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12/03/2020

L'étrange bataille de San Pedro de Atacama (4)

La garnison de San Pedro se composait d’une centaine d’hommes commandés par le lieutenant major Don Domingo Carrienga, d’une trentaine d’années, pourvu de moustaches imposantes et adjoint de la compagnie. trois autres lieutenants le secondaient ainsi qu’un adjudant major qui commandait la section des prisonniers. Les sections d’engagés réguliers étaient composées d’hommes de la province, braves fermiers ou commerçants peu doués pour les affaires et qui avaient préféré recevoir la paye de l’État en échange de quelques contraintes telles que la difficulté de se bâtir un avenir. Mais que leur importait, leur présent était soigné, bien payé et, somme toute, amusant en raison de la diversité des missions. La section des prisonniers avait les taches les plus dures et se reconstituait au fur et à mesure des batailles. Le commandement, après la baille, laissait aux survivants adverses un seul choix : la vie du côté bolivien ou la mort. Certains, pensant à l’honneur de leur famille, se laissaient fusiller devant une ferme, un mur ou même un arbre. La plupart acceptait le marché et rejoignaient la section de l’adjudant major. La discipline y était sévère. Il n’était pas rare d’entendre le soir, à la nuit tombée, une salve de fusils qui signifiait la mort d’un des renégats. C’étaient des hommes courageux, qui luttaient pour la vie dans un univers de mort. Ils ne savaient pas de quoi le lendemain serait fait. Alors ils survivaient en combattant de toute leur force, préférant mourir au combat plutôt que sous les coups de feu de leurs camarades boliviens. Car l’adjudant major choisissait toujours les amis du traître pour constituer le peloton d’exécution lorsque l’un d’eux avait failli.

Les sous-officiers et soldats ne pouvaient faire venir leur famille, s’ils en avaient une, car c’eut été trop de bouches à nourrir. Par contre, les officiers avaient l’obligation d’avoir femme et enfants dans la garnison. Le gouvernement imposait cette pratique, estimant qu’un officier lutterait au-delà de ses simples forces si le village était attaqué pour la simple raison que sa famille serait passée au fil de l’épée si la bataille finissait mal.

11/03/2020

Trou blanc

 

Le trou noir n’est noir que parce qu’il est invisible
On peut penser que le trou blanc est observable
Pour l’instant, personne n’en a vu, même pas un

Le trou noir est un avaleur de matière usée
Une sorte de poubelle pour étoiles fatiguées
Le trou blanc expulse de la matière renouvelée
Après un passage dans un trou de ver
Une sorte de tambour de machine à laver

Mais alors puisqu’il y a de la matière noire
Peut-on imaginer de la matière blanche
Pourquoi pas, mais elle aveugle tellement
Qu’elle est impossible à voir à l’œil nu
Doit-on la munir d’un cache sexe pour l’apercevoir
Mais la matière aurait-elle besoin de sexe
L’antimatière serait-elle de la matière inversée
Mâle ou femelle ou encore femelle ou mâle
Ce trou est-il une matrice, un utérus géant
Permettant la renaissance du noir en blanc
S’emparant d’une matière à bout de souffle
Et la régénérant en la dotant d’un nouveau souffle vital

Ainsi l’univers serait éternel, se ressuscitant sans cesse
En transformation permanente, toujours neuf
Un soleil impérissable dont le prestidigitateur
Serait un Dieu au souffle éternel
Créant le mouvement qui lui-même crée
L’espace, le temps et la matière

Alors laissons-nous entraîner par son haleine
Et, léger comme l’antimatière, volons dans les cieux
Sans nous laissez prendre dans le filet des astres !

©  Loup Francart

 

10/03/2020

Victor Borge

De l’humour de la part d’un grand musicien :

https://www.youtube.com/watch?v=ORRFl6f5n04


 

Victor Borge a déridé des salles de concert : il tombait de son tabouret de piano, jouait sens dessus dessous ou à mains croisées, ponctuait ses monologues avec des bruits bizarres, déchirait ses partitions, les recollait, et agrémentait ses concerts de maintes pitreries.

Il a connu une carrière très active, même passé 80 ans, avec des tournées de spectacles et des enregistrements vidéo, dont The Best of Victor Borge, vendu à trois millions d'exemplaires et souvent diffusé sur les ondes de la télévision publique américaine.

Peu avant sa mort il a dirigé, à Cleveland, La Flûte enchantée, de Mozart, et préparait à version concert de l'opéra Carmen, de Bizet.

