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31/08/2015

La machine à écrire

https://www.youtube.com/watch?v=G4nX0Xrn-wo

Un peu d'humour avec un soliste encombrant !

30/08/2015

Le nombre manquant (récit insolite 11)

          A notre première réunion, je parlai de cette jeune femme. Elle s’appelait Claire Pertuis. Je racontai notre double rencontre, ses explications et la justesse de ses arguments. Ils écoutèrent, hochèrent la tête et me laissèrent carte blanche.

– Mais, testes-la, me dirent-ils.

Je décidai de commencer par le test concernant ses capacités à intégrer notre groupe. J’en parlai à Mathias, qui était, lui, en charge de trouver un réseau capable de prendre en compte nos données. Il me répondit qu’en effet, il n’avait pas avancé dans ce domaine, ne sachant à qui s’adresser.

Le lendemain, je rencontrai Claire. Sans lui parler librement de notre groupe, je lui fis part de nos recherches et de la difficulté que nous avions à créer une base de données multiples.

– Sachez que je n’y connais rien en ordinateurs. Oui, je sais utiliser la bureautique de base, Word, Power Point, voire, dans ses fonctions basiques, Excel. Mais c’est tout. Alors je ne vois pas comment je pourrais vous aider dans ce domaine.

– Nous ne vous demandons pas de créer le système. Simplement, de trouver le moyen de disposer d’une multitude d’ordinateurs en réseau que nous utiliserons pour cacher nos données.

– Je peux essayer, mais sans aucune garantie que je vais trouver. Laissez-moi deux jours, car je n’ai pour l’instant aucune idée.

Deux jours plus tard, Claire me téléphona.

– Je pense avoir trouvé ce que vous cherchez. Puis je vous voir ?

Je m’empressai de lui fixer un rendez-vous. Dès son arrivée, elle me fit part de ce qu’elle pensait être un bon plan.

– D’après ce que j’ai compris de vos explications, il faut pouvoir cacher vos données dans des ordinateurs dont les propriétaires ne savent pas ce qu’ils contiennent, qui constituent néanmoins un réseau accessible, mais privé, qui puisse vous servir d’hébergement anonyme. Je crois que j’ai trouvé.

Elle me raconta sa rencontre avec sa tante parisienne, une brave demoiselle de soixante-sept ans dont la passion était le macramé. Elle faisait partie d’un club de macramé et ses membres échangeaient leurs réalisations sur Internet. Grâce au neveu d’une des affiliées, qui était ingénieur informatique, ce club avait créé  un véritable réseau privé qui leur donnait une assurance de discrétion.

– Pourquoi ne pas utiliser ce réseau totalement anonyme pour planquer vos données de manière aléatoire dans les ordinateurs. Le club a une audience mondiale puisqu’il y a des abonnées de nombreux pays du monde. Votre hacker s’introduit dans le club par mon intermédiaire et vous profitez du réseau, ni vu, ni connu.

Il est vrai, me dis-je, que personne ne songerait à fouiller dans les ordinateurs de personnes âgées qui ne s’intéressent qu’au macramé. Rien que ce nom ferait fuir la plupart des gens.

– Le seul ennui, c’est que vais devoir faire comme si je me passionnais pour le macramé, dit-elle en riant.

Après en avoir parlé aux autres, je lui donnais le feu vert et la mis en contact avec Vincent. Le courant ne passait pas bien entre eux deux. Elle se méfiait de lui. Il s’introduisait dans les machines sans qu’on le sache et elle ne pouvait admettre que cela pouvait être fait pour une bonne cause. Lui, Vincent, avait du mal à admettre une femme dans notre groupe très fermé. Il pensait que toute femme ne peut s’empêcher de divulguer à n’importe qui ce qu’elle sait sans en mesurer les conséquences.

L’affaire fut, malgré tout, rondement menée. En deux semaines, Claire fut intégrée dans le club et put partager ses idées sur les points de macramé avec une multitude de vieilles dames en mal d’embrouille de cordages, tout cela avec la complicité de sa tante qui ne se doutait absolument pas des causes du revirement de sa nièce en ce qui concernait l’art des nœuds. Claire transmit à Vincent son adresse e-mail et celui prépara l’installation de notre base de données dans le réseau. En vieux briscard, il introduisit dans un premier temps de nombreuses données qui n’avaient rien à voir avec celles que nous voulions abriter. Chacun de nous avait pour consigne de modifier ces pages, de les utiliser à qui mieux mieux de façon à voir si le système se comportait sans problème. L’expérience dura un mois pendant lequel les faits et gestes de Claire furent suivis de près par Vincent. Rien ne put lui donner à penser qu’elle jouait un double jeu. Elle se comportait normalement, sans s’intéresser au réseau hormis les nouveaux nœuds qu’elle s’efforçait maladroitement d’inventer pour justifier sa présence au club.

Un mois plus tard, elle fut intégrée dans notre groupe et initiée à nos recherches. Elle ne fut pas étonnée par ce que nous lui avons révélé. Elle s’y attendait et cela correspondait à ce qu’elle souhaitait : percer le mystère du cosmos et de la vie. Quelle aventure !

29/08/2015

Haïku

Le haïku pourrait être un texte développé, mais il ne l'est pas et c'est là toute sa toute force évocatrice. (…) D'une sensation qui peut être une expérience unique et, éventuellement, donner naissance à un texte élaboré recréant un certain univers, le haïkiste, dans son poème à la fois bref et ouvert, ne garde que le flash initial. C'est là son défi, c'est là son art.

 (André Duhaime, from http://clicnet.swarthmore.edu/litterature/moderne/poesie/duhaime.html)

 

Glace de l’été
Dans l’eau, au petit matin, gelé
Vous courrez. Chauffe-moi 

©  Loup Francart

28/08/2015

Le nombre manquant (récit insolite 10)

Mathias fut chargé de la recherche du réseau d’ordinateurs. Vincent mènerait ses investigations sur les pirates. Je poursuivrai seul nos recherches, étant l’ignorant du numérique.

Je passais l’après-midi dans la bibliothèque de Beaubourg. Elle contient de nombreux livres qui concernent à la fois l’ésotérisme, les religions, la cosmologie, l’astronomie et les modèles cosmologiques intégrant le Big Bang, l’expansion de l’univers, les multivers et bien d’autres spécificités du cosmos. Je recherchais un livre traitant de l’énergie noire qui représente à peu près 68% de la densité totale de l’univers, mais dont la nature est inconnue. Je tentais de revenir à ce à quoi le professeur Foiras nous avait initiés. Consultant le fichier des ouvrages, je sentis tout à coup sur mon bras une main ferme, mais patiente. Je levais les yeux et retrouvai la jeune femme que j’avais déjà vue une fois et que je pouvais éventuellement soupçonner d’avoir piraté notre base de données.

– Bonjour, Monsieur, me dit-elle d’une voix claire, vous cherchez quelque chose. Je peux peut-être vous aider.

Ce n’était qu’un constat. Il signifiait sans doute qu’elle s’y connaissait, mais en quoi, puisqu’elle ne savait pas quel était l’objet de nos recherches, en dehors de ce que je lui avais dit.

– Bonjour, Mademoiselle. Je poursuis mes recherches tranquillement et n’ai plus la célérité des jeunes. Je ne pourrai pas vous suivre si vous m’aider, alors à quoi servirait de vous dire ce que je cherche.

– Cela vous permettrait d’aboutir plus vite, donc de creuser plus votre sujet pour vous amener à une réflexion plus approfondie.

Le raisonnement était juste. Elle ne payait pas de mine, mais elle savait ce qu’elle voulait et semblait s’y connaître. Je n’osais cependant lui dévoiler l’objet de nos recherches, tout en me demandant si effectivement elle ne pourrait pas nous être d’une aide précieuse. Je décidais de faire un test. Je lui expliquais ce qui concernait l’énergie sombre (ou noire, c’est la même !) et ma recherche de livres traitant du sujet, dont en particulier l’accélération de l’expansion de l’univers.

