Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

31/10/2012

Le sacre du printemps, ballet de Maurice Béjart, musique d’Igor Strawinsky

 

Un ballet de Maurice Béjart créé en 1959. Ce film date de 1970. Les deux élus du sacre sont interprétés par Tania Bari et Germinal Casado.

http://www.youtube.com/watch?v=ooi7eomsTuc

 

Quels sont ces insectes mâles qui, collectivement, tentent d’approcher leur reine, elle-même protégée par ses fidèles ? Est-ce une danse rituelle africaine, une parade de fourmis ou une évocation d’extra-terrestres. Ils sont impressionnants ces guerriers exaltés qui, mus par un instinct viscéral envahissent l’espace autour du bouton fermé sur lui-même. Leurs pattes et leurs ailes se meuvent ensemble pour se donner plus d’impact. Oseront-ils approcher ? Ils se scindent en paquets, tournent autour de cette forme insolite, approche peu à peu jusqu’à l’apparition de la reine. Celle-ci tout à coup se dresse et s’offre dans toute sa beauté, seule face aux mâles. Puis, très vite, par peur ou pudeur, ou peut-être parce que ses protectrices ont-elles-mêmes peur, elle se montre borgne pour que les mâles se détournent. Les deux entités, mâles et femelles, se regroupent, se serrent, se regardent avec fureur, se haïssent et se désirent.

La reine s’impose alors, majestueuse et animale. Elle vit sa vie propre, dans son monde à elle, rythmée par une horloge puissante qui imprime à son corps des attitudes tantôt terrifiantes, tantôt érotiques. Mais elle dévoile derrière ces attitudes un désir de rapprochement des entités. Et ce désir qu’évoque les allées et venues entre les deux groupes, éclate tout à coup. Elle s’est rendue désirable et cherche à les rendre désirables entre eux par une démonstration de sa propre envie. Jeu de la séduction qui tout à coup déchaîne les deux groupes. L’humain se retire, ni homme, ni femme, l’animal se dévoile, c’est une sorte d’ensorcellement qui, tout à coup, fait sortir du groupe des hommes un être.

Aussitôt, la reine cherche à séduire cet homme. Elle parvient vite à ses fins. Et c’est le déchaînement des corps, la confusion. Tous s’y mettent dans une extase sans limite. C’est la consécration de la femme et de l’homme dans une passion exacerbée. Derrière l’animalité de la danse se dévoile l’humain et le mystère de cette division en deux groupes sexués qui se cherchent et n’ont de cesse de s’unir. L’un et le tout.

 Ce ballet fit scandale lors de sa première représentation. Stravinsky en fut malade. Il en voulut aux ballets russes de Diaghilev et à Nijinski, le chorégraphe. Il ne connut le triomphe que l’année suivante. C’est un ballet mythique qui réunit à la fois le scandale, le fait qu’il ne fut joué que 5 fois dans les années 1913, un chorégraphe célèbre et une musique moderne fondée sur le rythme, la dissonance et le discontinu. La mélodie et même l’harmonie importent peu.

Merci à Maurice Béjart de cet instant magique qui fouille au cœur du mystère de la vie humaine : homme et femme, semblables et différents, une différence qui ne cherche qu’une chose : l’unité.

30/10/2012

Renouvellement

Avance, avance encore
Jusqu’au bord de l’abîme
Là où la terre quitte le ciel
Pour s’enfoncer dans le rien
Nuit d’or et de pierres précieuses
Constellée de cris sauvages
De souvenirs et de regrets
Attachant de couleurs humides
Coupant dans l’histoire d’une vie
Et chaque aube lève son voile
Sur le désastre des pensées

Aujourd’hui encore, avance
Quelques pas de plus
Lève la tête, respire la pluie
Prends ta douche d’aventures
Engrange ces petites victoires
Comme le pain des pauvres
Et le soir, dans ce lit dévasté
Mange la croute râpeuse
Et la mie indigeste
Des échappées de l’oubli

Dans ce brouillard interminable,
Surtout, n’oublie pas
Ce qui t’anime chaque jour
Ce creux dans l’estomac
Qui te conduit aux portes
De la béatitude inavouable
L’élan vital, la passion fulgurante
Qui prend l’être en un instant
Et fait de lui l’ombre des dieux
Création, déjection, vomis ton désir
D’être autre et toi-même
Et délaisse les rivages
De précaution et d’ennui

Lentement bâtis cet être nouveau
Sans regard en arrière
Et contemple la marche naturelle
De ce qui devient toi
Même si tu ne le connais pas

Que chaque acte te soit propre
Renouvelle ta vue et tes pensées
Ouvre le devenir à l’inconnu
Jusqu’à l’extinction

29/10/2012

Hommage à Oscar Arnulfo Romero, tableau d'Alfred Manessier

Parmi tous les exposants de la FIAC, il faut remarquer la galerie Applicat-Prazan qui se singularise avec 10 toiles monumentales d’Alfred Manessier. Vu des galeries du premier étage, son stand se remarque immédiatement, il est plus haut que les autres et forme comme une grotte.

Nous ne regarderons qu’une toile, l’Hommage à Oscar Arnulfo Romero, archevêque de San Salvador, assassiné le 24 mars 1980. Elle fait 3m sur 2. Elle est magnifique de transparence, de lumière et de feu.

L1_HommageRomero.jpg

Totalement abstraite, elle n’en représente pas moins de manière très concrète à la fois l’assassinat de l’archevêque Romero, sa foi et, finalement, son espérance.

Son assassinat : le Père Romero est tué d’un coup de fusil pendant qu’il prononce une homélie dans la chapelle d’un hôpital. La veille il avait lancé un appel aux militaires ; « Un soldat n'est pas obligé d'obéir à un ordre qui va contre la loi de Dieu. Une loi immorale, personne ne doit la respecter. Il est temps de revenir à votre conscience et d'obéir à votre conscience plutôt qu'à l'ordre du péché. Au nom de Dieu, au nom de ce peuple souffrant, dont les lamentations montent jusqu'au ciel et sont chaque jour plus fortes, je vous prie, je vous supplie, je vous l'ordonne, au nom de Dieu : Arrêtez la répression ! »

Sa foi : Inversement, en tant qu’évêque auxiliaire, il avait critiqué ouvertement « la nouvelle christologie » en tant que menace pour l’église et la foi. Il était prêt au martyre si le sang versé pouvait contribuer à apporter des solutions aux difficultés de son pays. « En tant que chrétien, dit-il à l’une de ces occasions, je ne crois pas à la mort sans résurrection. S'ils me tuent, je me ressusciterai à nouveau dans le peuple salvadorien. »

Son espérance : Le Vatican le nomme "prophète d’espérance" en tant que témoin de la foi. Mgr Romero utilisait l'autorité morale de son poste d'archevêque pour parler au nom de ceux qui ne pouvaient pas le faire pour eux-mêmes. Il ne tarda pas être connu comme la "Voix des sans voix". Il a déclaré un jour :

« La paix n’est pas le produit de la terreur ou de la peur. La paix n’est pas le silence des cimetières. La paix n’est pas le résultat silencieux d’une répression violente. La paix est la contribution généreuse et tranquille de tous pour le bien de tous. La paix est dynamisme. La paix est générosité. Elle est juste et elle est un devoir. »

Manessier_hommage_Romero.jpg

Contrairement aux autres tableaux de Manessier exposés, celui-ci est lumineux et coloré, alors que les autres semblent chargés des lourdeurs de la vie. C’est un éclatement de la chair. Dans les dommages du coup de feu, on devine la transparence de la résurrection. Et la lumière y circule, irisant le noir des pourtours, rappelant qu’au-delà de la connaissance humaine existe une autre connaissance. Et cette connaissance a été donnée à Mgr Romero. Il savait qu’il n’y a pas de développement sans paix et, ce qui est le plus important, qu’il n’y a pas de paix sans justice. Manessier nous donne ici la préscience de la résurrection.

