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24/06/2013

La zone urbaine et sa modélisation

En 1800, 2% seulement de la population mondiale vivait dans une ville. Il y a encore 50 ans, la grande majorité de cette population était rurale. en 2007, le nombre de citadins est devenu supérieur à celui des ruraux, selon le Fonds des Nations unies pour la population (FNUAP). Plus de 3,3 milliards d’êtres humains sur les 6,5 milliards d’habitants que compte notre monde, sont regroupés dans des zones urbaines et les démographes prévoient qu’en 2030 cette proportion devrait dépasser 60%. Actuellement, on compte 24 mégapoles de plus de dix millions d’habitants, alors qu’il n’en existait que 4 en 1975. Les pays latino-américains sont actuellement les plus urbanisés. Mais l’Asie de l’Est et du Sud va probablement prendre la première place en raison de son fort taux de croissance prévisible durant les 30 prochaines années. La plus grande mégapole sur notre planète est Tokyo qui compte environ 30 millions d’habitants. New York ne se situe plus qu’en 4ème ou 7ème position, selon les auteurs, avec plus ou moins 20 millions. Entre ces deux villes ce sont les mégapoles d’Asie et d’Amérique du Sud qui prennent le pas (Séoul, Dacca, Bombay, Sao Paulo, Mexico). Ce classement n’est qu’approximatif puisqu’il n’existe pas de recensement au niveau mondiale au cours d’une même période. L’Union européenne fait piètre figure dans ce bilan puisqu’on ne trouve que trois villes de plus de dix millions : Essen, mégalopole regroupant plusieurs villes allemandes, l’agglomération parisienne et Londres avoisinant les dix millions.[1]

La notion de ville représente un concept propre, à l’opposé de la notion d’agglomération, beaucoup plus  vague. Mais, aujourd’hui, il est souvent plus approprié de parler de zone ou d’aire urbaine, notion géographique utilisée en urbanisme. Si l’on considère la zone urbaine comme un tout, on parlera de métropole, c’est-à-dire d’une ville concentrant une population importante, disposant de pouvoir de direction dans les domaines économiques et financier, coordonnant des activités industrielles et tertiaires, dotée d’un réseau urbain et accumulant des emplois stratégiques. Plusieurs zones urbaines peuvent se rejoindre pour former une conurbation, ensemble de villes unies par l’extension de leurs bâtis respectifs (développement de leurs banlieues) et entre lesquelles s'établit une complémentarité et une répartition des fonctions. En France, seule l'ensemble Lille-Roubaix-Tourcoing correspond à cette définition ; en Allemagne, la Ruhr en est un bon exemple. Généralement ces conurbations s’accompagnent de périurbanisation, voire de rurbanisation, terme inventé en France dans les années soixante-dix, qui désigne la progression de l'habitat des citadins dans les zones rurales autour des grandes villes.

Au-delà des métropoles, les très grandes agglomérations peuvent être qualifiées de mégapole, agglomération dont le seuil a été fixé par l’ONU à 8 millions d’habitants et qui abrite en son sein des centres de décision importants. Enfin, l’on trouve des mégalopoles (du grec megas, megalos, « grand » et polis, « ville ») qui sont des espaces urbanisés polynucléaires formés de plusieurs agglomérations dont les banlieues s'étendent tellement qu'elles finissent par se rejoindre, et cela sur de longues distances. Ce concept a été proposé par le géographe français Jean Gottmann[2], qui définit la "Mégalopolis" par la région urbaine s'étendant entre l'agglomération de Boston et la conurbation Baltimore-Washington, comprenant les agglomérations de Hartford, de New York, et de Philadelphie, ainsi qu'une multitude de villes de plus de 100 000 habitants, sur la côte est des États-Unis. On retrouve parfois l'expression BosWash (composée par la première syllabe du nom des deux villes situées aux extrémités). Cet ensemble urbain s'étale sur plus de 800 km du Nord au Sud, avec une population estimée à quelques 65/70 millions d'habitants.

 ¨     La modélisation des zones urbaines

Chaque civilisation a produit un mode d’organisation urbain spécifique : largeur des axes de circulation, nature des matériaux de construction, hauteur des immeubles, habitat lâche ou resserré font que les facteurs de l’équation « ville » fluctuent ; de même, la culture des habitants, la nature des populations urbaines (homogènes, multiculturelles, en paix ou en confrontation perpétuelle) contribuent à donner à chaque ville son originalité.

Par ailleurs, la perception de la zone urbaine est complexe du fait de son caractère multidimensionnel. Le géographe, le sociologue, l’urbaniste, les pouvoirs publics et leurs services, les militaires ont chacun leur approche spécifique, qui, souvent indépendantes les unes des autres, ne rendent pas compte de la zone urbaine dans sa plénitude. Il est donc nécessaire de les croiser pour aboutir à une vision interdisciplinaire plus représentative de la réalité dans sa globalité.

Malgré leurs spécificités, les zones urbaines ont cependant certaines caractéristiques qui permettent de les regrouper en quelques grandes catégories et de mettre progressivement au point leur modélisation.

Cette modélisation a commencé avec l’école de Chicago qui qualifie les villes de « laboratoire social », en les étudiant sous l’angle de la répartition dans l’espace des communautés et des classes sociales. Elle met au point le concept d’aire naturelle, secteur ou quartier de la ville. Il « naît sans dessein préalable et remplit une fonction spécifique dans l’ensemble urbain ; c’est une aire naturelle parce qu’elle a une histoire naturelle ». Ces aires trient les populations en fonction de leur appartenance culturelles, sociales ou d’un statut propre. Puis apparaît le concept d’aires concentriques dont la théorie a été établie par Burgess qui insiste non pas sur la totalité de la ville, mais sur son homogénéité née de la complémentarité entre les différentes aires. Ainsi la ville est divisée en zones naturelles (unité territoriale dont les caractéristiques distinctes, physique, économique et culturelle, sont le résultat de processus sociaux non planifiés) résultant de processus de domination, d’invasion et de succession. Ils observent que les groupes communautaires passent des zones détériorées vers des zones résidentielles plus aisées au fur et à mesure de leur intégration et promotion sociale. Le processus déterminant est la compétition pour l’espace, si bien que l’organisation économique est une organisation écologique, une sous-structure naturelle et inévitable de la société.

Dans les années 90, les villes changent et il convient de revoir les modèles traditionnels de métropole unicentrée.  Ainsi les New Cities de R. Fishman (1990) sont-elles des régions urbaines déferlantes dont l’unité de mesure n’est plus le bloc, mais le « corridor de croissance » long de 50 à 100 miles.

Dans les années 2000, l’école de Los Angeles initie à la géographie postmoderne.  Il s’agit d’aller au-delà de la matérialité superficielle, des formes concrètes susceptibles seulement de mesure et de description, de la recherche de régularité qui réifie l’espace : « l’organisation spatiale de la société est présentée de telle sorte qu’elle apparaît socialement inerte, un produit de la friction de la distance, de la relativité de la localisation et des axiomes d’une géométrie dépolitisée. Le temps et l’espace, comme le marché ou la structure sociale, sont représentés comme des relations naturelles parmi les objets, explicables objectivement en termes de propriétés physiques »[4]. Le modèle de Los Angeles devient le modèle américain qui va finalement façonner l’ensemble des grandes villes du monde.


Alors quels sont ces grands modèles de zone urbaine ?

Suite prochainement.

08/06/2013

Des hommes ou des femmes remarquables

Pendant longtemps j’ai pensé n’être entouré que de gens quelconques. Je comptais sur les doigts de la main les êtres qui m’avaient marqué et qui dénotaient de l’ordinaire. C’est après la lecture du livre de Gurdgieff, « Rencontre avec des hommes remarquables » que j’ai cherché ceux qui m’avaient semblé hors du commun pour des raisons diverses certes, mais qui tranchaient sur l’entourage habituel.

Je ne me posais pas la question de savoir dans quel camp je me rangeais, de même que je ne m’interrogeais pas sur les raisons de leur différence. Je comptais un oncle prêtre missionaire, un cavalier qui me donna confiance en compétition, un théologien orthodoxe, un musicien maître de chapelle et compositeur de chants sacrés, un capitaine qui manoeuvrait ces sections avec savoir et adresse et quelques autres, mais peu, qui me semblaient sortir de l’ordinaire. Certes je connaissais beaucoup de gens qui s’étaient fait des carrières en vue, qui étaient remarqués par leurs pairs et dont les articles de journaux parlaient avec éloge. Mais je constatais avec le recul qu’ils n’avaient rien d’extraordinaire et que seules les circonstances et leur habileté leur avaient permis d’obtenir la place qu’ils tenaient.

Ce n’est que récemment que j’ai découvert que la plupart des hommes sont remarquables, même s’ils ne sont pas remarqués. Faire le point de ses erreurs aide à faire un bilan de vie. J’ai vu mes erreurs, voire mon outrecuidance. Je n’ai jamais voulu être à la place où l’on me mettait. Mais dans le même temps, j’ai toujours cherché à obtenir la place que l’on voyait pour moi. En réalité, il y avait deux personnages en moi : celui qui se sentait libre de toutes contingence sociale ou sociétale et celui qui obéissait aux règles d’une société qui a besoin d’hommes précis à des postes précis. N’ayant jamais choisi vraiment, j’étais entre deux chaises, en équilibre instable.

Aujourd’hui je constate que la plupart des hommes sont remarquables ou, du moins, ont quelque chose de remarquable en eux. Pour certains c’est tout de même d’avoir été remarqués et d’avoir occupés des fonctions importantes en raisons de capacités réelles, professionnelles ou humaines. Pour d’autres, il s’agit de qualités plus personnelles, que l’on ne remarque pas de prime abord : égalité d’humeur, gentillesse, attention ou encore de qualités intellectuelles spécifiques telles que persévérance sur un but, capacités d’analyse, facultés d’écriture, etc. Pour d’autres encore ce ne sont que des dispositions en attente, non développées, qu’il convient d’aider à mettre en valeur. En fait chacun dispose de vertus qui font qu’il est un être unique parmi les milliards d’autres êtres uniques. Mais avons-nous le courage de chercher ce en quoi cet être se distingue ? La plupart du temps nous n’y pensons pas. Et même si l’on y pense, cela ne dure qu’un instant et nous sommes vite repris par l’habituelle cecité.

