ressentant l’effondrement du personnage
 Et le souffle vital du renouvellement
Quelle piste d’envol pour l’enivrement
J’ai tout perdu fort la vie
J’ai trouvé l’âme, ce nid de plumes
Qui pépie et brûle les doigts
Et j’ai atteint le lieu de transparence
Où le cœur n’a plus ni attaches ni souvenirs

 ©  Loup Francart

05/04/2018

Le sens cosmique

Comment définir ce lien intime qui peut surgir entre un objet et la conscience, entre la matière et l’esprit ? Il ne s’agit pas d’un mouvement de va-et-vient partant de soi et réfléchi sur l’objet jusqu’à une intensification de la conscience en présence de celui-ci. Il ne s’agit pas non plus d’une pénétration de l’objet par une perception plus vive et consciente jusqu’au plus profond de lui-même. Peut-être s’agit-il d’une sorte d’entrée en phase des rayonnements émis par l’un et l’autre créant un champ de vibrations concentriques. Ce champ a le pouvoir de nous sortir de nous-mêmes et de nous faire atteindre la conscience universelle tout en pénétrant au fond de l’âme.

Cette contemplation au-delà de l’objet modifie la perception du temps et de l’espace et introduit au Tout pénétrant l’être. Si tous, au même instant, pouvaient entrer en contemplation du Tout, ce serait l’éternité. Alors, la matière, créée par le Verbe retournerait au Verbe.

Peut-être est-ce la vocation de l’homme. La science rapproche la matière du Verbe et la philosophie le Verbe de la matière. L’art, peut-être, établit le pont entre les deux.

04/04/2018

Le nombre manquant (49)

– Clément, c’est Claire. Nous sommes en danger. Enlevés. On ne sait qui. Un homme, grand, brun, avec lunettes, vêtu d’un costume gris, l’air intelligent, sans autre signe particulier. Nous ne savons où nous sommes. Ah oui, un mot de passe employé par l’homme : quintessence. Je ferme, il arrive. Ne rappelle pas !

Je n’eus pas le temps d’ajouter quelque chose et, de toute façon, j’étais tellement surpris que je n’aurais su quoi dire ou demander. Trop tard ! Mathias me regardait. Je n’avais pas eu le temps de mettre le mode haut-parleur. Il me voyait secoué et se demandait ce qui se passait.

– C’est un coup de fil de Claire. Très bref. Elle me disait qu’elle et le professeur (elle a dit nous, donc je pense qu’il s’agit du professeur) avaient été enlevés. Elle ne sait pas qui ou quelle organisation les a enlevés et ignore où elle se trouve. Elle a parlé d’un homme qui porte des lunettes, grand, brun, sans signe particulier. Elle a ajouté qu’il semblait intelligent. Elle a parlé d’un mot de passe : « quintessence ». Pour quoi faire, elle n’a rien spécifié, car elle a ajouté qu’il arrivait. Elle a coupé aussitôt.

– Et tu ne lui as posé aucune question ?

– Je n’ai pas eu le temps. Il fallait surtout que je l’écoute, puis elle a dû raccrocher parce que l’homme s’approchait, m’a-t-elle dit.

– Nous n’en saurons donc pas plus. Au moins, nous les savons en vie. Dieu soit loué ! Mais que pouvons-nous faire ?

– Nous n’avons, tentais-je de résumer, que deux éléments nouveaux en dehors du fait que nous les savons en vie. Premièrement, ils ont été kidnappés par un homme non identifiable. Mais les éléments d’identification sont pratiquement inexistants. Deuxièmement, nous avons un mot : quintessence. Cherchons d’abord au plus simple : le mot de passe.

– Le mot de passe, me dit Mathias, je connais. Je peux même te donner la définition de Wikipédia : un  mot de passe est un mot ou une série de caractères utilisés comme moyen d'authentification pour prouver son identité lorsque l'on désire accéder à un lieu protégé, à une ressource ou à un service dont l'accès est limité et protégé.

– Mais cela peut également être, avec une définition plus large qui existait avant l’informatique un signe de reconnaissance entre initiés.

– C’est vrai. L’informatique n’a pas tout changé !

03/04/2018

Contraire ou complémentaire

 

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L'homme, musclé des gencives,

n'a que dédain pour ces nymphes.

Et pourtant, leur grâce l'étonne.

Comment les aborder ?