Alfred Manessier disait : « Inverser les signes... faire d’un négatif un positif. Transformer ses cris en un chant. C’est là où le cri devient juste. C’est ce que j’essaie de montrer dans ma peinture. » Et il le montre de manière sublime dans ce magnifique tableau.

28/10/2012

Femme et homme

Les femmes ont un besoin naturel d’être désirables et désirées pour atteindre la sécurité. A cette fin, elles se donnent, puis se refusent. Elles passent par la séduction, jeu de contradiction qu’elles maîtrisent, mais que l’homme a du mal à comprendre.

Les hommes veulent être reconnus pour assoir leur sentiment d'exister. Le seul moyen qu’ils ont pour montrer ce qu’ils sont, passe par ce qu’ils font, dans tous les domaines, social, professionnel, familial, loisir, etc.

Dans le jeu de la conquête, l’homme et la femme cherchent à contrôler leur relation, soit de manière directe pour le premier, soit de manière indirecte pour la seconde. Une fois une véritable relation établie, les vrais couples n’ont plus besoin de ce type d’attitudes, mais certains couples le poursuivent après le mariage.

Ce constat n’est pas nouveau. Ces relations existent depuis le début des temps. Ce qui est nouveau, c’est, avec l’apparition de la publicité et des médias, l’exaltation de ces caractéristiques. Utilisant ces variations psychologiques, ceux-ci les utilisent à d’autres fins, pour les reporter sur d’autres sujets. Ainsi la publicité utilise le corps féminin pour vendre des produits. Ainsi également, le sportif de haut niveau, l’artiste médiatique, le politique charismatique sont magnifiés et détruits en cas de faux pas. Aucun regard, ni pour l’homme de tous les jours ou même le chercheur ou le philosophe qui font avancer le monde, ni pour la femme qui est au centre de la vie sociale et familiale. Les médias et la communication consolident ces stéréotypes : pour vivre et être, la femme doit séduire, l’homme doit maîtriser.

Ne nous laissons pas imposer ces stéréotypes par des professionnels des médias et du marketing  qui les amplifient et les utilisent à des fins différentes. Et si je parle de stéréotype, c'est bien qu'au delà de ces attitudes générales, chaque femme et chaque homme a des attitudes personnelles qui font que c'est cette personne spécifique qu'on aime et non le stéréotype. Alors, cultivons nos trésors personnels et réalisons-nous à travers eux.

27/10/2012

Le bruit de l'eau, nouvelle de Jacqueline de Romilly

J’écoute le bruit de l’eau qui coule patiemment dans la vasque et de la vasque dans le bassin ; et je me souviens.

Elle, celle qui se souvient, n’est pas l’auteur. C’est une certaine Anne qui évoque sa maison du Lubéron. Elle est n’importe qui, nous dit Jacqueline de Romilly, comme l’indéfini en anglais, an, any. Et comme savait si bien l’évoquer Marcel Proust, cette eau qui coule éveille milles souvenirs : l’achat de cette maison, les premiers instants seule dans le jardin, le jour où ce refuge commence à prendre une âme. Au-delà, c’est la vie elle-même qui est évoquée, une vie qui prend du poids, qui devient adulte à presque cinquante ans. Adulte, c’est-à-dire sereine, au moins pour un court moment, qui laisserait sa marque, en dépit des oublis et des transgressions.

J’ai eu l’impression que mon cœur gonflait, sans que je sache si c’était bien de gratitude ou de mélancolie, de plénitude ou bien de vide. Le bruit de l’eau était comme une chanson, toujours la même, présente, fidèle, secrète, interminable…

 

26/10/2012

Le masque

Tous portent un masque, toi comme l’autre
L’ignores-tu, l’oublies-tu ou le sais-tu ?
Peu importe, te voilà pourvu d’un refuge
Et d’un mensonge permanent

Il y a le masque de la dignité outragée
Le masque de la camaraderie sociale
Celui de la pudeur du timide
Et celui du voyou belliqueux

Le poids du masque est variable
Il peut être léger comme l’air
Découvert, il s’évapore
Et révèle l’autre moitié de Janus

Il peut être utile dans l’ampleur du soleil
Il est indispensable au souffleur de verre
Comme au sidérurgiste face au feu
Il protège le délicat des déchirures

Il est parfois le fait de dames en-maquillées
La peinture leur va bien, tache rouge
Sur fond blanc des geishas immortelles
Qui jouent leur rôle, immuables

Le plus beau masque vient de celui
Qui ne sait qu’il en possède un
Il va de par le monde sans pudeur
Et cette absence est celle de l’innocent

Bas les masques ! Qu’enfin règne
La beauté sans partage, nette
Des visages rajeunis et radieux
D’hommes et de femmes sans mensonge

25/10/2012

Le ridicule ne tue plus : condamnation de J. Kerviel

La condamnation a été confirmée en appel : 5 ans de prison dont 3 ferme et 4,9 milliards d'euros de dommages et intérêts. Mais qu’a donc fait cet homme ? A-t-il tué des familles entières, a-t-il volé des milliards ? Non, il était employé d’une banque. Certes, pas un employé lambda. Il faisait gagner de l’argent à ses employeurs. L’histoire ne dit pas ce qu’il a fait gagner, mais ce qu’il a perdu, en une fois.

Certes, il est fautif. C’est vrai, il a fait preuve d’ « abus de confiance, faux et usage de faux, introduction frauduleuse de données dans un système informatique ». Il a largement dépassé le quota qu’on lui accordait pour spéculer. Il avait eu beaucoup de chance jusqu’à ce jour où lui est tombé le ciel sur la tête. Mais notre société est impitoyable. La responsabilité est exclusivement de son côté, sans aucune faute de la banque. Quel scandale ! Et ce n’est pas seulement la banque qui est fautive. Ce sont également les politiques et derrière la justice. Les médias ont-il également une part de responsabilité ? Pour une fois il ne semble pas. Mais s’indignent-ils contre ce jugement ?

Tout d’abord ce n’et pas la société générale qui porte plainte, mais un dénommé Ernest, actionnaire, au nom des actionnaires qui voient leurs dividendes baisser (voir le jugement sur http://prdchroniques.blog.lemonde.fr/files/2010/10/kerviel-delibere-pressewpd.1286270254.pdf ). Passons.

Le jugement dit que "le dossier ne permet pas de déduire que la Société générale connaissait les activités de Kerviel ou a pu les suspecter". La défense a largement contredit cette affirmation. Et même si cela était le cas, est-il normal que dans une banque, il n’y ait pas un mécanisme de surveillance sérieux interdisant de telles pratiques ? Le jugement explicite bien le système de surveillance des activités des traders. C’est compliqué. Tellement, que cela ne marche pas. En tient-on rigueur à la banque ? Nullement.