Ouvrons donc les yeux sur le monde et les êtres (hommes et même animaux qui sont eux aussi très différents les uns des autres, les chevaux me l’ont appris). Apprenons à distinguer en quoi cet être est unique et mérite d’être remarqué. Nous deviendrons remarquables à notre tour.

31/05/2013

L'art abstrait

Que signifie ce mot : "abstrait" ?

Il est assez curiart,philosophie,esthétisme,théorie de l'arteux qu’une des définitions du dictionnaire nous affirme : « qui n’est pas concret, qui relève de l’abstraction, qu’on ne peut pas voir, mais qu’on peut concevoir par l’esprit ». L’abstrait serait donc quelque chose que l’on ne peut voir, comme le carré blanc sur fond blanc de Kasimir Malévitch peint en 1918.

Pourtant l'art est perceptible et accessible aux sens. Alors que signifie les termes associés "art" et "abstrait" ? Pour aller plus loin, les rédacteurs du dictionnaire ajoutent donc : Se dit d’un art, par opposition à figuratif, qui ne représente rien existant dans le monde connu.  L’art abstrait puise sa source dans un monde non directement accessible. Cela ne signifie pas que ce monde n’est pas perceptible, donc matériel. Cela signifie qu’il faut non plus se contenter de contempler le monde, mais entrer en lui pour s’en imprégner et recréer sa vitalité. art,philosophie,esthétisme,théorie de l'art

On comprend alors le double mouvement de l’abstraction dont parle Dora Vallier dans son livre "L’art abstrait"[1] :

D’un côté, l’abstraction tend à être une science de la beauté conçue comme un ordre et une harmonie et c’est ce qu’on appelle l’abstraction géométrique.

 

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D'un autre côté, à partir de 1945, on assiste à une autre abstraction qui n’est plus la recherche de la forme, mais au contraire le désir d’exprimer, avant la forme et même en dehors d’elle, toute la richesse et la spontanéité de la vie intérieure, l’artiste se projetant sans écran dans son œuvre, et c’est ce qu’on a appelé l’abstraction lyrique ou informelle.

 

Dans les deux cas,  la création ne vient pas d’une reproduction de formes ou d’ambiance existant dans la nature, mais d’une véritable naissance intérieure, d’un volcan humain dégurgitant son feu interne. Et selon la nature de l’artiste, cette abstraction emprunte à l’esthétisme ou à la psychologie son expression : conceptuallisation (composition élaborée de formes décomposables) ou bouillonnement (accouchement de tendances qui finissent par créer une forme finale).

 


[1]Dora Vallier, L’art abstrait, Le livre de poche, 1967, p.17.

 

26/05/2013

L'art et le hasard

On peut noter, actuellement, chez plusieurs compositeurs de notre génération, une préoccupation constante, pour ne pas dire une hantise, du hasard. C’est, à ma connaissance du moins, la première fois que pareille notion intervient dans la musique occidentale, et le fait vaut certainement la peine qu’on s’y arrête longuement, car c’est une bifurcation trop importante dans l’idée de composition pour le sous-estimer ou le refuser sans condition.

(Pierre Boulez, Relevés d’apprenti, Editions du Seuil, 1966, p.41, Alea)

 

Pierre Boulez analyse les possibilités de l’emploi du hasard. Il y a ceux qui en font un recours contre l’asphyxie de l’invention. Ne se sentant pas responsable de leur œuvre, ils se jettent par faiblesse dans une magie puérile. Non-art à la beauté amère, nous dit l’auteur ! Il y a ceux qui cherchent l’objectivité par la schématisation : ne pas troubler le processus de développement en introduisant l’erreur humaine dans un ensemble aussi parfaitement déduit. Là aussi, il y a refus du choix, qui est laissé à l’interprète.

Et Boulez de conclure que le danger est que le compositeur fuit devant sa propre responsabilité, se dérobe devant le choix inhérent à toute création (p.53).

Cette analyse s’étend en fait à toute une partie de l’art contemporain. N’en est-il pas de même pour la peinture. L’art brut et le tachisme, semble, au premier abord, assez imprégné d’une telle philosophie, laissant à la matière seule le privilège de la forme par le réveil d’un processus créateur qui n’appartient pas à l’artiste, mais à l’élément matériel du monde. Cependant, il s’agit d’un processus différent de celui dont parle Pierre Boulez. Le hasard n’intervient que comme accident dans un processus de création dû à la consistance et la malléabilité de la matière qui serait seule à l’origine de la création.

De même, l’art informel est trop imprégné du geste créateur, de l’impulsion passionnée pour pouvoir prétendre à une soumission au hasard. Il s’agit plutôt d’une nouvelle expression du moi de l’artiste qui se libère de sa culture et de ses préjugés pour s’ouvrir, nu, au spectateur. Ainsi de Mathieu, de Tancredi, de Tapies. L’expressionnisme abstrait ne peut, non plus, être qualifié d’ouverture à la créativité du hasard. L’abstraction y est nourrie par l’émotion et le moi profond de l’artiste qui s’expriment par l’action painting.

Alors revenons à l’essai des iconoclates : la queue de l’âne qui sert de pinceau dont le balayement n’est dû qu’au hasard des mouches à chasser.

Mais… Est-ce de l’art ?

09/05/2013

Le beau

 Si l’on recherche la signification des termes « beau » et « beauté » dans un dictionnaire, on est surpris et attristé de constater que le beau et la beauté ne signifient rien de très concret et sont même des concepts indéfinis.

« Est beau ce qui suscite un sentiment admiratif par sa supériorité intellectuelles, morale ou physique, ou encore, qui suscite un plaisir esthétique d’ordre visuel ou auditif. » (Larousse). La beauté n’est que « le caractère ou la qualité de ce qui est beau ou conforme à un idéal esthétique » (CNRTL)

Bref, est beau ce qui nous donne une impression de beauté et la beauté est la qualité du beau et nous ramène à l’esthétisme. Or l’esthétisme est le culte du beau (CNRTL) ou encore l’art de penser le beau, science de la connaissance sensitive (A. G. Baumgarten, philosophe allemand). Tout tourne donc autour du beau sans que l’on sache ce qu’est le beau.

 

Mais qu’est-ce qu'est le beau pour moi ? Comment je le définis ?

On peut commencer la réflexion en se demandant s’il y a un beau absolu, un idéal atteint que l’on pourrait prendre en référence. Ce beau absolu pourrait équivaloir à la notion de bonheur absolu. Et l’on pense immédiatement au paradis qui est notre représentation du bonheur absolu. Mais comment invoquer le paradis ? Chacun le voit ou tente plutôt de l’imaginer à sa manière. Et la notion de paradis disparaît en termes de connaissance commune ou de concept universel. Ceci ne nous dit toujours pas ce qu’est le beau.

Alors, plutôt que de tenter de définir ce qu’est le beau, essayons donc d’en trouver les caractéristiques.

Première caractéristique : L’impression de beau ressentie est propre à chaque personne. Je ne trouve pas forcément beau ce qui semble beau à mon voisin et inversement. C’est bien pourquoi le terme est si difficile à définir. Le beau implique une adhésion personnelle dans l’instant, adhésion non réfléchie, mais très prégnante.

Deuxième caractéristique : Si certes le beau est une impression personnelle, elle n’en est pas moins partagée par un grand nombre. Il y a donc bien une notion commune dans cette impression qui la fait reconnaître parmi les autres.

Troisième caractéristique : Le beau n’est pas fréquent. Il est exceptionnel. C’est la perle rare à contempler et dont on jouit parce qu’elle est différente. Certains paysages sont beaux parce que peu habituels. Cependant l’exception ne fait pas le beau. De nombreuses choses ou êtres sont exceptionnellement laids.

Quatrième caractéristique : Le beau est éphémère. Il s’agit certes de la notion de temps qui dénature progressivement le beau, mais également du sentiment ressenti face à quelque chose de beau. A trop contempler quelque chose ou quelqu’un de beau, on n’en mesure plus la beauté. On s’habitue à la beauté. Elle devient banale, donc sans la consistance du merveilleux qu’elle procure au premier abord. C’est bien en cela que le beau est une impression, voire un sentiment. Il s’envole dès lors qu’on en abuse.

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Cinquième caractéristique : La notion de beau s’acquiert. Elle est le fruit d’une éducation et c’est en cela qu’elle est partagée. En conséquence, elle est liée à des conventions et à des modes. Mais jusqu’à un certain point. Le sentiment de beau se forme dans la jeunesse. On peut ensuite le développer. Cependant ce sentiment spécifique reste celui de notre enfance. C’est cette impression inoubliable de nos jeunes années qui est à la naissance de notre sentiment de beauté. On pourra ensuite se former culturellement à la beauté et notre adhésion sera liée à la raison et la culture. Il n’empêche que notre réel sens de la beauté est l’adhésion que nous avons rencontrée lorsque nous étions enfant.

Sixième caractéristique : Le beau ne s’exprime que sous une forme concrète. Son concept n’existe que parce qu'il est devant moi. On peut disserter sur le beau, mais on ne l’éprouve que devant une forme réelle, qu’elle soit visuelle, sonore, olfactile ou même intellectuelle.

Septième caractéristique : On pense souvent que le beau est lié à l’harmonie, voire à l’ordre. Mais est-ce si sûr ? Bien souvent le beau survient d’un dérèglement de l’ordre, comme dans le cas des éclairs lors d'un orage. Le beau de la peinture abstraite n’a pas d’ordre. Certes il peut avoir l’harmonie. Mais cette harmonie est subtile et ne se remarque pas de prime abord.

Huitième caractéristique : Le beau est balancement entre les formes, les couleurs, les sons, tout ce qui est qualité d’une chose. Et ce balancement est plus ou moins prévisible parce qu’il implique des répétitions. C’est particulièrement vrai dans la musique et dans la symétrie. On trouve belle une musique parce que ses phrases mélodiques peuvent être imaginées par l’auditeur avant même qu’elles ne soient jouées. Mais, dans le même temps, l’agencement inconnu des variations est nécessaire pour en faire la beauté. La chanson ordinaire est tellement prévisible qu’elle en devient rengaine.