02/04/2018

Enfants

Ce sont des enfants qui découvrent la vie, en font l'expérience, à leurs dépends ou à ceux des autres.



 

01/04/2018

Haïku pascal

 

Le res-suscité :

Par la volonté divine

Il naît à nouveau

Et suscite l’espérance

La vie éternelle

Un mystère absolu

L’infinitude

Plongée du Tout dans le Rien

 ©  Loup Francart

 

 

31/03/2018

Un samedi différent

https://www.youtube.com/watch?v=r80whP_96pk 


 

Il n'est plus

La terre était informe et vide.

  Dieu n'a pas encore dit :

Que la lumière soit !

Les ténèbres sont à la surface de l'abîme

30/03/2018

Le nombre manquant (48)

Le soir de ce premier jour d’investigation dans les notes de Claire, nous avions convenu de faire un point de situation pour confronter nos points de vue, remarques, intérêts, voire points remarquables que nous avions trouvés. Mathias commença :

– Pour ma part, j’estime que ces notes ont une réelle richesse. Elles constituent, me semble-t-il, une bonne synthèse des différentes théories d’interprétation des différentes religions : leurs rôles réels, leurs doctrines, leurs influences évidemment et, bien sûr, leurs nuisances. Mais je constate, à travers ce que j’ai lu, qu’une étude des dogmes, doctrines, rites des religions ne nous apprendra pas grand-chose. Nous pourrons creuser, creuser encore, nous aurons toujours quelque chose à découvrir, mais serons-nous plus avancés dans notre objectif, j’en doute. Il y a dans toutes les religions, ou au moins la plupart, une part d’adhésion sentimentale ou intellectuelle ou encore sociale, qui en fausse la vision. Elles demandent de croire en leurs dogmes, c’est-à-dire d’adhérer à une image de Dieu qu’on ne peut penser que selon leurs critères. Dieu ne s’impose pas à notre évidence : il faut croire en lui, ou pas.

– C’est une démarche subjective inverse de la démarche objective de la science où tout passe par l’expérimentation.

– Oui, effectivement. La science ne demande pas une adhésion spontanée. Elle démontre et laisse son interlocuteur croire ou non à sa démonstration qui s’appuie sur une expérience et des conclusions tirées de celle-ci.

– Pourtant, répliquais-je, il a bien fallu une force d’adhésion au départ suffisamment convaincante pour que de nombreuses personnes croient, s’engagent et vivent leur foi. Et cette force constitue bien une expérience personnelle au même titre qu’une expérience de physique.

– Oui, nuança Mathias, mais c’est une expérience qui ne peut être partagée, alors que l’expérience scientifique consiste à prouver la véracité d’un fait en démontrant à tous son existence que tous peuvent partager.

–  Si je comprends bien, la religion implique de croire et non forcément de vivre ce que la religion déclare comme vrai. C’est pourquoi beaucoup pensent que la religion s’arrête à une croyance à laquelle il convient d’adhérer.

– Je te ferai remarquer que toutes les religions ne voient pas l’adhésion de leurs pratiquants de la même manière. Prenons par exemple le Zen. Seule l’expérimentation de la pratique du non-mental compte. De même pour le yoga au travers des exercices corporels ou mentaux.

– C’est exact, confirmais-je, et c’est pourquoi les religions dites révélées disent qu’il ne s’agit pas de religion, mais simplement d’états psychologiques à atteindre.

– C’est vrai qu’il y a une différence fondamentale entre les religions révélées et les autres, soit les religions orientales, soit les religions dites naturelles des philosophes des XVII et XVIIIes siècles.

La sonnerie de mon téléphone portable me coupa. Je décrochais et j’entendis la voix de Claire, une voix effrayée, très faible, comme téléphonant en cachette.

29/03/2018

Évangile de Jésus-Christ selon saint Jean 13,1-15

Le lavement des pieds (podonipsie en grec ou pedilavium en latin) est le premier geste de Jésus qui le conduit à sa mort, sa résurrection et son ascension. Au cours de ces derniers vingt-quatre heures, il vit et donne au monde un résumé de tout son enseignement. Alors, qu’en est-il de cet épisode du lavement des pieds ?