 From:https://www.musicologie.org/Biographies/borge_victor.html

09/03/2020

Joie de la musique

Quand on écoute de la musique, il est important de ne pas se laisser aller à la mélodie, surtout si le morceau est déjà connu, car on n’y prend que le plaisir de l’habitude et la musique devient un procédé d’excitation des réminiscences du passé.

Il est préférable de faire le vide en soi de toute connaissance de ce morceau de façon à le percevoir dans sa verticalité et non dans son horizontalité temporelle. Alors chaque instant nous pénètre dans sa nouveauté spaciale (percevoir l’espace musical).

La joie de la musique est une joie toujours renouvelée.

 

08/03/2020

L'étrange bataille de San Pedro de Atacama (3)

            Et c’est ainsi que deux jours plus tard, la famille partit pour Calama en train. Presque deux jours de voyage pour franchir la Cordillère. Le capitaine fut bien accueilli par son chef qui le prit à part pendant trois heures, lui expliquant la situation, les forces chiliennes et les risques que sa compagnie courrait du fait de leur proximité. Il détailla la défense qu’il avait organisée, très mobile, par patrouilles montées et quelques postes fixes, dont celui de San Pedro. Il lui affirma que si ce bourg tombait aux mains des Chiliens, ceux-ci seraient très vite à Calama.

Après une nuit de repos à l’hôtel, ils partirent le lendemain vers San Pedro : un homme, quatre femmes, trois chevaux, une carriole et un sabre, avec une dizaine de soldats chargés de les escorter jusqu’à ce qu’ils soient en vue de San Pedro.

Plongé dans ses pensées, le capitaine n’avait pas vu qu’ils arrivaient presque devant la porte de la ville.

 

Juanito Abrosa, un des soldats de la compagnie qui défendait San Pedro, était ce jour-là en poste sur la tour de guet. Le soleil battait son plein de chaleur, il était trois heures de l’après-midi et il était en faction depuis midi, ayant pris son déjeuner plus tôt que le reste de la garnison. Il se sentait somnolent et s’efforçait de ne pas laisser ses yeux se fermer. Il regardait ses camarades  également en faction sur les remparts, si l’on peut appeler ainsi les pieux dressés derrière un fossé creusé à la hâte et consolidés par un chemin de ronde rudimentaire. Comme lui, ils semblaient écrasés par la chaleur, cherchant, pour les mieux lotis, l’ombre que la descente du soleil sur l’horizon créait derrière les pieux de deux mètres cinquante de haut. Il ne se passait habituellement rien au cours de ces gardes. Trop éloignés les uns des autres pour parler et plaisanter, les soldats attendaient avec patience la fin de leur garde. Juanito pensait à sa famille qu’il avait laissée au bord du lac Poopo dans une fraicheur bienfaisante. Il avait été convoqué peu de temps après la déclaration de guerre avec le Chili, le 1er mars 1879. A peine formé, il avait été envoyé à San Pedro, un bourg situé en première ligne, ce qui n’était pas sans lui déplaire. Mais au bout de quelques mois, le découragement s’était emparé de lui. Garder le désert n’est pas une sinécure. Ce même terrain, plus ou moins plat, décharné, tirant de l’ocre jaune à la couleur des tuiles de son village, lui donnait le cafard. Il s’était bien fait quelques amis dans cette compagnie somme toute sympathique. Les gens du village acceptaient sans rechigner les consignes et corvées que l’adjudant de compagnie leur imposait. Le capitaine était un homme sympathique, même s’il faisait preuve de rigueur. Mais il s’était perdu avec sa patrouille une nuit de tempête et n’avait été retrouvé que huit jours plus tard. Ne pouvant s’abriter de la poussière soulevée par les vents violents, lui et ses quelques hommes étaient morts de soif, les poumons encrassés de boue. La garnison attendait donc un autre capitaine et était commandée provisoirement par le lieutenant major, adjoint de la compagnie. Elle ne savait quand le nouveau commandant de compagnie arriverait, assez vite probablement, étant donné les circonstances.

07/03/2020

Autre vision

Le ver de terre voit

La forêt de séquoias

Que voit-on d'en haut ?

 

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06/03/2020

Vérité poétique

L’enfant est naturellement un poète . Il faut lui parler en images compréhensibles et avec des mots qui le touchent.