Neuvième caractéristique : Le beau suscite la curiosité, l’attirance et, in fine, la satisfaction. Pour Emmanuel Kant, le beau est l'objet de la satisfaction désintéressée. On aime le beau parce qu’il nous satisfait sans que l’on puisse dire généralement pourquoi. Le beau rend heureux.

Dixième caractéristique : Le beau est ce qui résonne en moi et augmente, magnifie, exalte mon être. Dans le même temps, il procure un sentiment de communion intime avec l’univers.

Onzième caractéristique : Le beau est une communication, un échange sans parole entre ce qui m’émeut et mon être ému. Et cette émotion renforce sa beauté parce qu’elle nous transforme. Contempler le beau, c’est se laisser transformer.

Douzième caractéristique : Cette transformation est visible pour les autres. La beauté irradie et donne à celui qui la perçoit le privilège d’irradier à son tour la beauté.

Treizième caractéristique : La beauté est une clé de la compréhension intime du monde. « La beauté est la clé du mystère et elle renvoie à la transcendance. » (Jean-Paul II). La beauté est la présence manifestée de l’invisible dans l’univers.

02/05/2013

L'échappatoire

Quelque part, en France, il existe une installation très spéciale sur un fleuve : un bac à double sens permet de le franchir. La plupart des gens l’évitent. Il est perdu dans la campagne et un pont suspendu se trouve à quelques kilomètres. Seuls ceux qui ne le connaissent pas ou les habitants des villages des deux rives s’essayent à franchir le fleuve à cet endroit. Deux gardiens, employés par la commune, sont là pour le péage. C’est une obligation légale établie lors de la construction des bacs il y a plusieurs dizaines d’années. Le montant du passage est suffisamment élevé pour qu’on soit obligé de passer à plusieurs. Mais le prix n'est pas fixe. Il dépend du nombre de passagers pour la traversée dans un sens, mais aussi dans l’autre sens. Il dépend également du poids des impétrants, de l’heure de la journée, du passage des bateaux assez fréquent en milieu de journée et de l’humeur des gardiens. Le péage est fondé sur la capacité à négocier de celui qui veut tenter l’aventure. Car il faut avant tout trouver un leader qui prend à sa charge cette mission périlleuse.

La négociation commence entre les demandeurs d’une rive. Combien acceptent-ils d’investir pour traverser ? Quatre euros, cinq, voire sept ? La discussion dépend bien sûr du nombre de personnes, mais aussi du temps de négociation et de l’heure à laquelle elle se termine. Lorsqu’ils se mettent d’accord, une entente réelle a pris forme et ils défendront leur point de vue envers et contre les volontaires de l’autre rive. Le leader va alors voir le passeur, lui donne le chiffre atteint et reprend la négociation avec lui. Souvent, le chiffre demande quelques ajustements de la part du groupe qui finit par consentir à ajouter quelques dizaines de centimes. Le gardien appelle alors son collègue par téléphone. Il est assez fréquent qu’il n’ait pas en face un groupe semblable prêt à traverser. Il faut alors attendre. Certains groupes jouent aux cartes, d’autres observent les mouettes tracer dans l’air des courbes vertigineuses, quelques-uns, mais peu, ne se parlent pas et attendent en silence. Lorsque le groupe opposé est prêt – ce qui signifie qu’il a effectué les mêmes opérations de négociation – le leader, par l’intermédiaire du gardien entame la négociation entre les deux groupes. Elle peut durer. Certains s’entendent très vite, mais il est arrivé qu’elle se prolonge au-delà de la journée. Généralement elle se situe entre quinze minutes et une heure. Chaque leader met son point d’honneur à ne pas céder aux exigences de l’autre. Ce sont parfois les autres membres du groupe qui finissent par accepter les conditions outrancières de l’autre rive. Les gardiens ont également leur mot à dire, en fonction des différentes variables exposées plus haut. Habituellement ils anticipent d’un quart d’heure le changement de tarif : arrivée d’un train de bateaux, passage d’une perturbation atmosphérique ou tout autre élément ayant un poids sur le prix. Lorsque les négociations sont terminées, on débouche une bouteille de part et d’autre de la rive et on la laisse ouverte sur la table dans le bureau des passeurs. Le groupe s’entasse dans la barge, le gardien revêt son casque, met le moteur en route, donne un coup de sirène et commence la traversée. Le croisement des groupes s’effectue généralement au milieu. On s’invective à pleine voix, les hommes gesticulant de part et d’autre. Certaines femmes agitent leur parapluie en poussant de petits cris. Puis les embarcations s’éloignent l’une de l’autre et l’on n’entend plus que le clapotis des vagues sur la coque. A l’arrivée, tous se précipitent dans le bureau des gardiens pour voir la bouteille dont le prix avait également été négocié. Le leader la prend, emplit de manière équitable chaque verre, et chacun boit religieusement le fond d’alcool auquel il a droit. Lorsque la dégustation est finie, on se salue d’une inclinaison de la tête et chacun repart vers ses occupations, heureux d’être enfin parvenu de l’autre côté.

Pourquoi, me direz-vous, ces gens perdent-ils un temps précieux à ces opérations difficiles et aléatoires de négociation au lieu d’aller traverser sur un pont somme toute assez proche ? C’est le seul endroit en France où l’on trouve un tel système. Il est en fonctionnement depuis pas mal de temps et personne ne le remet en cause, même pas les maires des deux communes qui payent les deux gardiens. Ce que l’on peut dire, c’est que c’est également le seul lieu en France où il n’y a ni crime, ni délit. Le rôle du bac est d’établir un lien social et quasi éthique entre les habitants des deux villages. Ils se connaissent bien, s’estiment  pleinement, s’invectivent fortement sur le bac et apprécient de pouvoir boire un coup chaque fois qu’ils traversent la rivière. La négociation tient lieu de trop plein à leur agressivité. L’ai-je rêvé ou est-ce vrai ?

29/04/2013

La contrainte de la liberté

L’artiste moderne est un solitaire qui écrit pour lui-même ou pour un public dont il n’a aucune idée précise. Lié à une époque, il s’efforce d’en exprimer les traits ; mais cette époque est sans visage. Il ignore à qui il s’adresse, il ne se représente pas son lecteur. (…)La terreur du goût a cessé, et, avec elle, la superstition du style. S’en plaindre serait aussi ridicule qu’inefficace. (…) Ecrire pour tout le monde ou pour personne, à chacun d’en décider, selon sa nature. Quel que soit le parti que nous prenions, nous sommes sûrs de ne plus rencontrer sur notre chemin cet épouvantail qu’était autrefois la faute de goût.

(E.M. Cioran, La tentation d’exister, Gallimard, 1956, Le style comme aventure, p.131)

 

La liberté enfin, mais quelle contrainte introduit-elle ! Ce n’est plus l’autre qui constitue l’approbation ou le rejet, mais soi-même. Et comme il est difficile de se juger soi-même. On a toujours tendance à au moins chosifier ses créations, sinon à les choyer. Ce recul d’un pas est celui des grandes âmes. Peu sont capables de le faire.

23/04/2013

Matin

Ce matin, la couleur était dehors. Elle inondait la fenêtre, s’épandait sur la toile du ciel et pénétrait le regard d’une couche d’extase. Quel assemblage : bleu et rose !

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Les grands arbres noirs découpent leurs silhouettes élancées, levant leurs dizaines de bras et leurs centaines de doigts. Ils prennent leur bain de lumière et de couleurs avant de redevenir chaleureux et dorés.

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Peu à peu cette féérie s’assagie, se clarifie. Les parapluies ouverts se délectent de lumière plus crue. On respire mieux, la journée peut commencer.

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15/04/2013

Création et liberté

« J’ai quitté la société il y a trente ans pour être libre et le seul territoire où la liberté ait encore un sens est celui de la création. » (Jean-Pierre Raynaud, artiste assembleur)

Oui, sans doute, beaucoup s’étonnent de la profusion de créateurs artistes en cette transition de début du siècle. Les plus grandes manifestations françaises d’art contemporain, dont la FIAC et Art Paris, montrent une quantité de créateurs en tout genre. Il faut du temps pour y trouver de véritables œuvres artistiques. Nombreuses sont celles dont le seul intérêt est la provocation ou même la laideur. Mais au détour d’un stand, vous vous trouvez devant une création pleine de vie et de beauté.  Ne dissertons pas sur la beauté. Ce qui compte aujourd’hui, c’est la création et la liberté de créer.

J’aime assez la définition, concernant la liberté, du Centre National de Ressources Textuelles et Lexicales : État d'une personne ou d'une chose dont l'action ou la manifestation ne rencontre pas d'obstacle. Cette vision de la liberté se rapproche par l’esprit de la création. L’artiste est celui qui ose et qui échoue ou qui triomphe. Et il remet en cause sa liberté de créer à chaque nouvelle œuvre. Ce n’est que lorsqu’il se copie lui-même qu’il cesse d’être un artiste pour devenir un fantoche médiatique. Certains le recherchent dès le départ. Ils ont trouvé une idée, l’exploitent à fond, font des pieds et des mains pour se faire connaître, faire parler, écrire sur eux.

Le vrai artiste est un homme libre dont la seule liberté est le pouvoir de créer.

22/03/2013

Nous ne sommes plus qu’un, et pourtant…

http://www.youtube.com/watch?v=uQ4jdgVacms

 Déesses et dieux, peu importe combien ils sont. Ils n’ont qu’un seul corps, mais mille mains et bras. Ils représentent la compassion sous ses mille facettes. On l’appelle le "Seigneur qui observe depuis le haut". Il se nomme Avalokiteshvara, celui qui regarde les souffrances avec compassion. C’est la divinité la plus populaire et la plus sollicitée du Tibet. Elle possède mille bras avec un œil dans la paume de chaque main, montrant qu’elle veille sur une infinité d’êtres vivants pour prendre soin d’eux.