Avoir les pieds sur terre, c’est manifester un grand sens des réalités. C’est la règle d’or des pragmatiques, des politiques et des hommes d’action. C’est le plus souvent un éloge envers l’homme sensible qui ne s’embarrasse pas de théorie, se veut concret, quitte à ne pouvoir réaliser ce que lui dicte sa conscience. Pour lui, la vie est ce qu’elle est, il ne faut pas vouloir s’élever trop haut.

Inversement, laver ses pieds consiste à s’alléger, à sortir du quotidien, à purifier sa vision. C’est une tâche à renouveler sans cesse, même si le corps est propre, il reste toujours ces points de contact avec le sol qu’il faut sans cesse laver. Jésus dit bien à Pierre : « Quand on vient de prendre un bain, on n’a pas besoin de se laver, sinon les pieds. » L’homme ne peut vivre que de pain. Il lui faut regarder plus loin que la survie et la simple vie. Sa part de divin lui confère l’obligation quasi charnelle de se tourner vers un ailleurs qu’il ressent en lui et qui le porte. C’est pour cela qu’il doit laver ses pieds.

Mais, n’oublions pas. Ce n’est pas lui qui se lave les pieds, c’est un autre homme qui les lui lave. Et comme nous avons tous la même espérance, il n’y a ni préséance ni privilège à cet acte. Je dois moi-même aider l’autre pour m’aider moi-même.

28/03/2018

Estérel, un jour comme les autres

Que font-ils là, comme des chiens qui cherchent par terre un bienfait jeté par une voiture pleine d’enfants qui hurlent ? Comme eux, ils fouinent, le nez sur les pierres ou les herbes odoriférantes, deux adultes et des  adolescents qui ne sont plus des marcassins, mais sur le dos desquels on voit encore les bandes marquant leur jeunesse. Sages, ils acceptent la promiscuité avec les touristes, s’en réjouissent même, venant renifler les chaussures, tendant le groin vers les mains ouvertes, l’œil implorant. La mère veille cependant et grogne lorsqu’ils s’approchent trop près.

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 Irréel et pourtant vrai ! On prend du recul, on observe, les yeux propres, les oreilles lessivées, dans l’odeur du romarin et du thym. On s’élève de quelques pas, on se pince, on sent bien sûr l’odeur forte du sanglier, comme un relent de vie sauvage. Mais très vite, on s’interroge : que font-ils là ?

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On n’ose pas leur dire qu’ils feraient mieux de fuir la compagnie des hommes, de ne pas abandonner leur liberté pour quelques maigres subsides, qu’ils sont faits pour galoper dans la montagne, chatouiller les racines des arbres, humer le pied des arbustes odoriférants, se baigner dans une mare boueuse et se sécher au soleil de l’après-midi. Mais ils sont là, indifférents à l’homme, cherchant petitement leur part, grouillant d’appétit, sans un regard pour ceux qui viennent troubler leur paradis. Les parents rappellent les enfants lorsqu’ils s’éloignent trop, mais tout ceci est fait de manière bon enfant, comme la nounou noire se souvient de ceux qu’elle a à garder.

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27/03/2018

Évangile de Jésus-Christ selon saint Jean 13,21-33.36-38.

"En ce temps-là, au cours du repas que Jésus prenait avec ses disciples, il fut bouleversé en son esprit."

En un instant, changement de conscience. Non, ce n’est pas un trou noir, une échappée par le bas, mais un élargissement de la vision qui donne à voir non seulement le futur, mais même les intentions de chacun. Un mouvement comme un caléidoscope, un trou blanc dans la conscience, une fragmentation du temps qui révèle certaines parties du futur.

Mais l’étonnant n’est pas là. Ce bouleversement fait place à la paix de l’âme. Sachant ce qui l’attend, Jésus est transcendé, placé entre terre et ciel. Il puise dans cette situation, la sérénité pour aller au-delà de lui-même. Et en toute lucidité, il mène ce dialogue extraordinaire qu’il est seul à comprendre réellement : « Ce que tu fais, fais-le vite », dit-il à Judas. Et : « Là où je vais, tu ne peux pas me suivre maintenant ; tu me suivras plus tard », dit-il à Simon-Pierre.

A ce moment, Jésus s’affranchit du temps, de l’espace et de la matière. Nul ne peut dire s’il était ou s’il devint divin en cet instant. Mais on constate ce changement de vision : Jésus parle en tant que personne spirituelle et, tout en agissant en tant qu’homme, il s’établit dans le monde spirituel et sait ce qui l’attend.

