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30/11/2012

Danseuse

La danseuse de fer s'exerce seule, longuement, , s'étire, se regarde dans la glace, jusqu'à l'extase. Le corps se sent à l'aise et l'esprit, progressivement, s'allège des peines et des tourments du jour.

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Si nous pouvions être de fer, que ressentirions-nous?

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Sculpture réalisée à partir de morceaux de moissonneuse. Jusqu'où va la transformation!

29/11/2012

Au-delà des collines, film de Cristian Mungiu

Une Roumanie pauvre, retardée autant mentalement que physiquement, un monastère fait de quelques baraques et d’une église non finie, que l’on découvre, au début du film, au-delà de la colline que franchissent deux jeunes filles, amies de cœur. L’une semble avoir trouvé Dieu au sein de sa communauté, l’autre, seule, vient chercher son amie, car elle ne supporte pas sa solitude.

Les critiques retiennent du film de nombreuses explications historiques, sociales, religieuses, soit l’opposition d’une passion mystique à un amour12-11-23 Au delà des collines.jpg profane, les dysfonctionnements de l’hôpital et d’une église arriérée, la révolte contre l’autorité masculine du prêtre. Au-delà de ces collines d’explications, c’est la tentative obstinée d’Alina, la jeune fille venue d’Allemagne pour faire sortir du monastère son amie Voichita, qui est le vrai sujet du film. Elle emploie tous les moyens, les souvenirs, la camaraderie, l’affection de cœur ; elle fait semblant d’être croyante, de vouloir entrer elle-même au couvent ; elle use de colère, de blasphèmes jusqu’à semer le trouble dans l’ensemble de la communauté. Certes, cette communauté est pauvre d’esprit, elle obéit au prêtre qui est lui-même perdu devant tant d’échappatoires, et, peu à peu, elle tombe dans la certitude qu’Alina est possédée, d’autant plus que le médecin de l’hôpital renonce à la soigner, estimant qu’elle n’a besoin que de repos.

Le film est bien monté. Ce passage d’une histoire de cœur à une histoire de superstition se fait progressivement, sans heurt, de manière naturelle. On se laisse surprendre par la fin, bien qu’on s’interroge tout au long du film sur le devenir d’Alina et de Voichita : cette dernière cèdera-t-elle devant les supplications de son amie, se sépareront-elles, partant chacune de leur côté. Cela finit par la mort d’Alina, même si l’on peut se demander de quoi elle meurt exactement. Sont-ce les mauvais traitements de la communauté, qui ne sont cependant pas aussi terribles que les critiques semblent le dire ? Est-elle réellement hystérique et malade ? On ne sait.

L’atmosphère est à la fois belle et oppressante : de très belles images de ce monastère dans le froid de l’hiver, des personnages simples, voire simplistes, une description glacée parce que sans sentiments exprimés, une histoire entre deux femmes qui ne se comprennent plus, sans réellement savoir pourquoi. C’est long parfois, on a envie de partir, mais l’on reste, on ne sait pourquoi.

28/11/2012

La chambre à remonter le temps, roman de Benjamin Berton

L’histoire pourrait être passionnante. Une chambre qui, lorsqu’on y reste suffisamment longtemps, vous fait sortir deux ou trois jours plus tard ou, parfois, plus tôt. Benjamin a découvert cette propriétélittérature,roman,société,couple de la chambre après l’achat d’une maison au Mans. Le prologue du livre reprend sa fin, comme un retour sur le temps, un éternel recommencement. Mais quel recommencement ? La vie de Benjamin n’est ni drôle, ni passionnante. Celle d’un Français moyen qui côtoie des Français moyens. C’est long et ennuyeux de voir à quel point ces vies sont sans aucun idéal, aucune passion, ni même joie d’instants partagés. Céline, sa femme, n’arrange rien, elle est égale à lui-même et autoritaire : métro (mais on est au Mans), boulot (il le sèche de plus en plus souvent), dodo (ils ne dorment que rarement ensemble).

L’auteur est prolixe. On se demande comment il fait pour trouver tant de choses à dire pour traduire l’ennui et la grisaille. De toutes petites aventures avec des gens sans intérêt. Alors pourquoi poursuivre ce livre ? Parce que, malgré tout, l’histoire pourrait être passionnante. Ces allers et retours du temps sur l’échelle métrique ! Alors, on espère, on devance le moment où le quotidien sera dépassé par l’insolite, le fantastique, l’irrationnel. Mais on traîne ainsi jusqu’aux dernières pages qui vous ramène aux premières. Si l’on n’y prend pas garde, on recommence la lecture sans même s’en rendre compte. Le temps est circulaire pensent certains peuples. Oui, c’est vrai, ici il tourne en rond et on ne sait quand va s’arrêter cette dissociation entre personnages vrais et ectoplasmes comme ils finissent par s’appeler.

Mais pour ne pas rester sur une note pessimiste, je vous fais part de la critique de Bernard Quiriny : « D’un côté, c’est un tableau doux-amer de la vie des trentenaires, confortable et mesquine, avec ses petits événements (faire un enfant), ses petits engagements (s’acheter une maison), ses petits rites (recevoir à dîner) et ses petits drames (se séparer). D’un autre, une peinture des frayeurs de la classe moyenne : l’insécurité, le fantasme de la barbarie à nos portes, la tentation de l’autodéfense. D’un autre côté encore, une chronique conjugale drôle et effrayante (Céline n’est pas commode, il finit par ne plus la supporter, la trompe et, sommet de comique macabre, recourt à un marabout africain pour l’empoisonner) et un autoportrait du trentenaire mâle (fier et plein de doutes, consommateur de porno en ligne). Et, pour finir, c’est un récit fantastique bien mené, qui recycle le thème du voyage dans le temps pour en faire l’échappatoire d’un garçon qui s’ennuie, comme si seul l’irrationnel pouvait encore troubler le flux prévisible de la vie moderne. »

27/11/2012

Fil (pour couper les cheveux en quatre)

Coup de fil… A l’eau

Tiens-tu le fil de ton discours
Dans le droit fil de tes convictions ?