Ses noms changent suivant les pays : Avalokiteshvara vient du sanskrit, il s’appelle Tchenrézi pour les tibétains, Lokeśvara pour les Khmers, Quán Thế Âm pour les vietnamiens, Quan Yin en chinois, Kannon en japonais.

La récitation de son mantra Om mani padme hum (dérivé du sanskrit), accompagnée de la visualisation de son mandala, permet d’entrer dans notre sagesse innée, la nature du Bouddha.

Vous allez sans doute trouver ce rapprochement insolite, sinon odieux :

“Car, comme nous avons plusieurs membres dans un seul corps, et que tous les membres n'ont pas la même fonction, ainsi, nous qui sommes plusieurs, nous formons un seul corps en Christ, et nous sommes tous membres les uns des autres.” (Rom 12:4–5).

Mais n’y a-t-il pas des similitudes ?

 

La danse des mille mains de Bouddha constitue une méthode d'entraînement au travail de l'énergie interne qui vise à faire rentrer et à guider l'énergie dans le corps. Regardez ce qu’ils arrivent à faire, malgré le fait qu’ils sont handicapés :

http://www.youtube.com/watch?v=Ov_iJQGq6DI


Alors, même si la musique et la mise en scène sont sans doute très médiatiques,

n'en reste-t-il pas quelque chose qui nous sort de nous-même ?

06/03/2013

Quelle différence entre la littérature, la musique et l’art plastique ?

Quelle différence entre la littérature, la musique et l’art plastique ?

La littérature est là pour raconter une histoire, que celle-ci soit une histoire dans l’histoire, des réflexions sur l’histoire de l’homme ou encore l’histoire de ce qui pourrait se passer dans l’avenir. Bref, la littérature raconte, avec sérieux, avec humour, avec vindicte, avec émotion, le temps qui passe et ce qui reste de ce temps.

La peinture est plus subtile. Certes pendant longtemps, elle a elle aussi raconté une histoire, à sa manière, par les yeux et non les oreilles. Mais la photographie, puis, le cinéma, la télévision et maintenant les multimédias ont mis à mal la peinture d’antan, les paysages, les portraits et l’académisme. Désormais la peinture, pour une bonne part, ne raconte plus, elle rêve, en couleurs, en formes, en mouvement ou même à l’arrêt tel le carré blanc sur fond blanc, de Malévitch. Son objet est d’éveiller en nous des émotions, des sensations, des sentiments, bref du rêve qui reste encore palpable parce qu’on peut toucher les œuvres, qu’on peut les regarder, qu’on peut même les sentir. Mais elle s’approche tranquillement de la musique, en sœur plus jeune. Il faut une part d’imagination, d’exaltation, voire de délire, pour apprécier la peinture telle qu’elle se présente aujourd’hui. Beaucoup n’y comprennent plus grand-chose. L’abstraction leur est négation parce que coupée de l’histoire et des histoires.

La musique ne raconte rien, sauf la musique de films et quelques pièces drôles parce qu’imitant les bruits de la vie humaine, animale, végétale ou minérale. Telles sont la Poule de Rameau, le Tic toc choc de Couperin, le Carnaval des animaux de Camille Saint-Saëns, le Catalogue d’oiseaux d’Olivier Messian et bien d’autres compositions charmantes. Mais la musique va au-delà de l’histoire et de ses apparences. Que fait-elle ? Elle nous enchante sans que l’on puisse réellement savoir pourquoi. Elle va même plus loin. Elle est construite autour d’une mathématique différente de celle qui nous est enseignée: pas de système décimal, mais plusieurs systèmes (octave à cinq notes comme dans la musique asiatique, à sept notes dans la gamme diatonique, à douze notes chromatiques, voire d’autres comme dans la musique indienne). Les écarts entre les notes ne sont pas exactement semblables selon la manière d’accorder l’instrument et l’époque, etc. Qu’est-ce à dire ? L’harmonie des sons procède d’une autre logique que la logique décimale. Diviser l’octave en dix sons et vous n’aurez qu’une cacophonie. Il ne s’agit donc pas de penser la musique en termes de fréquences, c’est-à-dire en considérant la succession des notes, mais d’atteindre la véritable cosmologie de la musique, dans son étendue temporelle et spatiale. La musique exprime le Tout Autre derrière la matérialité des instruments et la physique des sons.

Et pour accompagner cette réflexion, appuyez-vous sur une musique de John Cage :

https://www.youtube.com/watch?v=NR0zVdjYXcw


19/02/2013

Les êtres aimés n’ont pas d’âge

Dans le livre d’Alexandre Jardin, « Bille en tête », on trouve cette très belle phrase que dit Virgile à Clara : « Tu peux devenir vieille, folle ou malade, tu seras toujours Clara. Je verrais toujours ta vraie figure, tes cheveux superbes, ta peau blanche, tes hanches pour les enfants et tes seins pour l’amour. »  Miracle de l’amour.

On voit vieillir ses parents ou ses amis. On ne voit pas vieillir celui ou celle qu’on aime (sauf si bien sûr on ne l’aime plus). Il ou elle est toujours mon ou ma fiancé(e), auréolé(e) du visage aimé(e), du corps que l’on tient délicatement dans ses bras.

Le soir, lorsqu’on se retrouve seuls, on s’approche de la tendresse et de la chaleur de l’autre, qu’elle se manifeste par la douceur pour elle ou la force pour lui, et on monte au paradis, dans une bulle de sensations maintes fois éprouvées, mais toujours nouvelles. Alors les jours n’existent plus, l’éternité est commencée sur terre. Nous sommes enfermés dans notre bulle et le monde habituel nous paraît lointain. Ses bruits sont estompés comme si l’on plongeait la tête sous l’eau, légèrement. Il ou elle est présent(e). Nous sommes seuls sur terre et cette seule présence nous suffit pour vivre dans l’éternité.

Oui, nous sommes dans notre bulle, prison rêvée, entretenue, encouragée, dans laquelle toi et moi ne font que nous comme un seul soi. Cet être à deux, devenu un et unique, flotte au-dessus des contingences. Je ou tu regarde(s) le visage aimé(e) et l’histoire s’arrête, l’osmose s’effectue. Tu es ma ou mon fiancé(e) pour toujours. Et cet engagement dure, dure, comme une promesse d’immortalité, au-delà du temps qui coule.

Nous le savons, la durée nous rejoindra, mais nous aurons vécu notre rêve jusqu’au bout, jusqu’à cet instant où l’un de nous partira en disant : « Je t’attends de l’autre côté ». Et même s’il ne pouvait le dire, nous le savons, il ou elle y sera.

 

09/02/2013

Imaginaire et réel

Victor Segalen dans Equipée (p.11) pose une drôle de question : « L’imaginaire déchoit-il ou se renforce-t-il quand il se confronte au réel ? »

J’ai d’abord cru à une galéjade devant cette proposition. L’imaginaire et le réel sont différents et n'ont pas de rapport entre eux. Mais, en réfléchissant, il m’apparut qu’il n’était pas inintéressant de se poser la question. Mais elle peut se poser de deux manières : soit l’imaginaire mène au réel, soit le réel est le point de départ de l’imaginaire.

En réalité, chaque jour, l’homme élabore son avenir en l’imaginant. C’est même pourrait-on dire le propre de l’homme : voir loin, imaginer et agir dans le sens de son intérêt ou de ses valeurs. Il dispose maintenant d’outils spécialisés pour affiner sa réflexion : statistiques, méthode des scénarii, et même, depuis longtemps, voyance.

Mais l’inverse est également vrai : on ne peut commencer à imaginer un avenir qu’à partir du présent, c’est-à-dire du réel. La boucle est bouclée, les deux hypothèses sont vraies.

Ce n’est cependant pas exactement ce que dit Victor Segalen : « L’imaginaire déchoit-il ou se renforce-t-il quand il se confronte au réel ? » On peut déjà supposer que l’imaginaire dont il parle n’est pas la capacité d’imaginer un avenir, mais celle de créer un monde nouveau, déconnecté de la réalité, réellement né de son imagination. Il ne s’agit donc plus d’utiliser l’imaginaire pour se rapprocher du réel en le confrontant aux exigences des contraintes. Il s’agit de savoir si l’utilisation de la réalité dans l’imaginaire affaiblit celui-ci ou, au contraire, le renforce.

Disons d’emblée et tout net : l’imaginaire s’inspire toujours de la réalité, sinon il serait incompréhensible et non porteur de valeurs. La réalité est obligatoirement un point de départ de l’imaginaire. En effet, il faut bien utiliser les images, les sons, le langage, qui représentent la réalité quotidienne, pour commencer à imaginer quelque chose qui en dérive. Au-delà même de ces matériaux communs au réel et à l’imaginaire, il y a l’utilisation d’un contexte ou simplement d’un objet ou même d’un sentiment qui permet de passer du réel au fictif. On peut penser que l’imaginaire s’inspirant du réel pour ensuite bifurquer vers la fiction, renforce nettement l’intérêt du spectateur, lecteur, auditeur ou autre pour l’imaginaire né de cette réalité. La bonne science-fiction est proche d’une réalité qui peu à peu bifurque. Les extraterrestres n’intéressent le lecteur que dans la mesure où ils sont confrontés aux humains. Rien ne sert de les décrire si aucun homme n’est présent, ou, au moins, des créatures proches de l’humain.

Mais en est-il de même de l’imaginaire pictural ? Il semble bien que non, tout au moins au premier degré. La peinture abstraite est totalement imaginaire, sans référence au réel, au moins une partie. Cependant, est-ce si vrai ? Les tachistes, sans véritablement s’inspirer du réel, rejoignent le réel dans leur peinture, réel naturel et minéral, réel quasi artificielle, dû au grossissement du microscope électronique, ou encore réel conceptuel de la géométrie, qui rend compte d’une réalité abstraite, tels l’art cinétique ou l’art optique. Là aussi, in fine, et contre parfois l’avis des artistes, l’imaginaire se renforce du réel.