Rien n’est plus difficile, car c’est au fond le langage de la vérité pure et non celui de la raison logique ou sociale. C’est dans la simplicité et dans la pureté que se trouve la vérité, mais comme elle est difficile à saisir pour notre raison d’homme.

 

04/03/2020

Tableau d'Auguste Haessler

oeuvre d'Auguste Haessler.jpg

L’inconnue dérive et marche sur les flots, écarquillant les yeux.
Le marécage s’enhardit, il boutonne ses maigres fleurs.
Le scorbut déverse sa rancœur, la fièvre saigne les pentes escarpées.
Le volcan lave ses blessures, criant de froid en enflammant le reflux.

Elle s’avance cachée, les yeux baissés, sereine,
à mi-chemin entre l’imaginaire et une réalité éphémère,
enfouie dans l’onde calme d’un jour d’été,
évanescente devant les forces de la nature.

©  Loup Francart

 

L'étrange bataille de San Pedro de Atacama (2)

Les femmes se changèrent sous la toile du chariot. Le capitaine revêtit son grand uniforme derrière un arbuste. Il accrocha son sabre au ceinturon en pensant à Sucre, la ville où il était instructeur il y avait encore quelques jours. Là-bas, le sabre était un ornement plus qu’un outil. Dorénavant, ce serait un bien précieux servant à défendre sa ville et sa famille. Encore une fois, il s’inquiéta pour sa femme et ses filles. Le gouvernement contraignait les officiers à emmener leur famille dans leur garnison, même sur la frontière. Que diront-elles lorsqu’elles verront ce petit bourg, presqu’un village, avec une place sans charme et ses maisons sans étage ?

Lorsque la famille fut prête, le capitaine reprit la tête, suivi du chariot portant tous ses biens, femmes et bagages. Il se rappelait sa convocation devant le Colonel : « Capitaine Barruez, vous êtes nommé à San Pedro de Atacama, sur la frontière chilienne. Vous partirez demain, car ils n’ont plus de capitaine. C’est un grand honneur qui vous est fait. Je suis convaincu que tout se passera bien et que vous défendrez notre frontière avec détermination. Alors, bonne chance. Allez prévenir votre famille et faire vos bagages. Il vous reste peu de temps et le voyage est long d’ici à Calama où vous vous présenterez à votre nouveau chef, le Lieutenant-Colonel Daruega. Au revoir, Capitaine. » Même pas un remerciement pour les deux années passées sous ses ordres. Le Colonel n’était pas un mauvais chef, mais il ne faisait guère preuve de sentiment. Il lui avait cependant donné une carte du désert d’Atacama et un plan de la petite bourgade. Le capitaine s’était familiarisé avec la topographie, très simple dans un pays relativement plat bien qu’entouré de massifs volcaniques,  mais n’avait pu avoir une idée claire de la réalité de la vie dans ce pays désertique. Il avait prévenu Emma, sa femme, avant que les enfants ne rentrent du collège. Elle avait versé quelques larmes, sachant les amies qu’elle perdait et connaissant les dangers à la frontière chilienne. Elle s’était vite reprise et avait su communiquer la joie feinte d’une nouvelle affectation à ses filles surprises et dépitées.

– Mais Maman, qu’allons-nous faire dans cette bourgade perdue dans le désert ?

– Eh bien, vous ferez connaissance. Il y a surement des gens très agréables et des jeunes de votre âge dans cette ville.

– Et si la ville tombe aux mains des Chiliens ?

– Cela ne risque pas d’arriver. Vous connaissez votre père. Non, aucun problème.

03/03/2020

Mal faire

Mieux vaut mal faire par incompréhension que par incapacité.

Dans le premier cas, cela peut venir d'un manque d'intelligence, mais également  d'un manque de clarté du but proposé . Dans le second, il s'agit le plus souvent d'un excès de paresse.

Efforce-toi de comprendre et tu pourras tout faire !