– Je connais bien ce sujet. J’ai travaillé dessus au cours de ma thèse, bien que celle-ci ne portait pas strictement sur ce point. On trouve de nombreux livres en anglais, mais bien peu en français.

Ainsi elle était thésarde et semblait savoir de quoi elle parlait. Elle n’avait pourtant pas l’air d’être une matheuse : ni boutons sur le visage, ni vêtements godiches, ni lunettes d’écaille. Elle avait un visage calme, une peau légèrement rose, peu bronzée il est vrai, des pommettes saillantes, mais sans exagération, les yeux clairs, presque bleus clairs à l’exception d’une pointe bleu marine en approchant de la pupille. Comme son visage était penché vers moi, j’eus l’occasion de faire ce constat. Il me sembla de bon augure. Ses lèvres étaient assez minces, mais d’un dessin irrésistible. Sa coiffure auburn lui donnait un air insolite. Elle l’avait coupé court, mais suffisamment nuageuse pour ne pas faire masculin. Enfin, au-delà de ces apparences, elle semblait très à l’aise, presque culottée. De plus, elle avait le sourire aux lèvres, semblait avenante et impressionnait peu ceux qui pouvait parler avec elle. Avouons-le, je fus séduit, ce qui ne signifie pas que je tombais amoureux et qu’il y eut l’impulsion bien connue d’une personne âgée vers les êtres jeunes. Non, je voyais simplement une jeune femme ouverte, attentive et, ma foi, intéressante.

Je me levai et lui proposai d’aller à la cafétéria pour parler de nos préoccupations.

–Tout d’abord toutes mes félicitations pour votre parcours. Vous m’avez l’air bien armé pour la suite. Mais que voulez-vous faire ?

– C’est mon problème. En fait je ne sais pas exactement.

Apparemment, l’astronomie ne l’intéressait pas suffisamment pour qu’elle se consacre entièrement à cette discipline.

– Qu’est-ce qui vous intéresse réellement ?

– En fait, je ne suis pas directement intéressée par les sciences dures, malgré ma thèse. Je m’intéresse à ce qui peut sembler à certains des contes philosophiques. Ce qui m’intéresse, c’est un mélange de science et de philosophie, voire de spiritualité.

– C’est-à-dire ?

– Vous savez comme moi que la science est arrivée aux confins d’une compréhension autre que scientifique et même philosophique. Elle se pose la question de l’origine du cosmos et rejoint par-là la philosophie des Grecs et la théologie des Pères de l’Eglise et les réponses que donnent chacune des religions. La difficulté actuelle n’est plus de trouver au travers d’une discipline, mais de nouer des relations entre celles-ci de façon à éliminer contes, souhaits ou doctrines. C’est, je pense, une future discipline à part entière. Mais la plupart de savants, philosophes et théologiens récusent une telle approche. La vérité est pour eux dans leur seule discipline et ils ne veulent pas en démordre.

Tout à coup, je réalisai que ses centres d’intérêt étaient semblables aux nôtres et qu’elle était proche de notre vision. J’en fus enthousiasmé. Une recrue de choix ! Mais... Doucement. Il fallait la dédouaner de toute velléité de piratage et la tester sur son aptitude à intégrer notre groupe.

27/08/2015

Miserere, de Gregorio Allegri

https://www.youtube.com/watch?v=IA88AS6Wy_4


Ce miserere comporte quatre formes différentes :

* Un chœur à cinq voix (deux sopranes, alto, ténor, basse) ;

* Une monodie chantée par les hommes d’abord ;

* puis reprise par le chœur  en polyphonie ;

* et se terminant par un contrepoint ornementé chanté par deux sopranes.

C’est donc une musique très construite, mais respectant intégralement la liturgie. Il n’était chanté que lors de la semaine sainte, uniquement à la chapelle Sixtine, à la fin de l’office des Ténèbres.

Les paroles sont bien sûr en latin, mais sa traduction permet de mesurer sa beauté :

Pitié pour moi, mon Dieu, dans Ton amour, selon ta grande miséricorde, efface mon péché.
Lave-moi tout entier de ma faute, purifie-moi de mon offense.
Oui, je connais mon péché, ma faute est toujours devant moi.
Contre Toi, et Toi seul, j’ai péché, ce qui est mal à tes yeux, je l’ai fait.
Ainsi, Tu peux parler et montrer Ta justice, être juge et montrer Ta victoire.
Moi, je suis né dans la faute, j’étais pécheur dès le sein de ma mère.
Mais Tu veux au fond de moi la vérité ; dans le secret, Tu m’apprends la sagesse.
Purifie-moi avec l’hysope, et je serai pur ; lave-moi et je serai blanc, plus que la neige.
Fais que j’entende les chants et la fête : ils danseront, les os que Tu broyais.
Détourne Ta face de mes fautes, enlève tous mes péchés.
Crée en moi un cœur pur, ô mon Dieu, renouvelle et raffermis au fond de moi mon esprit.
Ne me chasse pas loin de Ta face, ne me reprends pas Ton Esprit Saint.
Rends-moi la joie d’être sauvé ; que l’esprit généreux me soutienne.
Aux pécheurs, j’enseignerai tes chemins ; vers toi, reviendront les égarés.
Libère-moi du sang versé, Dieu, mon Dieu sauveur, et ma langue acclamera Ta justice.
Seigneur, ouvre mes lèvres, et ma bouche annoncera Ta louange.
Si j’offre un sacrifice, Tu n’en veux pas, Tu n’acceptes pas d’holocauste.
Le sacrifice qui plaît à Dieu, c’est un esprit brisé ; Tu ne repousses pas, ô mon Dieu, un cœur brisé et broyé.
Accorde à Sion le bonheur, relève les murs de Jérusalem.
Alors Tu accepteras de justes sacrifices, oblations et holocaustes ; alors on offrira des taureaux sur Ton autel.

Enfin, ce chant était réservé au service du Pape et donc interdit de reproduction. Mozart, après deux auditions réussit à le retranscrire. Publié en 1771, l’interdiction du Pape tomba.

Magnifiquement interprété par le chœur du Claire College de Cambridge, il est dirigé par Timothy Brown, avec la maîtrise bien connue des maîtres anglais.

26/08/2015

Exposition à Bellebranche (Mayenne)

Affiche Expo Bellebranche.jpg

Que représente une exposition. Une heure prise sur les activités de tout un chacun pour se réjouir l’âme et s’ouvrir au monde de la beauté. Mais, me dires-vous, chacun a sa vision de la beauté. Oui, sans doute, mais c’est en allant voir que l’on sait si c’est cela que nous recherchons ou non. Pour l’artiste, ce sont des heures de travail concrétisées par la venue de spectateurs qui, même s’ils n’achètent rien, commentent et apportent leur réconfort.

Alors, venez nombreux. Il y a de grandes toiles, mais également de petits cadres, bref pour tous les goûts et toutes les bourses.

25/08/2015

Zéro

Est-ce un chiffre ?
Est-ce un concept ou un mirage ?
Il est attirant, comme l’hypnose.
On se concentre dessus et on flotte.
Rien ne peut vous occuper autant l’esprit
Que ce Zéro qui est sans exister.

Indiquer qu’il n’est rien, est-ce une solution ?
Cela peut, mais Zéro, virgule, quelque chose
Qu’est-ce ? Un souffle d’inepties.
S’il y a quelque chose, c’est forcément Un.
Peut-il y avoir moins que Un ?
S’il n’y a pas Un, il y a Zéro, c’est-à-dire rien.
Il y a soit une chose, soit son contraire,
Mais pas les deux qui feraient trois.
Supposons qu’entre le Un et le Zéro,
Il y ait la moitié d’un Un.
C’est bien une chose en soi cette moitié !
C’est donc bien un Un appartenant à un Deux.
Toute chose divisible fabrique une autre chose
Qui est pleine et entière, donc Un
Et ce Un appartient bien à un autre Un
Pour former un Deux plein et entier
Le Un devient alors Trois et ce nouveau chiffre
Est un ensemble qui forme un autre Un
Différent de tous les Uns existant.

Ah, quelle migraine !