Enfin, l’imaginaire mathématique se renforce-t-il du réel ou au contraire s’appauvrit-il ? On peut tout de suite dire que le but des mathématiques est de conceptualiser le réel, de le rendre compréhensible, de le réduire en équations simples qui explique de manière claire la complexité du monde. Le réel renforce bien l’imaginaire pour l’aider à tendre vers une compréhension du monde.

In fine, on peut sans doute conclure que c’est l’imaginaire qui permet non pas de construire le réel, mais de l’aménager dans un sens favorable. Il se renforce dans sa confrontation au réel. Mieux même, il renforce lui-même le réel, le rend plus humain (pas forcément plus juste). L’imaginaire est l’énergie de l’évolution.

30/01/2013

La magie d’un instant

Sur le tapis déroulé, ils dansaient tels des lutins, dans la joie de Noël. Et plus ils sautaient, plus ils devenaient invisibles aux yeux des adultes, perdus dans leur monde de rêve, de mouvements et d’exaltation.

Ils rejoignaient ainsi les rescapés de la gravitation.

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28/01/2013

Dieu(x), modes d’emploi, au Petit Palais (2ème partie et fin)

L’exposition est partagée en plusieurs sections :

Section 1 : les divinités

Elles sont représentées par leur image ou absence d’image :

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Bouddhisme : Le Bouddha, suprême Vajradhara, Tibet, XIVe siècle – bronze doré.



 

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Hindouisme : Siva, "Roi de la danse", Tamil Nâdu, Inde du sud, XIe siècle – bronze.

 


 

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Christianisme : Christ en croix, Le Puy-en-Velay, XIIe siècle – bois polychrome.

 

  

Section 2 : les cultes

Cette section expose une variété d’objets cultuels destinés à « la communication » avec le divin. Mais la plupart de ces objets sont exhibés à la manière d’un cabinet de curiosités.

Section 3 : Passages

Evocation des rites de passage tout au long de la vie au travers les cérémonies des différentes religions. C’est plus une évocation de la société que la découverte des rapports entre l’homme et le divin : entrée dans la communauté avec la naissance, passage à l’âge adulte, mariage et rites mortuaires.

Section 4 : les intercesseurs, c’est-à-dire les prêtres, prophètes, chamanes, etc. Je ne m’en souviens pas !

Section 5 : le corps

De l’ascèse aux interdits alimentaires et à l’habillement, jusqu’à la possession. Est-ce attrayant ?

Section 6 : conflits et coexistence

Seul intérêt, anecdotique, une « œuvre musicale » de Cédric Damfrain, intitulée Tempora 2006, qui n’est pas réellement de la musique, mais une synthèse sonore de musiques, chants et bruits religieux de toute nature. Bref, un syncrétisme musical.

Section 7 : les lieux

Quelques maquettes de lieux de culte modernes, innovants, curieux, hors souvent des conceptions classiques de l’architecture religieuse.

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Chapelle de Villéaceron, Espagne

 

 

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Eglise San Paola, Foligno, Italie

 

  Section 8 : Cycles

(sans intérêt)

Section 9 : Au-delà

« Que croyez-vous qu’il va advenir de vous après votre mort ? » Dans cette salle, la dernière, huit personnes sont interrogées et proposent leur réponse à cette question selon leur religion ou leur absence de croyances dans le cas de l’athéisme. Ce n’est pas forcément la meilleure section. Disons qu’une ou deux des personnes interrogées ont de véritables réponses et non des clichés.

 

Mais cette exposition reste plate, muséologique. Bref, une soupe sans sel ni poivre, ni même ingrédients qui font de la nourriture un vrai plat cuisiné, voire un enchantement des sens et de l’être.

Deux aspects essentiels des religions manquent :

L’évocation de la musique religieuse, voire sacrée, et en particulier le chant. Cet aspect n’est nullement abordé alors qu’il ouvre l’être à l'inconnaissance (voir les articles consacrés à la musique sacrée sur ce blog).

Enfin et surtout : Où se trouve la seule vraie dimension de toutes les religions, l’intériorité, l’expérience du divin et la réalisation mystique ? Bref, comment l’homme répond-il à la question : « Où vais-je ? Que fais-je de ma vie ? »

25/01/2013

Dieu(x), modes d’emploi, au Petit Palais (1ère partie)

Ainsi est présentée l’exposition "Dieu(x), modes d’emploi", au Petit Palais jusqu’au 3 février : « Croyants, agnostiques ou athées, chacun a pris en France l’habitude de vivre dans une société largement laïque. Ce n’est pas le cas ailleurs. Or nous voici tous confrontés à un phénomène nouveau : à la faveur des échanges migratoires et de la mondialisation des communications, les villes d’Europe sont devenues le creuset des religions du monde. Cette rencontre n’est pas facile. Les croyants connaissent leur propre religion, très peu celle des autres ; les non-croyants appréhendent mal le fait religieux. Beaucoup ont tendance à ne voir dans la résurgence du fait religieux que ses aspects les plus révoltants. Aussi est-il urgent de comprendre ce phénomène, qui risque d’être la grande affaire du XXIe siècle. »

Soyons sérieux ! C’est tout de même un peu agaçant de nous faire croire que les religions ne sont plus que des cas d’études anthropologiques. Cette présentation des religions, malgré la beauté des œuvres présentés, laisse pantois. L’ambiance est celle des trésors du Louvre : bien présentés, attrayants, emmitouflés de commentaires trop souvent banals, mais faisant savants. Bref, c’est tout sauf vivant alors que les religions sont l’essence même de la vie humaine, ce qui distingue celle-ci de la vie animale. Pour les organisateurs, ce n’est qu’un « phénomène », comme ils le disent dans cette présentation. Certes, ils retiennent le mot attribué à Malraux : « Le XXIème siècle sera religieux ou ne sera pas ! », mais plus pour dire l’importance politique et sociétale des religion,exposition,société,culturereligions que pour penser à une évolution spirituelle de l’homme.

Donc le Petit Palais propose un voyage au travers des religions d’aujourd’hui, telles que pratiquées aux quatre coins du globe et de Paris. On y croise les quatre religions monothéistes (judaïsme, christianisme, Islam et sikhisme), les religions polythéistes comme le bouddhisme, l’hindouisme, le taoïsme, mais également l’animisme, le culte des ancêtres, le vaudou, jusqu’au syncrétisme et même l’athéisme ( ? ). Mais l'on commence par cette magnifique stèle de Hasor prêtée par le musée d'Israël, à l'entrée de l'exposition.

Œuvres d’art, objets ethnographiques, maquettes côtoieront photos, films et bornes interactives pour tenter d’éclairer la variété de la foi et témoigner de la richesse des cultes pratiqués ici et là sur la planète.

24/01/2013

Les incertitudes de la science

 

« La cible privilégiée de René Thom, ce sont tous les savants qui, à la manière de Prigogine, nous expliquent que le monde n’est que bruits et hasards : la « prétendue science du chaos ».

Prigogine, selon Thom, a amalgamé dans une science du chaos des phénomènes essentiellement différents, dont relèvent du déterminisme et d’autres de la description probabiliste. Thom reprend l’exemple de la pièce de monnaie cher à Prigogine : Prigogine nous a expliqué qu’il est par définition impossible de prévoir si une pièce lancée en l’air retombera sur pile ou sur face, et que la seule détermination est d’ordre statique. Cette image d’incertitude et de probabilité résumerait assez bien, selon Prigogine, l’état actuel de la science contemporaine. Mais, me dit Thom, Prigogine nous abuse : si les physiciens ne peuvent pas prévoir le mouvement de la pièce, ce n’est pas parce que c’est impossible, mais parce que c’est expérimentalement difficile et coûteux. Cette prévision reste théoriquement possible pour un observateur qui contrôlerait les conditions initiales du jet de manière assez précise. »

Guy Sorman, Les vrais penseurs de notre temps, Fayard, 1989, p.61

 

René Thom, mathématicien français (1923-13-01-25 René Thom1.jpg2002), n’était pas que mathématicien. Il s’intéressait également à la philosophie. C’est cette alliance entre les mathématiques et la philosophie qui lui font dire que la théorie du hasard et du chaos n’est qu’une mode intellectuelle. Prétendre que la matière ou la vie sont les produits du hasard, c’est se glorifier de son incompréhension, accepter que le monde ne soit pas intelligible.

Bref, Thom pense qu’il faut retrouver Aristote et rapprocher le quantitatif du qualitatif, le sensible et l’intelligible, la science et la conscience.

Le génie est moins dans la science des mesures que dans une science herméneutique : l’interprétation des signes par les mathématiques.

13/01/2013

Piètre porteur

Lorsque vous songez à peindre, se pose la question du support. Sur quoi ? Aussitôt, parce que vous ne voyez que des toiles suspendues dans les musées, vous songez aux châssis entoilés que toutes les boutiques spécialisées dans les arts plastiques exposent généralement au deuxième étage, entassés dans des caissons avec des dénominations qui méritent quelques explications : un châssis F80 correspond ainsi à un châssis de 146x114cm alors qu’un châssis M60 fait 130x80cm. Enfin, vous avez choisi (encore faut-il avoir dans la tête le tableau que l’on veut peindre et ses dimensions !). Vous le descendez avec précaution, vous payez et vous vous retrouver sur le trottoir avec votre châssis, léger certes, mais encombrant au possible.

Le châssis acheté faisant 120x120cm, soit plus d’un mètre carré à protéger des frôlements des passants, de la curiosité des chiens et de la fougue des automobilistes, ne rentre bien sûr pas dans votre voiture. Les portières sont en effet si bizarrement faites que si l’espace intérieur est plus large, son accès ne mérite le nom d’ouverture que pour un nombre restreint d’objets. Bref, impossible d’y glisser ce châssis, seul votre corps qui se plie dans tous les sens peut entrer dans l’espace calculé par les ingénieurs. Alors, le métro ? Il est six heures du soir, moment d’affluence. Comment se glisser entre les humains entassés avec un châssis d’un mètre vingt ? Et surtout, comment passer ces portillons manichéens que seules les souris très intelligentes peuvent contourner, tournant les manivelles, poussant les plats bords, tirant les échelons ? Donc vous rentrez à pied. Quatre kilomètres, en gros, sous le petit crachin, portant le châssis bien emballé de plastique transparent, avec juste un trou que vous faites pour glisser la main et prendre le croisillon du bout des doigts. Et vous voilà parti !