Au fil des pensées, au fil du temps
Qu’y a-t-il de commun, si ce n’est
L’absence de fil à la patte ?

Coiffé sur le fil par son rival
Il devint marionnette à fil
Et celui qui tient ses fils
N’est-il pas fil de feriste ?

As-tu le fil, coupant et rusé
Comme la lame du mensonge
Sur la candeur du spectateur
Ou tires-tu les fils des affaires
Avec la même ténacité ?

Engranges-tu au fil des jours
Les nouvelles de la télégraphie sans fil
Pourtant le fil à plomb préserve
L’intrus d’une horizontalité subite
Recouds-tu à chaque heure
L’étoffe de la toile virtuelle ?

Quelle histoire cousue de fils blancs
Qui va cahin-caha, de fil en aiguille
Nourrir nos mémoires desséchées
D’un fil d’Ariane émouvant
Et s’effilochent encore les fils de la vierge
Dans l’air et le vent du Nord
Pour le bonheur des fils de l’homme

26/11/2012

4ème mouvement « Fuga, allegro con spirito » de la sonate pour piano opus 26 de Samuel Barber (1949)

http://www.youtube.com/watch?v=Ga_280If08A&feature=fvwp&NR=1

 

Le thème donne un accent guerrier, triomphant, à cette fugue équilibrée, à la fois classique dans son organisation et moderne à la manière de Stravinsky.

Déferlement de notes en cascades avant une pause à la manière de Bach en 0.24 : cela dure peu, mais quel rappel au grand compositeur.

En 1.50, introduction d’un nouveau thème, rappelant la musique de Gershwin ou de Bernstein (West Side Story). C’est bref puisqu’en 2.06 on revient au thème principal, arrangé, clairsemé de bouquets de notes, comme un rappel nostalgique.

La sonate finit en étincelles, en gerbes de notes distendues, feu d’artifice en finale qui laisse l’auditeur épuisé, mais heureux.

 

 

Admirons le jeu de Marc-André Hamelin. La partition est extrêmement difficile et trouver une unité dans ce puzzle demande un effort de réflexion, puis de restitution dans le jeu, dont peu de pianistes sont capables.

25/11/2012

Signatures (Street art 2ème partie)

En poursuivant le chemin, j’entrai dans un monde de plus en plus bigarré, mais inquiétant, car l’imagination des signataires devenait chaotique :

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Les lettres parlaient d’autres langages, à voir beaucoup plus qu’à écouter :

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Certaines étaient prises de tremblements dans lequel on voyait la folie se glisser sous forme de vapeur :

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D’autres se dénudaient, en groupe compact, sous forme de protestation :

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D’autres enfin se cachaient en équipage, comme des fantômes, devant l’enchevêtrement de corps brisés d’une meute en délire :

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Cri d’effroi, cri de colère, peut-être cri d’amour, se cachent derrière cette mêlée de rugby :

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Plus loin encore, commence le monde dans lequel les lettres n’ont plus d’importance : l’impact de l’image est plus fort que le bruit des mots. Ce sera pour la troisième partie.

 

24/11/2012

Signatures (street art, permière partie)

Qu’est-ce qu’une signature ? Ma trace, la mienne, pas celle d’un autre. Lorsque je signe, je suis, je l’atteste et je demeure.

Il y a deux jours, courant le long du canal de l’Ourcq et ayant dépassé les maisons individuelles et les usines sales, j’arrivai au no man’s land séparant la banlieue d’une campagne chétive et apeurée. J'y découvris un mur de signatures sur quelques centaines de mètres, perdu dans les herbes. Que c’est laid ces couleurs criardes sur les murs lépreux, me direz-vous. Oui, sans doute, si l'on n’y voit que des gribouillages informes. Mais dans un regard plus attentif, on constate l’ingéniosité des signataires en poursuite de reconnaissance. Alors, partons à la découverte de quelques-uns de ces sceaux personnels qui possèdent leurs propres individualités et des caractéristiques qui dévoilent l’être de chair qui l’a créé.

Les plus belles signatures sont bien sûrs indécryptables, pires que les médecins dont les gribouillis rendent malades les patients. Elles peuvent en  côtoyer de plus civilisées :

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Enchevêtrement de traits et de courbes qui donnent le vertige ou parfois mal au cœur :

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D’autres sont de véritables coffres forts dont on peine à chercher la serrure :

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Ou encore des éclairs tirés d’un geste rageur :

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Ou faussement rageur, s’ordonnant au calme malgré l’explosion de zébrures, véritable gerbe d’étincelles :

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Certaines signatures sont de véritables déclarations de guerre, avec armes en prime, mais pas directement, en arrière fond, comme un décor qui affirme la virilité du signataire et la réponse d’un adversaire potentiel :

 

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De véritables bonbons en guimauve peuvent également consteller le mur fier de telle signature :

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23/11/2012

La leçon de piano

Comme ils sont malhabiles ces doigts
Qui tentent, raides, de danser quelques pas
Sur le clavier blanc zébré de noir

Que d’application ils exigent
La main raidie d’effort, doigt vengeur
Tendu vers la note… Laquelle ?
Ce doigt appuie, en vain, sur la touche
Trop tard, il ne peut plus frapper
Il s’abaisse sans force
Plein du désir d’un son, quel paradoxe !

Compte les notes, c’est bien le mi
Miracle, il l’a trouvé, juste après le ré
Chaud comme une boule de réglisse
Et maintenant le si, préféré du triton
Comme il est difficile d’y mettre le pouce
La main retournée s’abaisse, découragée

Quelle tension sur le visage d’ange
Quelle pression dans ce petit corps
Recroquevillé sur lui-même
Penché sur le clavier
Hésitation, contraction, détente brève
Puis de nouveau, en cycle
Mais l’épuisement gagne
Encouragement…

Et vous vous essayez à les faire chanter
Mais là aussi rien ne sort
Un rauque essoufflement
Comme une pompe de vélo
Quel rapport entre la frappe d’une note
Et le souffle entre les dents serrées !

