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09/07/2020

Amour de soi

Rares sont ceux qui débordent d’amour
Au point de ne pouvoir vivre sans l’autre
Certes au commencement la passion emporte tout
Y compris les turbulences de la pensée
Mais celle-ci cache d’autres particularités
Venant imperceptiblement d’autres régions du soi
Et qu’une caresse de rappel ravive
Alors, reste tranquille vieil homme
Et ne cours plus de tes yeux hagards
Aux pieds d’hommes ou de femmes
Pour quêter une approbation ou un rejet
Laisse aller ton indifférence et ta pudeur
Et glisser sur tes lèvres la joie d’être
Sans commune mesure avec rien d’autre
Que toi-même, le rêveur et le poète
Qui courent sans cesse vers l’illumination
D’un ciel sans nuages ni même une ombre
Les bras tendus vers un absolu inatteignable
Vers ce désir permanent d’une nouveauté
Que tu ne connais que par intermittence
Et dans lequel tu plonges sans vergogne
Pour chuter jusqu’à l’infini et au-delà
Lieu de vie pure où le passé n’est plus
Où l’avenir n’a jamais existé ni même été imaginé
Où seul le présent devient l’absence
Jusqu’au vide suprême et solennel
D’une vie devenue le tout sans rien d’autre
Qu’une présence plus prenante que la mort

©  Loup Francart

08/07/2020

Vie animale

L’animal sans mental vit la parfaite union avec son essence dès lors que ses sens sont satisfaits.

La difficulté qu’a l’homme de pacifier et de stopper son mental n’existe pas chez l’animal. Dès lors que celui-ci a su pacifier les désirs de son corps ou même de son cœur (instinct maternel ou sexuel), il atteint la béatitude, c’est-à-dire l’union avec l’univers et il s’oublie lui-même. L’un et le tout sont alors confondus. Ce n’est que lorsque l’équilibre est rompu par l’apparition d’une sensation ou d’une émotion que l’animal redevient lui-même et agit en tant qu’individu face au monde. L'existence et l'essence sont souvent confondues et lui donne une communion intime avec le monde.

L’animal qui ne peut revenir dans son centre de communion avec l’univers se laisse peu à peu mourir.

07/07/2020

L'étrange bataille de San Pedro de Atacama (27)

La sentinelle se tenait à côté de l’homme. Elle tenait son fusil des deux mains, serré contre sa poitrine, et surveillait l’ensemble de la zone devant lui, méticuleusement. Le capitaine le héla :

–  Eh, l’ami ! Quelles sont tes consignes ?

Le soldat se retourna, salua le capitaine, gêné. Il répondit :

–  Je suis chargé d’empêcher toute intrusion en demandant un mot de passe lorsque la personne arrive à dix mètres de la porte. Je prononce le début et il doit me donner la fin de la phrase.

–   Et s’il ne vient pas jusqu’à dix mètres, que fais-tu ?

–  Ben, rien. Je n’ai pas de consignes là-dessus.

–  Si tu vois un groupe de cavaliers qui arrive au galop, que fais-tu ?

–  J’attends qu’ils soient à dix mètres et je leur demande le mot de passe.

–  Et s’il te tire dessus avant ?

–  Dans ce cas, je peux riposter et je donne l’alarme au poste de garde.

–  Donc si un groupe de cavaliers vient au galop te braver jusqu’à dix mètres, tu ne fais rien ?

–  Euh, non.

Le capitaine, perplexe, laissa le soldat et poursuivit sa route le long de la ligne de défense. De loin en loin, on distinguait des tourelles de bois qui abritaient une sentinelle. On montait à la tourelle par une échelle en bois et, de là, on distinguait l’au-delà du village, une campagne aride, sans végétation, en dehors de quelques cactus. Ce n’est que plus loin qu’une vallée s’ébauchait dans la terre sèche et s’ouvrait comme un sexe de femme pour laisser croître quelques légumes et arbres à fruits. Des avant-postes protégeaient cet emplacement devenu stratégique pour la vie du village. Sans ces plantations, il faudrait abandonner les habitations et fuir jusqu’au village voisin. En plus des avant-postes, des patrouilles à cheval circulaient sans cesse de part et d’autre de la vallée, jusqu’aux confins de la terre désolée, affleurement de pierres et de racines. Le capitaine regretta de ne pas avoir pris sa monture pour faire un tour dans ces jardins. Il poursuivit sa route en longeant l’enceinte. Après avoir interrogé quelques sentinelles, examiné les alentours, il décida de convoquer ses adjoints le soir même pour reprendre les plans de surveillance et de sauvegarde. Il était temps de remettre de l’ordre dans l’organisation de la protection du village. Ce qu’avait révélé le prisonnier chilien l’avait inquiété. Comment des villageois pouvaient-ils faire commerce avec les ennemis du pays ? Quelle honte. Il faut éclaircir cela et l’empêcher à tout prix.