Est-il normal que la banque puisse engager des sommes faramineuses sur les marchés, somme appartenant en fait à ses clients ? Oui selon notre système, même si la banque avait édicté la règle d’aucun engagement de la part des traders au-delà de 125 millions d’euros. Elle n’a elle-même aucune réglementation concernant cette activité. En fait, la banque, et derrière la société, autorise et encourage ces spéculations. Les clients seront-ils indemnisés en cas de casse, on ne sait pas. C’est là qu’intervient la responsabilité des politiques. Ceux-ci sont coupables de ne pas faire leur métier régalien : la protection des citoyens contre les risques de toute nature, donc y compris financiers. S’agit-il réellement de risque d’ailleurs ? Certes les mathématiques ont apporté des éléments importants de calcul du risque. Mais in fine c’est bien toujours d’incertitudes que l’on traite, et ces éléments ne permettent que de chiffrer le risque de ces incertitudes qui restent des incertitudes. Comment se fait-il qu’aucun politique n’ose s’élever contre un jugement qui accable un concitoyen par l’énormité des peines ? Ceux-ci considèrent que ce n’est pas leur affaire, aloos qu’il s’agit bien de protection des citoyens devant l’incurie des banques qui s’autorisent tout sans contrôle de la part de la société.

Alors ce serait l’affaire de la justice ? Peut-être, à condition que celle-ci ne soit pas liée par la façon dont sont rédigées les lois. L’accusation est juste, mais le résultat est hors de proportion. Il vaut donc mieux voler ou tuer que de mal faire son travail et de déroger aux règles que celui-ci impose. Les juges ne sont même plus conscients du ridicule, non du scandaleux, de leur jugement.

Est-il normal que les dirigeants de cette banque continuent d’exercer, qu’aucune étude n’ait été faite pour mettre en place de véritable moyen de contrôle, que les banques fassent ce qu’elles veulent de notre argent sans aucune sanction ?

Notre société marche sur la tête. On peut se demander si les indignés n’ont pas raison !

 

24/10/2012

Figure impossible

L’origine des perspectives est différente pour chaque carré, rectangle ou cercle. Parfois, il n’y en a pas. Cela en fait une construction impossible, mais d’un effet certain.

Les objets impossibles représentent des objets contraires aux lois physiques connues de la nature. En fait, il s’agit de l’interprétation par l’œil d'une projection en 2 dimensions de ce qui pourrait être un objet impossible de dimensions supérieures. L'artiste suédois Oscar Reutersvärd fut le premier à créer de telles figures.

12-09-22 Ronds et carrés+relief@.jpg

 

23/10/2012

Cité des Fleurs, à Paris

Quelle idée d’aller se promener dans la cité des fleurs au moment où justement il n’y a plus de fleurs. Mais il était trop tentant, en ce jour quasi d’été, d’aller baguenauder en chemise dans ce chemin insolite en plein Paris.

12-10-23 Entrée.JPGOn croit entrer au paradis, et cela commence par une prison. Grille de part et d’autre, fermement gardée. Mais une fois passée, elle ouvre sur la petite ville de province, avec son charme discret, bien caché, et pourtant ouvert à tous. Impression de voyage dans le passé : une rue pavée, silencieuse, chaude d’un soleil d’automne ; des jardins fermées, bien cachées ; des12-10-23 Rue1.JPG fenêtres ouvertes comme si chaque maison avait besoin de respirer. On a du mal à comprendre où l’on se trouve. C’est tellement insolite cette rue d’un autre siècle. Il faut se promener plusieurs fois sur ces pavés disjoints pour se laisser imprégner par l’ambiance insaisissable au premier abord. Il n’y a pas une fleur à cette époque, il y a ces grilles qui cachent les jardins, et pourtant, on est à la campagne.

 

12-10-23 Rue 2.JPGAllons-y, errons et laissons-nous charmer le long de cette voie royale. Dommage qu’il y ait ce bruit de machines grattant ou ponçant derrière une façade ouverte, dommage aussi ces voitures garées là on ne sait pourquoi. Les passants, rares, se promènent silencieusement, comme dans une église. Deux jeunes filles se photographient un bouquet à la main. Et l’on contemple ces façades respectables, blondies par l’éclat doré des rayons du soleil qui pénètrent au travers des arbres et feuillages.

 

paris,liberté,automne

paris,liberté,automne

12-10-23 Maison 3.JPG

Je ne vous raconterai pas l’histoire de cette cité, vous la trouverez sur Internet à l’adresse suivante :

http://fr.wikipedia.org/wiki/Cit%C3%A9_des_Fleurs

 

Vous repartez en plein Paris, vous franchissez la porte et vous comprenez alors que cette fois-ci vous entrez en prison, immense, bruyante, polluée, violente. Bref, la privation de cette liberté vécue pendant un instant et qui vous enchante pour le reste de la journée.

 

22/10/2012

Elle est revenue

Elle est revenue cette hantise
Elle vous tient le cœur et la main
Je la laisse parler, féconde
Comme il est difficile d’obéir
A cette voix interne et incertaine
Qui joue à cache-cache
Un mot en éveille d’autres
Un autre en voile certains
Une distraction rompt l’enchaînement
Revenir sur ses pas, doucement
Et reprendre le fil des mots
Cette liqueur qui coule abondamment
Sans jamais se répandre intégralement
Elle babille, splendide d’hésitation
Elle sort sa tête parfois,
Elle peut se taire, muette et absente
Pour revenir ensuite à petits pas
Et encourager la caisse de résonance
D’un son maigre, mais ferme
Elle a un goût amer et reconnaissable
Le sablier se déclenche et fuit
Le désert envahissant me submerge
A gauche
Les eaux débordent
A droite
Les berges sont à sec
Au milieu, rien, le néant

Où donc avais-je donc la tête ?

21/10/2012

FIAC

« La FIAC 2012 rassemblera au Grand Palais près de 180 galeries venues de 24 pays. La France compte 61 galeries, soit 34% des exposants, puis viennent les Etats-Unis avec 30 galeries, l'Allemagne avec 24 galeries, l'Italie avec 12 galeries, la Belgique avec 14 galeries, le Royaume-Uni avec 9 galeries, et la Suisse avec 6 galeries. Les pays nouvellement représentés sont le Danemark, la Pologne, la Roumanie et les Emirats Arabes Unis. 41 galeries participent pour la première fois ou sont de retour à la FIAC. » (www.fiac.com)

 

12-10-21 FIAC.jpg

 

Qu’en est-il ?

C’est vrai, il y a du monde. Des gens de toutes sortes : hommes et femmes, snobs et passionnés, jeunes ou vieux, qui s’esbaudissent ou qui passent avec un œil mort ou encore qui s’interrogent. Oui, on peut s’interroger sur ce qu’est l’art contemporain. Les deux mots ne seraient-ils pas antinomiques ? Peut-on parler d’art lorsqu’on l’associe au contemporain ? 

D’une manière très générale, l’art est « un ensemble de moyens, de procédés conscients par lesquels l’homme tend à une certaine fin, cherche à atteindre un certain résultat. » (http://www.cnrtl.fr/definition/art). L’ennui est qu'une définition aussi vaste ne dit pas quelle est la fin recherchée. L’art ne serait qu’une technique parmi les autres techniques. D'ailleurs, l’artisan était jusqu’à peu un artiste à part entière et l’on parle des arts mécaniques ou de l’art militaire.

Les Grecs avec Platon ont associé à la notion d’art celle de beau. Mais ce n’est qu’au siècle des Lumières que la notion d’art prend son acception actuelle. Kant y adjoint la notion d’esthétisme et les romantiques celle d’émotion et de sentiment. L’époque moderne ne voit pas ces rapprochements comme obligatoires. L’art a été utilisé par les politiques pour la propagande, d’autres en ont fait un domaine permettant d’exprimer une certaine dérision, d’autre encore combattent certaines formes d’art au nom de la religion. Et si l’on tente de rester dans la notion de l’esthétique, c’est-à-dire la science du sensible, celui-ci est-il lié obligatoirement à la beauté ? L’art peut aussi être une métaphysique de la vérité et cette vérité n’est pas forcément belle, mais peut être dite par l’art.