L’accord, comme un éclair vivant
Est-il beau ou résonne-t-il bizarrement ?
Cela ils l’entendent, ronds harmonieux
Ou carrés dans l’eau noire
Comme un  ploc mal tombé
La chute d’un caillou creux
Ils grimacent de laideur
Devant ces sons diaboliques

Et un jour, pourtant, elles couleront
Ces notes sortant des mains
Et égraineront l’enchantement
Caresse et chant du paradis
La danse deviendra souple
Les doigtés s’enchaînant
La tête couverte de vrilles
Les bras chantant à l’unisson

La leçon de piano, quelle magie !

22/11/2012

Augustine, film d’Alice Winocour

Voici ce qu’en dit le synopsis : Paris, hiver 1885. À l'hôpital de la Pitié Salpêtrière, le professeur Charcot étudie une maladie mystérieuse : l'hystérie. Augustine, 19 ans, devient son cobaye favori, la vedette de ses démonstrations d'hypnose. D'objet d'étude, elle deviendra peu à peu objet de désir.

Peut-on dire que l’objet du film est moins l’objet de l’étude,12-11-20 Augustine.jpg Augustine, que l’objet du désir du Professeur Charcot ? Je pense que le regard de nos médias se tourne plus vers l’anecdote que sur la matière même du film. Car c’est bien d’elle dont le film parle en premier lieu, même si bien sûr sa relation avec Jean-Martin Charcot est au cœur de ses préoccupations, mais plus en tant que médecin qui pouvait la guérir qu’en qu’objet de son désir à elle (le fameux transfert peut-être ?) qui devint progressivement objet du désir de Jean-Martin.

Ce qui marque en premier lieu dans le film, ce sont les relations des médecins et de leurs patients. Le Moyen-âge… Ils sont tutoyés, rudoyés, sans aucun sentiment de compassion. La médecine a évolué depuis, et en bien !

Ce qui gêne, c’est l’absence de certaines explications : pourquoi les médecins qui regardent faire et jugent Charcot applaudissent-ils à la fin des deux présentations ? Pourquoi ne comprennent-ils pas qu’elle joue son rôle de malade lors de la seconde et que seul Jean-Martin comprend ? Pourquoi les médecins, dont Charcot, lui enfoncent-ils quelque chose dans le ventre ? Bref, ces manques de compréhension, qui sont peut-être dus à moi seul, laisse un léger malaise.

C’est néanmoins un bon film, qui retrace les difficultés de l’époque, comme par exemple, la dépendance des médecins au jugement de leurs pairs. La figure de J-M Charcot est bien interprétée par Vincent Lindon qui est presque muet et fermé tout le long du film, sauf lorsqu’il explique « le cas » à ses confrères. Quant à Soko, l’interprète d’Augustine, elle est également énigmatique, car rien ne transparaît de ses sentiments. Mais c’est vraisemblablement voulu par la réalisatrice, Alice Winocour, qui retrace l’impression de Stephan Zweig sur l’hôpital :

« J’ai été fascinée par cet hôpital qui, en fait, était une sorte de cité des femmes. Les médecins y observaient leurs patientes jour et nuit. Ils effectuaient des présentations publiques des malades et le tout-Paris s’y pressait. Pas seulement les médecins, mais aussi les membres de la bonne société. Ces séances mêlaient le médical et un voyeurisme érotique qui ne s’avouait pas. La question de la représentation de la femme dans l’imaginaire des sociétés m’intéresse depuis toujours et la Salpêtrière en offre un concentré violent. »

Elle définit ainsi son film : « Il raconte en quelque sorte l’histoire d’une femme qui découvre qu’elle a une tête et celle d’un homme qui découvre qu’il a un corps. Comme le dit Lacan, l’hystérique est une esclave qui cherche un maître sur qui régner. »

 

21/11/2012

Glacé, thriller de Bernard Minier

S’agit-il vraiment d’un thriller ?  Il s’intitule ainsi, mais possède des12-11-20 Glacé, B Minier.jpg caractéristiques qui font penser à un roman : description de paysages montagnards, analyse psychologique de quelques personnages, citations latines, etc. Cependant, un roman est « une méditation sur l’existence vue au travers de personnages imaginaires », explique Milan Kundera. On ne peut parler de méditation pour ce livre, mais peut-être simplement de quelques considérations inhabituelles au roman policier.

Je ne vous raconte pas de quoi il s’agit, vous le trouverez sans difficulté sur la toile qui abonde de description de l’atmosphère et des aventures du personnage principal, le commandant Servaz. Curieusement, le livre ne commence pas par son intervention, mais par l’arrivée de Diane Berg, psychologue, dans son poste à l’institut Wargnier qui abrite des psychopathes criminels. Comme souvent, la fin du livre, c’est-à-dire la découverte de l’auteur des crimes dévoilés au long du thriller, nous laisse sur notre faim, après nous avoir fait errer sur d’autres possibles, le capitaine Ziegler, l’ancien juge Saint Cyr, voir d’autres. Une fin embrouillée…

Il se lit, on le commence pour ce qu’il est, mais très vite, on le poursuit par routine, parce qu’il s’agit d’un thriller et que ceux-ci sont toujours organisés de telle sorte qu’ils vous contraignent à aller au-delà de que vous iriez si c’était un simple roman. C’est long, trop long parfois, si bien que l’on saute quelques descriptions. Mais c’est un bon thriller qui sort de l’ordinaire par ses aspects plus ou moins intellos.

20/11/2012

Jean Soyer, à la galerie du Marais

Une succession patiente d’aplats et de matière, un choix très réduit de couleurs, mais un geste ample, direct, presqu’autoritaire, toujours aérien. Tels sont les tableaux de Jean Soyer qui expose à la galerie du Marais jusqu’au 22 novembre.

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La bataille de la matière dans un monde de feu où la lumière tient au contraste entre le fond et le mouvement des particules qui peuvent s’agglomérer ou s’épancher. Rouge flamboyant, chaud, comme le sang des guerriers en lutte contre l’évanescence.