Heureusement, il ne fait pas complètement nuit. Vous êtes ébloui par les phares des voitures, protégé par les passants qui vont en tous sens. Attention, Madame, votre sac ! Vous faites tellement attention aux autres que vous vous oubliez vous-même. Zut ! Je glisse sur un objet mou, fuyant, et je manque de tomber. Aïe. Le rebord du châssis frappe le sol avec violence. Mais la cellophane tient, rien n’est perdu. Après que vous ayez essuyé les chaussures sur les trois brins d’herbe sortant de la grille qui entoure le pied d’un arbre (il ne va pourtant pas partir tout seul !), vous reprenez courageusement votre marche en crabe, ne sachant si le châssis doit vous précéder ou vous suivre, à défaut de pouvoir le maintenir à côté. Devant, c’est pratique, il fend la foule. Mais de la même manière qu’en mer le marin ne voit pas ce qui se cache sous la houle, vous ne savez ce que vous réserve l’un ou l’autre des promeneurs. En voici un, la cigarette à la main, à hauteur de votre fardeau, prêt à y faire un trou. Vous vous déplacez pour l’éviter, mais un autre hurluberlu vous coupe la route sans même vous regarder. Vous levez haut votre trophée, mais votre poignée n’en peut plus. Il retombe lamentablement. Vous changez de main, vous tournez votre articulation vers l’extérieur, mais au bout d’une minute, vous vous sentez crucifié et le clou du croisillon vous rentre dans la paume. Vous poursuivez, vous avancez. Vous dépassez un premier boulevard, puis un second, puis une quantité, soulé par le bruit, l’agitation, les exclamations des piétons qui se heurtent à votre protégé.

Enfin, vous arrivez. Encore un carrefour, sept pas de porte et vous mettez votre enfant à l’abri des coups et des insultes des chalands. Merci mon Dieu, il est sain et sauf, sans trou ni salissure ! Vous prenez les escaliers avec précaution, la grandeur du colis vous empêche de monter dignement ! Vous sortez votre clé, ouvrez la porte, entrez. Clac ! Vous êtes chez vous, vous faites un pas. Crac ! Vous pliez votre châssis sur un fauteuil qui se trouve là, vous ne savez pourquoi. Ce n’est pas grand-chose, mais tout de même. Le châssis sourit et semble se moquer de vous. Quel bien piètre porteur vous faites ! Espérons que vous serez meilleur peintre !

03/01/2013

Notre idéal de vie

En lisant « Le Petit Sauvage », roman d’Alexandre Jardin (nous en reparlerons), on en vient immanquablement à s’interroger sur sa vie d’adulte. Ai-je bien réalisé la vie dont j’ai rêvé enfant, ou plutôt l’idéal de vie qui constitue le plus profond de ce que j’ai rêvé d’être ? Alexandre choisit le retour à l’enfance de ses huit ou de ses treize ans. Mais il échoue, rattrapé par l’écoulement des ans. Le retour à l’enfance ne peut être un idéal de vie. Ce serait se rogner les ailes. La seule vraie enfance est celle qui reste devant nous. Mais encore faut-il ne pas la perdre de vue.

Ne jamais oublier l’idéal que nous nous sommes fixé. Mais d’abord quel est-il ? En y réfléchissant, il m’apparaît que l’important est de conduire au maximum de leurs possibilités chacune des parties de mon être, même si ce maximum n’atteint pas le niveau d’un prix Nobel. Tout le monde ne peut prétendre à cette récompense, ni même à une renommée internationale ou même nationale. Au fond, peu importe la reconnaissance que peuvent avoir les autres de ce que vous avez fait. L’essentiel est de l’avoir fait et de sentir que vous vous êtes épanoui à développer cette partie de vous-même.

La quête du graal, c’est la quête de soi-même. Vous courrez derrière jusqu’au jour où vous comprenez que l’important n’est pas de se trouver, mais de parcourir le chemin qui vous permettra de vous trouver. Epuiser toutes les possibilités de chacune des parties de son être, les amener à leur maximum, partie après partie, jusqu’à faire le tour de soi-même. Et si vous avez bien compris cet idéal de vie, vous n'atteindrez jamais ce tour de vous-même. Vous mourrez en cherchant encore et encore à améliorer telle ou telle partie de votre personnalité que vous n’avez pas encore développée.

En chemin, c’est-à-dire tout au long de la vie, ne pas se laisser attirer par ce qu’attendent les autres de vous. Ils vous voient à telle place, ou à telle autre, dans telle ou telle position sociale, professionnelle, familiale, etc. Non, être soi-même, c’est ne jamais déroger à la règle principale : se donner à fond pour toujours découvrir, embrasser le monde, lui apporter notre contribution, sans jamais chercher à en recueillir des intérêts. Et pour cela toujours s’améliorer, innover, s’enrichir sans esprit de patrimoine. Il suffit que chaque étape corresponde à une possibilité d’épanouissement pour vous-même.

Alors vous approchez du bonheur, sans jamais le saisir totalement. Vous avez sur vos lèvres cet avant-goût de paradis, vous buvez le lait de la félicité, mais sans jamais en profiter. Simplement, le laisser s’écouler et vous y baigner.

La vie est un apprentissage. Le jour où l’on n’a plus rien à apprendre, on meurt, même si l’on se croit toujours vivant.

23/12/2012

L'odeur personnelle

Chaque humain, homme ou femme, possède une odeur personnelle. Je ne parle pas des odeurs que d’autres produits, touchés ou projetés, laissent sur la peau, tels le savon, les liquides de vaisselle ou même les parfums. Non, il s’agit de cette odeur indéfinissable qui irise chaque personne et qu’elle cache sans s’en rendre compte, dans ses recoins, ses plis, ses cheveux et j’en passe. Vous ne la percevez pas, même lorsque vous êtes près de cette personne. Mais si déjà vous lui faites un baiser, vous la discernez, infinie et légère. Et si vous épanchez encore plus, si vous l’embrassez réellement, alors vous entrez dans son intimité et faites connaissance avec son odeur. Désormais, vous la reconnaîtrez à son odeur et plus seulement à sa vue. Et si bien sûr vous l’aimez, cette odeur restera pour vous ce lieu de repos et de bien-être qui vous berce tout au long de la vie. Vous vous en enivrez, bien au-delà de la vue et du toucher.

 Peut-être est-ce pour cela que depuis une trentaine d’années, et même plus, les gens ont pris l’habitude de s’embrasser au lieu de se tendre la main : les hommes embrassent les femmes, les femmes embrassent les hommes et les femmes. Auparavant, à certaines heures de la journée et selon les lieux, les hommes baisaient la main des femmes et, parfois, arrivaient à percevoir leurs phéronomes. Désormais, ils sont conviés à faire mieux, sous des prétextes de camaraderie ou d’amitié ou parce qu’ils ont le même âge. En est-il de même pour les femmes ? Elles embrassent des personnes des deux sexes. C’est sans doute parce que les femmes se lient d’amitié plus facilement que les hommes. Les amitiés de jeunes filles se marquent également d’une autre manière que les amitiés masculines.

L’odeur, plus encore que le toucher, vous fait entrer dans le monde intime de la personne. Vous ne formez plus qu’un, seuls dans votre bulle commune, ne voyant le monde qu’au travers de cette membrane déformante de l’amour ou de l'amitié. Et vous y êtes bien.

Mais est-ce seulement réservé aux êtres vivants (l’on connaît bien sûr l’importance des odeurs pour les animaux) ? Chaque maison a également une odeur. Lorsque vous entrez, vous la respirez sans vous en rendre compte. Mais elle est là. Lors d’un déménagement, il faut du temps pour que votre maison dégage l’odeur de la famille. Ce n’est que lorsque vous croyez ne rien sentir des effluves antérieurs que votre maison a pris votre exhalaison.

21/12/2012

Jusqu'où vont-ils !

politique,écologie,eau,continuité écologique

(Horizon Mayenne, le journal du Conseil général de décembre 2012)

 

Que cherchent à nous faire croire les politiques ? Ils sont prêts à tout récupérer et à transformer en choix politique les conséquences de leurs erreurs.

Si vous lisez cet article qu’un journaliste ignorant du passé récent a écrit, vous avez l’impression que le recul des haies date de 1995. Et on nous explique quelles en sont les raisons : diminution de l’élevage, développement des surfaces cultivées (on a simplement remplacé les prés par des terres agricoles), coût d’entretien, etc. Ce que l’auteur de l’article oublie de dire, car on s’est bien gardé de le lui dire, c’est que la diminution des haies date d’abord et avant tout de la politique de remembrement que l’Etat a imposé, contre le gré de nombreux propriétaires, à partir des années 1960. C’était l’époque de l’idéologie de la rationalisation et de l’industrialisation de l’agriculture. Plus une haie, des champs à perte de vue, sans arbre, la Beauce pour toute la France, sans distinction de lieux géographiques, géologiques, géoculturels !

Et, tenez-vous bien, nos politiques refont la même erreur, sans comprendre la leçon durement apprise : il s’agit maintenant de détruire tous les barrages et ouvrages sur l’ensemble des cours d’eau non domaniaux. Propriétaires et usagers des cours d’eau ont beau tenter de s’y opposer, le rouleau compresseur de l’administration passe de la même manière qu’il est passé il y a cinquante ans avec le remembrement. Tout cela au nom d’une idéologie écologique inventée par les gens des villes qui n’ont pas d’expérience des campagnes. Et le coût est bien sûr salé, et même très salé ; mais il reste caché. Très probablement plusieurs milliards d'euros, vu le coût de plusieurs millions d'euros pour un seul bassin. Mais peu leur importe, ils vous disent qu’ils sauvent nos campagnes d’une eau de mauvaise qualité. Ils n’ont pas étudié suffisamment les conséquences de leur politique délirante. Peu importe, l’idéologie est là et exige, envers et contre tous.

Alors que nos politiques fassent preuve d’un peu d’humilité plutôt que de se vanter en permanence des millions qu’ils font dépenser aux finances publiques.

