19/02/2014
Ce qu’il advint du sauvage blanc, roman de François Garde
« Au milieu du XIXème siècle, Narcisse Pelletier, un jeune matelot français, est abandonné sur une plage d’Australie. Dix-sept ans plus tard, un navire anglais le retrouve par hasard : il vit nu, tatoué, sait chasser et pêcher à la manière de la tribu qui l’a recueilli. Il a perdu l’usage de la langue française et oublié son nom. Que s’est-il passé pendant ces dix-sept années ? C’est l’énigme à laquelle se heurte Octave de Vallombrun, l’homme providentiel qui recueille à Sydney celui qu’on surnomme désormais le sauvage blanc. » (Résumé 4ème de couverture)
On ne le saura pas, malgré les efforts d’Octave. Narcisse disparaîtra sans qu’il ait dévoilé ce qu’il fit pendant ce séjour imposé en Australie. On le devine cependant, car un chapitre sur deux est consacré à ses premières impressions : solitude, désespoir, incompréhension. Un martien parachuté dans le monde des hommes qui souffre de la soif, de la faim et de l’indifférence des sauvages.
L’autre moitié du livre est consacrée au récit d’Octave, homme raffiné, très à cheval sur les convenances, mais modeste et dérouté par le silence de Narcisse. Il écrit à son protecteur, le président de la Société de Géographie, et lui conte ses difficultés. Il sera l’objet de la risée lorsqu’il présentera son sauvage à la société : moquerie, incrédulité, voyeurisme. Narcisse est invité à se présenter à l’impératrice. Il parle pour la première et dernière fois ; il chante même, une mélopée imprévisible faite de miaulements, répétitions saccadées de syllabes, claquement de langue, grognements syncopés, sifflements. Quelque chose de la rudesse de l’Australie, de la solitude de ses déserts, de l’ardeur du soleil sur une terre craquelée… L’impératrice lui donne une bague et lui accorde un emploi dans l’administration. Ne sachant où le mettre, on finit par l’envoyer à l’île de Ré : garde magasin au phare des Baleines.
Un jour Narcisse disparaît et personne ne le retrouve. Evaporé, il devient une légende. Octave meurt. Plus personne ne se souvient de ces deux personnages haut en couleur qui marquèrent l’opinion de façon contrastée : drame véridique ou récit de faussaire ?
L’écriture est bien celle de la bonne société du XIXème siècle, compassée, emplie de références à la vision sociale d’alors. Le récit en devient long. Il tarde à dire les choses. On s’ennuie parfois sur ces précautions oratoires qui enrobent le déroulement des faits. Le récit lui-même s’embrouille à la fin. Pourquoi cette disparition, qu’advient-il réellement de Narcisse ? On ne le saura pas et l’on reste sur sa faim qui commençait à s’atténuer en raison de la monotonie du récit.
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17/07/2013
Vers un modèle général des zones urbaines
La postmétropole est définie, selon Edward W. Soja[1], par six caractères principaux :
. une très grande hétérogénéité de l’espace urbain, ramenée trop souvent et trop simplement au « multiculturalisme », et qui conduisait Charles Jencks (1993) à employer le mot d’hétéropolis ;
. un processus de désindustrialisation-réindustrialisation : destruction des anciennes usines fordistes et leur remplacement par de nouveaux districts industriels ;
. un étalement urbain qui brouille les catégories traditionnelles d’urbain, suburbain, et non urbain, qui caractérisaient le vocabulaire classique de l’analyse urbaine, et qui a justifié l’emploi du terme d’exopolis ;
. le remplacement de la classification selon les catégories socioprofessionnelles de la population active par des marchés de l’emploi de plus en plus segmentés, ce qui s’accompagne de la pérennisation d’une catégorie sociale défavorisée et dépendante, qui constitue, à droite comme à gauche, l’enjeu le plus préoccupant de toute réflexion sur la restructuration urbaine ;
. l’intensification du contrôle social et spatial, lié à une « écologie de la peur » et au développement d’un urbanisme sécuritaire (la substitution de la police à la polis, dit Soja), ce qui entraîne d’un côté le perfectionnement des techniques de surveillance et de contrôle territorial, et de l’autre les différentes formes de protection et de fortification d’espaces (les espaces fermés) ;
. la disney-worldialisation de la ville : dans une sorte d’hyper réalité, les parcs à thème, les centres commerciaux entretiennent une confusion entre le réel et l’imaginaire, à propos de laquelle Jean Baudrillard parle de la « précession des simulacres ».