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Il peut aussi utiliser le bleu comme référence, bleu comme la glace, mais celui des passages sous les glaciers, presque noir, avec des reflets blancs, striés, sur quoi la pensée glisse et dérape.

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Mais cela pourrait également être le bleu des tempêtes du cap Horn où les vagues engloutissent les bateaux sous des gerbes d’écume.

 

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Et là, l’évasion de la pensée, l’apesanteur du corps, le tourbillon des sentiments.  

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Vous vous envolez sans contrôle dans le vent de l’abstraction.

 

19/11/2012

Sommeil

Vous fermez les yeux, et…
Elle arrive cette fente d’air frais
Qui se glisse entre deux pensées
Et provoque ces ondulations
Sur la surface glacée des nuits

Vous partez dans l’autre monde
Celui des elfes et des trous noirs
Sans parachute pour vous rattraper
Une bouffée de chloroforme
Chatouillant la scissure interhémisphérique

Il arrive que vous remontiez à la surface
Reviennent les images de désordre
Comme un caléidoscope fou
Qui tourne autour des papillons
Et détricote la patiente immersion

Et… Plongeon dans le néant
Vous perdez pied... et pensées
Vous tombez bien... Rien ne va plus
A quelle porte frappez-vous ?
C’est bon… chaud… et doux…

Mais… Comment le savez-vous ?

18/11/2012

Dévoilement

Rien ne t’oblige à dévoiler tes superstructures

Si ce n’est cette inquiétante lueur qui se dévoile

Dans l’obscurité des mondes perdus, au-delà

Loin dans l’inconnu, comme une nouvelle naissance

 

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17/11/2012

Gaité, joie ou bonheur ?

Paradoxe de la gaité : elle rend triste quand on en a perdu l’objet.

La joie n’a plus d’objet particulier. Elle se nourrit de tout. Elle est l’objet. L’école de la joie est une école de juste milieu.

Le bonheur n’a plus d’objet. Il est présent dans la durée par le fait qu’il n’est lié ni aux impressions, ni aux sentiments, ni même à la réflexion. Le bonheur est l’aboutissement d’une vie et sa transformation. C'est un instant de grâce qui se prolonge au-delà des jours.

16/11/2012

Magi Puig, à la galerie Ariel Sibony (24 place des Vosges, Paris 3ème)

On retient en entrant dans la galerie l’épaisseur des fonds : fond de l’air, fond de sable des plages, fond de l’océan. Une pâte laiteuse, envahissante, qui englue les personnages dans un monde mystérieux. Le paysage devient irréel, comme rêvé, à l’égal de ces personnages suspendus dans l’azur et tourbillonnant.  

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Magi Puig affectionne les plages, chaude, aux couleurs ardentes. Les personnages sont principalement des femmes ou des enfants. Admirez cette femme étendue, aveuglée par le soleil, envahie par le sable dont on respire pratiquement le grain. On éprouve immédiatement les sensations de vacances d’été, la blancheur et le feu, mêlés à la fièvre du corps exposé.

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Et cette toile où l’océan est noir comme l’ébène, lisse comme une table et où se détachent, marchant en procession, des baigneurs en recherche d’ils ne savent quoi.

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Ici domine la canicule et son contraste rendu par le bleu froid de l’océan :

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Et là, le sable devient eau avec ses reflets ondulants, entraînant les enfants dans un monde à la fois quotidien et lointain comme vu à travers une vitre :

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Enfin, pour changer de sujet, un Vietnam magique, à l’image des impressions orientales que l’on garde de son enfance, engluées dans les souvenirs de plans de film, de photographies anciennes et de romans de Marguerite Duras.

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Magi Puig  part de photos qui lui permettent de finaliser sa rêverie, d’y trouver les éléments du vide qui rempliront ses tableaux, d’y comprendre l’importance de la lumière et de la couleur qui absorbe le regard et irréalise la scène tout en lui conservant une vision très concrète. S’il fallait qualifier ses tableaux d’un mot, ce serait la présence : présence des personnages, présence des sensations, présence du présent par le rappel de tous les passés semblables.

15/11/2012

Eternité

Un coup de tonnerre
Un grattement d’ongle de la main de Dieu
Qui retire toute démangeaison
Dans cette cloche de verre opaque
Où j’erre dans la solitude
Quel choc !

Cela n’a ni commencement, ni fin
Mais une énergie infinie
Qui se renouvelle sans cesse
Sortez donc la boussole
Elle n’indique rien
Tout est en tout
Ou encore
Rien n’est en rien
0 + 0 = 0
Ou encore
∞ + ∞= ∞

Ce n’est pas que rien ne bouge
Au contraire… Tout s’évapore
Emporté sans retour
Vous filez en éclair
A la pointe du progrès
Le cycle est accompli
La cuisine est finie
Plus de pâtés
De la consistance vide
Du son sans ouïe
Des images sans lumière
Le vide au bout des doigts

Vous flottez dans l’éther
Vous vous diluez dans l’espace
Chaque instant est tous les instants
L’éternelle éternité
Mon Dieu, quel ennui !

Eh bien non…
Revêtu de pourpre et d’or
Vous marchez la tête haute
Comme un roi en balade
Ou un gueux dans la fange
Plus rien ne vous touche
Même votre propre présence
Vous paraît absence

Qui suis-je, moi
Pour vous dire
Ce que personne ne sait ?
L’éternité devenue présente

14/11/2012

Le jardin des Batignolles

Il n’est pas grand, perdu entre les voies ferrées de la gare Saint Lazare et la banlieue. C’est pourtant un havre de paix dans ce Paris tourbillonnant et bruyant.

Il y a un mois, je pénétrais dans ce jardin mystérieux. C’était encore presque l’été. Plongée dans la campagne.

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Le quasi silence, la chaleur du soleil filtrant à travers les arbres, l’eau qui coure vers l’étang au travers des herbes folles, le gardien avenant toujours fier de sa propriété, tout concoure à un dépaysement bienveillant.