06/07/2020

la vie : Qu’est-elle et pourquoi ?

Le chat de Schrödinger est-il mort pour rien
Ou a-t-il trouvé une échappatoire à son destin ?

Il y a deux façons d’envisager sa vie :
Qu’est-elle et pourquoi est-elle ?
La suite des questions découle de ces deux premières

L’actif s’interroge sur le quoi :
Que vais-je faire de cette vie offerte ?
Les uns répondent sans difficulté : « Je veux faire… »
D’autres s’interrogent : « Pour quoi faire… »
La première réponse est concrète
« Je veux être… » Une réponse qui évolue sans cesse
Qui change selon le temps et le lieu
Qui évolue selon l’être qui porte l’interrogation
Jusqu’au dernier ajout sans trouver de réponse

Le second, disons le passif ou le méditant
Se questionne sur le pourquoi :
Pourquoi cette vie m’est-elle offerte ?
Les réponses sont plus évasives
Mais tout aussi intéressantes
Et pleines d’interrogations cachées
Sans fin, ni même de commencement
Tout cela a-t-il un sens ?

Souviens-toi de la réponse d’Albert Einstein :
Il n’y a que deux façons de vivre sa vie
L’une en faisant comme si rien n’est un miracle
L’autre comme si tout est un miracle

Mais le miracle est-il une question ou une réponse ?

©  Loup Francart

05/07/2020

Tout ou rien

 

Veiller pour s'éveiller

S'éveiller pour évoluer

Évoluer pour se réaliser

Se réaliser pour être

Être qu'est-ce et pourquoi ?

 

04/07/2020

Trouver la liberté

L’homme est libre lorsqu’il ne cherche pas à se comparer aux autres ou à un autre. Ayant alors découvert son entière liberté, il découvre que chacun est différent et que c’est cette différence qui fait la liberté. Ne se comparant plus à l’autre, le sachant différent, il découvre sa grandeur comme il a découvert la sienne et peut alors se porter vers lui avec le cœur, en tout amour.

03/07/2020

L'étrange bataille de San Pedro de Atacama (26)

–  Eh bien, le seul moyen est d’obtenir du renseignement. Pour cela, vous pouvez tenter de le faire prisonnier, ou encore faire un autre prisonnier qui nous dévoilera son jeu, ou encore interroger un villageois qui pourrait leur vendre des vivres frais. Oui, cela existe. Un certain nombre de vos villageois se livrent à ce trafic quasi quotidiennement. Pour cela ils payent vos sentinelles et elles les laissent passer sans rien dire. Enfin, vous envoyer quelqu’un de confiance et qui connaît l’ennemi pour qu’il se renseigne au plus près de l’homme. S’il pouvait devenir ami avec lui, ce serait le comble. Sachant tout, ou au moins l’essentiel, on pourrait monter une contre-stratégie efficace.

–  Le faire prisonnier serait prendre le risque de faire échouer le seul contact que nous avons avec l’ennemi. Cela me semble irréaliste. Il faudrait sans doute faire plusieurs prisonniers pour savoir ce que veut l’individu, parce que nous ne sommes pas sûrs qu’ils sachent quelque chose. De plus comment faire des prisonniers alors qu’ils ne se montrent pas ? Quant à se fier aux villageois qui n’hésitent pas à tromper leur pays pour se faire quelques billets, cela semble également assez risqué.

–  Le problème, expliqua le capitaine, est que je ne connais personne qui soit suffisamment de confiance pour pouvoir se fier à lui. Quant à vous, je ne vois pas comment je pourrais vous faire confiance alors que vous apparteniez à ce pays il y a encore peu.

–  Peut-être est-ce un risque à courir de votre part ?

–  Surement pas. Je ne veux pas me créer moi-même des problèmes alors que nous en avons déjà suffisamment. Je vous remercie, mais c’est non.