Il faut dire que Baudrillard et les autres sociologues français de la fin du siècle ont largement inspiré la géographie postmoderne américaine. La Question urbaine de Manuel Castells (1972) a été traduite en anglais en 1977, et La Production de l’espace d’Henri Lefebvre (1974) en 1991. Pour rendre compte du caractère instable de l’espace urbain, partagé entre la suburbanisation, la métropolisation et la fragmentation politique, Castells avait parlé de ville sauvage pour désigner ce que Soja appelle la postmétropole, mais ce qui importe plus que cette modification des structures de l’espace à ceux qui se définissent comme postmodernes, c’est la rupture épistémologique. Castells l’exprimait par sa critique de l’École de Chicago, pour laquelle, selon lui, « la ville tenait lieu d’explication », dans un raisonnement circulaire ignorant du contexte politique sur « un espace théorique qui n’était défini que par la spécificité de son objet »[2]
Ainsi, l’on constate que plus la mégapole est importante, plus ses points communs avec ses homologues sont nombreux. Partant d’un modèle européen, américain, du style Chicago, ou colonial, elle devient fractale avec ses villes nouvelles environnant son espace, reliées par des voies de communication de plus en plus denses, jusqu’à former un Archipel mégalopolitain mondial que le géographe français Olivier Dollfus a théorisé en 1996 :
« L'archipel mégalopolitain mondial (AMM), formé d'ensemble de villes qui contribuent à la direction du monde, est une création de la deuxième moitié du XX° siècle et l'un des symboles les plus forts de la globalisation liée à la concentration des activités d'innovations et de commandement. S'y exerce la synergie entre les diverses formes du tertiaire supérieur et du " quaternaire " (recherches, innovations, activités de direction). L'AMM marque conjointement l'articulation entre villes appartenant à une même région et entre grands pôles mondiaux. D'où cette émergence de grappes de villes mondiales […]. Les mégalopoles ont d'excellentes liaisons avec les autres " îles " de l'archipel mégalopolitain mondial (ce qui donne tout son sens au terme d'archipel) et concentrent entre elles l'essentiel du trafic aérien et des flux de télécommunication […]. 90% des opérations financières s'y décident et 80% des connaissances scientifiques s'y élaborent. Ces " îles de l'AMM " sont pour l'instant au nombre d'une demi-douzaine. " L'AMM ne se réduit pas à un ensemble de métropoles créatrices d'activités, de richesse et d'innovations, même juxtaposées ou reliées entre elles. En effet, les notions de territoire et de distance tendent à s'effacer devant le réseau dont le principe de fonctionnement est la connexité et non plus la continuité. Dès lors, les villes de l'AMM ne doivent plus être considérées comme des centres qui polarisent des territoires nationaux dans un modèle centre-périphérie, elles ne forment donc plus un réseau de centres, mais au contraire des pôles qui fonctionnent en réseaux. »[3]
[1] Edward W. SOJA, Postmetropolis, 2000, Malden (Mass.) : Blackwell, 440 p.
[2] Yves GUERMOND, Université de Rouen, « Géographie postmoderne et/ou ville postmoderne », L’espace géographique, Belin, ISBN 2701137306, 96p., p.59 à 60.
[3] Disponible en ligne sur : http://marienaudon.free.fr/auteurs.html (date d’accès : 14 août 2008).
