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04/06/2020

Pressé

J’ai longtemps été un homme pressé, même lorsque je crois ne pas l’être et prendre mon temps : pressé dans mes sensations, l’une à peine goûtée, je veux passer à l’autre ; pressé dans mes émotions, toujours vouloir ressentir plus et se croire prêt à plus d’émotions ; pressé dans mes pensées, à croire trop vite les plus convaincantes.

Il y a deux manières de ne pas être pressé : ne rien savoir, ne rien ressentir (c’est l’apathie ou l’ignorance), savoir et tout ressentir (c’est la sérénité et la joie).

L’important est de s’assimiler aux rythmes de la nature : elle n’est pas pressée, elle est. Pour percevoir les lois de l’univers en soi vivre à son rythme.

Prendre le temps de croire que je pers mon temps, mais ne pas perdre mon temps à prendre le temps. Aller toujours au bout de la tâche entreprise, mais ne jamais prolonger plus que nécessaire le temps à lui consacrer.

15/01/2017

Bain de soleil

 

17-01-15 Bain de soleil.jpg

 Dans le sable chaud
Elle s’étendit, silencieuse
Ouvrit son esprit et son corps
Et se laissa porter par la fournaise

31/08/2014

Une femme… forte

Il entre dans la voiture avec peu de bagages : un petit sac et une sacoche pour ordinateur. Il regarde le numéro de sa place, dépose ses affaires et... se révèle être une femme. Au premier abord, j’ai cru voir un jeune homme sportif, baraqué. Elle a des bras puissants. Certes ils ne sont pas velus, mais la musculature est proéminente, sans exagération cependant. Ce n’est visible que lorsque certaine d’être à sa place (elle a vérifié sur son billet) elle retire son blouson de cuir brun qui lui moule le buste. Elle révèle un haut du corps charpenté, les épaules droites, rembourrées, pleines de muscles proéminents, bref une lutteuse. Un moment je me demande si il ou elle a des seins. Oui. Ce ne sont pas des seins féminins, montant haut et pointant en avant ; ce sont de petits bouts  de sein, fluets, tendres, mais peu visibles. Des seins de fille encore pubère, plats, plaqués sur un buste de garçon. J’ai pensé à un jeune homme ayant pratiqué la musculation des pectoraux pendant plusieurs années. Elle est moulée dans un tee-shirt  gris ou beige, très masculin, peu attirant, et ses bras aux biceps avantageux nous la montrent en pleine force de l’âge. Cependant aucun champ de poils, ni même quelques brides de points noirs, ne laissent entendre un rasage immodéré des avant-bras. Je n’ai pu descendre plus bas, étant assis en face d’elle. Peut-être se dévoilera-elle demain, mais je ne serai plus là.

Son visage ? Car c’est bien principalement par le visage que l’on distingue une femme d’un homme. Ben… Cette fois-ci, ce n’est pas le cas ! Un jeune homme, musclé des gencives, la mâchoire proéminente, le visage en trapèze, plus étroit en haut qu’en bas, taillé à la hache, avec au sommet du crâne une petite touffe de cheveux, coupés courts, blonds, ne dépassant pas deux ou trois centimètres de longueur. Certes, elle a bien des sortes de petites rouflaquettes qui descendent presque jusqu’aux bas des oreilles, mais combien de garçons en mal de reconnaissance et d’originalité se font une chevelure quasi féminine pour faire contraste avec leur masculinité. Le visage n’est pas fermé. Il est naturel, mais sans sourire. Comment pourrait-elle avec des lèvres fines en forme de traits fermés des deux côtés par des guillemets marqués. Le menton lui-même ne laisse aucun flou. Il est à l’image du reste, fort, comme un morceau de brique sortant du reste de la mâchoire. Entre les deux salières des clavicules, il apparaît le moteur de la volonté. Les yeux enfin, reflet de la personnalité. Petits, marrons, aux cils courts, un peu enfoncés dans leurs orbites, encore jeunes, alertes, mais finalement durs, car peu mobiles, regardant en eux-mêmes, sans compassion pour les autres, ni même intérêt.

Ah ! Elle tourne la tête vers la vitre et regarde défiler les champs dans la campagne. Quelle mâchoire, bien dessinée, bien musclée, avec une boule sous l’oreille comme si elle passait son temps à faire grincer la dentition du dessous avec celle du dessus.  Vu de côté, ses yeux sont gris avec un rien de blondeur. Enfin, sans aucun doute, des gestes et de attitudes masculines, décidées, sans ambiguïté ni partage. Elle est chez elle, à cette place, sans que cela ne puisse se discuter. Elle étale sa jambe droite sur le second siège inoccupé, se laisse aller sur l’accoudoir et le protège-tête et ferme les yeux. Oui, c’est bien une femme. Elle n’a pas la noirceur des joues propre à la gente masculine, mais elle ne sourit jamais. Elle garde les lèvres serrées, minces comme deux feuilles de papier de cigarettes qui attendent qu’on les humecte pour se coller ensemble. L’oreille, celle que je vois, est ferme, grande, bien tourbillonnée. Palpite sous la peau du cou, bien planté, charnu, un mince tremblement qui fait état de sa nervosité qui n’est pas dû à mon regard inquisiteur et étonné. Non, cette femme, en apparence calme, équilibrée, cache quelques inquiétudes. Mais lesquelles ? Rien ne transparait.

Elle a cependant la beauté d’une jeunesse encore vive. Elle doit avoir environ trente-cinq ans. Elle a perdu son innocence de jeune fille, peut-être ne l’a-t-elle même jamais eu. Mais elle conserve un corps d’athlète, développé, fait pour l’affrontement. Tiens ! Je vois ses pieds. Ils sont chaussés de ballerines et ne sont pas trop grands. Serait-elle féminine non pas jusqu’au bout des doigts de pied, mais  dans sa deuxième moitié, celle que je ne peux voir ?