Alors oui, c’est bien d’art dont on parle, mais contemporain, c’est-à-dire d’art actuel, du moment. Chaque période se crée sa propre conception de l’art. Elle est toujours en avance sur  la conception de la majorité. L’évolution prend en compte le passé et l’utilise en réaction pour construire de nouvelles visions. Mais ces recherches d’évolution ne produisent pas que de la qualité. Celle-ci est même l’exception.

Alors tant pis, ne protestons pas contre les horreurs que nous y voyons, mais au contraire cherchons ce qui est signe d’une évolution vers un art toujours nouveau et toujours merveilleux. La quête devient alors une recherche exaltante, comme celle du mouton à cinq pattes ou du trèfle à quatre feuilles. Et lorsqu’en un instant, vous êtes dépassé, devenu autre, renouvelé devant une œuvre qui vous parle intimement, alors vous savez que cette quête n’a pas été vaine.

 

20/10/2012

Faire ou être ?

Faire, faire, faire… On a tellement à faire qu’on n’a plus le temps d’être. Etre là, sans rien faire : est-ce possible ?

Ce matin, je ferme mon ordinateur. Il est cinq heures. Mais au moment de me recoucher, je me rends compte que je n’ai aucunement sommeil. Que faire ? Rien ! Et ce rien devient quelque chose d’important. En un instant je suis. C’est une autre sensation. Je suis là, maintenant et je prends un poids différent. Je ne suis pas hors de moi comme lorsque je réfléchis. Non, je n’ai rien en tête, je suis léger comme l’air et pourtant lourd de richesses cachées, mais impalpables. Passage du connu à l’inconnu. Entrée dans le nuage d’inconnaissance où tout n’est rien et où le rien est tout. La vie suspendue sous le lampadaire parce qu’il fait nuit, qu’il n’y a aucun bruit, et que rien ne me mobilise, ni sentiment, ni pensée.

Certes, cela ne dure pas. La preuve, je l’écris et déjà je fais. Je suis revenu au point de départ. Et pourtant, quel bel intermède !

 

19/10/2012

Cindy Sherman, à la galerie Gagosian (1ère partie)

En entrant dans la galerie Gagosian, on ne sait ce que l’on va trouver. Les fenêtres sont obturées, une sorte d’appariteur, tout de noir vêtu, ouvre la porte et l’on est englouti par l’immensité des pièces. Les tableaux ou objets exposés sont également immenses, à la mesure, ou démesure, du lieu. Qui est donc cette Cindy Sherman ?

Cindy Sherman 1.jpg

 Deux grandes toiles, imposantes… Un paysage, beau certes, dans lequel on trouve une femme, différente chaque fois, posant de manière tantôt grotesque, touchante, insolite, effrontée. Elle est plantée au milieu du décor, vêtue de tenues extravagantes, venant de la collection Chanel. On s’interroge. On regarde à nouveau le paysage, est-il peint ou photographié ? On ne sait pas exactement. Chaque paysage est particulier, le plus souvent grandiose. Tous sont désolés, d’une solitude démesurée, avec la beauté de la nature vierge. Que vient faire cette femme au milieu de ces scènes de nature brute ? La contradiction entre celle-ci et le fond est flagrante, voulue, obscène.

Cindy Sherman 3.jpg

Tout d’un coup, on se demande s’il s’agit de peinture ou de photo. On s’approche de plus près, on ausculte le tableau, on croit dans un premier temps à la peinture. Quel réalisme et quelle précision des traits ! Trop, sans doute pour que ce soit vrai. Alors on penche pour la photographie. Oui, certainement, mais pourtant. En fait c’est de la photographie remaniée, tant pour les paysages que pour les portraits. Les paysages viennent de Capri, du Stromboli, de l’Islande de New York (Shelter Island). Ils ont été manipulés numériquement et rappellent maintenant les peintures de Turner ou de l’école de Barbizon. Elle s’est photographiée dans des robes ou des atours sophistiqués, comme au théâtre. Les tenues sont très variées : Coco Chanel, vêtements des années 1920, d’autres plus modernes (Karl Lagerfeld). Elles sont baroques, avec broderies, plumes, volants, et font dire : « Mais que vient-elle faire dans cette galère ? »

Cindy Sherman 4.jpg

Est-ce beau ? Certes, le contraste est saisissant. Les paysages sont déshumanisés, la femme est désocialisée, voire dés-efféminée. On sent dans sa gorge une impression bizarre, c’est trop théâtral, trop organisé pour faire vrai. C’est comme manger de la soupe pour chien dans un restaurant quatre étoiles !

On ressort de la galerie avec un certain malaise : est-on trompé ou ne voit-on pas ce que la photographe a voulu dire ?

 

18/10/2012

Dehors

Pour qu’il y ait un dehors, il faut un dedans
De deux choses l’une, je choisis l’extérieur
Ce lieu d’espace, sans portes ni fenêtres
Où se perd le regard et s’usent les pieds

Dehors n’est pas qu’un mot, même bref
C’est une philosophie sans développement
Partir sur son nuage, la tête vide
Et revenir chargé de souvenirs prolixes
A conter aux enfants des autres, ébahis
Au fond d’un lit bien chaud, en hiver

Oui, on raconte bien le dehors extravagant
Lorsqu’on est dedans, lié par la somnolence
Ce sont des histoires à coucher dehors
Ecoutées avec la gravité d’un magistrat

Toute voile dehors, ils filaient sans vergogne
Le cœur léger, vers l’aventure cinglante
La faim au ventre, la soif toujours
Jusqu’au retour vers les ports inconnus

Sauver les dehors, entendons-nous crier
Et la façade bien nette, proprement nettoyée
Impose au passant son apparence offensive
Quel voile de vertus s’agite sous nos yeux ?

Extraverti, il raisonne en tambour
Il s’ignore, incompétent, sans moi intérieur
Où donc se cache la fumée de l’être ?
Quel brouillard, on n’y voit goutte !

Cette cloison qui sépare toute chose
Fait-elle l’exclusion du dehors agissant
Au profit du dedans chaud de réflexion
L’œil blanc, l’homme se regarde vivre
Et enfle ses propos de reflets brillants
Mais inutiles aux oreilles fanées

Quel juste équilibre permet de s’engager
Dans une conviction sans partage ?
Le funambule avance sur sa corde raide
Le dehors devient vertige insoluble
Seul le balancier rattrape la peur
Equilibré par la concentration

Oui, plus rien ne nous retient encore
Saute, te dis-je, et vogue l’âme !

17/10/2012

Sicilian Blue, improvisation d’Hiromi Uehara

http://www.youtube.com/watch?v=KCy755hus80&feature=related

Premières phrases, comme un appel à l’évasion. C’est une sorte de poème que nous fait entendre Hiromi, avec une introduction insolite qui ne laisse nullement présager ce qui suit. Elle ne cadre pas le décor. Elle nous aide à sortir de nos pensées, par l’interrogation qu’elle suscite : quel est le message ? Il n’y en a pas. C’est un plus fascinant que nous offre la pianiste, sans intention délibérée, hormis celui de nous introduire dans son monde.

jazz, piano, improvisationEt puis, changement, qui se voit à l’expression de son visage. Nous sommes prêts à l’écouter. C’est une romance : souvenir, souvenir… promenade en bord de Seine, au petit matin, quand la brume envahit les pensées et empêche toute réflexion. On se laisse aller, errant dans cette atmosphère insolite, en espérant que cela va continuer.