On peut additionner le Zéro à un Un
Voire Deux ou mille
Cela donne un, deux ou mille.
Mais Un plus Zéro égale Un,
Et Un plus Un plus Zéro égale deux,
Alors que Un multiplié par Zéro égale Zéro.
Quant à Un divisé par Zéro, n’en parlons pas,
C’est un néant inimaginable !

Mais revenons à 0,5 ?
Est-ce quelque chose que cette moitié de chose ?
Soit cela n’existe pas, et c’est bien Zéro ;
Soit cela est, et c’est Un, puisqu’il existe.
Compter, c’est commencer par Un,
Puis deux, puis trois, puis mille,
Jusqu’à un Infini inimaginable
Qui ne forme qu’un Un pour le Créateur.
Lui-même est un autre Un,
Et ces deux Un ne font pas deux,
Ils font même plus que l’Infini.
Ils sont Tout, comprenant le Rien qui n’existe
Que parce qu’il y a au moins un Un.

Dieu, quelle migraine multipliée !

Et que dire lorsqu’on pense aux contraires
Moins Un est-il le pendant de Un ?
Peut-il y avoir moins quelque chose
Qui fasse un quelque chose inversé ?
Le Zéro n’est alors qu’un col ou un canyon
Qui permet à la nature
D’assouvir sa soif d’exister.
Si je ne suis pas, je suis malgré tout.
Si l’infini est là, y a-t-il un autre infini
Qu’on ne peut saisir ou imaginer ?
Quand je pense qu’il y a un moi-même
Qui me regarde et me juge et rit
Et s’amuse de ces incompréhensions.
Qu’est-il pour se moquer ainsi ?

Oui, c’est faux. De vrais maux de tête !

Il est trois heures.
Tient, là aussi, quelle bizarrerie !
Trois heures, c’est une heure dans la nuit,
Une seule. Il n’y a pas deux trois heures.
Et pourtant on n’écrit pas trois heure.
On ajoute un s à heure parce qu’il y en a plusieurs.
Mais plusieurs quoi ? Plusieurs heures
Ou une seule trois heures ?
Trois heure (s) est bien seule,
Mais elle est trois.

Ce n’est plus la migraine,
Mais l’anéantissement…

Dormons !

©  Loup Francart

24/08/2015

Le nombre manquant (récit insolite 9)

Réunion de crise. Nous nous mîmes au travail. Mathias expliqua pour quelles raisons il était persuadé que nous avions eu une visite. Cela nous parut évident à tous. Mais il s’agissait d’abord d’interdire toute nouvelle pénétration ou de se déconnecter d’Internet, ce qui nous laissait sans possibilité de recherche. Il importait également de savoir qui pouvait chercher à nous pirater. C’était pour ces deux points l’affaire de Vincent, notre hacker. Se déconnecter n’était évidemment pas un problème. Interdire un nouveau piratage lui semblait à sa portée. Le dernier point était moins palpable. Il se mettrait à cette recherche dès qu’il aura réussi à trouver le moyen d’interdire toute intrusion.

Deux jours plus tard, Vincent nous téléphona :

– On peut se réunir. J’ai quelque chose à vous proposer qui devrait nous garantir contre les intrusions. Rendez-vous ce soir, à dix-huit heures chez Mathias.

Chacun de nous attendit avec impatience la fin d’après-midi, arriva en avance d’un quart d’heure, si bien qu’à dix-sept heures cinquante nous pûmes commencer la réunion.

– J’ai trouvé et cela me semble solide. J’ai réfléchi avant de trouver la solution. C’est en lisant le journal hier matin que j’ai résolu notre problème. Il y avait un article sur les postes radio à évasion de fréquence, en fait des postes radio à étalement de spectre par saut de fréquence. Certains pays, dont les Etats-Unis, se plaignaient de plages de fréquence insuffisantes pour l’ensemble de leurs systèmes de transmission. Lisant cela, je me suis dit qu’il devait être possible de fragmenter nos fichiers, de les introduire dans de nombreux ordinateurs et de concevoir un logiciel permettant, grâce à un système robot informatisé, muni de clés de chiffrement, de définir un ordre de récupération des documents. Ils pourraient alors être lus, voire modifier, puis le travail achevé, être à nouveau dispersés et renvoyés dans les ordinateurs utilisés en changeant bien sûr l’ordre dans lequel ils sont intégrés dans chacun de ceux-ci. Comprenez-vous le principe ?

– Cela me semble assez clair, dis-je, mais est-ce possible techniquement ?

– Avec un peu de travail cela semble possible. Il faut juste concevoir le logiciel permettant d’effectuer toutes ces manipulations en temps compressé.

– Il me semble que toutes les données doivent auparavant être cryptées, ce qui compliquerait sérieusement le travail des pirates, dit Mathias.

– C’est effectivement ce que j’ai prévu, ce qui demande un logiciel extrêmement rapide.

– En fait, c’est une sorte de SGBD un peu plus complexe, n’est-ce pas ? demanda Mathias qui avait quelques connaissances en informatique.

– Tout à fait, un système de gestion de base de données permettant l’accès permanent et rapide à nos données que personne ne peut lire car elles sont dispersées dans de nombreux disques durs.

– Combien de temps penses-tu qu’il te faut pour mettre ce système au point ?

– Je ne sais. Au moins une dizaine de jours, me semble-t-il.

– Et d’ici là que fait-on avec nos données ? 

– On n’y touche pas, on les déconnecte de la toile et on travaille sans filet, chacun rassemblant ses recherches dans son propre ordinateur qu’il ne connecte plus. Tous les deux jours, on se rassemble et on fait le bilan de nos recherches. Toi, Mathias, tu devrais pouvoir sans difficulté te charger de cette tâche.

– C’est parti ! s’exclama Mathias d’un air réjoui.

On avait trouvé une solution au premier problème. On avait une solution de principe pour le deuxième problème et dès que Vincent aurait mis au point son logiciel, nous nous attaquerions au troisième. Que demander de mieux !

Neuf jours plus tard, Vincent nous dévoila son système. Apparemment complexe, il était cependant simple à utiliser, trafiquant les données de manière caché aux utilisateurs. Mais il fallait encore trouver les ordinateurs qui cacheraient les fragments de données. Il convenait de disposer d’un minimum de confiance pour introduire nos fichiers, même cryptés dans des machines que nous ne contrôlions pas. Cela supposait également de créer un double impérissable de ces données, car un ordinateur lambda peut tomber en panne, être cassé, volé ou être l’objet de tout autre incident qui pouvait effacer ou détruire les fragments de données, rendant ainsi incohérente notre base.

23/08/2015

Le nombre manquant (récit insolite 8)

Je ne réalisais que plus tard, dans la journée, l’importance de l’information. Pourquoi s’introduire dans notre base de données ? Je me dis d’abord que tous pouvaient faire la même chose : chercher sur Internet les informations concernant les aspects philosophiques, scientifiques, ésotériques, des nombres et concepts liés à la numération. Alors pourquoi nous pirater ? Certes, tout est rassemblé, ce qui évite les recherches auxquelles nous avions déjà consacré beaucoup de temps. Mais est-ce une réelle motivation de piratage ? Sûrement pas. Il doit y avoir autre chose. Mais quoi ? 