J’ai parcouru ce paradis en état d’apesanteur, flottant dans un sentiment d’irréalité. Qui pourrait imaginer qu’à 50 mètres derrière ce coin bucolique se cache la géométrie absconse des chemins de fer français ?

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Pénétrant au cœur du jardin, on se découvre une âme de poète à petit prix. Il manque juste quelques baigneuses de Corot ou de Henner pour s’imaginer au paradis d’Allah. 

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Suivre le sentier le long de la rivière, s’essayer à quelques pas de danse,

 

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 admirer cette réplique insolite du mobilier arborescent des jardins japonais,

 

 

  

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éprouver l’étrange vision de vautours guettant le passage de poissons dans l’eau trouble,

 

quel repos !

 

 

 

 

13/11/2012

Monde 3 vers 4

Trois mondes se côtoient et se mêlent. Chacun a ses propres lois et cette suspension dans l'espace construit un autre monde, nouveau, ordonné, irréalisable, mais si tentant. Il est chaleureux, possède ses recoins et ses mystères. On pourrait passer de trois à quatre dimensions en laissant son regard errer dans son centre. Mais comme cela m'a donné du mal pour arriver à cet équilibre. Qui est devant quoi ?

 

art cinétique,optique art,peinture,dessin

 

12/11/2012

Les multivers

L’univers n’est plus seul et unique comme son nom l’indimultivers1.jpgque. Par les mathématiques, nos savants ont découvert qu’il est très probable que l’univers soit multivers. Et l’on commence à avoir des preuves de cette géniale intuition. Ainsi la bulle de notre univers, qui s’étend de plus en plus dans l’espace (mais peut-on encore parler d’espace ?), en expansion constante, côtoie d’autres univers qui naissent et meurent à côté de nous (tout est relatif, ce sont des milliards et des milliards d’années-lumière, immesurables !).

D’après eux, la Totalité (on n’a pas encore trouvé de mot pour désigner cet ensemble de multivers) serait fractale, chaque univers engendrant de nouveaux univers. Le physicien Andreï Linde dénomme « mousse d’univers » cette Totalité, dans laquelle se produit des big-bangs engendrant des univers ayant chacun ses propres lois ou constantes physiques. Mieux même, tout ceci a été découvert par l’exploration de l’infiniment petit. Une explication est donnée dans la théorie des cordes. Celle-ci explique que les particules fondamentales de l’univers seraient des sortes de cordes vibrantes sous tension, à la manière d’un élastique. Leur degré de vibration engendrant des particules élémentaires qui sont à l’origine de notre univers. Dans cette théorie (qui reste pour l’instant théorique), le monde serait non pasEspace_de_Calabi-Yau.png tridimensionnel, mais multidimensionnel. Et ces dimensions s’enroulent les unes dans les autres dans un tissu spatial dit espace de Calabi-Yau (voir schéma ci-contre) qui constitue une forme complexe de 6 dimensions. Ainsi, l'univers observable à quatre dimensions (la quatrième étant le temps) serait une sous-partie d’une Totalité disposant de dimensions supplémentaires, 11 pour certains.

La théorie des cordes suppose que l’univers est fondamentalement constitué de cordes d’énergie en vibrations constante. Elle voit l’univers comme une immense symphonie. Et cette comparaison est assez bonne. Les dimensions de notre univers sont normalement décrites dans un système décimal (multiple et sous-multiple de dix) alors que la musique fonctionne autrement, de façon beaucoup plus complexe, et permet des variations et harmonies impossibles dans un système décimal.

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N’entrons pas dans le détail de cette théorie, contentons-nous de rêver devant l’ingéniosité de nos savants et devant la magie de la musique qui, par le fait qu'elle n'est pas cartésienne, contient probablement une clé de la compréhension de la Totalité.

Dieu est encore beaucoup plus ingénieux qu’on ne le pensait jusqu’à présent.

11/11/2012

Apparition

Vêtu de noir, il possédait tout
Si jeune et déjà propriétaire dans le ciel

Il sonna à la porte, doucement
Entra sur la pointe des pieds
Et son sourire chaleureux
Fit passer de la rue obscure
Au seuil encaustiqué
La lueur violette et transparente

Son regard perçant noircissait
La matière des objets entassés
Plus loin…  Il cherchait l’inconsistance
L’atome derrière le toucher
La tranche pénétrable
Du vide au-delà de la rugosité

Parfois il s’enflammait
Les mains fermées sur sa vision
Tenant la pomme imaginaire
D’un Adam révolu, mais présent
Le divin insaisissable
Ouvrait ses portes aux gueux
Et caressait avec tendresse
Leurs pensées sauvages

A d’autres moments,
Il apparaissait souverain
Dans sa robe noire
Comme une mariée
Il allait à l’aventure de la vie
Tenant sa citrouille haute
Illuminant son chemin
De la clarté de la vérité

Il repartit tôt, encouragé
Auréolé de pièces bigarrées
Paysan, intendant, apôtre
Sachant tout faire
Ignorant le savoir
En connaissance d’instinct
Avec la lumière divine

10/11/2012

L'écriture

Tout bouillonne en lui. Fébrilement installé devant sa table, il est transparent. Il crée par sa pensée. Et tout cela pour quoi ? Il ne le sait, mais il est persuadé que c’est utile. A quoi ? Il ne sait pas. Tel le pianiste qui fait ses gammes, il déverse ses lignes d’écriture qui s’effacent au fur et à mesure.

Mais qu’il est bon d’être ainsi suspendu entre ciel et terre aux heures où tous dorment pour le repos de leur corps et de leur âme.

Derrière le visible, l’invisible. Qu’est-il ?

 

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Dessin réalisé à l’encre de Chine. Bien sûr, en pleine nuit !

09/11/2012

Apprendre à vivre et à mourir

« Il faut apprendre à vivre tout au long de sa vie, et, ce qui t'étonnera davantage, il faut, sa vie durant, apprendre à mourir. », disait Sénèque.