Mais, arrêt, réflexion, et nouveau départ. Un déferlement de notes, une pluie de sonorités insolites et charmeuses, une chute d’eau en liberté. Et nous sommes transportés vers un autre monde, tout aussi difficile à définir, fait d’étincelles jusqu’au retour au thème de la romance qui revient, inespéré dans ce déchaînement.

La conclusion est aussi imprévue que l’introduction, mais elle permet de revenir à soi, dans le calme, avec nostalgie. C’est fini, dommage ! Admirons chaque transition, sur une seule note comme une incantation, qui divise le morceau en strophes différenciées, laissant chacun à sa rêverie.

 

16/10/2012

Perfection ou plénitude ?

« Il n’y a pas de lumière sans ombre et pas de totalité psychique sans imperfection. Pour son accomplissement, la vie n’a pas besoin de perfection, mais de plénitude. Celle-ci inclut « l’écharde dans la chair », l’expérience douloureuse de l’imperfection sans laquelle il n’y a ni progression, ni ascension. » (C.G. Jung, Psychologie et alchimie, Buchet/Chastel, 1970, p.208, §208)

On recherche le plus souvent la perfection, sans jamais y arriver. Beaucoup échoue en route. Quelques-uns atteignent cet état de plénitude qui est lorsque la question de la perfection n’est plus.Il importe peu d’être parfait. Il est heureux d’être comblé.

Et par quoi un homme est-il comblé ? Par l’enrichissement que lui apportent l’apprentissage de ses imperfections qui sont la montagne qui s’élève elle-même et qui conduit à la plénitude. Cependant l’imperfection n’est valeur éducative que si elle propose au regard la perfection comme idéal. Inatteignable par nature, mais réelle par nécessité. Sans miroir de l’impossible, l’homme reste dans sa fange.

 

15/10/2012

L’horloge publique de Charles V

On ne la voit que très peu et beaucoup passent dessous sans l’apercevoir. C’est pourtant la plus vieille horloge de Paris et, de loin, la plus belle. Elle se situe sur une des faces de la tour de l’horloge (eh oui, la tour a pris son nom) au palais de justice, ancienne résidence royale, dans l’île de la Cité.

12-10-12 Tour de l'horloge.JPG

 

Que voulait le roi ? Donner l’heure aux Parisiens qui avaient du mal, dans la ville aux rues étroites, à percevoir l’heure au soleil. Seuls les riches disposaient de clepsydres ou de sabliers.

En réalité, l’horloge actuelle est celle d’Henri III, le dernier Valois, monarque aimant la beauté et l’art. Au fil du temps, elle fut restaurée plusieurs fois. Mais on découvrit à la Bibliothèque nationale un document de l’époque qui décrivait de manière précise l’horloge.

Elle vient d’être restaurée telle qu’elle était lors de sa construction. Elle attend les passants, bien qu’elle soit cachée en partie par les arbres du boulevard. Elle rayonne de tous ses feux, éclat d’or des statues, et donne à nouveau l’heure. Que les Parisiens se le disent !

 

PA110097.JPG

 

14/10/2012

Histoire

Histoire,
Histoire de tes vingt ans,
Histoire de nos années passées
Et de celles à venir
Cette histoire que tu racontes
Toujours semblable, jamais la même
Entre deux sourires
Pour notre émerveillement

Vous découvrirez aussi les histoires
Celles de quelques milliers d’hommes
Qui vécurent ensemble et s’aimèrent parfois
Et nous sommes parmi eux
Vivant notre amour
Pour partir un jour

Géographie
Géographie de nos vingt ans
Celle de notre paysage
Et de nos attitudes diverses
Comme une carte du monde
Comme un monde sans fin
Que je découvre au fil des ans
Jusqu’à celui de notre achèvement
Où nous irons ensemble nous aimer
Éternellement

13/10/2012

Jérémiade

 

Il crie haut et fort son message. Personne ne l’entend ! Et il reste fidèle malgré les persécutions. Tel est Jérémie le prophète, serviteur de Dieu, qui lance ses lamentations sur Jérusalem et sa destruction.

« Pourquoi ma souffrance est-elle continuelle ? », crie Jérémie. Et il conclut : « Maudit soit le jour où je suis né ! »

Cette encre de Chine traduit la solitude de Jérémie et sa constante obstination à proclamer la nouvelle. Jérusalem brûle, mais il crie encore face à l’iniquité des hommes. 

12-10-11 Jérémiades retouché.jpg

 

12/10/2012

L'art, peinture et poésie

« J’ai dit que la poésie devait assaillir le système nerveux, la peinture aussi. Peinture et poésie sont pareilles. Un choc visuel ici, un choc auditif là. Quelques mots suffisent parfois pour le créer alors que les longs discours de Shakespeare ou de Racine le réduisent. » (Francis Bacon, dans Comment dire la grâce en peinture, écrit par Dominique Vergnon, Editions Michel de Maule, 2010).

 Que cherche-t-on dans un musée ? Sûrement pas à voir chaque tableau dans sa profondeur et sa vérité. Ce n’est pas possible. Notre capacité à nous laisser séduire par une œuvre d’art a des limites. Non, nous marchons, nous regardons, admirons de l’extérieur, jusqu’au moment où le flash survient. En un instant l’œil voit autre chose, un éclair de libération, une bouffée d’invisible qui vous prend le corps et l’esprit et vous rend autre. On entre dans une autre dimension, plus large, plus aérienne, mieux dotée de pouvoirs magiques, qui fait dire : Que ce monde est beau. Et il en est de même pour la poésie. Une phrase nous transperce, déclenche une cascade d’étoiles autour de nous, et nous permet de nous oublier nous-même.

« L’art est un mensonge qui aide à comprendre la réalité », disait Nietzche. On pourrait inverser la proposition. L’art est la seule façon de saisir la réalité parce qu’un chef d’œuvre ne peut mentir. Car la compréhension de l’art est au-delà de l’œil, il est dans cette combinaison difficile du regard, de l’intuition et de la connaissance qui, par une alchimie subtile, embrase l’être et le transforme.

 

11/10/2012

Un amour, roman de Dino Buzzati

« Un matin de février 1960, à Milan, l’architexcte Antonio Dorigo, quarante-neuf ans, téléphona à Mme Ermelina. »

Ainsi commence le roman de Dino Buzzati. Il s’agit d’obtenir un rendez-vous avec une fille. Quand ensuite le rendez-vous avec une fille était pris son corps entier commençait à attendre, dans un état tout ensemble douloureux et superbe, difficile à expliquer, presque la sensation d’être une victime qui s’offrait sans restriction au sacrifice, de tout son corps dénudé, en un abandon et un débordement de languissantes ardeurs…

Il rencontre Laïde et se souvient, en un instant, d’avoir déjà vu cette fille : Ce fut à ce moment précis qu’un déclic se produisit au plus profond d’Antonio, une sorte de mystérieux coup de cloche ; il vécut ce qu’on peut ressentir quand – perdu dans une immense campagne déserte – on entend l’appel d’une voix très lointaine… Antonio s’aperçut soudain qu’une fille marchait devant lui…. Elle marchait un pas décidé, impérieux, presqu’arrogant, sans remuer les hanches, d’une allure splendide, orgueilleuse, faisant battre avec un aplomb remarquable ses talons hauts et fins sur le pavé. Le mouvement imprimait à ses jeunes jambes une sorte de trépidation interne, qui allait des chevilles à l’évasement des mollets, allant se perdre ensuite sous le jupon…

Une fillette du peuple, un de ces types physiques bien définis, sans tape à l’œil, en qui l’on découvre peu à peu une élégance naturelle totale.