Nous nous étions bien douté que ce nombre manquant détenait vraisemblablement un pouvoir important. Celui qui le découvrirait aurait sans doute accès à des capacités d’action jusqu’ici insoupçonnées. Pensez donc : créer un pont entre le connu et l’inconnu, ou plutôt avoir accès à l’inconnu, tous les inconnus, grâce à une nouvelle manière de compter. Tout homme détenant un tel secret ne pourrait que chercher à l’utiliser et ne pourrait le garder pour lui. Il deviendrait aussitôt la proie d’une telle concupiscence  qu’il devrait être protégé en permanence, donc enfermé au secret. Je comprenais que nous n’avions jamais réfléchi aux conséquences de nos travaux. Nous faisions cela de manière entièrement désintéressée, comme une sorte de hobby ou comme un défi à relever. Mes réflexions à ce propos étaient jusque-là assez embrouillées. La nuit suivante me permit de placer dans les différentes cases les éléments d’analyse. Cela me sauta aux yeux pendant mon jogging matinal, le lendemain. Comme quasiment tous les matins, je courais dans les rues de Paris, soit le long des quais, soit dans les jardins. J’en profitais pour réfléchir le plus sérieusement possible à mes préoccupations insolubles. Je courais, je regardais la vie s’écouler à la vue des passants et tout d’un coup me venait une idée en rapport avec mes réflexions. Elle était le souvent insolite et pas forcément très claire, ou plutôt, elle n’était pas immédiatement en rapport avec celles-ci. Mais très vite, j’entrevoyais des rapprochements insolites. A peine rentré, je consignais par écrit mes intuitions. Auparavant, il m’était souvent arrivé d’oublier ce que j’avais entrevu. C’était perdu pour toujours, bêtement, par négligence ou parce que j’étais pris par quelque chose de plus urgent. Ce jour-là, je n’eus nul besoin de noter. L’inquiétude me frappa instantanément : notre engagement avait des côtés dangereux et nous devions nous tenir sur nos gardes.

Je pensais d’abord à Vincent, le hacker. Comment l’avions-nous inclus dans nos travaux ? Etait-il quelqu’un de fiable ? Je ne savais quoi répondre à cette interrogation. Et même, Mathias ? Ah, oui, lui me semblait sans faille. Nous avions conçu ensemble ce projet et il avait autant, sinon plus, d’idées que moi. Il me sembla que c’était une preuve suffisante. Ma femme ? Non. Elle m’avait mis en garde elle-même de manière assurée. Je me demandais maintenant si elle n’avait pas raison. Il faudra que je lui en parle, mais doucement. Ne pas éveiller de crainte en elle ! Le professeur Foiras ? Nous ne lui avions rien dit de nos recherches. Nous l’avions juste interrogé sur ce qu’il avait avancé plusieurs fois concernant la matière noire et l’immensité de notre ignorance. Il s’en tenait à un simple constat, une évidence au regard de ces observations, et ne s’intéressait pas spécifiquement à l’accès à ces données inconnues. Non, nous ne connaissions personne à qui nous aurions pu mettre la puce à l’oreille, même involontairement. Peut-être Vincent. C’est tout. Il faudrait en avoir le cœur net.

Soudain, alors que j’amorçais mon retour vers notre appartement, je pensai à une femme qui m’avait abordé à la bibliothèque de Beaubourg. Elle avait vu les trois livres que j’étudiais et s’était intéressée à moi en prenant prétexte des titres de ces livres. J’étais dans ma période mystique, pensant trouver des éléments intéressants dans ces documents peu lus et encore moins étudiés. Il s’agissait du « Livre des secrets », de Bhagwan Shree Rajneesh, de « Le centre de l’être » de Karlfried Dürkheim et de « La voie de la perfection » de Bahrâm Elâhi. Cet éclectisme la surprenait. Nous avions parlé assez longuement de ces enseignements. Elle voulait savoir ce qui me motivait dans ces recherches. Je lui avais répondu que seules les interrogations que je me posais sur la vie, la mort, le monde me poussait à chercher des réponses. Elle devait avoir un peu moins de la quarantaine, elle était jolie, fine, peut-être un peu effacée ou, tout au moins, son apparence n’était pas sa préoccupation première. Elle semblait intelligente, posait des questions argumentées, ne perdant pas le fil de ses pensées. Nous avions échangé nos cartes avec nos adresses-mails respectives. Mais nous ne nous étions pas recontactés, remettant chaque jour à plus tard l’envoi d’un message nous permettant de poursuivre notre conversation. Oui, il est possible que disposant de mon adresse-mail elle ait pu entrer dans nos échanges avec mes deux autres compagnons. Mais comment ? N’étant pas informaticien et encore moins hacker, j’étais incapable de savoir si cela était possible. Encore un point à vérifier.

22/08/2015

Le nombre manquant (récit insolite 7)

Nous continuâmes bien évidemment à suivre les cours à la Sorbonne, mais nous étions ensorcelé par notre question : y a-t-il un nombre exprimant le tout, du zéro à l’infini en passant par le un et l’ensemble de la numérotation ? Mais rien ne venait. Nous tournions en rond. Et encore ! Nous restions plutôt sur place, immobilisés dans nos interrogations théoriques sans pouvoir en sortir. Une fois de plus Lydie me donna quelques signes d’impatience auquel je ne pris pas garde. 

Un matin, Mathias me téléphona d’un air catastrophé :

– Nous avons été piratés !

– Comment cela, piratés ?

– Oui, tu sais, toutes nos recherches, je les ai confiées à notre hacker. Elles ne tenaient plus sur mon ordinateur, pas assez de mémoire. Il a créé une base de données privée, en principe inaccessible, que seuls quelques initiés peuvent consulter et, encore moins, modifier. Eh bien, ce matin en consultant une fiche sur le Rien, je me suis rendu compte qu’elle avait été transformée. J’en avais gardé un exemplaire sur ma machine et il est différent de celui que j’ai consulté.

– Quelle différence ?

– Cela semble idiot, mais cela ne porte que sur quelques mots, par exemple, le mot ZERO a été retourné. Il est écrit OREZ. Et je peux t’assurer que je n’ai rien touché, ni le hacker qui est maintenant aussi pris par note recherche que nous le sommes.

– Y a-t-il d’autres changements ?

– Je ne sais, je t’ai téléphoné dès que je me suis rendu compte de cette intrusion, car il y en a eu une. Je suis formel. Pour l’instant notre hacker tente de remonter à l’origine et d’identifier l’auteur. Mais cela peut demander plusieurs jours, voire plusieurs semaines, avec la possibilité de ne pas aboutir.

– Et comprends-tu la raison de cette inversion ?

– Je t’avoue que non. Pourquoi avoir fait cela ? C’est mettre en évidence le fait que l’on sait ce qu’il y a dans notre mémoire collective. Alors je ne vois pas l’intérêt de le dévoiler, si ce n’est de montrer que l’on s’intéresse à nos recherches. Pourquoi ? Va-t’en savoir.

– J’espère que notre hacker a modifié tous les codes et clés d’entrée ainsi que le cheminement des options possibles. Il faut à tout prix empêcher toute intrusion dans notre base de données.

– Oui, cela a été fait aussitôt. Mais on a déjà l’impression que ces nouveaux codes sont déjà percés et empruntés.

– Pourquoi ?

– C’est Vincent, notre hacker, qui me l’a dit. Il le sent, mais il ne sait pas encore comment.

– Dans ce cas, il faut tout simplement fermer notre base de données ou au moins la déconnecter de la toile, en attendant de trouver une solution.

– Oui, je pense que tu as raison. Je vais le dire à Vincent. Ou plutôt, non. Je te le passe.

– Oui, Vincent, je pense qu’il faut tout de suite déconnecter notre base de données du réseau. Nous avons rassemblé trop d’éléments qui pourraient intéresser des organisations qui chercheraient à les exploiter, qu’elles soient religieuse, sectaire, mafieuse, financière, voire même des Etats.

Celui-ci en convint et la base de données fut déconnectée en attendant que nous trouvions une solution pour empêcher toute intrusion, ce qui était le travail de Vincent, le hacker.

21/08/2015

Une vie

Une vie : faire le tour de la scène
A trois cent soixante degrés
Tout contempler, tout tâter
Rien ne doit être oublié
La vie est là pour nous ouvrir
Nous façonner, nous propulser
Vers une autre connaissance
Après l’épuisement de celle du monde
Votre motivation ?
Non, pas le succès auprès des hommes
Mais cet éclair sur le tout
Qui vous ouvre au rien
Et ce rien devient l’infini
Un fini multiple et fuyant
Qui s’écarte et donne à voir
L'abîme d’inconnaissance
Le cosmos lui-même ne peut
Expliciter ce vide immense
Qui envahit le cerveau
Et donne la chair de poule
Suspendu dans l’éther
Vous naviguez au gré des courants
Joie, crainte, bonheur même parfois…
Mais peu importe ces ressentis
Au fond de vous se cache
Ce Soi qui vous n’arrivez pas à saisir
Mais que vous entrevoyez là
A portée de main
Minuscule
Grandiose
Soi et Lui
Ensemble
Un…

©  Loup Francart

20/08/2015

Chants juifs, interprétés par Sonia Wieder Atherton

 https://www.youtube.com/watch?v=Yui3LRh-CIc

Inexprimable ! On peut ainsi qualifier ce chant dans lequel l’âme se perd.