 

02/03/2020

Impudence

Ma joie est dans l’ignorance
Mon bonheur s’épanche dans l’inexpérience
Je cherche ce que j’ignore, sans méfiance,
Puis, je découvre l’inexistence…

Je fouille donc les abîmes de l’incompétence
Et reviens orné des palmes d’une nouvelle naissance
Fort d’un plein auparavant sans nuance
Revêtu d’indécence et de munificence

Quelle jouissance, douce et bienfaisante
Que cette crème onctueuse et séduisante
Qui éblouit le monde et sa croissance
Et le rend vulnérable à la puissance

Je caresse alors le squelette de la déliquescence
Et l’emmène aux sommets de l’inconnaissance,
Ce lieu dont peu connaissent l’existence
Et qui conduit à l’évanescence…

Depuis, j’erre dans la redondance
Je contemple enfin la transcendance
Dans laquelle l’ascendance
Devient connaissance et surabondance…

©  Loup Francart

Ignorance

Au retour de la rue encombrée
Des paroles mièvres des passants,
Il s’arrêta au tournant de l’escalier,
S’assis sur une étroite marche
Et contempla le colimaçon de ses aspirations.
Il creusa loin et en profondeur
Pour prendre conscience de la futilité
D’un coup d’œil sérieux sur sa vie.
Il ne tenait rien dans ses doigts,
Sinon un mince morceau de chair
Qui se débattait mollement
Dans la poussière cosmique
Ou se noyait éperdument
Au bord du rivage escarpé.
Où est passé l’animal agile
Qui courrait, endiablé, au gré des saisons,
Sautant d’une pierre à l’autre,
Fouillant toujours plus la surface
De l’étendue brillante et nue
Qui s’ouvrait devant lui.
Il en conçut une certaine gêne,
Comme une larme de crocodile,
Verte et grosse comme le poing,
Un avocat encombrant et tenace
Qui conduit à l’écrasement.
Où donc vais-je courir
Devant cette patinoire luisante
Qui glisse sur la peau
Et donne le vertige de l’absence ?
Il avança d’un pas précautionneux
Tâta le plan froid et morne
Se dit qu’il conduisait à la vie
Et pourtant il n’osait y croire.
Un pied, puis l’autre, à plat,
Les deux jambes bien tendues,
La main sur la rambarde,
Le cœur battant la chamade,
Il risqua un pas, précautionneusement,
Puis poussa sur l’autre pied.
Ce fut un trou d’air qui le prit dans ses bras
Une valse lente et aventureuse
Dans les bras d’une femme inconnue
Belle comme la musaraigne
Qui passe entre les meubles
Et court se réfugier auprès de l’ombre,
Effarouchée de se trouver là,
Bercée par le bonheur
D’un jour nouveau et inattendu.

Depuis, il fuit éperdument
La terre ferme et rugueuse
Et se contemple, étincelant,
Dans le miroir de sa félicité.
Elle se tient là, auprès de lui,
Amoureuse de l’homme
Qui lui sauva la vie,
Sans connaître son existence antérieure.
Elle est bien, et lui de même.
Ils ont atteint leur raison d’être :
Mourir pour vivre un avenir inconnu !

©  Loup Francart

01/03/2020

L'étrange bataille de San Pedro de Atacama (1)

Commence une nouvelle histoire qui se déroule en Bolivie, dans le désert d'atacama, à la fin du XIX° siècle :

 

– Nous arrivons en vue de San Pedro. Il faut nous préparer, dit le capitaine Alexandro Barruez en arrêtant son cheval. Le chariot conduit par sa femme s’immobilisa à côté de lui. Il faisait chaud et l’écume encombrait l’encolure des chevaux, libérant un peu de vapeur au-dessus de l’attelage. Ils étaient partis il y a plusieurs jours de Calama, couchant dans de petites auberges disposées sur la route. Ce matin, pour la dernière étape, ils s’étaient engagés sur la piste menant vers le sud ; le ciel était clair, dégagé, aveuglant. Devant eux s’étendait à perte de vue un sol presque plat, caillouteux. Quelques vagues arbustes y poussaient. Au loin, ils aperçurent un petit bourg, presqu’un village, avec ses maisons blanches faites de torchis, entouré de quelques arbres.

– C’est là que nous allons. Oui, un village pour défendre la frontière de la  Bolivie !

Trois têtes de jeunes filles sortirent de la bâche du chariot. Elles ouvraient grand leurs yeux. C’est là qu’elles allaient vivre, et peut-être mourir si leur père se laissait submerger par le nombre. Elles auraient bien voulu poursuivre leurs études dans la capitale bolivienne, mais la guerre les avaient jetées vers une autre destinée.

– Habillons-nous et faisons bonne figure.

– Papa, dit l’une d’entre elles, avons-nous réellement besoin de nous déguiser pour faire croire que nous sommes frais et inconscients de ce qui nous attend ?

– Oui, nous devons faire comme si rien ne nous effraie, ni la guerre, ni le désert et encore moins la province. Ce n’est pas de l’inconscience. C’est simplement montrer à tous que nous n’avons rien à craindre. C’est cette constance face à l’inconnu qui force le respect des autres. Et nous en avons besoin pour faire face à un ennemi plus nombreux et plus fort.