La retrouve-t-il, en est-ce une autre ? Il ne sait. Elle se trouvait assise sur le divan long. Il en eut au premier regard une impression agréable, sans plus. Une frimousse pâle, qu’un nez bien planté et bien droit, une petite bouche, des yeux ronds et étonnés, rendaient spirituelle. Un ensemble frais, plébéien, mais sans vulgarité. Il la regarda, cherchant à mesurer le plaisir qu’il allait bientôt en retirer. Il s’aperçut que l’ovale du visage était fort beau, pur, sans rien de classique pourtant…

Dans quelques minutes cette créature fraîche et gracieuse, dont il avait toujours ignoré l’existence, qui possédait une famille, une enfance, une jeunesse, tout un monde peuplé d’une infinité de personnages, fait d’un tissu compliqué à l’extrême de souvenirs, d’habitudes, de connaissances, d’espoirs, de particularités physiques, de journées heureuses et de tristes instants, complètement ignorés par lui, cette créature tellement plus jeune que lui, dans quelques minutes il allait la tenir nue entre ses bras, étendue sur le lit.

Antonio reprend rendez-vous, une fois, deux fois, et devient amoureux de cette fille. C’est l’histoire de cette dépendance que nous conte Dino Buzzati et de tous les affronts que subit l’architecte. Elle est danseuse à la Scala. Elle lui raconte quelques brides de sa vie et très vite, il y avait bien  des invraisemblances dans toute cette histoire… Que lui importait après tout ? Il allait encore la posséder une ou deux fois au maximum, cette Laïde. Et puis sa curiosité émoussée ; il s’en lasserait. En réalité, le voici embarqué dans une aventure sans limites dans laquelle elle tire les ficelles. Il n’a pas conscience de cette dépendance. Non. Il l’aimait pour elle-même, pour ce qu’elle représentait de féminin, de caprice, de jeunesse, de simplicité populaire, d’effronterie, de liberté, de mystère. Elle était le symbole d’un monde plébéien, nocturne, joyeux, vicieux, ignominieusement intrépide et sûr de soi qui fermentait d’une vie insatiable auprès de l’ennui et de la respectabilité des bourgeois.

Comment peut-on apprécier un livre qui ne parle que de rendez-vous avec une putain, me direz-vous ? Tout simplement parce que l’auteur écrit d’une merveilleuse façon, décrit les rapports entre les deux êtres ou plutôt ce que pense et ressent Antonio, avec tant de mélancolique volubilité, que l’on ne peut qu’être ébloui. On pense parfois au livre d’Albert Cohen « Belle du Seigneur » : même hymne éternel à la femme, symbolisé par la noblesse de cette fille du peuple (ce qui n’était pas le cas d’Ariane), et même fascination et désespoir de l’homme qui ne peut l’attendre réellement. On pense aussi, à la lecture d’autres passages, à Marcel Proust. Buzzati invente un style particulier lorsqu’il décrit impressions, sensations, sentiments d’Antonio, sans jamais non plus se mettre parler en son nom (je…). Un exemple : C’est celle-ci qui lui a pénétré l’âme, cette Laïde de cet instant précis, l’enfant qui croyant voir la brillante fortune de l’autre côté du fossé a plongé en frissonnant ses petites jambes dans l’eau pour passer, gluante terre glaise, la terrible vase mise en place par la grande ville où elle se sent absorbée peu à peu, ou de jour en jour elle s’engloutit davantage et pendant ce temps-là sur la rive opposée la lumière d’or s’éloigne s’éloigne devient un mirage inaccessible ; le fossé est un marais qui se perd à l’infini, sombre et boueux ; et rageuse entêtée elle continue d’avancer, on lui a dit que l’important était d’insister… Et alors elle se débat pour sortir de la fosse, elle veut faire voir aux autres qui lui sourient sur la berge mais ne la respectent plus, qu’elle aussi est une créature digne de vivre et, oubliant tout ce qui est arrivé, elle redevient enfant, comme pour tout reprendre dès le commencement.

Ce sont des moments de folie littéraire où le style qui se veut ne pas en être un, parce que débridé, sans ponctuation, comme sorti brut du cerveau. En réalité, il est d’une concision merveilleuse, d’une vérité pure, véritable enchantement non des phrases et de leur musique, mais de l’ambiance intérieure qu’il procure. Ainsi se perçoit et se vit l’emprise de cette fille sur Antonio. Ce n’est pas un roman social, ni même un roman sur les rapports entre la femme et l’homme. Non. C’est une histoire dont le seul plaisir est dans sa lecture, même si vers la fin, elle traîne un peu.

 

10/10/2012

Egarement

Perdu, même en lui-même
Il se cherche
Il regarde sous ses vêtements
Où se trouve son corps ?
Il ne voit que du blanc
Pure colombe sans duvet

Caresse. Ses mains secouent
La peur du lendemain
Les heures sonnent au clocher
Et sortent lentement du rêve
Quel lieu insolite
Que celui des nuits
Noir, calme, vide
Prison ouverte sur le monde
L’esprit dénote et s’embrouille
Les yeux se ferment
Sur le mensonge des pensées

D’autres folies peuvent surprendre
Elles incitent, elles bousculent
Elles vous prennent le cœur
Et vous voilent la lumière
Projeté hors de vous
Vous errez sur le fil de soie
Sans jamais tomber
Ni vous arrêter

Où donc ai-je la tête ?
Je la porte lourdement
Elle me regarde et rit
Les yeux fermés
Sur les rêves enfiévrés

Je me suis égaré
Sur la route de la vie
Et poursuis mon chemin
Sans canne ni soutien
Allons, remets ta tête
Sur les épaules larges
De l’avenir sans horizon

09/10/2012

Vous montez ou vous descendez ?

 

12-10-09 Escalier Brantome.JPG

Cette photo prise dans l’escalier de la mairie de Brantôme n’est pas sans rappeler les gravures d’Escher où les personnages montent, descendent, errent dans les escaliers fantomatiques.

12-10-09 Escalier 1 Escher.jpg

univers,sciences,photographie,labyrinthe


Admirons également cette photographie d’Ezekiel (http://www.mayoz.fr/photographe/ezekiel/) :

12-10-09 Escalier Escher.jpg

 

Serait-ce une nouvelle forme de labyrinthe ? Un monde sans gravité qui nous entraîne vers des espaces sans fin et non plus seulement des surfaces ?

De quoi nous interroger comme le fait Jean-Pierre Luminet sur la forme de l’univers :

http://luth2.obspm.fr/~luminet/LeMondeSciences.pdf

 

08/10/2012

Refondation de l’école

C’est la fin de la concertation sur l’école. On s’est posé la question de sa refondation. Qu’en sort-il ? Les horaires, les vacances, l’accueil des jeunes enfants,  le nombre de professeurs. Certes, les débats ont été plus larges. Mais désormais la réflexion est menée par les enseignants, les experts (santé, pédagogie, etc.) et les décideurs. Que décidera-t-on ? Pas grand-chose en dehors des problèmes évoqués par les médias, ceux signalés plus haut. Le fond du problème a été une fois de plus évacué.