La Cabale distingue l’univers relatif et l’univers absolu. L’absolu se situe au-delà de l’éternité elle-même. Intemporel, informel, insubstantiel, il transcende l’existence. A la fois rien et tout, non changeant et non immuable, il est. L’univers relatif est la manifestation de la Création, le déroulement d’une impulsion divine : croissance, floraison, fructification, puis déclin, mort, retour à la source d’une nouvelle naissance[1].

L’existence négative est au-delà de l’espace-temps. Un seul point de contact possible : la lumière illimitée, l’Aïn Soph Aur. Au-delà l’Aïn Soph qui est l’infini, enfin l’Aïn, le vide. Seul le premier voile donne un aperçu de cette existence négative, indispensable à l’existence. C’est une zone intermédiaire entre la divinité et sa création.

C’est ce que tentent d’exprimer ces chants. Nostalgie d’un monde inaccessible, mais dont on entrevoit l’existence parce que l’on vient de lui et que l’on va vers lui. Alors l’âme s’ouvre et pleure de ne pouvoir accéder à son achèvement.


[1]Z’ev ben Shimon Halevi, L’arbre de vie, introduction à la Cabale, Albin Michel, 1985.

19/08/2015

Square Anna Politkovskaia, à Saint Brieuc

Avouons-le, Saint Brieuc est une ville horrible. Ne détaillons pas ! Cette affirmation péremptoire est certes à vérifier, mais souvent une première impression résume clairement une certaine vérité.

Cependant il est une petite place, dénommée square on ne sait pourquoi, qui garde un charme qu’on ne retrouve nulle part ailleurs. C’est une remontée du temps de quelques dizaines de mètres carrés. Qu’y voit-on ? Une petite esplanade occupée principalement par un arbre, malheureusement cerclé de ciment, à l’image du reste de la ville où se côtoient quelques rares vieilles pierres rescapés de la folie des maires successifs pour le béton moderne.

 

 

 

1-IMG_1455.JPG

Peu de monde sur cette placette, comme d’ailleurs dans le reste de la ville. Ici, la municipalité, ou quelques bonnes consciences, a placé des jardins en bac contenant quelques fines herbes ou potirons jaunis. Mais si vous levez les yeux des pavés vous contemplez quelques vieilles maisons  qui vous font dire : « Elles sont drôlement tournées et semblent avoir du mal à tenir debout, mais elles tiennent et sont belles ! ».

 

 

 

Une place romantique, mais froide du manque de personnes. Certes, il n’y a pas de magasins, ni de divertissements, mais un charme et une propreté hors du commun. On s’assied et on contemple le passé si proche que vous pouvez le toucher.

 

 

 

Et ces maisons vous regardent et vous disent ce qu’était vraisemblablement la ville autrefois. Alors vous regrettez ces rues champêtres et ces pavés de bonne intention.

 

 

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Mais y a-t-il des habitants dans cette ville ?

 

18/08/2015

Recomposition

Surgit de nulle part cette composition saute aux yeux et vous interroge : une face qui se désagrège sous vos yeux ou qui se multiplie en fragments de glace feuilletée. Une meurtrissure ? Que va-t-elle devenir, nul ne le sait. Elle divague avec effet, imprimant dans la tête sa carcasse décomposée ou en recomposition. Qui sait ?

17/08/2015

Vieillard

C’est un tas de chair, ramassé sur lui-même,
Aux jambes jadis allègres, mais fatiguées,
Qui regarde vivre, germer les baptêmes,
Les yeux las, la main tremblante, l’espoir volé.

Il croît encore en lui, cet être rhumatisant.
La rosée le réveille, il précède la nuit,
Et pendant l’ivresse du repos bienfaisant,
Il danse, offert aux douze coups de minuit.

Le futur se rapetisse et s’envole.
L’ombre des amours perdus devient frivole.
Où donc as-tu la tête, toi, l’émasculé ?

Crédule, tu confonds infini et néant…
La seconde s’étire en se déjugeant.
Le grand Tout ouvre son manteau immaculé.

©  Loup Francart

16/08/2015

Deux pigeons

Ils étaient deux, rien de plus… Dans le reflet de la vitre je les vis, indifférents, presqu’hautains, volant en imagination, sans l’ombre d’un regard pour l’autre. Ils se tenaient sur la corniche du toit d’en face, les pieds sur le zinc, prêts à se lancer dans le vide, tassés un peu sur eux-mêmes. Ils ne se regardaient pas, chacun dans son monde. Je ne sais pourquoi je les regardais. Ils étaient semblables aux autres pigeons, rondouillards, se haussant du col, marchant comme un commerçant ayant fait fortune (enfin, à la hauteur de ce qu’un commerçant peut gagner !), l’air digne, trop sans doute. Peut-être avaient-ils une sorte de retenue, d’imprévisible, mais sans plus, comme une ombre qui les suivait sans qu’on puisse dire ce qu’elle représentait. C’étaient deux silhouettes se détachant du ciel voilé, comme des ombres chinoises à côté de l’allongement étiré d’un sapin deux toits plus loin. Trop absorbé par leur contemplation, je ne pensais pas à prendre mon appareil de photos. Soudain, je les vis se tourner l’un vers l’autre. Oh, pas trop, un peu, se regarder mollement, picorer quelques miettes d’on ne sait quoi, se regarder à nouveau, l’air de rien. Puis ce rien devint dans leur esprit le tout, l’être Pigeon, du sexe opposé, le mâle ou la femelle, selon l’opposé. Une sorte de tendresse les envahit soudainement. Leur corps se fit plus ferme, plus chatoyant, plus altier. Ils se regardaient maintenant avec gentillesse, l’œil dans l’œil, sans oser encore se toucher, ni même se rapprocher. Mais le cou tendu, l’air droit, franc du collier, attirés l’un par l’autre, sans le dire. Pas de parole aimable comme pour les hommes. Juste le regard, autre, égaré déjà, noyé de pensées amoureuses. Elle, bien sûr, ne bouge pas. Elle le laisse venir. Elle sait qu’il viendra maintenant qu’elle l’a piégé. Elle tourne la tête de l’autre côté, faisant semblant de ne pas voir, de ne pas comprendre, de ne pas désirer.

Il s’avance d’un pas, gonflant son gésier, haussant le col, la tête haute, tendue, s’offrant dans toute sa puissance de mâle. Elle ne dit rien, mais l’on sent également sa tension. Elle s’arrondit, émousse ses plumes pour paraître désirable, tente de pousser un roucoulement qui s’éteint à la gorge, penche la tête de côté, comme une femme coquette peut le faire avec un homme qu’elle désire. Il a compris. Il n’est pas rejeté. Il fait un pas, puis deux, en direction de la rougissante, petite touffe de plumes émoustillées, tremblante sous le regard de l’autre, puissant et fier. Il s’approche et tend le cou. Il se fait tendre, il caresse de ses plumes dressées le cou de sa compagne. On peut bien l’appeler ainsi maintenant. Elle se tortille et courbe le sien vers son compagnon. Elle minaude, l’air de rien. Mais je la vois sourire de contentement, remuant doucement une queue relevée. Il ose un baiser, bec à bec, buvant à ses lèvres d’acier le plus attractif de son souffle et de sa salive. Ce premier baiser a le goût de l’interdit. Il en entraîne d’autres, plus osés, plus libres également, moins officiels et plus chargés de non-dit. C’est un véritable dialogue, fait de gestes et de mimiques, à la manière de deux êtres humains tendus l’un vers l’autre, le désir au ventre. Ils s’enlacent, se bécotent, se caressent du cou, du bec, de l’œil, s’emplissant de rondeurs délicates, déjà presque plus qu’un. Cela dure. Les préliminaires sont toujours les meilleurs moments. Il faut savoir attendre, se détendre, ne pas se méprendre, ne pas sauter l’un sur l’autre, impatients et malhabiles. Que ces instants leur semblent bons, irradiant d’un désir devenu réalité, tension, arc électrique.