Les femmes se changèrent sous la toile du chariot. Le capitaine revêtit son grand uniforme derrière un arbuste. Il accrocha son sabre au ceinturon en pensant à Sucre, la ville où il était instructeur il y avait encore quelques jours. Là-bas, le sabre était un ornement plus qu’un outil. Dorénavant, ce serait un bien précieux servant à défendre sa ville et sa famille. Encore une fois, il s’inquiéta pour sa femme et ses filles. Le gouvernement contraignait les officiers à emmener leur famille dans leur garnison, même sur la frontière. Que diront-elles lorsqu’elles verront ce petit bourg, presqu’un village, avec une place sans charme et ses maisons sans étage ?

29/02/2020

Intelligence

 

Il y a une intelligence de l’action et une intelligence de la contemplation.

L’une est intuitive et l’autre réfléchie.

 

Passionément, de ghérasim Luca

https://www.youtube.com/watch?v=16ltchO5Vpw&t=89s


voir ; https://fr.wikipedia.org/wiki/Gh%C3%A9rasim_Luca 

" Dans une sorte de transe verbale, qui tient autant du rituel que de l'exercice spirituel, « à gorge dénouée »8, Ghérasim Luca lit lui-même ses poèmes, lesquels proposent une écriture d'une très grande complexité dont la volubilité et la retenue font les deux modalités contradictoires mais toujours associées. Tantôt participant à des cycles ou à des projets de livre, chaque poème est minutieusement organisé jusqu'à sa typographie en utilisant le jeu des pages, tenant ainsi au plus fort du livre une oralité de l'écriture pleine de rythme : « je m'oralise », écrit-il. Son travail manifeste, depuis le début, une véritable obsession de la mort sous toutes ses formes tout en recherchant le plus vivant du langage jusque dans l'écriture de mots-valises et de formes syntaxiques défaisant tout académisme langagier pour inventer une véritable « cabale phonétique », une langue riche de nouvelles relations. Exemple le plus célèbre de ce « tangage de la langue »9, le poème Passionnément (1947)10 constitue à lui seul une prouesse remarquable, formidable cri de vie et d'amour, puisqu'il (ré)invente l'amour en tenant politique, éthique et poétique d'un même souffle loin de toutes les dichotomies habituelles (lyrisme/objectivisme ou intime/public, etc.). Évoquant son « parler apatride », André Velter écrit qu’il outrepasse les codes de sa langue d’adoption, « homme de nulle part enfin, il parle ici une langue tout à fait sienne qui excède autant le bon goût des linguistes et des grammairiens que le bon style des littérateurs, la bonne pensée des idéologues ou les bonnes mœurs des tenants de l’ordre grégaire. »11 "

André Velter, « Parler apatride », Préface à G. Luca, Héros-Limite, Gallimard, coll. « Poésie », Paris, 2002, p. VII. From : https://fr.wikipedia.org/wiki/Gh%C3%A9rasim_Luca

28/02/2020

Jugement

Ne me demandez pas de régler  vos affaires.

 

S’abstenir de tout jugement, car l’amour est au-delà du jugement.

De fait, juger un homme ne peut le changer. C’est en prenant conscience qu’il est aimé malgré ses défauts qu’il changera de lui-même.

27/02/2020

tangage

La langue tangue derrière les calanques
Sous quelle gangue caches-tu ta banque
Quelle novlangue interdit aux saltimbanques
De piller la planque avec des tanks

Les doigts pleins d’encre de chine
Elle porcine à Messine devant la piscine
Fascinée, la médecine ne voit pas Alphonsine
Jouer les bécassines devant l’officine

Il assassina sa cousine en spadassin
Inoculant le vaccin, les mains sur ses seins
A dessein, s’assit sur le coussin
Et, succinctement, fit sonner le tocsin

Enfin, n’en tenant plus, il monta sur le talus
Et ne dut son demi-salut qu’au merlu
Qui coula le chalut au port salut...
Ah, quelle plus-value pour les farfelus !

©  Loup Francart

26/02/2020

Liberté

Nous ignorons la véritable liberté. Comment donc donner une définition totale du concept de liberté. Pour chacun, selon ses diverses attirances, la liberté a des apparences multiples ; liberté politique et sociale, liberté économique, liberté d’action, liberté de pensée…

Il est évident que ce ne sont  que des aspects de la liberté, mais on ne la connaît que par ses aspects, selon l’angle de vision. Jusqu’à présent, l’esprit humain ne fut pas capable d’envisager dans son entier le concept de liberté parce que la liberté est un symbole de l’aspiration humaine à une vie supérieure.