Le soldat salua et sortit sans rien dire, laissant le capitaine songeur. Pour se changer les idées, il décida de faire le tour du village et constater par lui-même si les sentinelles connaissaient les consignes. Il commença par la grande porte, celle où l’individu s’était exhibé plusieurs fois. Depuis que l’individu avait fait son apparition, il y avait toujours quelques villageois auprès de la grande porte, prêts à avertir le reste du village d’un nouvel incident. Aujourd’hui, il remarqua une jeune paysanne, son chapeau sur la tête, ses larges jupes flottant autour d’elle. Elle avait un joli minois dû à sa jeunesse. Elle s’était assise sur un des piliers de la tour surmontant la porte et, les yeux dans le vague, ne semblait rien vouloir de concret. Son plaisir était d’être là, pour raconter par la suite ce qui pourrait se passer. Mais tout ceci n’était qu’hypothèse et la lasserait sans doute. Pour l’instant elle tenait sa place, derechef. Un peu plus loin, le capitaine vit une vieille femme, le regard encore vif. Elle observait les alentours, au-delà de la porte, comme si elle s’attendait à voir surgir l’homme pour s’exclamer et rameuter toutes ses comparses. Rien ne se passait. Enfin, un homme était là. Juché sur une poutre maîtresse de la tour, il regardait au loin, les yeux plissés comme s’il tentait de deviner ce qui pourrait se passer dans les minutes suivantes. Mais rien. Le vide de l’espace entre les cactus qui poussaient à environ trois cent mètres du village, plus exactement des remparts comme le disait avec élégance le capitaine.

02/07/2020

Rues d'été

La fenêtre est ouverte
L’air frais entre en catimini…
Le roulement des pneus
Sur la chaussée bruyante

Deux femmes, jeunes
Consultent leur agenda
Dans le noir de la rue
Elles passent sans le voir
Comme on passe devant un homme
Qui n’est plus de ce monde
Et marche avec certitude
Sans savoir qu’il en a

Les voitures roulent sur le boulevard
Émettant le fond sonore
Tel le bruissement des arbres
Un soir d’été ou de printemps
Elles sont parties dans le noir
Englouties par la tiédeur
Dans le frissonnement du vent
Il est trois heures…

Paris dort…

Les femmes sous la couette
Les hommes rêvant à leurs formes
Les enfants seuls au monde
Et lui, veillant sur la rue
La fenêtre ouverte
Pour le meilleur et pour le pire

©  Loup Francart

01/07/2020

Embaumement

 

20-07-01 Couchantjpg.jpg

Nu, mortellement

auréolé de gloire

il fut embaumé

 

30/06/2020

Poésie et mystique

 

La poésie, comme la mystique,

dévoile l’invisible derrière le visible.

Elle donne vie à l’être intérieur

en osmose avec le monde.

 

28/06/2020

L'étrange bataille de San Pedro de Atacama (25)

Le lendemain, le capitaine fit venir le soldat :

–  Peut-être pourriez-vous m’expliquer ce que veut cet homme ? lui demanda-t-il.

–  Je n’en sais malheureusement pas plus que l’autre jour. Il est bizarre. Il a semblé animé de mauvaises intentions au cours de ses deux premières apparitions, mais depuis il s’est assagi. Je pourrai émettre plusieurs hypothèses. La première est simple. C’est un de ces chiliens forts en gueule qui veut nous défier sans oser le faire ouvertement. Alors il improvise à chaque apparition, tantôt agressif, tantôt enjôleur. Il ne sait pas où il va et cherche à nous déstabiliser pour s’amuser un peu et se faire bien voir de ses chefs. Mais, en réfléchissant cela me paraît un peu simple, ou même simpliste, comme explication. Une deuxième hypothèse serait que, se lançant dans un défi, il n’ait remarqué vos filles et soit amoureux de l’une d’elle. Chacune d’entre elles peut être l’objet de ses désirs, mais laquelle ? Enfin, une troisième hypothèse serait un stratagème pour s’emparer du village sans avoir à combattre. Il séduit quelqu’un dans la population, y compris une de vos filles, et va utiliser cet attachement pour s’insinuer dans le village sans que vous le sachiez. Il profitera de la première occasion pour introduire des hommes, s’emparer de la porte et la livrer à son armée sans qu’elle ait besoin d’engager le combat. Pour l’instant, il est impossible de dire laquelle de ces hypothèses est la plus proche de la vérité. Ce qui est sûr, inversement, c’est que vos filles, ou au moins l’une d’entre elles, sont concernées par ce plan. Alors que faire ? Sans m’immiscer dans votre domaine, mais je vois que néanmoins vous me faites suffisamment confiance pour m’interroger sur les agissements de mon ancien pays et de mes condisciples, je pense qu’il vous est difficile de réagir immédiatement ne sachant qu’elle est l’hypothèse la plus probable. Cependant, il importe d’éclaircir au plus tôt ce qu’il veut faire.