On ne peut monter haut sur une échelle en sautant à cloche pied. Tantôt à droite, tantôt à gauche, on s’élève alors sans fatigue.

De même, on ne comprend la vie qu’en comprenant la mort, et inversement. Mais, dans le même temps, on ne sait rien de la vie et de la mort. Car la vie, comme la mort, c’est apprendre. La vie est là pour nous dire de ne pas s’attacher à nous-même, à nos préoccupations, à nos habitudes. La mort est là pour nous détacher de nous-même et nous contraindre à nous interroger en faisant abstraction de notre petite personne.

S’aimer soi-même est indispensable à une vie épanouissante, mais s’oublier soi-même est indispensable à une mort bien vécue. Alors, efforçons-nous de sortir de notre narcissisme ! Aimons-nous en tant que personne unique dont le seul objet est de découvrir que les autres sont également uniques et digne d'être aimés.

08/11/2012

Triodion, d'Arvo Part

http://www.youtube.com/watch?v=uwmmnmVFTjg&feature=related

Nous avons déjà entendu ce compositeur estonien. Il signe là une œuvre pour chœur mixte chantée a capella, intitulée Triodon.

Cette œuvre est une commande pour le 150e anniversaire de la fondation du Lancing College au Royaume-Uni. Sa première mondiale a été exécutée le 30 avril 1998 par le chœur de la chapelle de Lancing sous la direction de Nicholas Cox à l'abbaye de Westminster à Londres. (http://fr.wikipedia.org/wiki/Triodion_(P%C3%A4rt)

Le triode est un livre de la liturgie orthodoxe constitué de trois odes qui se chantent au temps pré-pascal. La plupart des canons du Triode ont été composés par St. Théodore de Stoudion (†826) et par son frère Joseph de Stoudion (†830), qui ont complété les chants plus anciens des Saints Côme de Mayuma et André de Crète, du VIIIe siècle (http://fr.orthodoxwiki.org/Triode).

Ces trois odes sont chantées en anglais :   

Ode I: O Jesus the Son of God, Have Mercy upon Us ;

Ode II: O Most Holy Birth-giver of God, save Us ;

Ode III: O Holy Saint Nicholas, Pray unto God for Us.

L’œuvre débute par une prière chantée par une femme, à la manière grégorienne. Puis le chœur des hommes. Selon l’habitude des chœurs orthodoxes, la composition utilise le bourdon, accompagnement du chant par un fond permanent sur une seule note. Les répons sont chantés par l’ensemble du chœur, hommes et femmes.

Le compositeur utilise parfois des accords de seconde qui donnent une note insolite dans la parfaite harmonie classique de l’œuvre.

 

Dans son style minimaliste, Arvo Part nous donne une musique profondément religieuse, apparemment très traditionnelle, presque conventionnelle au début, pour progressivement entrer dans un dialogue insolite, fait de chant et de silence, qu’il faut laisser vibrer en soi pour en saisir la subtilité spirituelle et se laisser envahir par cette prière magnifique. C’est une sorte de méditation intérieure qui donne toute sa force parce qu’au-delà des prières habituelles de remerciement, de supplication et de demande.

07/11/2012

La turpitude

La turpitude est-elle devenue morale ?
Ignominie et indignité, criaient nos grands-pères
Mais nous qui la côtoyons chaque jour
En avons-nous tellement horreur ?
L’âne nu se délecte de son attitude
Devant ces dames en sous-vêtements
Pourtant rien ne le distingue
Du personnage à trogne rougie
Qui joue du saxo devant notre porte
Et qui tend la main fourchue
Aux passants qui s’écartent, désorientés

La honte soit sur eux, ces avatars
D’une dissolution indélébile !
Ils avancent main dans la main
Comme deux gendarmes poursuivant
La folie du genre humain
Et regardent de tout côté
Si l’œil du cyclone n’est pas perdu
Ou seulement égaré

Oui la turpitude n’est plus ce qu’elle était
Elle s’est apprivoisée
Et ne court plus dans la campagne
Mais dans les chambres maudites
De ces hôtels où se concentrent
La caresse de l’interdit et du stupre

Et le noir désir qui chatouille la pensée
Tourne autour de chacun, vertigineux
Comme un ouragan tourbillonnant
Et pénètre par l’œil et l’oreille
Dans la loge cachée et rouge
De l’adolescent qui sommeille en vous
Au fond du désir indécent

06/11/2012

Maîtres et ateliers, textes et photographies d’Alexander Liberman

L’idée de ce sculpteur et peintre connu, russe et américain, fut d’enquêter, après la guerre, sur ce que fut l’environnement des grands peintres de l’Ecole de Paris. Non pas l’environnement social, politique ou mondain, mais celui de leur atelier, de  leurpeinture, dessin, école de Paris, création, art, art pictural vie intime, et surtout les lieux où ils ont créé leurs chefs d’œuvre. On se promène ainsi dans l’atelier de Cézanne, Monet, Renoir, Picasso, Braque, Léger, Hartung, Manessier, et bien d’autres, significatifs de cette époque où la France était le centre des arts picturaux, le lieu d’inspiration d’une nouvelle peinture, révolutionnaire. Chacun des artistes cités ont inventé une nouvelle manière de peindre, d’aborder leur sujet, de le voir, de le transcrire sur la toile ou d’autres supports.