07:59 Publié dans 11. Considérations diverses | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : urbanisation, urbanisme, population, démographie, géographie, mégalopole | Imprimer
10/07/2013
Le modèle juxtaposé, dit colonial
Le troisième modèle que l’on peut dégager regroupe les caractéristiques d’une ville traditionnelle, à laquelle s’est accolée, à l’époque coloniale, une ville créée de toute pièce par le colonisateur. Il oppose la ville européenne à la ville indigène, les quartiers blancs et les quartiers autochtones. La ville africaine précoloniale correspond en Afrique du Nord à la Médina (Tunis ou Casablanca, Casbah à Alger), présentant une forte densité, un plan complexe de ruelles, avec mosquées et souks.
En l'absence de ville précoloniale, la ville indigène se compose d'un habitat proche de l'habitat rural, le "village", au plan géométrique ou anarchique. La ville coloniale drainait les richesses de l'arrière-pays vers la côte. Elle était le lien avec la métropole et le colonisateur a rarement développé des relais vers l'intérieur du pays : d'où le gonflement actuel de ces villes qui cumulent les fonctions et attirent les populations rurales.
Ces zones urbaines tiennent donc du modèle « européen », pour ce qui est de l’importance du centre, et du modèle « américain » par l’étalement que l’habitat précaire, dans un schéma souple et évolutif. Celui-ci ne fait évidemment pas l’objet d’une planification.
Le cœur de la ville « coloniale » est double et sa morphologie urbaine est fondée sur la différenciation socio-économique des quartiers. Le centre-ville juxtapose des quartiers anciens, surpeuplés, dégradés et paupérisés, à un centre récent qui comprend des quartiers résidentiels souvent formés de somptueuses villas où vivent grands commerçants et hauts fonctionnaires, protégés par des gardiens armés, et le quartier des affaires qui se compose dorénavant de buildings et de tours à la manière américaine. L’organisation interne de la ville est extrêmement diverse, dans la mesure où ces quartiers peuvent être légaux ou non, équipés ou non, planifiés ou spontanés, en voie de « durcification » ou de « déguerpissement ». La ville « indigène » est bâtie avec des matériaux précaires, soit traditionnels (végétaux, pisé), soit de récupération (cartons, tôle ondulée, bâches). Elle s’agrandit sur des espaces laissés libres par l’urbanisation, souvent à cause de leurs piètres qualités (pentes fortes des favelas, zones inondables à Johannesburg, décharges au Caire ou en Inde, jonques en Asie du Sud-est). Les plus pauvres peuvent également chercher à se rapprocher des zones d’emploi : zones industrielles (Delhi), proximité des gares de taxis collectifs (Johannesburg).
L’Afrique constitue un cas particulier dans ces villes dites coloniales. Elle est encore peu urbanisée (35% de population, 6% de la population urbaine mondiale), mais elle connaît la croissance urbaine la plus rapide. La population totale de l'Afrique a plus que triplé entre 1950 et 1997, mais celle des villes a été multipliée par 11, passant de 22 à 250 millions. Selon les projections de Nations Unies plus d'un Africain sur 2 vivra en ville en 2020. Le Caire a augmenté de 7 millions de 1950 à 1990 (multiplié par 11,2), Kinshasa est passée de 165.000 habitants à 3,6 millions ; des villes comme Abidjan ou Dakar représentent plus de 25% de la population totale du pays. Cependant, comme l'Afrique est également le continent le plus pauvre, cette urbanisation brutale conduit à un tableau contrasté : d'un côté des problèmes multiples liés à des infrastructures incomplètes ou congestionnées, de l'autre, des fonctions économiques qui font des villes des pôles de développement. En Afrique, lorsqu’une ville voit sa population doubler, l’espace qu’elle consomme triple. Des villes simplement millionnaires en habitants, comme Bamako ou Ouagadougou, dépassent déjà en superficie des métropoles européennes trois ou quatre fois plus peuplées.