–  Qu’est-ce que vous proposez ? lui demanda le capitaine de plus en plus enclin à lui faire un tant soit peu confiance.

27/06/2020

Zen

 

17-08-24 Lui.jpg

Au coeur de lui-même

au lieu de sa solitude

l'absence de conflits

26/06/2020

Respiration

Travailler d’abord l’expiration, c’est-à-dire sortir l’agitation de son corps et de son moi.
Puis percevoir le moment entre l’expir et l’inspir, c’est-à-dire le temps mort permettant de saisir la mort de soi et le vide en soi.
Enfin, travailler l’aspiration jusqu’à l’inspiration, c’est-à-dire le moment où une présence s’empare de l’être.

Expiration ; lâcher prise, don de soi, abandon.
Inspiration : ouverture, visitation, plénitude.

25/06/2020

Les forces de la vie

Tu te cherches dans le monde
Tu ne trouves que tes doubles
Tu te cherches hors du monde
Et t’enfermes dans ta bulle
Celle-ci n’est qu’un autre double
Que tu contemples, prisonnier
De toi-même et du monde
Fouille encore en toi, toujours
Et deviens l’oiseau en cage
En mal d’échappée cosmique
Qui laisse son moi au vestiaire
Et enfile le costume blanc
Du rien courant derrière lui-même
Entre en toi-même
Fuis le monde
Évacue passé et futur
Tu es parce que tu n’es plus
Et l’absence de ce moi
Deviens le soi sublime
Une vie… Un point
Qui s’évanouit…
Seul l’amour te rattache
Aux forces de la vie…

©  Loup Francart

24/06/2020

L'étrange bataille de San Pedro de Atacama (24)

Ce n’est que huit jours plus tard que l’homme se manifesta de nouveau. Arrivé à cheval, il mit pied à terre devant la porte principale du village, suffisamment loin pour ne pas risquer un coup de fusil malencontreux. Il s’assit sur un tronc d’arbre mort, attendit un quart d’heure que le haut des remparts se remplisse, puis, il commença à chanter, d’une voix rauque, étouffée, mais portant loin, claire comme un chanteur professionnel. Ce fut une histoire complète qui parlait d’un amour imaginaire entre un homme et une femme dont les pays s’opposaient dans une guerre fratricide. Il conta la beauté de la jeune fille, la force du jeune homme, l’amour qui les enflammait et les aventures extraordinaires qu’ils vécurent. Trop loin pour ceux qui se trouvaient sur le chemin de ronde, on ne voyait pas ses yeux, mais on devinait son ardeur à contempler les personnes présentes, comme s’il cherchait quelqu’un. Libertad était présente et se précipita comme ses compagnes lorsqu’elle sut que l’homme était à nouveau là. Appuyée contre un poteau de bois, elle avait les larmes aux yeux, sans trop analyser pourquoi. C’était plus fort qu’elle. Lorsqu’il eut fini, l’homme fit un large geste d’adieu, s’inclina, puis prit le chemin du retour, loin au-delà des collines. La plupart des gens ne comprenaient pas ce que voulait cet homme, pourquoi il revenait sans cesse et ce qu’il attendait. Ils commençaient à trouver amusant les démonstrations qu’il faisait, sans chercher autre chose. D’abord inquiets, ils se familiarisaient avec ce fantôme étrange qui surgissait de nulle part et s’évanouissait une fois sa prestation terminée.

Quel jeu jouait-il ? Qu’elle était celle qu’il entendait prendre dans son filet ? Une des trois sœurs, à coup sûr, mais laquelle ? Chacune d’entre elles espérait, sans savoir ! Cela n’avait pas échappé à leurs parents et le capitaine commençait à s’inquiéter de cette situation qu’il n’arrivait pas à qualifier. Il en parla le soir, dans leur chambre, avec son épouse.

–  Tu sais, j’avoue ne pas comprendre ce que veut cet homme. Ce que je pressens, sans encore en détenir la preuve, c’est que cela à voir avec nos filles. Que devons-nous faire ? Si nous leur interdisons de sortir lorsqu’il fait son apparition, elles s’interrogeront plus encore sur ses intentions. Je m’inquiète particulièrement pour Libertad. J’ai l’impression qu’elle est plus touchée que les deux autres. As-tu vu aujourd’hui les larmes qu’elle retenait sans pouvoir les cacher ?