Elle s’offre alors, lui tournant le dos avec élégance et délicatesse. « Regarde ce que tu me fais faire ! », semble-t-elle lui dire. Et lui, sans penser à rien, lui saute sur le dos, enfonçant son bec dans le cou de la bien-aimée, le mordillant. Un bref sursaut, une sorte d’éclair des corps, un soulagement des muscles et des consciences.

C’est fini. Plus de baisers, plus d’amour, pourrait-on dire. Une indifférence qui étonne un humain habitué à plus de chaleur et de baisers de lassitude et de remerciements. Rien, ils n’appartiennent plus au même monde. Ce amour,société,civilité,instantcontentement du corps refroidit en un instant leurs sentiments. Les sensations sont mortes, ayant épuisées leur réserve de douceur et de contentement. Le mâle redevient hautain, la femelle indifférente. Pourtant, un instant, ils regardent dans la même direction. Cela signifie-t-il qu’ils s’aiment, comme le disait Antoine de Saint-Exupéry ? Le samour,société,civilité,instantaura-t-on jamais ! Il plonge dans le vide, se laisse glisser dans l’air, s’éloignant comme si de rien n’était. Il s’en va voler haut dans le ciel, d’un battement d’extase comme un feu d’artifice après ce plongeon audacieux. Elle reste seule, s’interroge, semble se réveiller, s’ébroue, nostalgique. Elle ne tarde pas à se laisser tenter par le vide et, d’un coup d’ailes, part à la conquête du monde.

Et moi, là, devant ce spectacle d’une nature plus vraie que nature, je reste rêveur. C’était un instant de la naissance du monde, la rencontre de deux êtres attirés l’un vers l’autre, qui se croisent et se donnent l’un à l’autre, en toute connaissance.

15/08/2015

Arabesques sur les Flutes de l’orgue Cavaillé Coll de Saint Ouen, de Louis Vierne, interprétée par Marie Andrée Morisset Balier

https://www.youtube.com/watch?v=o2DpgRCebUs


 

Peu de choses, une basse continue et un son parfait de flutes qui monte dans la nef, entame la pierre et la rend transparente. Vous passez au paradis, dans l’immensité du cosmos, et reposez, en lévitation, au sein des galaxies et des trous noirs. Et vous vous sentez bien, à l’aise avec tous ces astres qui vous environnent.

Est-ce de la musique ? Vous ne savez plus. Cela peut être le glissement de cristaux de glace sur la banquise ou encore le propre son de votre corps et de sa mécanique qui tourne sans bruit, avec ce léger tremblement de l’air qui produit des ondes sonores imperceptibles. Louis Vierne a bien inventé une nouvelle manière d’utiliser l’orgue : non plus une construction cathédrale à la manière de Bach, mais des sensations qui font entrer dans l’invisible par la porte des oreilles, les yeux fermés, en vibration. 

Peut-on parler de musique sacrée ? Non, pas au sens liturgique du terme. Mais très certainement, on évoque une musique spirituelle, qui ouvre à l’invisible. Mais Louis Vierne ne fut pas seulement un des détenteurs des clés du paradis, il sut aussi traduire les doutes et sentiments de l’homme face à la grandeur du monde divin : peur, tremblements, interrogations, saisissements. Une nouvelle manière d’aborder les rapports entre l’homme et Dieu.

14/08/2015

François Fabié, poète

« François Fabié est un homme simple et un poète raffiné autant que profond. Sa mère était paysanne et son père bûcheron. C'est cette enfance merveilleuse qui va inspirer ses poèmes et il ne cessera jamais de chanter le Rouergue ainsi que ses pâtres, ses loups, ses rivières et ses habitants.

Il publia huit recueils chez Lemerre, alors éditeur renommé des Parnassiens. » (http://short-edition.com/classique/francois-fabie)

Il écrivit de très beaux vers non seulement sur son environnement campagnard, mais sur sa compréhension de la vie. Ainsi le poème « Savoir vieillir » :

 

Vieillir, se l'avouer à soi-même et le dire,
Tout haut, non pas pour voir protester les amis,
Mais pour y conformer ses goûts et s'interdire
Ce que la veille encore on se croyait permis.

 

Avec sincérité, dès que l'aube se lève,
Se bien persuader qu'on est plus vieux d'un jour.
À chaque cheveu blanc se séparer d'un rêve
Et lui dire tout bas un adieu sans retour.

Aux appétits grossiers, imposer d'âpres jeûnes,
Et nourrir son esprit d'un solide savoir ;
Devenir bon, devenir doux, aimer les jeunes
Comme on aima les fleurs, comme on aima l'espoir.

Se résigner à vivre un peu sur le rivage,
Tandis qu'ils vogueront sur les flots hasardeux,
Craindre d'être importun, sans devenir sauvage,
Se laisser ignorer tout en restant près d'eux.

Vaquer sans bruit aux soins que tout départ réclame,
Prier et faire un peu de bien autour de soi,
Sans négliger son corps, parer surtout son âme,
Chauffant l'un aux tisons, l'autre à l'antique foi,

Puis un jour s'en aller, sans trop causer d'alarmes,
Discrètement mourir, un peu comme on s'endort,
Pour que les tout petits ne versent pas de larmes
Et qu'ils ne sachent pas ce que c'est que la mort.

 

Mais savoir vieillir, consiste auparavant à savoir vivre, ce qui est encore plus compliqué.

Alors apprenons à vivre pour mieux mourir !

13/08/2015

Pages poétiques

Dimanche dernier, pages poétiques au château de Bourgon dans la grande salle.

Au menu, introduction des textes (poèmes ou récits) par quelques morceaux de musique :

* une improvisation sur les touches noires, suivis du poème « Absurde » ;

* une improvisation de jazz suivi d’un texte humoristique « Les hérons » ;

* le poème « Désir » :

* la valse n°2 de Beethoven suivie du texte « Musique et émotion » ;

* le poème « Instant » ;

* La sonate n°  de Mozart, suivie de l’ « Eté » ;

* le poème « Loup » ;

* Le texte « La dernière traque » ;

* une improvisation classique andante, suivie du poème « Enfant » ;

* le texte « Homme et femme » ;

* le poème « Nuit » ;

* le texte « Le chat » ;

* l’Aria des variations Goldberg de JS Bach, suivie du poème « Ame » ;

* le texte « Le pianiste » ;

* Le poème « Un instant d’éternité »

* la valse n°3 de Beethoven, suivie du poème « Merci ».

 

Quelques photos :

 

 

12/08/2015

Portes (6)

Une porte cochère exceptionnelle : elle permet d’entrer dans la maison de Dieu. Elle a une autre allure et mérite le détour et l’église porte un nom béni : Saint Nicolas des Champs. On ne la voit pas, la malheureuse. Elle est noire, salie par le temps et la pollution, mais elle invite chacun à entrer, malgré la grille fermée. Il est temps de la rouvrir pour respirer un peu d’air du paradis. Mais que de travail autant à l’extérieur qu’à l’intérieur.


 


 

 



Une porte, étroite, refaite, élégante, d’une beauté classique, surmontée de son œil de bœuf, comme une bouche aspirant les miasmes de la rue pour les refouler ensuite, propres. Enfin un air pur à respirer, rien que par le fait de contempler cette porte, nous nous allégeons et marchons sur un nuage.


 


 


 


 

Enfin une porte bien pourvue, porte de banquier cossu, ornée de grâces veillant sur un G, l’air débonnaire. La porte est pourvue de fines ciselures de fer forgé pour mettre en évidence les possibilités financières de l’occupant. C’est dans les détails que l’on voit les préoccupations des êtres. Un balcon surmonte l’ensemble. Il devait servir à se montrer dans les grandes occasions.