En raison de ces aspects différents non conçus dans leur ensemble, la liberté humaine manque de pureté. Mais peut-on espérer accéder un jour à la liberté totale et véridique ?

25/02/2020

vieillir

Vieillir, c’est accepter un rétrécissement de son horizon
Ne plus pouvoir voir au-delà du premier obstacle
S’inquiéter d’un avenir que l’on ne voit plus

« Dieu, où se trouve ma canne ? Je suis perdu ! »
On se lamente sur les conséquences d’une défaillance
Plutôt que d’en rechercher les bienfaits procurés
Et l’on finit par accepter cette insuffisance
Comme étant la chose la plus naturelle du monde
Sans s’ouvrir à l’infinité de l’horizon intérieur

Bien vieillir c’est transformer ce rétrécissement
En changement de vision de l’existence
Peu cultive cette exploration possible
D’un intérieur aussi vaste que l’extérieur

Alors ne vous lamenter plus
Partez en exploration
Et bon voyage !

©  Loup Francart

24/02/2020

donner... Recevoir...

Non pas "donnez et vous recevrez", mais plutôt :

"Donnez tout et soyez prêt à recevoir".

alors viendra l'amour et la compréhension.

 

 

23/02/2020

Elyne et Elastre

Elyne ne connait pas ce lieu. Non seulement elle n’y est jamais venue, mais elle n’a aucune image qu’elle aurait pu reconnaître. Tout lui semble faux. Non seulement ce qui est considéré comme fixe, c’est-à-dire les objets et le paysage, mais également les êtres vivants, animaux et humains. Une femme passe près d’elle, la regarde sans avoir l’air de la voir, puis continue son chemin comme si de rien n’était. Même le chant des oiseaux lui paraît curieux, une sorte d’étranglement du son comme si l’air n’arrivait à transmettre de manière fluide quoi que ce soit. D’ailleurs elle n’entend pas le son des pas de la femme. Tout se déroule comme sur un nuage épais qui étouffe les sons et voile la vision. Pourtant, ce sont bien, en même temps, le paysage quotidien, les objets qu’elle utilise journellement, les habitants de son village qu’elle connaît de vue et auxquels il lui est arrivé de parler. Elle se demande si elle ne louche pas. Cela arrive parfois le matin, lorsque vous vous réveillez encore dans le souvenir de votre rêve et que vos deux yeux contemplent deux objets brisés par un non-ajustement de la vue sur un point unique. Elle se demande comment elle s’est réveillée. Puis n’y pense plus. Ah, là aussi, quelque chose ne semble pas aller. Sa mémoire lui joue des tours, ou plutôt sa perception du temps. Quelle heure peut-il être ? Quand me suis-je levée ?

Elastre fait quelques pas. Elle regarde le ciel, seul lieu inconnu parce que si loin qu’il est au-delà de toute perception. Elle baisse les yeux et regarde son paysage quotidien : une bande de terre aride, parsemée de cailloux et d’herbes folles, puis, plus loin,  un creux dans l’écorce terrestre qui s’ouvre et s’enfonce dans le sol, tandis que plus loin encore se dressent des monts rocailleux. Elle marche, respirant l’air frais, foulant du pied une terre desséchée, secouant la poussière accumulée sur ses vêtements. Elle connait bien ce paysage qui l’accable à chaque réveil. Qui la sortira de ce trou ? Qui lui fera franchir ces montagnes sordides ? Son cœur se soulève d’espoir et, bien vite, retombe dans une langueur irrésistible. Qui l’en sortira ?

Et les deux ne font qu’un : Elyne et Elastre sont la même chair. Mais ont-elles la même âme ?

22/02/2020

Obstacle

Il n’y a pas de joie dans la platitude, dans l’horizontalité de la vie. Ne pas chercher à aplanir, car on n’aplanit que dans le renoncement.

C’est dans l’obstacle que tu créeras ta joie. Si tu peux le surmonter, et beaucoup sont surmontables, escalade-le à la force de tes muscles et de ta volonté. S’il est insurmontable, apprends à le contourner dans la plénitude.