–  Oui, moi aussi, je m’inquiète. Comment la famille du capitaine de la place peut-elle se laisser pervertir par un garçon inconnu de manière aussi flagrante ? A ce propos, as-tu interrogé le soldat de la section de prisonniers ?

–  Non, peut-être pourrai-je me servir de lui pour en savoir plus ?

23/06/2020

La faim

Elle ouvrit sa porte, hagarde
Elle cligna des yeux, dolente
Se pinça les mains par mégarde
Et cria dans sa robe moulante :
« Où donc est passé ma fille ? »
Seule une vieille femme répondit :
« Elle est partie au pain, sans béquille,
Se passant de son orthopédie. »
Elle perdit donc la vie
Pour goûter, les lèvres ouvertes
Ce qui est donné à tous
Et que seules les expertes
Prénomment la faim fourretout

©  Loup Francart

22/06/2020

Être

« Je Suis celui qui Est », qui n’a ni passé, ni avenir.

L’être est intemporel, seule l’action a besoin de temps.

Être à l’image de Dieu, c’est penser que je suis

et non à ce que j’ai été ou ce que je veux être.

 

21/06/2020

Au temps du fleuve Amour, d'Andréï Makine

20-06-21vAu temps du fleuve Amour.jpgUn fleuve de poésie qui ne dit pas son nom et qui s’appuie sur trois piliers : la jeunesse de trois adolescents débutants ; Belmondo, sans que l’on sache s’il s’agir de l’acteur ; les femmes, dont la prostituée, que les personnages rêvent éveillés. Entre ces piliers coulent le fleuve, empli de désirs, de désespoir et de nostalgie. La nature brute s’exprime et glisse avec lenteur entre les rives de l’Union soviétique et le rêve occidental, secouée par les assauts des glaces. Un paysage de cauchemar vécu, mais doux à l’oreille et au corps. On entre dans le livre avec douceur, comme dans un poème qui ne dit pas son nom et on avance aux rives de l’Asie sauvage et de l’Occident rêvé.

« Mais l’Occident était là, parmi nous. On sentait sa présence dans l’air du printemps, dans la transparence du vent dont nous percevions parfois le goût piquant, océanique, dans l’expression détendue des visages, (…)

La directrice ! Oui, c’était elle… Nous en oubliâmes la voiture. Car celle qui approchait du capitaine était très belle. On voyait ses jambes découvertes au ras des genoux, longues, sveltes, jouant des reflets transparents Et en plus, elle avait des seins et des hanches ! Les seins redressés légèrement de belles dentelles encadrant le décolleté très pudique de sa robe. Les hanches remplissaient la fine étoffe de leur mouvement rythmique. C’était tout simplement une femme belle et sûre de ses gestes qui marchait en souriant à la rencontre d’un homme qui m’attendait. Ses cheveux relevés laissaient apparaître un joli galbe du cou, à ses oreilles scintillaient des pendeloques garnies de grains d’ambre. Et son visage ressemblait à un bouquet de fleurs des champs, dans sa candeur fraîche et ouverte. » (...)

« Elle était Nivkh, originaire de ces forêts de l’Extrême-Orient où nous avions, un jour, aperçu un tigre flambant dans la neige… Quand elle sentit que je ne la lâcherais plus, ce corps m’enlaça, me moula, s’imprégna de moi  par tous ces vaisseaux frémissants. Elle répandit en moi son odeur, son souffle, son sang… Je ne pouvais plus distinguer  où sa chair devenait l’herbe emplie du vent des steppes, où le goût de ses seins ronds et fermes se mélangeait avec celui des fleurs de pommiers, où finissait le ciel de ses yeux éblouis et commençait la profondeur sombre perlant d’étoiles. »

 

 

20/06/2020

L'étrange bataille de San Pedro de Atacama (23)