Dans certains pays au développement avancé, on copie le modèle américain des quartiers d’affaires pour afficher implicitement par ce biais une puissance « à l’américaine ». Ainsi, l’affirmation des villes de l’Asie-Pacifique, en perpétuelles reconstructions, passe par une course au building le plus haut. Ce rapport au passé urbain est à mettre en relation avec une certaine américanisation des modes de vie : grande mobilité des activités urbaines, affaiblissement de la mixité sociale des quartiers, forte distinction de la destination des espaces (CBD , résidentiel, industriel), développement vertical des centres-villes, étalement des agglomérations même si l’automobile n’est pas encore le mode de transport dominant dans les zones concernées. Cependant, dans ces villes, les municipalités manquent d'argent en raison de la pauvreté et de la grande jeunesse de la population qui limitent les rentrées fiscales. Aussi leur gouvernance pose-t-elle de nombreux problèmes : le manque d'infrastructures de base (eau, électricité, transports), le ramassage des ordures, absent de nombreux quartiers, l'insalubrité des quartiers populaires s'opposent à la propreté et au luxe des quartiers résidentiels ou d'affaires récents. La délinquance et même la violence liées à la misère sont permanentes, les pollutions sont multiples.
Pour ce même modèle, il convient de souligner le cas particulier de l’Amérique latine où l’on trouve peu d’habitat individuel et où les villes sont presque exclusivement constituées d’immeubles, par peur des violences urbaines comme les enlèvements. Cette configuration atypique a pour effet de maintenir de fortes densités (São Paulo est sans doute la ville du monde qui compte le plus de gratte-ciel).
07:11 Publié dans 11. Considérations diverses | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : urbanisation, urbanisme, population, démographie, géographie, mégalopole | Imprimer
06/07/2013
Le modèle fractal, dit américain
Le modèle américain de zone urbaine est plus diffus et s’organise en reproduction fractale de la ville d’origine. Celle-ci perd de son importance car le centre n’est pas le lieu privilégié d’organisation de vie urbaine. Aussi les nœuds routiers ne convergent pas vers le centre, mais constituent un réseau étroit entre chaque zone urbaine, non distincte comme en Europe des zones ouvertes. La forme urbaine concentrique est remplacée par un collage discontinu de paysages parcellisés, orientés vers la consommation, et privés de centralité, bien que reliés par la proximité électronique, et théoriquement unifiés « par la mythologie des autoroutes de la désinformation ». L’agrégat urbain qui en résulte est caractérisé par une fragmentation et une spécialisation aiguës : « la ville patchwork semble être devenue au XXIème siècle le véritable successeur de la ville en anneaux circulaires des débuts du XXème siècle »[1].
On comprend alors l’importance accordée aux routes qui permettent de relier par la voiture (moyen de locomotion individuel) des lieux dispersés.
Cette ville est « multipolaire », du fait que, en quelque sorte, c'est la « périphérie qui devient la ville »[2] . Le symbole et exemple-type en est la ville de Los Angeles : ville polycentrique ; économie propice à la multiplication de noyaux urbains périphériques (ou edge cities) ; flux de déplacements plus importants entre les banlieues qu’entre le centre et chacune des banlieues.
Comme la ville « américaine » n’a pas de centre de gravité, il est logique que cela donne lieu à un étalement physique de la ville et à de faibles densités urbaines. De plus, la conception où la promiscuité entraîne de la délinquance et les habitants refusent la promiscuité dans l’habitat (individualisme) renforce cette expansion. Ainsi distingue-t-on dans la ville américaine plusieurs zones dans la ville principale :
A. Le centre des affaires (CBD) : Centre géographique, le downtown est aussi centre économique, politique et culturel ; et concentre les gratte-ciels.
B. Zone de transition : Une seconde zone, qualifiée de transition, encercle le downtown. Envahie par les commerces et les industries légères, elle était jusqu’à présent le refuge des populations récemment immigrées ou de marginaux. Depuis peu, elle tend à être réinvestie par une population plus aisée, ce qui, à terme, entraînera la montée des loyers et l’expulsion des populations pauvres.
C. Zone résidentielle : Au-delà, une zone résidentielle est occupée par les travailleurs parvenus à sortir de la zone précédente ; plus on s’éloigne du downtown, plus les logements prennent la forme de maisons individuelles cossues.
D. La Zone périurbaine : Les banlieues résidentielles (suburbs) s'étalent dans la périphérie et accueillent les classes moyennes. L'habitat est en général pavillonnaire et les densités plutôt faibles (exurbanisation). On y trouve également des services, des centres commerciaux, des bureaux, des industries de pointe et des parcs d'activités dans les noyaux urbains périphériques (edge cities).