11/08/2015

Néant

As-tu considéré les pleins qui t’entourent ?
Entiers, ils se multiplient par identité.
Il existe aussi son contraire, l’absence
D’une multiplication incontrôlée.
L’unique reste l’unique, sans partage.
Et ces uniques sont cependant milliards.
Dans ce cas, l’existence n’est que mort et déclin
Puisque l’unique meurt aussi parce qu'humain.
Est-ce possible ?
Peut-il exister cette tension vers le néant
Qui se traduit par le vide spatial,
Mais dans lequel le temps et l’espace
Restent présents, immuables.
Mieux encore, peut-on imaginer,
Au-delà du vide impensable,
Ce néant mythique qu’aucun être,
Plein de lui-même et de chair,
Ne peut concevoir sans dissolution ?
Plus que le vide, le néant envahissant
Peut-il détruire toute velléité
D’engendrement par identité
Ou de remplacement par son contraire ?
Imaginer le néant c’est mourir à soi-même
Et franchir la ligne d’un autre monde
Où rien n’est semblable au tout.
Qui gagne à ce jeu stupide ?
Nul ne le sait. Tout contre rien,
La lutte du Un contre le Zéro,
Du désirable contre l’indésiré,
De la vie face à la mort,
Ou un simple changement d’état
Comme un éternel recommencement.

©  Loup Francart

09/08/2015

The Dentist Of Jaipur

https://www.youtube.com/watch?v=WR8tIjTykbE#t=28


C'est vrai, efficace et douloureux ! Seule la sécurité sociale applaudit des deux mains.

Mais regardez celui-ci, est-ce mieux !

https://www.youtube.com/watch?v=lW6R9kSGV2Q


08/08/2015

Sortie de bain

Il a de drôles de pensées. Il s’est mis en tête de décrire comment, sortant d’une douche ou d’une piscine, ou encore d’une mer d’huile, il fait disparaître de son corps les gouttes d’eau emprisonnées dans ses poils et recoins.

La manière la plus simple est évidemment de se laisser sécher par le soleil ou le vent et le plus souvent les deux ensemble. Il suffit de se tenir debout, d’agiter de temps à autre les bras, de ventiler les aisselles en sifflotant d’un air distrait ou au contraire attentif à un détail du sol qui semble concentrer toute son attention. Quelques instants plus tard, et le temps passé dépend de la météo, le corps est à nouveau propre, sec et présentable pour ses voisins qui le regarde fièrement.

Mais la manière la plus simple n’est pas forcément la plus rapide. Alors lorsque le vent qui souffle est frais, presque froid, ou lorsque le soleil ne luit que de manière intermittente, une bonne vieille serviette de bain fait office de séchoir sans besoin de rester immobile et nu sous une météo détestable ou dans une maison non chauffée. Une longue étude sociologique, menée sur le terrain au fil de vacances, puis d’observations universitaires, lui apprit que selon le caractère et le sexe de la personne et le fait qu’il ou elle soit gaucher ou droitier, les habitudes peuvent être différentes. Nombreux sont ceux qui sortent de l’eau en se précipitant sur leur serviette, s’en saisissent avec vigueur et, celle-ci étant encore en forme de boule, se la passe avec vigueur sur le corps sans aucun ordre, rituel ou habitude. L’essentiel est d’être débarrassé au plus vite de ces gouttelettes d’eau qui collent à la peau et engendre une chair de poule insurmontable. Cinq secondes plus tard, ils émergent radieux et presque sec avec un sourire charmant et un peu canaille. Passons à autre chose, semblent-ils dire à leurs voisins éberlués.

D’autres personnes sans être forcément pointilleuses s’essuient en premier lieu le visage, le reste étant de peu d’importance du moment où ils voient sans troubles de la vue occasionnés par la pellicule d’eau qui stationnent dans les orbites. Ils secouent leur chevelure comme des enragés, transformant le plat et lisse sommet du crâne en désert aux arbres dénudés les branches dressées pour clamer leur désaccord. Ce ne sont plus des cheveux, mais la crinière d’un vieux lion qui s’est plongé dans la mare aux crocodiles. Le plus souvent, ils racontent dans le même temps leurs exploits de plongeurs aux voisins qui écoutent d’une oreille distraite, mais regardent le fou furieux s’écheveler d’un air convaincu. Le reste du corps ? Il leur importe peu. Il peut rester mouillé, l’important est de mobiliser la conversation et de briller au sortir d’un bain régénérescent. Généralement ce sont les adolescents masculins qui sont spécialistes de cette exhibition d’une haute envolée lyrique.

Enfin on trouve de véritables amateurs du séchage, pour ne pas dire de vrais professionnels, qui ont mis au point une méthode de séchage qu’ils utilisent immuablement quelles que soient les circonstances. Sortant de l’eau, ils ne se précipitent pas, mais vont dignement et d’un pas assuré vers leurs serviette de bain, s’en saisissent, l’ouvre grandement et la dirige vers leur visage offert au tissu. En premier lieu, les yeux, qu’il faut essuyer gentiment jusqu’à ce qu’aucune goutte malencontreuse ne viennent obscurcir leur visibilité. Oui, c’est bien cela, leur visibilité, comme si le fait d’être encore empêtré dans quelques goutte d’eau à hauteur des orbites, empêchait les voisins de voir leur silhouette massive ou fine selon le sexe. Après les yeux, il y a divergence selon les gens. Certains essuient le nez et la bouche pour pouvoir parler tout de suite clairement et non comme un canadien. D’autres s’en prennent aux oreilles qu’ils s’efforcent de débarrasser des gouttes entrées dans le conduit auditif et qui les empêchent d’entendre. Ils penchent alors la tête d’un côté, puis de l’autre, certains enfilant un doigt inquisiteur dans la partie creuse du pavillon et le secouant comme un forcené. En fait, ces deux attitudes dépendent bien sûr de la personnalité des individus : attentifs aux autres ou bavards comme une pie. L’attentif, respectant l’autre, l’écoutera d’abord parler avant de lui répondre. Le bavard n’aura qu’une envie, prendre la parole avant qu’un autre bavard ne le fasse. La concurrence est rude et la compétition sans pitié. Le visage essuyé fait de ces gens un autre homme ou une autre femme. Ils ou elles ont retrouvé leur esprit. Il s’agit maintenant de s’attaquer au reste du corps avec sérénité. Le cou d’abord, car il plus logique de commencer en haut plutôt que d’essuyer le bas sur lequel d’autres gouttes risquent de couler venant des parties hautes. Puis les aisselles, point névralgique du froid pénétrant le buste. Un vigoureux passage de la serviette sous les bras réchauffe les muscles et le cœur. C’est comme un massage qui ne dit pas son nom, mais qui fait du bien à celui qui le reçoit. Et quoi de mieux que de se le donner à soi-même. Ensuite les bras sur lesquels le morceau de tissu passe et repasse avec entrain et détermination. Mais l’opération et aisée et ne réclame que de la persévérance. Il est plus difficile ensuite de sécher le buste. Devant c’est relativement simple pour les hommes, encore que ceux qui disposent d’une épaisse couche de poils ont du mal à tout sécher sans emmêler leur fourrure. Pour les femmes le problème reste le morceau de tissu cachant leurs seins. Il est toujours plus difficile de sécher un autre morceau de tissu avec une serviette de bain qui est déjà humide, voire mouillée du séchage antérieur. De plus elles ne peuvent frotter énergiquement leurs mamelons sous peine d’en dévoiler plus qu’elles ne le veulent. Donc discrétion, même si le travail n’est jamais complètement achevé. Ensuite généralement, ces gens passent aux jambes. Pour les hommes c’est plus longs, car leurs poils renferment dans leur friche de nombreuses gouttelettes qui ne veulent pas en démordre. Pour les femmes, un aller et retour sur chaque longueur de jambes suffisent. Il faut cependant dire qu’elles ont les jambes tellement longues que cela peut demander du temps. Mais les hommes aiment ce temps arrêté où l’élégante ploie le buste, avance les bras pour caresser chaque jambe d’un air convaincu. Avant de passer aux pieds, étape ultime du séchage, il reste l’emplacement du maillot qui, selon leur forme et le sexe de leur locataire, peut être dégoulinant, c’est le cas des shorts de bain pour les hommes, ou simplement humide, l’eau s’écoulant naturellement du corps en rondeur et sans protubérance des femmes. Elles ont sur le sexe masculin cet avantage. Rien ne transparaît de leur féminité, y compris dans la cérémonie de l’essuyage. Leurs gestes gracieux, quasiment majestueux, révèlent un art de vivre qui dépassent la gaucherie de l’homme pour s’essuyer l’entrejambe devant ses voisins. Alors ils se contentent de passer doucement sur leur maillots d’un geste détendu, mais discret, leur serviette de bain déjà largement trempée. Enfin vient la danse des pieds. Comme s’essuyer un pied sans que l’autre n’hésite à reste sur place. Quel que soit la personne, elle se laisse aller à danser quelques pas vacillants sur un seul membre, puis à tomber à moitié dans le sable parce qu’elle ne sait pas se tenir debout sur un pied et se passer sans broncher la serviette sur l’autre. Si elle est en bord de mer, le sable accumulé entre les doigts de pied complique singulièrement la chose et contraint le plus souvent à s’assoir pour passer un doigt de la main entre chaque doigt du pied.