 

21/02/2020

Quand l’ombre des lignes de mes paumes

Quand l’ombre des lignes de mes paumes
S’allonge tendrement à l’insu de tes rides
Sur l’ombre de ta joue au velours bienfaisant
Chacun de mes doigts rêve à ce souvenir

J’ai beau les promener à la même hauteur
Dans le même égarement ou la même folie
Sur le souvenir du baiser vers ma joue
Ils ne retrouvent pas leur ignorance vagabonde

Quand je dessinais au long de ton profil
Un doigt d’inquiétude au regard de bonheur
Je surprenais à l’espace de tes lèvres un sourire
Dont je traçais vers les étoiles la courbe silencieuse

Et le parfum de chacun de tes doigts, un à un,
Dont je tente, dans le creux de ma main, de me souvenir
Je dois longuement chercher pour en trouver la trace subtile
Bientôt, j’aurai perdu jusqu’à l’ombre du goût de tes lèvres

©  Loup Francart

20/02/2020

La vérité

- Qu’est-ce que la vérité ?

- Le contraire du mensonge, dirait un enfant.

Si notre vie n’était pas mensonge, nous connaîtrions la vérité et serions vrais.

Il faut bien prendre conscience que si je mens aux autres, c’est parce que, plus intimement, je me mens à moi-même.

 

19/02/2020

Locédia, éphémère (60)

Locédia, pourquoi n'ont-ils pas encore fermé tes yeux, ces yeux inertes que tu tiens ouverts désespérément vers le lit, sous le lit vers lequel sont tendus tes bras, comme un geste rituel esquissé, mais que tu n'aurais pas osé accomplir complètement, comme un sacrilège ébauché.

_ Monsieur le commissaire, je vais vous expliquer…

Je parle à un crâne arrondi, à des cheveux noirs que j'aperçois dans la glace accrochée au-dessus du lavabo dans un coin de la pièce. Un des pitons qui la maintiennent au mur est parti et elle s'affaisse un peu vers le lavabo. Est-ce bien toi qui t'étais amusée à écrire d'une écriture enfantine avec du rouge à lèvres sur le coin opposé de la glace A-M-0-U-R. Chaque lettre détachée, unique, seule, comme une lente décomposition du langage, du mot répété jusqu'à ce qu'il ne semble plus rien signifier, comme un de ces mots qu'on invente le soir avant de se coucher et qui obsède la pensée jusqu'à la venue du sommeil.

Amour, une fleur de papier transperce ton sein et égaie lamentablement ta robe bleue remontée un peu au dessus du genou. J'ai tout à coup envie de les caresser une dernière fois, d'imprégner ma paume de leurs formes, puis de rabattre doucement ta robe. Mais je suis trop fatigué.

_ Monsieur, si vous voulez bien me suivre, vous vous expliquerez au commissariat.

 

 

 FIN

 

18/02/2020

Gris

Le monde est gris
Connais-tu la couleur de l’histoire ?

Selon les cas, il y a des gris lumineux
Des halos de tendresse flottant au vent
Faisant claquer les étendards du bien-être
Et reposer les corps sur des nuages blancs
Mais ils sont si maigres qu’ils s’absentent
Du paysage habituel du climat social

D’autres fois, le gris devient foncé
Son œil courroucé se teinte de verre
Qui reflète l’ambiance des matins verts
Fermez les yeux et buvez un coup
Rien ne se perd et tout se gagne
Dans le brouhaha de l’information

Certains imaginent sans jamais voir
Le produit de leur rêverie nocturne
Il est vrai qu’ils ne savent plus réellement
Ce qu’est la folie des couleurs empêtrées
Dans de petites liaisons dangereuses
Et contraignent à s’assoir par terre

Il arrive même que le gris se noie
Ou lave ses effets dans la cuvette noire
Des interrogations clairsemées sur la toile
Les passoires du correct relâchent leur ignorance
Et bouillent d’impatience au regard
De l’envie des humbles et des sans dents

Quand serons-nous délivrés de ces délires
Qui naviguent à tire d’ailes dans les plumes
Sans jamais tomber dans les trous
D’une absence d’histoires scabreuses
Monte d’un cran au-dessus de ces gris
Qui toujours encombrent ta vision

Cela forme-t-il une histoire vraie
Ou au moins un conte à dormir debout ?
Ne confondons pas les volutes glauques
De racontars à l’imagination sans fin
Avec le doux zéphyr caressant
De la vérité cachée dans les plis de l’histoire

 

17/02/2020

Double, en haïkus

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Elle est fine et belle

retourné, il s'inverse...

concupiscence

 

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Ce sont les mêmes

frère et sœur, ils restent

curieuse symétrie !