E. La zone suburbaine, la plus éloignée du centre abrite les classes aisées qui ont les moyens financiers de faire le trajet quotidien vers le quartier des affaires. Les types d’habitat et d’activités sont les mêmes que dans la zone précédente mais de qualité supérieure.
La ville américaine d'aujourd'hui est « multipolaire », c'est en quelque sorte la « périphérie qui devient la ville » (Cédrick Allmang). A l’opposé de Chicago, le symbole et exemple-type est la ville de Los Angeles : ville polycentrique ; économie propice à la multiplication des edge cities (nouveaux noyaux urbains situés en périphérie); flux de déplacements plus importants entre les banlieues qu’entre le centre et chacune des banlieues.
07:24 Publié dans 11. Considérations diverses | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : société, géographie, ville, population, sociologie | Imprimer
01/07/2013
Le modèle concentrique, dit européen
Ce premier modèle urbain, le plus général jusqu'à une période récente, est caractéristique des agglomérations dont l’origine de création remonte à une période ancienne. Malgré son appellation, il n’est pas exclusivement européen et se révèle valide pour de nombreuses villes à travers le monde, notamment en Asie.
Dans ces villes de type européen, le centre est primordial. Cet élément est lié à l’importance de l’espace public dans les sociétés traditionnelles, à l’exemple de la tradition antique du forum romain. Les villes tendent ainsi à maximiser l’avantage de la concentration pour les échanges.
On distingue des couronnes successives : le centre ancien et son extension, les banlieues plus ou moins riches, et enfin l’espace périurbain. Cet espace périurbain se développe autour des voies de communication qui mène à la ville traditionnelle, et sont le fruit de la croissance d’anciens villages.
Dans la mesure où tout part du centre, la densité y est logiquement très forte et tend à diminuer au fur et à mesure que l’on s’éloigne du centre.
Comme l’indique la figure ci-dessus, ce modèle s’articule généralement en un centre ville, une zone périphérique et une zone des approches.
Le centre ville comporte un cœur de ville où est concentré le patrimoine historique de la ville. On y trouve une concentration de « tout » (église, place centrale, immeubles d’habitation, commerces, administration). Il dispose au-delà d’espaces publics principaux, d’activités commerciales et de services majeures, puis des espaces résidentiels et enfin des quartiers d’habitat collectif. Chaque cœur de quartier regroupe des espaces publics, des commerces et des services d’importance secondaire, nécessaires à la vie courante du quartier. Depuis quelques décennies, la tendance est à la mise en valeur des sites d’animation du centre ville avec un développement des secteurs piétonniers, voire leur individualisation par la disposition d’obstacles limitant la circulation des véhicules. En coupe, le centre dans le modèle urbain européen constitue une zone plutôt basse, les immeubles hauts étant le plus souvent relégués en périphérie. Le contraste est fort avec le modèle américain où la disposition est inversée. Ce centre est dominé par un ou plusieurs monuments qui fournissent les principales images identifiant la ville.
La zone périphérique se caractérise par un réseau de voies de communication larges et rectilignes, qu’il s’agisse d’avenues reliant le cœur de la ville aux entrées de celle-ci (couloirs de mobilité) ou de rocades à grand gabarit, en sens transverse , permettant le contournement du centre ville. Ces dernières relient les « entrées de ville » qui constituent autant de pôles locaux d’activités et de services. Cette zone accueille généralement les « pôles d’excellence » de la zone urbaine (universités, recherche, secteurs à haute valeur ajoutée), des centres de soins et de santé récents (hôpitaux, cliniques), des complexes sportifs et de loisirs, des industries propres, des quartiers d’habitat collectif et des quartiers pavillonnaires.
La zone des approches, quant à elle, est l’espace par excellence, zone de transition entre espace rural et urbain. Elle se distingue par son maillage de lotissements uniformes associés aux villages anciens et ses espaces découverts soit agricoles, soit industriels. Elle est vouée à être phagocytée progressivement par la zone périphérique.