Celui qui vit ce moment, acquiert une force morale qui transcende la force purement humaine et permet d’accomplir ce qui semble impossible à un homme ordinaire.

26/03/2018

Un parfum millénaire

Il y a deux jours mourrait le Lieutenant-colonel Beltrame dans les circonstances que vous connaissez. Sans le dire, beaucoup s’interrogent : cet échange avec un otage est-il un réel sacrifice ou une folie subite ? Quelle est sa signification ? Si l’on sort des significations sociétales et que l’on se penche, seul face à soi-même, sur ce mystère, on peut se poser très distinctement la question : qu’aurais-je fait ?

En ouvrant l’évangile du jour, on trouve la réponse d’une manière surprenante : Marie « versa le parfum sur les pieds de Jésus, qu’elle essuya avec ses cheveux ; la maison fut remplie de l’odeur du parfum ». Rien à voir, diront les bien-pensants de la république qui, comme Judas, s’exclameront : « Pourquoi n’a-t-on pas vendu ce parfum pour trois cents pièces d’argent, que l’on aurait données à des pauvres ? »,  c’est-à-dire : « Pourquoi donnerais-je ma vie alors que j’ai encore tant de choses à accomplir pour le bien de la société ? » Et Jésus répond : « Des pauvres, vous en aurez toujours avec vous, mais moi, vous ne m’aurez pas toujours. » Comprenne qui pourra !

Oui, quelle idée d’associer ces deux faits survenus à plus de deux mille ans d’histoire. Tous pensent à la signification pour la société du geste d’Arnault Beltrame. Mais cette impulsion qui l’a saisi face au terroriste et à la femme qu’il a sauvée est avant tout un geste personnel, plus profondément humain, surhumain pourrait-on dire, un pied de nez à la société pour mettre en évidence que l’être humain sait se donner en cadeau, faire don de sa personne gratuitement et que ce sacrifice répand un parfum subtil, celui du don hors de tout raisonnement, comme l’avait fait le Père Maximilien Kolbe dans le camp de la mort. Et ce don est un bienfait qui doit faire réfléchir le monde et la société. Plus profondément que l’héroïsme, il est la senteur d’un au-delà de soi-même, dans un don parfait qui ne pense pas, mais qui est là, bien là, et qui perdure en la personne, dépassant l’individu au sein de la société pour le mettre face à lui-même, englobant toute la création.

Oui, un homme peut saisir le Tout en redevenant néant, car il est Un, unique, incomparablement beau dans cette odeur que l’on dit de sainteté. Et le néant devient le Tout.

25/03/2018

Dimanche des Rameaux

Un cri de détresse, dans le noir, à la nuit
Un seul. Il l’entendit et écouta, encore
Des entrailles de la terre, il montait
De toute part, assourdi par l’épaisseur :
Sauve, sauve-moi, sauve-nous !
Quel impératif ! Le cri sort du ventre
Ils ne veulent rien demander, rien…
Et pourtant, cela vient à leurs lèvres
Ces gémissements du cœur
Ils ne peuvent les contenir
Ils jaillissent comme une exhalaison
Oui, ce fut un cri de détresse, humain
Naturel devant ce monde immobile

Il est venu, a regardé, a écouté, a parlé
Ils se turent devant sa parole prophétique
C’était un trou dans la poitrine
Qui précipitait l’être face à lui-même
Sans décor, sans possession, sans épaisseur
Rien qu’une pellicule transparente
Qui résonne des chants de fête
L’air vibrait, les corps dansaient
Les consciences s’émerveillaient
Les âmes tremblaient de joie
Alors jaillit la bénédiction de la libération

Béni soit celui qui vient !
Le jour fait place à la nuit
La lumière illumine le monde
Et le regard transcende la matière
Les filaments s’étirent et relient toutes choses
Elles prennent leur place naturellement

Respire cette joie qui t’envahit
Pleure devant la beauté de l’instant
Où tu découvres l’immensité
Au-delà du fini, du grain de sable
De l’émotion, de la pensée même
Il est celui qui vient au nom du créateur
Il entraîne au-delà de la compréhension
Dans le maelström de la joie
Et conduit à la résurrection
Hosanna n’est crié que ce jour-là
Mais il réveille pour les siècles à venir
Et résonne dans toutes les poitrines
La joie te sauve et tu crois…