17/12/2012

Le mystère de la matière noire (Arte-TV)

http://videos.arte.tv/fr/videos/le-mystere-de-la-matiere-noire--7112260.html

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Une matière inconnue occupe 95% de l’univers et elle est invisible. Est-ce de la matière ou autre chose ? Personne ne le sait. On sait ce qu’elle n’est pas, mais on ne sait pas ce qu’elle est. Tous les scientifiques se penchent sur le problème sans pour l’instant avoir trouvé la solution. Ils le tentent par tous les moyens : l’astronomie, les radiotélescopes, l’infiniment petit, sous terre avec le LHC. Rien pour l’instant.

Mieux même, derrière la matière noire se cache l’énergie noire (ou sombre), détectée par le fait que l’univers accélère son expansion. L’espace se reproduit de plus en plus vite et cet agrandissement s’oppose à la gravitation.

Quelle ignorance ! Les atomes ne représentent que 5% de l’univers. La matière noire, inconnue, en représente 23%. L’énergie noire 72%. Et on en sait encore moins sur celle-ci que sur la matière noire. Mais dans le même temps, quel savoir ! Il existe quelque chose dont on ne sait rien, mais on sait, indirectement, qu’elle existe.

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Quelle exaltation ! Nous aurons toujours quelque chose à découvrir. C’est bien le propre de l’homme, cette curiosité insatiable qui le pousse encore et toujours à aller au-delà de ce qu’il connaît. Qui, il y a encore cinquante ans, aurait pu soupçonner que l’ignorance de l’homme était aussi grande. On pensait, en auscultant l’idée du big-bang, arriver à savoir d’où nous venons et où nous allons, et l’on se trouve devant un puit sans fond qui attire les étoiles et les galaxies toujours plus loin.

Jusqu’où « Dieu » va-t-il nous entraîner ?

17/11/2012

Gaité, joie ou bonheur ?

Paradoxe de la gaité : elle rend triste quand on en a perdu l’objet.

La joie n’a plus d’objet particulier. Elle se nourrit de tout. Elle est l’objet. L’école de la joie est une école de juste milieu.

Le bonheur n’a plus d’objet. Il est présent dans la durée par le fait qu’il n’est lié ni aux impressions, ni aux sentiments, ni même à la réflexion. Le bonheur est l’aboutissement d’une vie et sa transformation. C'est un instant de grâce qui se prolonge au-delà des jours.

12/11/2012

Les multivers

L’univers n’est plus seul et unique comme son nom l’indimultivers1.jpgque. Par les mathématiques, nos savants ont découvert qu’il est très probable que l’univers soit multivers. Et l’on commence à avoir des preuves de cette géniale intuition. Ainsi la bulle de notre univers, qui s’étend de plus en plus dans l’espace (mais peut-on encore parler d’espace ?), en expansion constante, côtoie d’autres univers qui naissent et meurent à côté de nous (tout est relatif, ce sont des milliards et des milliards d’années-lumière, immesurables !).

D’après eux, la Totalité (on n’a pas encore trouvé de mot pour désigner cet ensemble de multivers) serait fractale, chaque univers engendrant de nouveaux univers. Le physicien Andreï Linde dénomme « mousse d’univers » cette Totalité, dans laquelle se produit des big-bangs engendrant des univers ayant chacun ses propres lois ou constantes physiques. Mieux même, tout ceci a été découvert par l’exploration de l’infiniment petit. Une explication est donnée dans la théorie des cordes. Celle-ci explique que les particules fondamentales de l’univers seraient des sortes de cordes vibrantes sous tension, à la manière d’un élastique. Leur degré de vibration engendrant des particules élémentaires qui sont à l’origine de notre univers. Dans cette théorie (qui reste pour l’instant théorique), le monde serait non pasEspace_de_Calabi-Yau.png tridimensionnel, mais multidimensionnel. Et ces dimensions s’enroulent les unes dans les autres dans un tissu spatial dit espace de Calabi-Yau (voir schéma ci-contre) qui constitue une forme complexe de 6 dimensions. Ainsi, l'univers observable à quatre dimensions (la quatrième étant le temps) serait une sous-partie d’une Totalité disposant de dimensions supplémentaires, 11 pour certains.

La théorie des cordes suppose que l’univers est fondamentalement constitué de cordes d’énergie en vibrations constante. Elle voit l’univers comme une immense symphonie. Et cette comparaison est assez bonne. Les dimensions de notre univers sont normalement décrites dans un système décimal (multiple et sous-multiple de dix) alors que la musique fonctionne autrement, de façon beaucoup plus complexe, et permet des variations et harmonies impossibles dans un système décimal.

multiverse.jpg

N’entrons pas dans le détail de cette théorie, contentons-nous de rêver devant l’ingéniosité de nos savants et devant la magie de la musique qui, par le fait qu'elle n'est pas cartésienne, contient probablement une clé de la compréhension de la Totalité.

Dieu est encore beaucoup plus ingénieux qu’on ne le pensait jusqu’à présent.

28/10/2012

Femme et homme

Les femmes ont un besoin naturel d’être désirables et désirées pour atteindre la sécurité. A cette fin, elles se donnent, puis se refusent. Elles passent par la séduction, jeu de contradiction qu’elles maîtrisent, mais que l’homme a du mal à comprendre.

Les hommes veulent être reconnus pour assoir leur sentiment d'exister. Le seul moyen qu’ils ont pour montrer ce qu’ils sont, passe par ce qu’ils font, dans tous les domaines, social, professionnel, familial, loisir, etc.

Dans le jeu de la conquête, l’homme et la femme cherchent à contrôler leur relation, soit de manière directe pour le premier, soit de manière indirecte pour la seconde. Une fois une véritable relation établie, les vrais couples n’ont plus besoin de ce type d’attitudes, mais certains couples le poursuivent après le mariage.

Ce constat n’est pas nouveau. Ces relations existent depuis le début des temps. Ce qui est nouveau, c’est, avec l’apparition de la publicité et des médias, l’exaltation de ces caractéristiques. Utilisant ces variations psychologiques, ceux-ci les utilisent à d’autres fins, pour les reporter sur d’autres sujets. Ainsi la publicité utilise le corps féminin pour vendre des produits. Ainsi également, le sportif de haut niveau, l’artiste médiatique, le politique charismatique sont magnifiés et détruits en cas de faux pas. Aucun regard, ni pour l’homme de tous les jours ou même le chercheur ou le philosophe qui font avancer le monde, ni pour la femme qui est au centre de la vie sociale et familiale. Les médias et la communication consolident ces stéréotypes : pour vivre et être, la femme doit séduire, l’homme doit maîtriser.

Ne nous laissons pas imposer ces stéréotypes par des professionnels des médias et du marketing  qui les amplifient et les utilisent à des fins différentes. Et si je parle de stéréotype, c'est bien qu'au delà de ces attitudes générales, chaque femme et chaque homme a des attitudes personnelles qui font que c'est cette personne spécifique qu'on aime et non le stéréotype. Alors, cultivons nos trésors personnels et réalisons-nous à travers eux.

25/10/2012

Le ridicule ne tue plus : condamnation de J. Kerviel

La condamnation a été confirmée en appel : 5 ans de prison dont 3 ferme et 4,9 milliards d'euros de dommages et intérêts. Mais qu’a donc fait cet homme ? A-t-il tué des familles entières, a-t-il volé des milliards ? Non, il était employé d’une banque. Certes, pas un employé lambda. Il faisait gagner de l’argent à ses employeurs. L’histoire ne dit pas ce qu’il a fait gagner, mais ce qu’il a perdu, en une fois.

Certes, il est fautif. C’est vrai, il a fait preuve d’ « abus de confiance, faux et usage de faux, introduction frauduleuse de données dans un système informatique ». Il a largement dépassé le quota qu’on lui accordait pour spéculer. Il avait eu beaucoup de chance jusqu’à ce jour où lui est tombé le ciel sur la tête. Mais notre société est impitoyable. La responsabilité est exclusivement de son côté, sans aucune faute de la banque. Quel scandale ! Et ce n’est pas seulement la banque qui est fautive. Ce sont également les politiques et derrière la justice. Les médias ont-il également une part de responsabilité ? Pour une fois il ne semble pas. Mais s’indignent-ils contre ce jugement ?

Tout d’abord ce n’et pas la société générale qui porte plainte, mais un dénommé Ernest, actionnaire, au nom des actionnaires qui voient leurs dividendes baisser (voir le jugement sur http://prdchroniques.blog.lemonde.fr/files/2010/10/kerviel-delibere-pressewpd.1286270254.pdf ). Passons.

Le jugement dit que "le dossier ne permet pas de déduire que la Société générale connaissait les activités de Kerviel ou a pu les suspecter". La défense a largement contredit cette affirmation. Et même si cela était le cas, est-il normal que dans une banque, il n’y ait pas un mécanisme de surveillance sérieux interdisant de telles pratiques ? Le jugement explicite bien le système de surveillance des activités des traders. C’est compliqué. Tellement, que cela ne marche pas. En tient-on rigueur à la banque ? Nullement.

Est-il normal que la banque puisse engager des sommes faramineuses sur les marchés, somme appartenant en fait à ses clients ? Oui selon notre système, même si la banque avait édicté la règle d’aucun engagement de la part des traders au-delà de 125 millions d’euros. Elle n’a elle-même aucune réglementation concernant cette activité. En fait, la banque, et derrière la société, autorise et encourage ces spéculations. Les clients seront-ils indemnisés en cas de casse, on ne sait pas. C’est là qu’intervient la responsabilité des politiques. Ceux-ci sont coupables de ne pas faire leur métier régalien : la protection des citoyens contre les risques de toute nature, donc y compris financiers. S’agit-il réellement de risque d’ailleurs ? Certes les mathématiques ont apporté des éléments importants de calcul du risque. Mais in fine c’est bien toujours d’incertitudes que l’on traite, et ces éléments ne permettent que de chiffrer le risque de ces incertitudes qui restent des incertitudes. Comment se fait-il qu’aucun politique n’ose s’élever contre un jugement qui accable un concitoyen par l’énormité des peines ? Ceux-ci considèrent que ce n’est pas leur affaire, aloos qu’il s’agit bien de protection des citoyens devant l’incurie des banques qui s’autorisent tout sans contrôle de la part de la société.