Remarquons également que cette concertation a consisté à écouter ce que certains ont à dire, mais jamais à réfléchir ensemble à ce qu’il conviendrait de faire. Or nous savons tous qu’il est plus facile de dire ce qui ne va pas que d’analyser ce qu’il conviendrait de faire, qu’il est plus simple d'édicter des mesures qui n’ont aucune vue d’ensemble plutôt que de réfléchir à une véritable refondation.

Prenons un exemple : Compte-rendu de l’atelier « La culture, fondement de la réussite scolaire », concertation du mardi 18 septembre 2012, Lycée Jacques Decour, durée 2h20. 70 personnes présentes, inspecteurs, principaux, enseignants, responsables de la ville, syndicalistes, chercheurs, artistes. Les parents ne sont pas mentionnés. On peut espérer qu’il y en avait, mais même si c’était le cas, leur point de vue n’est jamais exprimé et encore moins pris en compte. Qu’en reste-t-il ?

« Parmi les idées fortes qui émergent, on peut extraire :
- la prise en compte nécessaire du rôle des réseaux sociaux et de l’internet dans les activités des élèves, valant souvent « auto-apprentissage » de la culture par les élèves : cela invite à s’interroger sur les moyens permettant aux jeunes de se construire en autonomie et sur la prise en compte que doit en avoir l’école ;
- l’intérêt porté au développement des résidences d’artistes (de statut et volume très divers…) qui ne doivent cependant pas se substituer aux dispositifs « ateliers et projets » ;
- le désir d’organiser plus facilement des formations associant éducation et culture, au-delà de ce qui est fait dans les PNF (ex. Arles) ou avec les PREAC, aidant à définir la place de l’artiste dans les actions menées avec les enseignants. »
(Extrait du texte trouvé sur le site « Refondons l’école de la république »,
 http://www.refondonslecole.gouv.fr/wp-content/uploads/2012/09/12_0926_paris_concertation_refondons_l_ecole_culture.pdf)

Bravo pour les idées fortes !

Et maintenant, le ministère va décider, c’est-à-dire faire des propositions qui seront ensuite déclinées dans un projet de loi. A quoi aura servi cette concertation. Si les idées qui en sortent sont celles qui sont mises à notre disposition sur Internet, c’est quelque peu attristant.

Or de nombreuses questions de fond se posent, dont en particulier celle du rôle de l’école :
. A quoi doit-elle servir (base commune de savoir, culture, professionnelle, pratique...) ?
. Que doit-on former (l’intellect, le corps, l’esprit et…) ?
. Que doit-on y faire et pourquoi ?
. Que doit connaître l’élève (et non savoir uniquement) en fin de primaire, à la sortie du collège, au bac ?
. Comment répartir ces matières dans le temps, en primaire, collèges, dans les lycées ?
. Quelle pédagogie doit-être utilisée ?

Ce n’est qu’à cette condition qu’une véritable refondation pourra être entreprise. Avouons que ce n’est pas en trois mois que ceci peut être fait. Et pourtant, il y a si longtemps que nous l’attendons.

 

07/10/2012

Barcarolle Op.65 N°6, de Charles-Valentin Alkan, jouée par Marc André Hamelin

http://www.youtube.com/watch?v=ywaE1Mg4y2U&feature=related

Regrets, nostalgie, mélancolie, comment qualifier cette pièce romantique qui se trouve  à l’opposé de ce que l’on a entendu du même compositeur le 17 août (Le festin d’Esope, étude). Bien que musicalement elle soit très différente des pièces de Chopin, on peut dire qu’elle appartient à la même famille.

Une barcarolle est à l’origine le chant des gondoliers. C’est une forme musicale qui évoque les ondulations d’une barque sur l’eau. En Sol mineur, celle-ci nous berce de son accablement joyeux, comme le remord d’un passé qui revient sans cesse nous bousculer. Cette impression est donnée par l’accompagnement de la main gauche qui reprend sans cesse la première phrase énoncée par la main droite : trois notes montantes, puis descendantes, qui se terminent par un rappel à la basse avant de revenir à la finale. Et cette petite phrase va bercer notre vague à l’âme avec des variations qui peuvent rappeler celles de Chopin.

L’interprétation d’André Hamelin semble dans l’esprit de la pièce : romantique à souhait, elle met en valeur toutes les nuances. Peut-être en ajoute-t-elle-même ? Mais qu’importe, ces ralentissements, les diminuendo apportés dans la première phrase en donnent un exemple intéressant. Ecoutez comment la première note de la première phrase est émise : légère, détachée, piano, ralentie, elle donne le ton à la barcarolle.

 

http://www.youtube.com/watch?feature=player_detailpage&v=aScyFhJafBU

Cette interprétation de Jack Gibbons est moins fine, moins chargée d’émotions. Elle est brillante certes, mais ne donne pas la même impression de rêverie douce que procure l’autre.

 

06/10/2012

La résonance

Sonne la campanule dans l’église
Résonne son timbre dans la mémoire
Qui diffuse la fraicheur d’un dimanche
Et l’éclat d’un rayon sur les vitraux

Terre et lune sont elles-mêmes en résonance
Comme deux vieilles sur le pas de leur porte
Devenues jumelles par mimétisme
Elles errent dans leur vie trop large

Chaleur et mirage, effet de la réverbération
L’œil se lasse de se vouloir ouvrir
Alors que l’obscurité étincelante
Réduit la pensée au battant qui vibre

L’écho intérieur est plus puissant
C’est une vague qui submerge l’être
Et qui tintinnabule dans la poitrine
Eclatante de verdeur juvénile

Cette résonance profonde fait chavirer
Vos plus intimes convictions
Et vous entraîne dans des paysages
Aux couleurs chimériques. Flash !

Le coloriste émet ses signaux
En tonalités multiples et souples
Et le regard se noie dans le nuage duveteux
Emportant la magie en écho

Nostalgique est la résonnance
Qui tinte, inflexible, la même mélodie
Elle chuchote dans l’oreille qui l’attend
Et d’un baiser vous emplit l’âme

05/10/2012

Peintures et vitraux de Kim En Joong (2ème partie)

Le Père Kim En Joong s’est lancé dans le vitrail, support idéal pour exprimer l’illumination de la connaissance. Il peint sur le verre et les effets dépendent bien sûr de l'endroit où la composition est placée :

Vitrail 1.jpg

Mais il crée surtout des vitraux pour des églises et couvents :

Vitrail 2.jpg

Il pratique également la céramique ou plutôt, il peint sur des céramiques. Et là, on a du mal à aimer ce style :

Céramique 1.jpg

Il écrit aussi, sur l’art bien sûr, mais aussi sur sa foi de prêtre,Livre 1.jpg tels Ave Maria ou Vraie lumière née de vraie nuit. Fragments d’un monde inconnu, paru en 1996 au Cerf, explicite son attachement à l’invisible derrière le visible de ses tableaux : « Toute beauté vient de Dieu. Et particulièrement celle que les créateurs humains essaient de nous transmettre, car ils ne sont que les interprètes de ce qui leur a été donné. Ici, le peintre écoute en lui-même cette voix qui a ravi, dans le sens littéral, les mystiques... »

Enfin, il a créé un institut qui a pour but de :

·         Développer et favoriser les valeurs spirituelles et humaines en lien avec l’Eglise Catholique romaine par la création artistique dans l’esprit de l’Art Sacré ;

·         Détenir et gérer les œuvres artistiques du Père Kim En Joong dont notamment ses œuvres picturales et tout autre support comme les vitraux, les céramiques, les soies, les livres d’art, les photos ;

·         Aider le Père Kim En Joong dans sa création artistique ;

·        Organiser des rencontres, des sessions, des journées de vernissage, l’accompagnement d’artistes dans l’esprit de l’Art Sacré.