 

 

 

 

 

 

NB. Un même dessin, inversé en symétrie.

16/02/2020

Rouge et blanc

 

Au fond de toi, le rouge

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Rien ne te trouble
Il est bien là, le trou de l’épingle
Rond parfait, blanc sur le rouge
Un trou dans le ciel, perçant
Comme le cri de l’alouette

Rien ne bouge en toi
Tu es là, debout sur la tranche
Humant l’air chargé de rêves
Qui siffle au travers de l’ouverture
Mais ne dévoile aucun de ses projets
Immobile, la campagne s’ouvre
En deçà du rouge pourpre
Mais le point blanc échappe
A ton attention exacerbée
Les sons clairs du feuillage
Renforcent ton impression

Rien ne t’étonne, malgré tes craintes
Tu aimes ce moment intense
Où l’éternité s’éprend de toi
Et s’incline à tes pieds
Tu t’oublies et deviens nuage
Les membres enlacés de lauriers
Les oreilles encapuchonnées de vert

Rien… Je ne vois plus rien
Je passe à travers l’anneau
L’air est si pur qu’il n’est plus
Je suis la transparence

Mais, suis-je encore ?

©  Loup Francart

15/02/2020

Locédia, éphémère (59)

J'apercevais aussi, dans la glace piquetée de l'armoire, le lit anodin au pied duquel était étendu le corps de Locédia, un de ces lits recouvert d'un couvre-lit saumon comme on en rencontre dans toutes les chambres de passage. Les murs vides n'étaient rompus dans leur symétrie que par le lavabo en coin, une penderie et une armoire à glace. La veille, le nez enfoui dans le vallonnement créé par les côtes du tissu, j'avais longtemps regardé les fils de laine qui sortaient en chevelure brouillonne de ces vallées allongées côte à côte. L'entremêlement des fils roses et blancs, retenus et soudés par d'autres fils de couleur indéfinissable, avait pris dans le vieillissement de l'usage la couleur du saumon. En atténuant son retour, ou son arrivée, ou ce départ que nous voulions prendre, que nous avions décidé de prendre, j'avais joué à engager entre deux orteils les barreaux du lit, lisses et froids, deux à deux, les abandonnant réchauffés et recommençant un peu plus à droite ou à gauche en prenant toutefois garde de ne pas détourner de mon champ de vision la porte de contreplaqué verni, par laquelle tu devais pénétrer. Le bruit des pas dans le corridor, étouffé par le tapis marron, qui s'écoulait lentement après avoir enflé, jusqu'à ce que je reconnaisse la légère déformation de ton pas et que tu ouvres la porte en disant : « Salut. »

Salut, Locédia, je te salue une dernière fois, car tu es là, étendue, sans pouvoir, cadavre pour ce médecin, objet d'inquiétude pour le commissaire, mystère de la pesanteur et du retour aux choses. Le tapis est légèrement fripé, plissé un peu autour de ta main gauche. Sans doute as-tu cherché à t'y accrocher après ta chute, alors que de l'autre tu tenais la fleur de papier qui te tache la poitrine. Puis ces deux mains se sont rapprochées sans toutefois se joindre et ont abandonné leurs doigts à la pesanteur. A côté de ces mains, pas très loin de tes mains, des souliers noirs avec une boucle d'argent, les talons un peu usés vers l'intérieur comme les souliers des marins. Ils semblent indécis et s'interrogent à petits coups tapés méthodiquement sur le tapis, répondant comme un écho aux diverses questions qui se forment bien au dessus d'eux, dans cette tête ronde couronnée de cheveux frisés.

Comme tout parait calme dans cette pièce. Les volets ont été tirés, pas complètement, mais suffisamment pour que règne une semi obscurité, une pénombre convenable devant la mort.

14/02/2020

Folie ?

 

Fou, l’était-il, cet homme vert de rage ?
Un point rouge au front, il se mit à l’abri
N’avait-il pas osé plonger dans le bleu des eaux
Et déambuler dans le jaune des moissons
Seul le blanc lui sied, mais sur fond noir
Alors il peut partir vers l’absence de couleurs
Là où rien ne se voit, mais où tout se sent
Il se laissa couler dans l’onde incolore
Et s’évanouit à leurs yeux de verre
Sans pouvoir prédire leur avenir incertain

©  Loup Francart