La dernière, Libertad, était presqu’une fillette, bien que ses formes se dessinaient, souples, la taille petite, les hanches évasées, un port de tête splendide, de petits seins pointant d’un air mutin sous la robe bleue qu’elle portait aujourd’hui. Elle avait encore un comportement d’enfant, mais se tenait comme une reine. Des trois sœurs, elle paraissait la plus vivante, la plus chatoyante, la plus adorable. Elle avait tendance à ne réfléchir qu’après avoir parlé, et s’amusait de ce défaut qu’elle parvenait toujours à se faire pardonner. Là, devant la garnison et les villageois, elle s’exclama : « Qu’il est beau ! Invincible et fier. Un prince, un vrai ! » Elle le voyait, debout devant tous, dans la lumière du soleil couchant, et pensait à un voyageur du ciel, un adorateur de la nature, un être sans désir vulgaire, qui ne mange pas, ne fume pas, dont le regard est posé sur l’intérieur de lui-même. Sa sœur ainée lui pinça la hanche et lui dit de se taire. Les villageois firent semblant de ne rien avoir entendu, occupés à s’interroger sur cette nouvelle mise en scène de l’homme. Celui-ci, regardant les trois jeunes sœurs, s’inclina devant la famille, comme s’il l’avait entendu. Il sourit mystérieusement et fit demi-tour, reprenant le chemin du petit bois. Arrivé à la lisière, il se retourna, un petit sourire aux lèvres, comme s’il avait gagné son pari et leva la main d’un geste d’au revoir. Libertad rougit, ne dit rien, baissa les yeux et se retourna comme pour s’en aller. Sa sœur lui tint la main, émue de cette réaction de la jeune adolescente, sentant qu’il s’était passé quelque chose. Mais quoi, elle ne savait.

Au cours de la nuit qui suivie, Libertad ne put dormir. Le souvenir de l’homme ensorceleur restait présent et l’empêchait  de reposer calmement. Une sorte de légèreté de l’être la tenait éveillée, malgré elle. Elle se demandait ce que cela signifiait. Etait-ce la soirée particulièrement chaude, la promenade sous les yeux des habitants du village ou encore, qui sait, la présence de l’homme ? Elle se réveilla au petit matin la tête lourde, le cœur léger, comme sur un nuage. Son père était déjà parti inspecter les sentinelles, sa mère avait préparé le petit déjeuner, ses sœurs la regardait, amusées, devinant un secret à ne pas dévoiler. Mais la journée se passa comme d’habitude, classe, déjeuner, à nouveau classe, puis devoirs du soir, dans la chaleur de l’été.

19/06/2020

Enfoui

Pleinement présent dans ta tour
Tu grattes par curiosité, sans délectation
L’autre monde est-il différent ?
Derrière les reflets de tes pensées
S’ouvre le gouffre de tes absences
Un trou noir d’angoisse, empli de peurs
Et pourtant, tu grattes toujours
En fouillant dans ta transparence
Comme si tu allais découvrir
Le Graal de ton évanescence
Où es-tu, toi l’innocent
Pauvre de toi-même
Graine de sable enfoui ?
Laisse-toi couler dans l’ombre
Et demeure dans l’éternité
De ton destin isolé, appauvri
Par ces fantasmes d’indépendance
Bulle d’air s’élevant parmi les autres
Tous enclins à l’avènement
De cet autre toi-même
Que tu ne connais pas
Et qui miroite dans le lointain
Telle l’étoile de ton destin

©  Loup Francart

17/06/2020

Recul

 

Ne t’engouffre pas dans n’importe quelle brèche,

Replace ton projet dans tes buts de vie,

Éventuellement revois ceux-ci.

Toujours fie-toi à ton destin, et non à tes connaissances.

 

16/06/2020

Fleurs dans un pré

 

20-06-16 Vrille.jpg

Nuit : pas de couleurs

Juste un parterre sous les pieds

Émerveillement !

 

15/06/2020

L'étrange bataille de San Pedro de Atacama (22)

Le lendemain, le capitaine et sa famille se promenaient dans le village. Ils se montraient pour rassurer la population. Les filles avaient maintenant connaissance de la situation et s’intéressaient à l’inconnu, se demandant comment il était, ce qu’il disait, ce qu’il aimait faire. Quel mystère ! Mais ces pensées ne transparaissaient pas derrière l’apparente tranquillité des trois sœurs. Elles se tenaient par le bras, réjouies, rieuses, loin de toutes les pensées des grandes personnes, mais déjà intéressées par un monde nouveau dans lequel les jeux étaient révolus. Elles devisaient toutes les trois, marchant à une distance suffisante de leurs parents pour que ceux-ci ne sachent pas de quoi elles parlaient.

–  Il paraît qu’il est blond, qu’il a de grands yeux noirs et qu’il est fort comme un éléphant, dit Libertad qui, étant la plus jeune, commençait à rêver la nuit d’amour chaste et de bague au doigt. Les deux autres, plus avancées, s’amusaient de leur sœur rêveuse et béatifiant. Elles n’exprimaient pas leurs pensées sur les hommes, mais l’on voyait à leur regard l’intérêt qu’elles y portaient, comme toute jeune fille équilibrée et désireuse de connaître la vie. Les parents marchant devant elles, ne se doutaient pas un instant de ces sentiments cachés, voire étouffés.