Comme cela a déjà été précisé, ce modèle, arbitrairement dénommé « Européen », est caractéristique des zones urbaines dont la fondation est très ancienne et que l’on rencontre, pour l’essentiel, en Europe et en Asie. Ainsi, la ville de Pékin, dont le plan est présenté ci-dessous, s’organise de manière concentrique, avec sa vieille ville, ses autoroutes circulaires et maintenant ses villes secondaires comme le font les grandes villes européennes.
07:12 Publié dans 11. Considérations diverses | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : société, géographie, ville, population, sociologie | Imprimer
24/06/2013
La zone urbaine et sa modélisation
En 1800, 2% seulement de la population mondiale vivait dans une ville. Il y a encore 50 ans, la grande majorité de cette population était rurale. en 2007, le nombre de citadins est devenu supérieur à celui des ruraux, selon le Fonds des Nations unies pour la population (FNUAP). Plus de 3,3 milliards d’êtres humains sur les 6,5 milliards d’habitants que compte notre monde, sont regroupés dans des zones urbaines et les démographes prévoient qu’en 2030 cette proportion devrait dépasser 60%. Actuellement, on compte 24 mégapoles de plus de dix millions d’habitants, alors qu’il n’en existait que 4 en 1975. Les pays latino-américains sont actuellement les plus urbanisés. Mais l’Asie de l’Est et du Sud va probablement prendre la première place en raison de son fort taux de croissance prévisible durant les 30 prochaines années. La plus grande mégapole sur notre planète est Tokyo qui compte environ 30 millions d’habitants. New York ne se situe plus qu’en 4ème ou 7ème position, selon les auteurs, avec plus ou moins 20 millions. Entre ces deux villes ce sont les mégapoles d’Asie et d’Amérique du Sud qui prennent le pas (Séoul, Dacca, Bombay, Sao Paulo, Mexico). Ce classement n’est qu’approximatif puisqu’il n’existe pas de recensement au niveau mondiale au cours d’une même période. L’Union européenne fait piètre figure dans ce bilan puisqu’on ne trouve que trois villes de plus de dix millions : Essen, mégalopole regroupant plusieurs villes allemandes, l’agglomération parisienne et Londres avoisinant les dix millions.[1]
La notion de ville représente un concept propre, à l’opposé de la notion d’agglomération, beaucoup plus vague. Mais, aujourd’hui, il est souvent plus approprié de parler de zone ou d’aire urbaine, notion géographique utilisée en urbanisme. Si l’on considère la zone urbaine comme un tout, on parlera de métropole, c’est-à-dire d’une ville concentrant une population importante, disposant de pouvoir de direction dans les domaines économiques et financier, coordonnant des activités industrielles et tertiaires, dotée d’un réseau urbain et accumulant des emplois stratégiques. Plusieurs zones urbaines peuvent se rejoindre pour former une conurbation, ensemble de villes unies par l’extension de leurs bâtis respectifs (développement de leurs banlieues) et entre lesquelles s'établit une complémentarité et une répartition des fonctions. En France, seule l'ensemble Lille-Roubaix-Tourcoing correspond à cette définition ; en Allemagne, la Ruhr en est un bon exemple. Généralement ces conurbations s’accompagnent de périurbanisation, voire de rurbanisation, terme inventé en France dans les années soixante-dix, qui désigne la progression de l'habitat des citadins dans les zones rurales autour des grandes villes.
Au-delà des métropoles, les très grandes agglomérations peuvent être qualifiées de mégapole, agglomération dont le seuil a été fixé par l’ONU à 8 millions d’habitants et qui abrite en son sein des centres de décision importants. Enfin, l’on trouve des mégalopoles (du grec megas, megalos, « grand » et polis, « ville ») qui sont des espaces urbanisés polynucléaires formés de plusieurs agglomérations dont les banlieues s'étendent tellement qu'elles finissent par se rejoindre, et cela sur de longues distances. Ce concept a été proposé par le géographe français Jean Gottmann[2], qui définit la "Mégalopolis" par la région urbaine s'étendant entre l'agglomération de Boston et la conurbation Baltimore-Washington, comprenant les agglomérations de Hartford, de New York, et de Philadelphie, ainsi qu'une multitude de villes de plus de 100 000 habitants, sur la côte est des États-Unis. On retrouve parfois l'expression BosWash (composée par la première syllabe du nom des deux villes situées aux extrémités). Cet ensemble urbain s'étale sur plus de 800 km du Nord au Sud, avec une population estimée à quelques 65/70 millions d'habitants.