Et il écrit dans son introduction : « Après des années durant lesquelles j’ai vu et photographié longuement ces grands artistes, je demeure surtout frappé par leur obsédante dévotion au travail créateur. Selon le mot du poète, ils ont vécu leur vie en la brûlant ». Cette consécration à leur art, analogue à celle des religieux, ils se la sont imposés à eux-mêmes. Ce sont les prêtres d’une religion nouvelle : l’art. (…) Au XIVème siècle, Cennino Cennini définissait ainsi les vertus cardinales du peintre : Vous qui adorez peindre, parce que vous en avez la vocation, avant de vous engager dans notre art, commencez par vous revêtir des vêtements que voici : Amour, Révérence, Obéissance et Persévérance. »

Chaque peintre est défini par son approche de l’art. Ainsi de Cézanne l’auteur dit : « L’œuvre, l’œuvre d’abord, et l’œuvre seule. Cézanne vivait dans un cadre ascétique. (..) Tendu, éperdument, vers les sommets de l’art, Cézanne a connu bien des jours de désespoir. » De Renoir : « Classique, la recherche de l’artiste a consisté à intégrer l’homme dans la nature, car sans la fusion de l’humain et de l’inhumain opéré par l’artiste, la nature, si belle soit-elle, ne dégage pas le sentiment de la plénitude. » De Van Dongen : « Avec son béret incliné de côté, sa barbe blanche élégamment peignée, Kees Van Dongen fait l’effet du commandant de bord. Le capitaine, puissant et expérimenté, d’un immense vaisseau hollandais, le dernier capitaine d’une croisière de luxe. »

Et c’est une longue histoire de la création artistique que nous fait vivre Alexandre Liberman. Ainsi Picasso explique : « J’ai horreur des gens qui parle du beau. Qu’est-ce que c’est le beau ? Quand on parle peinture, il faut parler problèmes ! La peinture n’est que recherche et expériences. » Et Braque poursuit : « Une peinture n’est pas autre chose qu’une méditation ; c’est le produit de la contemplation. Le tableau se fait tout d’abord dans l’esprit, et il s’agit ensuite de le régurgiter. »

Dans sa postface, l’auteur explique : « Tout artiste espère que ces œuvres vivront longtemps après lui. Et lorsqu’elles deviennent immortelles dans la mémoire visuelle de l’humanité, cet espoir est parfois récompensé. Quant à nous, chaque fois que nous admirons une œuvre, nous sommes émerveillés par ce mystère, cette gloire et l’enfantement miraculeux qu’incarne l’art véritable. »

05/11/2012

Méditation en Périgord

 

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L’arbre, symbole de vie, enraciné dans la terre, la tête dans le ciel, les branches ouvertes à tout vent, et ses fruits tombés à terre, glands ou autres semences, source d’autre vie.

La croix, symbole de l’union des contraires dans le Christ, horizontale pour l'homme et verticale pour le divin, rencontre du temps et de l’espace, elle est également l’image de la passion.

Le lieu de paix, la chapelle en pierre, symbole de ressourcement, à la porte romane par laquelle l’homme entre en méditation.

Et tout cela au bord d’une route, sur la route de l'homme debout.

Belle image, n’est-ce pas ?

04/11/2012

Arts Elysées 2012 : « Zen Lanscape » de Natalya Zaloznaya à la galerie Shchukin

« La galerie Shchukin a été fondée par Nikolaï Shchukin, collectionneur connu de l’art de l’avant-garde russe et de l’art contemporain. Elle est présente en France, en Russie et en Estonie et voit sa mission en développement des échanges culturels entre l’Europe et la Russie. Découvrir de nouveaux talents en peinture, sculpture et arts graphiques, talents jeunes et passionnants venus de la Russie et des pays européens, mais également promouvoir les talents déjà confirmés, – voici la première vocation de la galerie.

Pour sa première participation à la foire Art Élysées, la galerie Shchukin aborde le thème de « la mémoire » et met en scène le travail d’artistes autour de la réflexion sur la visualisation de l’espace. Les artistes créent un espace dans lequel on retrouve sa propre expérience personnelle et son rapport au savoir et à la pensée. » (présentation de la galerie sur http://www.artelysees.fr/index-p-detail_galeries-i-137-y-2012-c-GALLERY+SHCHUKIN.html)

Parmi les trois artistes exposés, il faut remarquer le triptyque Zen Landscape, de Natalya Zanozlaya. Trois toiles en une.

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Cette toile semble personnifier ce nuage d’inconnaissance décrit dans un ouvrage du XIVème siècle où l’auteur dresse une véritable voie d’accès à l’union divine.

  " Ne t'inquiète point si ton intelligence ne peut appréhender ce rien, car assurément je ne l'en aime que mieux. Il est en lui-même si précieux qu'elle ne peut l'appréhender. Ce rien, on l'éprouve plutôt qu'on ne le voit car il est tout aveugle et pleine ténèbre pour ceux qui ne l'ont pas encore beaucoup contemplé...

  Qui donc l'appelle "rien" ? C'est assurément notre homme extérieur, non l'intérieur. L'homme intérieur l'appelle "tout", car pour lui, il lui est donné de comprendre toute chose, corporelle ou spirituelle, sans en considérer aucune en particulier. "

Contemplons-la à nouveau dans sa partie centrale :

 

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En cherchant sur la toile je n’ai vu que peu d’œuvres de cette artiste. Elles ne m’ont pas paru extraordinaires. Mais celle-ci flashait : indescriptible, un nuage vibrant envoyant ces ondes aux quatre coins du monde.

On pourrait également penser au big bang initial. Le monde créé en un éclair provoqué par la main de Dieu.

03/11/2012

Brillent les larmes

Brillent les larmes dans les feuillages
Jour endeuillé de coton
Le son étouffé des corbeaux
S’entend d’un champ lointain

A nu, regarde-toi
Tes mains de glace
Comme la caresse de la mort
Autour du cou

Vienne la source chaude
Des réminiscences d’été
Quand tu courrais dans le sable
Après l’élan du cœur

Aujourd’hui seuls les crépitements
Sur le toit encombré de mousse
Jouent le rythme endiablé
Des veilles d’hiver

La vacuité te déleste
Va, contemple d’en-haut
L’horizon courbé
Envole-toi vers l’inconnu

02/11/2012

La Toussaint : parler de Dieu, parler à Dieu

« En priant, ne multipliez pas de vaines paroles, comme les païens qui s'imaginent qu'à force de paroles ils seront exaucés. Ne leur ressemblez pas; car votre Père sait de quoi vous avez besoin, avant que vous le lui demandiez. » (Matthieu 6:7-8)

 

Nombreux sont ceux qui parlent de Dieu. Ils en parlent sur tous les tons : avec chaleur comme les charismatiques, avec componction comme les religieux, avec savoir comme les théologiens, avec menaces comme les islamistes, etc.