 

 Merci à vous, Père Kim En Joong, pour ce que vous nous laissez voir de ce monde inconnu, au-delà de cette réalité que nous avons déjà du mal à connaître.

 

 

04/10/2012

Peintures et vitraux de Kim En Joong (1ère partie)

Il est dominicain et peintre. Il est né en Corée en 1940 sous l’occupation japonaise, est admis aux beaux-arts et devient catholique en 1967. Après son service militaire, il étudie la philosophie en Suisse. Il poursuit dans la peinture et le dessin en parallèle à sa vie intérieure, puis est ordonné prêtre en 1974.

Il peint la lumière, marqué une expérience de son enfance où un professeur leur montre la décomposition de la lumière à travers un prisme. Ebloui, il chercha toute sa vie à rendre témoignage de la lumière, qu’elle soit naturelle ou intérieure. Une maxime chinoise dit : « Si tu bois l’eau, n’oublies pas où est la source ». Il raconte également : J’ai vécu une autre expérience fondatrice à la cathédrale de Chartres, il y a plus de trente ans, alors que j’étais encore novice dominicain. Lorsque je pénétrai à l’intérieur de la nef pour la première fois, je fus ébloui. Il me semblait percevoir comme un avant-goût du ciel. Je n’avais vu nulle part cette lumière diffusée par les baies où dominent mes trois couleurs préférées : le bleu de l’’espérance, le rouge de la naissance, le jaune signe de la joie.

D’abord tenté par les impressionnistes, il se lance dans l’abstrait, fasciné par la couleur et l’art de manier les taches avec le pinceau. Il participe d’une double influence, orientale et occidentale, ce qui donne à sa peinture une vigueur originale qui laisse entendre le monde vierge de l’invisible.

Le père Kim En Joong est peintre avant tout. Il peint la fluidité de la lumière dans un monde de blancheur immaculée. Chaque tache de couleur est comme une aile de papillon, fragile, aérienne, en mouvement.

huile 1.jpghuile 3.jpg

 

 

 

 

 

 

 

 

Ses noir et blanc traduisent un espace invisible, fragment d’impressions mystiques traduit dans un réalisme abstrait qui ouvre l’âme à l’invisible :

 

huile 4 N&B.jpg

Nous verrons que son talent ne s'arrête pas à la peinture,  mais que toujours il tente de faire part de son éblouissement devant le monde invisible transparaissant derrière l’univers visible.

 

03/10/2012

Téodora pécheresse, film d’Anca Hirte

 Ce n’est pas une fiction, ni même une histoire. On entre par hasard12-10-03Téodora pécheresse.jpg dans la salle, s’attendant à un conflit, même non-dit. Là, rien. C’est un documentaire ? Non plus. Le documentaire tente de motiver le spectateur pour ce qu’il voit. Ici, c’est la vie de chaque jour dans le monastère de Varatec, en Roumanie. Mieux, ce sont les derniers instants de Téodora qui va prononcer ses vœux et se donner au Christ, pour la vie. Une seule chose la soucie, garder son prénom. Une seule chose symbolise ce passage, pour Anca Hirte : les cheveux de téodora qui seront coupés.

Elle n’est pas très belle. Son visage est ordinaire. Mais deux fossettes lui donnent un charme certain lorsqu’elle sourit. Elle ne parle pas, n’explique rien. Elle est humble et sereine, sans hésitation. Elle se livre à la caméra sans y prendre garde. Elle est ailleurs, en elle-même, sans concession avec l’extérieur. La caméra l’explore, sans curiosité ni voyeurisme. Elle met en scène des détails, en gros plan : les lèvres de Téodora, priant ou immobile, ses cils dans la pénombre, sa nuque dénudée et ses cheveux abondants, coiffés par sa marraine du couvent. On la voit accomplir les rituels de la préparation aux vœux perpétuels. On ne sait pas ce qu’elle pense, comment elle réagit. Elle dit simplement qu’elle est heureuse, joyeuse, emplie de la présence du Bien Aimé. Ses seules paroles sont celles échangées avec ses compagnes : d’abord sa marraine avec laquelle elle passe de longs moments, en réalité très banals, comme deux collégiennes préparant un examen ; les autres sœurs de la communauté, à travers leurs chants ou lorsqu’on assiste à une récréation dans la neige où elle s’amuse comme toutes les jeunes filles de son âge ; la mère supérieure qui finit par la rassurer sur le fait qu’elle gardera son prénom.

On vit la cérémonie de l’extérieur, en spectateur passif. On n’imagine ni ses certitudes de foi, ni ses peurs, ni ses doutes si elle en a. Chaque geste est un geste quotidien. Mais le déroulement de ces gestes sur une heure et demie de film leur donne un poids, une signification qui dépasse toute explication. Elle se donne, sans question ni réponse, dans la banalité d’une éternité qu’elle vit déjà.

Est-ce un beau film ? On ne sait. On s’ennuie parfois, mais on reste en attente de quelque chose qui ne vient pas. Lorsqu’on sort de la salle, on a le sentiment d’avoir assisté à quelque chose d’insolite, de décalé par rapport à ce qu’on appelle un film. C’est ce qui en fait sa beauté.

 

02/10/2012

Terre

La terre entassée, lourde, dure, et pourtant belle
D’un pouvoir d’arrachement de soi égale
A sa collante attraction de pesanteur
Oui, mes membres ne sont plus à moi, mais à elle

Elle peut être pomme, velouté et rondeur
Que l’on tient dans sa main, charnue
Avant de la cuire à sa convenance
Et de s’emplir de son goût si varié

D’autres sont terre à terre, face contre face
S’observant en combat, les yeux exorbités
Et bouillonnants d’impatience d’en venir aux mains
Les pieds encrés dans la chair de la glèbe

Parfois elle se sent battue, piétinée par l’humain
Et, humblement, silencieusement,
Elle se couche à ses pieds, en attente
Comme une femme enceinte, à son terme

Cuite, elle devient bronzée, comme l’olive
D’un soleil chaleureux et odorant
Admire la pâte devenue autre
Objet de convoitise et rêve de beauté

Quand le cavalier met pied à terre
Il descend de son nuage, blanc d’écume
Et semble un fantôme évadée
Des rêves d’enfants devenus grands

Elle fut promise à beaucoup, mais peu
Poursuivirent jusqu’au bout
Aussi semble-t-elle un mirage, incandescent
A  qui la regarde de loin, en rêve inconnaissable

De Sienne, elle se colore d’ocre, de brun et de rouge
Son bonnet s’enflamme parfois, la faisant brûlée
Mais naturelle elle est femme dans son huile
Et revêt son chaste abandon au désir

Jean s’est trouvé sans terre, orphelin
Des îles de propriété, rien, sans pain
Ni même un souffle de désir
Esclave du temps et de l’espace

Adélie, elle s’appelle vierge et animale
Pourtant les glaces survivent, raidies
Transparentes d’un long séjour
Au royaume de la mort coupante

Malgré tous ces défauts les vers
Se régalent de leur pâtée quotidienne
Creusant inconsciemment dans la nuit
Des routes tracées et significatives
De la vivante résurgence de tant de naissances