¨ La modélisation des zones urbaines
Chaque civilisation a produit un mode d’organisation urbain spécifique : largeur des axes de circulation, nature des matériaux de construction, hauteur des immeubles, habitat lâche ou resserré font que les facteurs de l’équation « ville » fluctuent ; de même, la culture des habitants, la nature des populations urbaines (homogènes, multiculturelles, en paix ou en confrontation perpétuelle) contribuent à donner à chaque ville son originalité.
Par ailleurs, la perception de la zone urbaine est complexe du fait de son caractère multidimensionnel. Le géographe, le sociologue, l’urbaniste, les pouvoirs publics et leurs services, les militaires ont chacun leur approche spécifique, qui, souvent indépendantes les unes des autres, ne rendent pas compte de la zone urbaine dans sa plénitude. Il est donc nécessaire de les croiser pour aboutir à une vision interdisciplinaire plus représentative de la réalité dans sa globalité.
Malgré leurs spécificités, les zones urbaines ont cependant certaines caractéristiques qui permettent de les regrouper en quelques grandes catégories et de mettre progressivement au point leur modélisation.
Cette modélisation a commencé avec l’école de Chicago qui qualifie les villes de « laboratoire social », en les étudiant sous l’angle de la répartition dans l’espace des communautés et des classes sociales. Elle met au point le concept d’aire naturelle, secteur ou quartier de la ville. Il « naît sans dessein préalable et remplit une fonction spécifique dans l’ensemble urbain ; c’est une aire naturelle parce qu’elle a une histoire naturelle ». Ces aires trient les populations en fonction de leur appartenance culturelles, sociales ou d’un statut propre. Puis apparaît le concept d’aires concentriques dont la théorie a été établie par Burgess qui insiste non pas sur la totalité de la ville, mais sur son homogénéité née de la complémentarité entre les différentes aires. Ainsi la ville est divisée en zones naturelles (unité territoriale dont les caractéristiques distinctes, physique, économique et culturelle, sont le résultat de processus sociaux non planifiés) résultant de processus de domination, d’invasion et de succession. Ils observent que les groupes communautaires passent des zones détériorées vers des zones résidentielles plus aisées au fur et à mesure de leur intégration et promotion sociale. Le processus déterminant est la compétition pour l’espace, si bien que l’organisation économique est une organisation écologique, une sous-structure naturelle et inévitable de la société.
Dans les années 90, les villes changent et il convient de revoir les modèles traditionnels de métropole unicentrée. Ainsi les New Cities de R. Fishman (1990) sont-elles des régions urbaines déferlantes dont l’unité de mesure n’est plus le bloc, mais le « corridor de croissance » long de 50 à 100 miles.
Dans les années 2000, l’école de Los Angeles initie à la géographie postmoderne. Il s’agit d’aller au-delà de la matérialité superficielle, des formes concrètes susceptibles seulement de mesure et de description, de la recherche de régularité qui réifie l’espace : « l’organisation spatiale de la société est présentée de telle sorte qu’elle apparaît socialement inerte, un produit de la friction de la distance, de la relativité de la localisation et des axiomes d’une géométrie dépolitisée. Le temps et l’espace, comme le marché ou la structure sociale, sont représentés comme des relations naturelles parmi les objets, explicables objectivement en termes de propriétés physiques »[4]. Le modèle de Los Angeles devient le modèle américain qui va finalement façonner l’ensemble des grandes villes du monde.
Alors quels sont ces grands modèles de zone urbaine ?
Suite prochainement.
07:13 Publié dans 11. Considérations diverses | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : société, géographie, ville, population, sociologie | Imprimer