Alors ce serait l’affaire de la justice ? Peut-être, à condition que celle-ci ne soit pas liée par la façon dont sont rédigées les lois. L’accusation est juste, mais le résultat est hors de proportion. Il vaut donc mieux voler ou tuer que de mal faire son travail et de déroger aux règles que celui-ci impose. Les juges ne sont même plus conscients du ridicule, non du scandaleux, de leur jugement.

Est-il normal que les dirigeants de cette banque continuent d’exercer, qu’aucune étude n’ait été faite pour mettre en place de véritable moyen de contrôle, que les banques fassent ce qu’elles veulent de notre argent sans aucune sanction ?

Notre société marche sur la tête. On peut se demander si les indignés n’ont pas raison !

 

08/10/2012

Refondation de l’école

C’est la fin de la concertation sur l’école. On s’est posé la question de sa refondation. Qu’en sort-il ? Les horaires, les vacances, l’accueil des jeunes enfants,  le nombre de professeurs. Certes, les débats ont été plus larges. Mais désormais la réflexion est menée par les enseignants, les experts (santé, pédagogie, etc.) et les décideurs. Que décidera-t-on ? Pas grand-chose en dehors des problèmes évoqués par les médias, ceux signalés plus haut. Le fond du problème a été une fois de plus évacué.

Remarquons également que cette concertation a consisté à écouter ce que certains ont à dire, mais jamais à réfléchir ensemble à ce qu’il conviendrait de faire. Or nous savons tous qu’il est plus facile de dire ce qui ne va pas que d’analyser ce qu’il conviendrait de faire, qu’il est plus simple d'édicter des mesures qui n’ont aucune vue d’ensemble plutôt que de réfléchir à une véritable refondation.

Prenons un exemple : Compte-rendu de l’atelier « La culture, fondement de la réussite scolaire », concertation du mardi 18 septembre 2012, Lycée Jacques Decour, durée 2h20. 70 personnes présentes, inspecteurs, principaux, enseignants, responsables de la ville, syndicalistes, chercheurs, artistes. Les parents ne sont pas mentionnés. On peut espérer qu’il y en avait, mais même si c’était le cas, leur point de vue n’est jamais exprimé et encore moins pris en compte. Qu’en reste-t-il ?

« Parmi les idées fortes qui émergent, on peut extraire :
- la prise en compte nécessaire du rôle des réseaux sociaux et de l’internet dans les activités des élèves, valant souvent « auto-apprentissage » de la culture par les élèves : cela invite à s’interroger sur les moyens permettant aux jeunes de se construire en autonomie et sur la prise en compte que doit en avoir l’école ;
- l’intérêt porté au développement des résidences d’artistes (de statut et volume très divers…) qui ne doivent cependant pas se substituer aux dispositifs « ateliers et projets » ;
- le désir d’organiser plus facilement des formations associant éducation et culture, au-delà de ce qui est fait dans les PNF (ex. Arles) ou avec les PREAC, aidant à définir la place de l’artiste dans les actions menées avec les enseignants. »
(Extrait du texte trouvé sur le site « Refondons l’école de la république »,
 http://www.refondonslecole.gouv.fr/wp-content/uploads/2012/09/12_0926_paris_concertation_refondons_l_ecole_culture.pdf)

Bravo pour les idées fortes !

Et maintenant, le ministère va décider, c’est-à-dire faire des propositions qui seront ensuite déclinées dans un projet de loi. A quoi aura servi cette concertation. Si les idées qui en sortent sont celles qui sont mises à notre disposition sur Internet, c’est quelque peu attristant.

Or de nombreuses questions de fond se posent, dont en particulier celle du rôle de l’école :
. A quoi doit-elle servir (base commune de savoir, culture, professionnelle, pratique...) ?
. Que doit-on former (l’intellect, le corps, l’esprit et…) ?
. Que doit-on y faire et pourquoi ?
. Que doit connaître l’élève (et non savoir uniquement) en fin de primaire, à la sortie du collège, au bac ?
. Comment répartir ces matières dans le temps, en primaire, collèges, dans les lycées ?
. Quelle pédagogie doit-être utilisée ?

Ce n’est qu’à cette condition qu’une véritable refondation pourra être entreprise. Avouons que ce n’est pas en trois mois que ceci peut être fait. Et pourtant, il y a si longtemps que nous l’attendons.

 

25/09/2012

L'actualité

L’actualité existe-t-elle ? Elle est du jour et meurt à peine née. Sa nature est éphémère. Son caractère est de passer vite. Son essence est d’être inactuelle dans la minute qui la suit. Rien de plus arbitraire également : elle est composée de faits triés par les journaux. Sans eux elle n’existerait pas. Et les journaux ne peuvent rendre compte, pour cent raisons, que d’une partie infinitésimale de tout ce qui arrive : ils ont laissé passer (quel oubli !) la naissance de Napoléon. L’actualité la plus répandue est celle dont il parle le moins : le solstice, la neige, la Saint Sylvestre, les saisons, la première fleur, la dernière feuille. Où est le journal qui parle de l’aube ? L’aube, suprême curiosité de l’homme. Car, ils l’ont bien compris (la Bible aussi, relisez la Genèse, relisez l’histoire du pommier), l’homme vit surtout de curiosité. C’est le dernier vice qui lui reste. Toutes ses curiosités blasées, il garde celle de son décor. Il a vu le jour. Il ne cesse de le vouloir. Au bout du compte l’homme de la grande actualité, ce n’est peut-être pas le journaliste, mais le poète. Son actualité ne se fane pas.   (Alexandre Vialatte, La porte de Bath-Rabbim, Presses Pocket, Julliard, 1986, Chroniques des longues actualités, p. 43)

 

Ephémère ? Dans la plupart des cas, oui. Mais l’actualité est-elle éphémère lorsqu’on assite en direct à la chute du mur de Berlin, à l’explosion d’AZF ou aux premiers pas sur la lune. Certainement non ! Comment faire le tri entre l’éphémère et l’évolution du monde (qui n’est pas à confondre avec le progrès) ? Ephémère toujours ou presque, les émotions. Et pourtant elles font la une de l’actualité. Ephémère également la politique politicienne. Le Français préfèrerait de l’action efficace plutôt que de la communication qui ne communique rien. Ephémère enfin, les faits divers.

Arbitraire ? Oui, certainement. D’autant plus arbitraire que maintenant les journalistes de télévision sont soumis à la dictature de l’image. Sans image, rien à dire, ou presque. Donc on peut passer beaucoup de temps sur une affaire sans intérêt et très peu sur quelque chose qui annonce un changement stratégique, mais sur laquelle on n’a pas de prise de vue.

Mais le plus souvent les deux qualificatifs se rejoignent. Politique politicienne et choix journalistique. Ainsi, écouler 10mn d’interview de Cécile Duflot pour la forcer à dire qu’elle devrait démissionner (en raison de la position des verts sur le traité européen) est d’un ridicule qui malheureusement ne tue pas le journaliste.

Mais qu’est-ce que la curiosité ? Bernard Pivot nous dit que le journaliste est un interprète de la curiosité publique. Il est évident que lorsqu’on parle de la curiosité publique on ne parle pas de l’envie de connaître, de créer ou de s’enrichir l’esprit. On parle d’une curiosité indiscrète, insolente, voire maladive. Et plus l’on est en groupe plus la curiosité devient un impératif nuisible. Certes, certains hommes (ou femmes, bien sûr) sont plus curieux que d’autres. Mais dans tous les cas, plusieurs hommes ou plusieurs femmes sont toujours plus curieux qu’un seul. Que dire alors lorsqu’il s’agit d’une caméra dont l’objet est l’actualité !

 

16/09/2012

La maladie des normes

La France est un pays extrêmement productif en ce qui concerne les normes de toutes sortes et de tous genres ; directives, lois, décrets, arrêtés, règlements, etc. A vous décourager de tenter quelque chose.

« Dans une société inquiète, voire angoissée, à la recherche du “zéro risque absolu”, la norme a vite colonisé tous les secteurs de la sphère publique », expose le sénateur Claude Belot. Mais tout ceci augmente nos dépenses de manière forcenée. En chiffres, cela donne 287 projets de textes réglementaires examinés par la CCEN (Commission consultative d’évaluation des normes) en 2011. Facture pour les collectivités : 728 millions d’euros, alors que ce chiffre n’était que de 500 millions d’euros les années passées.

Certes, il convient d’imposer des règles permettant aux citoyens de s’y retrouver dans la profusion des propositions et publicités des entrepreneurs ou de progresser sur la sécurité. Mais est-il nécessaire de tout réglementer ? Actuellement 400.000 textes réglementent les activités des maires de France. Et nul n’est censé ignorer la loi !

 Dans tous les cas, le nombre de fonctionnaires dont nous disposons n’incite certainement à diminuer ce triste record. Il faut bien qu’ils se montrent actifs et entreprenants eux aussi !

 

15/09/2012

Cocteau ou le poète inexpérimenté

Pour Cocteau, l’idée, dans l’écriture, compte avant tout. La manière de l’écrire vient certes ensuite, mais elle vient sans effort, d’elle-même. Comme le disait Radiguet, il s’agit d’oublier qu’on est poète et laisser le phénomène s’accomplir à son insu. Cocteau a peur de l’habitude : je me veux libre de technique, d’expériences, maladroit.

Mais comment déterminer la limite entre l’attente et le laisser-aller ? En changeant de registre dans l'exercice de ce que l'on a à dire, en passant de l'écriture au cinéma, au dessin, à la poésie, puis à la musique par exemple. La variété des créations est toujours profitable, même si elle semble faire perdre du temps. Elle aiguise la sensibilité et redonne le goût du travail, même si d’autres pensent autrement.

Cocteau écrit : Ce qu’on te reproche, cultive-le, c’est toi. Montherlant ajoutait même : Notre œuvre préexiste en nous. Le problème consiste à la découvrir.