–  Quelle idée ! L’aurais-tu vu une fois ?

–  Non, tu le sais bien, répondit Libertad à Ernestina.

Elles poursuivirent leur route vers la porte du village et suivirent les parents sur le chemin bordant les remparts, lorsqu’un brouhaha se fit entendre. On entendit des cris venant de la tour de garde surplombant la porte d’entrée ; « Il est revenu, il est revenu ! ». Alexandro redevint instantanément le capitaine et courût vers le mur d’enceinte qu’il escalada avec souplesse. Sa femme et ses filles le suivirent, si bien que l’ensemble de la famille se trouva sur les remparts, avec leurs ombrelles et leurs atours, sous le regard de l’homme qui faisait mine de ne rien voir. Il se tenait debout, les bras ouverts, les paumes tournées vers le ciel, les yeux mi-clos, comme en adoration devant la création, statue de schiste immobile, impénétrable. En réalité, il fixait les trois sœurs et se demandait laquelle était la plus jolie. L’ainée, Abigail, lui semblait la plus femme, déjà sérieuse comme il convient à une jeune fille en âge de se marier, mais, dans le même temps, rieuse, prête à toutes les farces, comme une gamine qui se demande pourquoi elle fait cela. Elle était blonde, les cheveux noués par un ruban en queue de cheval. Une petite fossette se distinguait sur sa joue gauche et lui donnait un air mutin qui lui convenait. Elle avait l’œil vif, espiègle, mais la sûreté de gestes d’un adulte et sa retenue. La seconde, Ernestina, était châtain clair, également les yeux noirs. C’était une très jeune fille, mais l’on devinait déjà ce qu’elle serait dans quelques années, secrète, belle, un rien non conformiste.

14/06/2020

Maxime

 

Transformer l'orgueil en volonté

en faire non pas un frein au développement

mais un moteur permanent qui pousse à sortir de soi-même

 

13/06/2020

Echappé

Comme toujours l’attrait du vide
L’absence est ce trou dans le ciel
De ton fantôme errant en toi
Pfuittt… plus rien, juste un abime…
Alors je cours pour te rattraper
Et je tombe à mon tour, éperdu
Je ressens juste l’odeur du vide
Qui s’ébroue autour de ma personne
Et m’enduit de crème odorante
Comme un reste de parfum vieilli
Je deviens filament, m’allongeant
Jusqu’à la rupture du chewing-gum
Faisant exploser mes pensées
En me baignant de bulles multicolores
J’erre alors dans l’absence de mots
Priant le ciel de me rendre la parole
Je rafistole le personnage échappé
Jusqu’à ce qu’il reprenne l’apparence
D’un humain corps et âme
Mais quelle fatigue, car depuis
Je traine derrière moi
Mon double déformé et songeur
Rien ne va plus !

©  Loup Francart

12/06/2020

Langage

https://www.youtube.com/watch?v=RovrlbSFjEo


buter sur les mots

c'est

lutter contre les maux

pour ne pas flûter sans grumeaux

11/06/2020

L'étrange bataille de San Pedro de Atacama (21)

Le lendemain, il fit faire un exercice spécial à ses hommes : un concours de tir sur une cible qui représentait un homme, mais située loin, à environ trois cent mètres. Il avait fait mettre autour de la cible un panneau de papier qui permettait de voir les écarts entre l’impact et la cible. Peu à peu, les soldats les plus aguerris touchaient la cible au moins une fois sur deux. Il les laissa aux ordres de leur chef de section, continuant à se demander ce qu’il devait faire. La journée se déroula sans incident, une journée calme et normale. Le soir, le capitaine et Emma étaient invités à diner chez le maire. Il mit son uniforme de cérémonie, Emma mit sa robe bleue avec laquelle elle était arrivée au village le premier jour. Le diner fut fort sympathique. Le capitaine raconta une histoire désopilante qui mit tout le monde en verve, leur faisant oublier la situation dans laquelle ils se trouvaient. Il était enjoué, sachant intéresser son auditoire, les tenant en haleine jusqu’au bout du récit. Ils se quittèrent vers minuit et chacun rentra chez soi sans incident.

Ce n’est que trois jours plus tard que l’homme se manifesta à nouveau. Comme par hasard, c’était le soldat de la section de prisonniers qui l’avait vu la première fois qui était présent cette nuit-là.