Moins nombreux sont ceux qui prétendent que Dieu leur parle : indirectement par la Bible ou tout autre livre saint, ou directement. Seuls des jugements indirects permettent de faire le tri entre l’affabulation et le mystère de la parole de Dieu.

Beaucoup moins nombreux encore sont ceux qui parlent à Dieu. Comment lui parlent-ils ? La prière est le langage des hommes pour parler à Dieu. Mais elle emprunte la parole humaine. Alors elle n’est que le reflet de la vie extérieure ou intérieure de celui qui prie. Enfermé dans notre bulle de compréhension, pouvons-nous sortir de notre connaissance pour rencontrer Dieu face à face ?

Il existe une littérature importante de dialogues avec Dieu, comme celle de Neale Donald Walsch, par exemple. Qu’en penser ? Cela fait un peu conte de fée. Le plus beau dialogue est celui du Cantique des cantiques, merveilleuse allégorie qui illustre le dialogue entre Dieu et l’homme, hors de toute forme conventionnel. Une autre manière de parler à Dieu est l’utilisation de la poésie. Paul Verlaine a écrit un très beau poème : « O mon Dieu, vous m'avez blessé d'amour. Et la blessure est encore vibrante… Mais ce que j’ai, mon Dieu, je vous le donne. » Mais le poème emprunte à la parole humaine, avec sa vision.

Le chant, qui allie parole et musique, et en particulier la psalmodie, permet au chanteur de sortir de lui-même et de s’ouvrir à la réponse de Dieu. La musique en général est également une autre façon de parler à Dieu. Elle fait entrer en vibration sans besoin de paroles. Certains minimalistes actuels utilisent cette forme de langage pour dire leur foi.

Enfin, la meilleure façon de parler avec Dieu est bien sûr le silence. Non pas le silence avec les hommes, mais le silence intérieur, l’absence de dialogue avec soi-même jusqu’au calme de l’esprit. C’est la finalité de la méditation qui doit mener au silence : « Je comprends et je sais par expérience “Que le royaume de Dieu est au-dedans de nous”. Jésus n’a point besoin de livres ni de docteurs pour instruire les âmes, Lui le docteur des docteurs, il enseigne sans bruit de paroles… Jamais je ne l’ai entendu parler, mais je sens qu’il est en moi, à chaque instant il me guide, m’inspire ce que je dois dire ou faire. » (Sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus)

En fait, on ne parle pas à Dieu. Il parle à chacun de manière différente et certains lui répondent et le suivent.

01/11/2012

Aral, roman de Cécile Ladjali

C’est un monde mouvant, tantôt effrayant, tantôt attendrissant, toujours chaud, plein de frémissement, comme ces vibrations qu’Alexeï, musicien sourd, entend.12-11-01 Aral-C Ladjali.jpg Il se marie avec son amie d’enfance, Zena. Ils ont grandi à Nadezhda, au bord de la mer d’Aral qui s’est retirée. Il n’y reste plus que le sable, la pollution et la misère. Mais ce monde est le leur et ils y trouvent le bonheur, chaud, envahissant, comme leurs corps qui se découvrent et se parlent en caresses.

Mais un jour, après quelques années heureuses, Zena part travailler en France. Alexeï reste seul avec sa musique. Il prépare un opéra, il joue pour les orphelins de Nadezhda et découvre qu’il sort de cet endroit où les enfants n’ont pas d’histoire. Il rencontre Nulufar, jeune prostituée, belle comme un démon. Il s’installe chez elle, sans cependant la posséder. Mais elle boit l’eau de la ville et est atteinte d’une maladie qui la fait régresser. Elle est comme une enfant de dix ans et il assume cette paternité. Sa vie s’enfonce dans la boue laissée par la mer, près des bateaux gisant sur le flanc, rouillés. Un jour, pour la sainte Rita, Alexeï voit l’eau remonter. Il remarque une fille qui s’installe à côté de lui, sur sa serviette de bain. Zena se lève, entre dans l’eau, il la rejoint. Elle enlève son maillot pour être douce et nue dans ses bras. Dans l’eau elle boit mes larmes. Dans l’eau je bois ses larmes. La mer. Nos visages. Ils rient ensemble et le sel mord les minuscules égratignures que notre histoire a laissées sur nos corps qui se serrent. Une eau joyeuse remplit la vasque ouverte de nos deux vies.

Quelques très belles pages sur la musique : Du désir de musique, je dirai qu’il est très simple et demande à être immédiatement satisfait. Il vient comme la faim, la soif, l’excitation amoureuse. (…)

Moi j’entends la musique partout : dans le sable, dans l’eau, dans les arbres. Le long des falaises de craie, parmi les jupes des fillettes qui jouent à la marelle, ou sur la frimousse crasseuse des bambins qui volent des oranges au marché Saint-Hilarion. En fait je n’invente rien. Jamais. Je restitue. Mais ce que les gens ont du mal à concevoir c’est que ma perception des choses se traduise musicalement, alors que je suis sourd. Ils sont idiots : un artiste choisira toujours le mode d’expression qui annulera sa douleur. (…)

La musique est un souvenir. Une tension en direction de ce qui fut et qu’on rappelle. Les vagues. Les ondes. Le ressac. Voilà à quoi ressemble la musique. Elle et un fleuve Alphée qui retourne au mouvement qui l’a engendré. Elle est un antipoison à la disparition. Je n’ai jamais composé avec du temps mais avec de la durée. Avec des lignes brisées, dans des intervalles, au creux des interstices que le laisse la mémoire ou me confiait le hasard. Ma musique est une sorte d’anomalie.

 

La beauté du livre tient principalement à l’écriture de Cécile Ladjali. Déliée, sensuelle par l’évocation des perceptions autres que celles de l’ouïe, faite de phrases courtes, désossées. Elle nous donne l’envie de lire ses autres livres.