10/04/2014

La marche des hommes

De même que chaque homme est unique, chacun marche à sa manière, quasiment unique. Je ne l’avais jusqu’à présent pas remarqué vraiment.

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Hier matin, rentrant chez moi tranquillement, arrêté à un feu rouge, je regardais passer les badauds. Je vis un homme se déplacer sur le trottoir d’en face et me dis : « Tiens, quelle curieuse manière de marcher ! » Il avançait courbé vers l’avant comme s’il faisait face à un vent de force 5. Il n’avançait pas vite, mais il avait besoin de porte son poids vers l’avant pour pouvoir commencer à faire fonctionner ses jambes. Lorsqu’il s’arrêtait, il reportait son poids à la verticale comme tout un chacun. On savait le moment où il repartait. Il prenait l’attitude du coureur de 100m, avançait sa tête exagérément, laquelle entraînait le haut du corps jusqu’au moment où une jambe avançait automatiquement pour l’empêcher de tomber. Lorsqu’elle était en route, sa démarche était normale, sans à-coups, déroulant sa propagation avec raison. Mais comme était étrange cette attitude de pêcheur de crevettes pendant les grandes marées sous un vent de tempête.

Je reportais alors mes regards sur d’autres hommes cheminant sur le trottoir. Je souris, éberlué. Pas un ne marchait de la même manière. Tiens, regarde ce jeune homme. A chaque pas, il laisse tomber l’épaule opposé de quelques centimètres, puis la relève avant de laisser tomber l’autre en avançant la jambe opposée. C’est presqu’imperceptible, mais une fois qu’on l’a vu on ne peut s’empêcher de penser à un hochet à la surface de l’eau. Quelques mètres plus loin, je ne fus pas surpris de constater que l’inverse se produit également. Au lieu d’abaisser et de monter les épaules au rythme de sa marche, un autre badaud avance exagérément, et à tour de rôle, ses épaules vers l’avant, toujours au rythme de sa marche. Ah, mais bien sûr, c’est différent. Ce n’est plus l’épaule opposée qui fonctionne différemment. Cette fois, c’est l’épaule du côté du pied qui elle-même se porte avec vigueur vers l’avant comme pour aider la machine à fonctionner. Ce n’est cependant pas la démarche du baroudeur qui lui joue du buste et fait peur aux petits enfants. Ce n’est pas non plus la démarche de l’homme efféminé qui raccourcit volontairement ses pas, ce qui entraîne une symétrie obligatoire des épaules et ce mouvement non naturel, pointu et verglacé des clavicules. Non, c’est un tic imperceptible au premier regard, mais que l’on ne peut s’empêcher de contempler dès qu’on l’a remarqué.

Je m’amusais ainsi en cherchant l’erreur. Certes, tous les hommes ne sont pas remarquables dans leur démarche. Une bonne partie d’entre eux ne prête pas à redire. On n’y prend pas garde. Ils glissent le long des murs sans retenir l’attention. Ce ne sont même pas des fantômes. Non, ce sont les hommes normaux. Mais ils sont tellement normaux qu’on ne les remarque pas. Vous me direz qu’il existe d’autre manière de se faire remarquer qu’une démarche insolite. Oui, c’est certain. Mais ce jour-là, à cette heure-ci, c’était cela qui m’intéressait : comment fonctionne la carcasse du bipède qui marche dans la rue ?

Il est assez rare de voir des hommes dont les pieds se portent vers l’intérieur. Le mâle est stable par nature, c’est-à-dire projette ses pieds vers l’avant avec un léger angle du talon aux doigts de pied d’une vingtaine de degrés. Moins généralement, mais fréquemment, il attaque fortement le sol avec sûreté et même détermination. Vous allez voir ce que vous allez voir, affiche-t-il. Homme volontaire, prêt à affronter la vie à pleines dents jusqu’à ce qu’il s’en casse une en montant un trottoir.

Ce modèle perd cependant du terrain. La mode est à la nonchalance. On affiche une attitude j’m’en foutiste en conformité avec l’habillement : cravate dans la poche s’il en a une, chemise qui sort du pantalon dans le dos, voire slip, noir bien sûr, qui couvre encore chaque centimètre de peau (cela sera-t-il ainsi dans quelques années ?), baskets aux lacets dénoués rentrés entre le haut du pied et le tissu (mais est-ce du tissu ?) de la chaussure. La démarche est molle, fatiguée d’une journée qui commence à peine et qui s’annonce, à coup sûr, longue et peu exaltante. Ces jeunes hommes se reposent assez vite assis le long du trottoir, le haut du corps appuyé sur les murs sales, discutant avidement ou plutôt s’envoyant des invectives à voix forte ou encore riant fortement sans raison. Ils se font remarquer et c’est la seule forme de communication qu’ils connaissent, à l’imitation du comportement savant de l’Internaute en mal de reconnaissance.

Je ne ferai pas l’injure aux lecteurs d’une analyse psychologique de ces démarches et de bien d’autres. Cette analyse confine vite à la moquerie alors que ce passage soudain de l’inattention à la surprise d’un regard pointu est du domaine de l’impression. Et celle-ci prête à sourire, par pure poésie. Vous contemplez en rêve les humains en marche, ils glissent sur les trottoirs avec leurs petits tics gentils et vous font monter des bouffées d’amour pour cette humanité si drôle.

Mais… au fait… Je n’ai pas parlé des femmes, ni même regardé comment elles marchent. Ce sera probablement pour une autre fois. Et il y aura aussi beaucoup à dire !