–  L’homme arriva par la plaine, bien en vue, tranquillement, comme s’il se promenait. N’ayant pas reçu de consigne pour l’abattre, je me contentais de le regarder, prêt à tirer. Il se mit torse nu, lentement, sorti de son sac des pots de couleurs vives et commença à se peindre la poitrine de signes inconnus. Lorsqu’il fut recouvert de peinture, très belles d’ailleurs, il se mit à genoux, les mains jointes, et sembla entrer en prière ou en méditation. Cela dura longtemps. Il se tenait immobile et seuls quelques cheveux de sa tête remuaient dans le vent. Rien ne semblait pouvoir le distraire. Brusquement, il se leva, se rhabilla, mit son chapeau, puis, après l’avoir soulevé en me regardant, il fit demi-tour et partit tranquillement comme il était venu. Je ne suis pas intervenu, ne sachant ce que vous aviez décidé.

Le capitaine était perplexe. Que voulait donc cet homme ? Etait-il un ennemi, un éventuel ami ou encore un indépendant des deux partis qui s’opposaient ? Il n’avait pas de réponse. Il demanda au prisonnier :

–  Vous, que pensez-vous de cette attitude ?

–  A vrai dire, mon Capitaine, je ne sais. Il ne semble pas hostile. Il a néanmoins fait exploser un bâton de dynamite, ce qui révèle une manifestation d’animosité. Aujourd’hui, son attitude était autre. Il se montra pacifique, mystique même, avec un rien de chamanisme en raison des peintures qui, ma foi, pour autant que j’ai pu en juger étaient fort belles et mettaient en valeur son buste. Je comprends vos hésitations quant à l’attitude à adopter. Que faire ?

Le capitaine n’était pas plus avancé. Il voyait néanmoins que les hommes comprenaient cette indécision, n’ayant eux-mêmes aucune idée de ce qu’il convenait de faire. Aussi décida-t-il d’attendre, tout en se préparant au pire. Premièrement, doubler les sentinelles de nuit ; deuxièmement programmer des entraînements au tir de loin, jusqu’à trois, voire quatre cent mètres ; troisièmement, donner des consignes précises à élaborer ; quatrièmement, toutes les nuits faire une ronde et voir chacune des sentinelles. Certes, c’était le travail de ses lieutenants et sous-officiers, mais cela montrera à tous qu’ils doivent être vigilants. Enfin, se renseigner pour savoir si l’homme n’avait pas des complices parmi la section de prisonniers ou dans la population. Que faire si cela était le cas ? Connivence avec l’ennemi ! Cela devrait suffire. C’était la tôle assurée.

10/06/2020

L'inconnu

Où es-tu, toi, l’inconnu ?
Ce pincement au cœur
Est celui de toujours
Aux moments de détresse
Un arrêt du cœur
Un bruissement de la pensée
Le noir de l’absence
Le rouge de l’épouvante
Le jaune de la désolation
Le vert de la quiétude
Le bleu des regrets
Le pourpre de l’affolement
L’incolore du néant
Tout ce que j’ai aimé
Est perdu jusqu'à cette douleur
Qui me berce les entrailles
Et m’empêche de prendre mon élan
En sautant la barrière
Pour plonger dans l’après
Qui n’est probablement qu’un avant
En absence de présent
J’ai percé l’espace
J’achève le temps
L’envol devient mon mode d’existence
Jusqu’au dernier atome

©  Loup Francart

09/06/2020

Abandon de la conscience

On peut réellement, par expérience, distinguer en soi trois états différents : le mental qui tire son fonctionnement du corps, la conscience qui fait partie de l’âme et qui s’efforce d’élever le mental du concret à l’abstrait et enfin l’esprit, au-delà de la conscience et que l’on ne peut connaître que par expérience directe.

C’est par la conscience qui l’homme se tourne vers l’esprit. Mais il ne peut le recevoir que lorsqu’il ne cherche pas avec sa conscience. L’âme est l’instrument qui permet de se tourner vers le monde divin. Mais tant que l’âme veut rester consciente et dire je, elle ne peut trouver l’esprit.

Lorsque la conscience s’abandonne, c’est-à-dire lorsque la perception de soi se résume à un voile transparent entre le naturel et le surnaturel, l’univers se dévoile, la distance et le temps s’abolissent, chaque chose, chaque être peuvent être perçus intérieurement.

08/06/2020

La vie

La vie est un combat,

mais c’est un combat contre soi.

En se combattant soi-même,

la tension avec les autres s’élimine.