Voilà, l’homme ou la femme est sec ou sèche. Chacun y a mis du sien, distraitement ou méthodiquement, brièvement ou longuement, avec élégance ou de manière pataude. Leurs voisins les ont vu opérer cette transformation d’un être dégoulinant d’une eau persistante à un humain sec, le poil lustré, le sourire aimable, le regard enjôleur. Car, n’est-ce pas, la priorité des priorités lors de la sortie de bain, est de se faire remarquer par son aisance à se sécher le corps sans avoir l’air de rien.

07/08/2015

Expo château de bourgon

La préparation d’une exposition semble peu de chose, mais c’est fou ce à quoi il faut penser, puis faire, dans le désordre.

Choix du lieu :

Choix de l’emplacement des tableaux :

Accrochage :

Et tout le reste :

* faire les étiquettes donnant le nom et caractéristiques de chaque tableau ;

* préparer une annonce des prix ;

* vérifier qu’on n’a pas oublié un tableau ;

* se féliciter d’y être arrivé.

06/08/2015

Pellicule

Il y a longtemps que je n’ai exploré et franchi
Ce qui sépare la vie extérieure de la vie intérieure
Ce no man’s land  où la pensée n’est plus
Où seuls comptent les sensations et sentiments
Qui courent comme un courant électrique
A la surface interne de sa paroi transparente
Frissons et sérénité, que choisir ?
Pour les uns, seul l’extérieur est tangible
Pour les autres la vie est en dedans, unique
Dans ce désert inqualifiable de vide
Brille un feu follet servant de guide
Suis-le… Va tranquille et meurt au monde
Pour renaître solitaire à toi-même
Et sacrifier le vieil homme. A mort,
Celui qui se pare de mille propriétés
Et de brillance d’allure et de paroles
Plus rien ne doit désormais flotter
Dans l’espace où l’homme se dénude
Et laisse voir sa condition humaine
Offerte à tous sans distinction
Cette pellicule de verre incassable
Laissant passer la lumière de part et d’autre
Seule une fausse pudeur et la crainte
Empêche le mouvement de l’extérieur
Vers l’intérieur, secret et ouvert à tous
Mais n’oubliez pas votre parachute
Car la chute est libre et l’atterrissage violent
Votre amour propre en prend un coup
Alors… Bon voyage !

©  Loup Francart 

05/08/2015

Pages poétiques, invitation

Vous êtes conviés à une lecture à deux des pages poétiques de Loup Francart tirées de ces livres « Dictionnaire poétique » et « Petits bouts de rien » et agrémentées de partitions de piano préparant chaque lecture. Tout ceci dans le cadre du château de Bourgon, un splendide château du XIIIème siècle, obligeamment mis à disposition par Alain et Isabelle Ducatillon, ses propriétaires.

En espérant vous voir nombreux lors de cet après-midi rêver et se laisser engourdir l’âme par la magie du lieu, de la musique et des poèmes.

04/08/2015

Exposition « Regards multiples », de Loup Francart

Loup Francart expose au château de Bourgon, un magnifique château situé en Mayenne à 30 km au nord de Laval :

Le début de la construction date du XIIIème, à l’époque il était fortifié, il subsiste un impressionnant pont à trois arches qui enjambe les douves aujourd’hui asséchées. A l’origine le château était entouré d’un vaste étang, un pont levis interrompait le pont de pierres avant de pénétrer par le porche dans lapeinture,optique art,art cinétique,exposition cour du château. Cette seule entrée était flanquée de deux tours massives dont l’une a été conservée, l’autre sert de fondation à la chapelle construite en 1528 par les Montécler. Peu avant c’était l’époque de l’occupation anglaise qui a laissé sa trace avec les fenêtres à meneaux d’angles. Puis une période plus stable a permis d’entreprendre la partie « Renaissance » du château avec la cheminée monumentale en granit ornée des armes de la famille Montecler. Une porte en ogive sculptée s’ouvre sur un escalier à vis comptant 70 marches et qui mène aux chambres peintes, en 1580 et 1625, dont le célèbre cabinet bleu de la marquise de Sablé. D’autres parties ont été ajoutées au XVII et XVIIIème siècle dont les communs, contruits par Pierre le Nicolais, négociant en toiles de Mayenne et dont la correspondance est gardée aux archives de Laval. Le bassin de teinture est situé dans les anciennes douves. C’est un précieux témoignage du commerce triangulaire de l’époque.

(http://www.chateaudebourgon.com/agenda/)

Vous y trouverez de nouvelles œuvres, de quoi vous réjouir la vue et vous élevez l’âme.

03/08/2015

La république sans démocratie

Voici un paradoxe de la culture libérale post-moderne : une éthique de la discussion associée à un étouffement des débats. (…)

Tout débat noué autour des seuls concepts antinomiques est voué à un perpétuel match nul entre arbitraires. On peut dans un tel débat, identifié le plus passionné, le plus nombreux, le plus éloquent, le plus riche, le plus puissant, le plus rusé ou celui qui crie le plus fort. Mais un tel débat ne peut absolument pas identifier le plus juste.

(Henri Hude, La force de la liberté, nouvelle philosophie du décideur, Economica, 2013, p.93)

 

Il est vrai qu’un tel débat, celui de l’iniquité des débats dit républicains, mais sans démocratie, nécessiterait tout d’abord de redéfinir ce que l’on entend par république, puis par démocratie, puis par liberté de pensée et enfin par débat. Longue digression pour arriver au constat qu’effectivement le débat n’est plus ce qu’il doit être, mais le lieu d’affirmation des idées sans possibilité de les confronter.

Confronter deux idées suppose l’instauration d’un dialogue dans lequel chacun joue à partie égale et admet que l’autre puisse s’exprimer et faire valoir ses arguments.

Or la communication, ce maître mot du post-modernisme, empêche par nature le débat, car elle décrète que la liberté est l’ultime objectif de la république et de la démocratie. Au nom de la liberté, tout est possible et même impératif. Tout est de valeur égale ou plutôt rien n’a de valeurs en soi. Mieux même, celui qui cherche à faire valoir la justesse de ses valeurs dans un débat ordonné est un ennemi de la démocratie. Seule compte in fine la force de l’affirmation et non la force de l’argumentation.

C’est pour cela qu’il n’existe plus dans notre société de vision politique. Celle-ci suppose d’avoir construit un programme qui donne une vision de l’avenir à au moins une dizaine d’années et qui définisse la manière dont on compte y conduire la nation. Or que nous sort-on aujourd’hui ? Au mieux dix mesures (ou plus, ou moins) pour faire évoluer la triste situation de notre pays qui s’enfonce de plus en plus dans l’absence d’avenir. Comme si l’avenir d’un pays dépendait de mesures à prendre sans idéal ni vision, ni politique ! Dans cette société, le bien commun n’existe pas. Seul comptent les biens particuliers de certains contre les biens particuliers d’autres. Que le plus fort gagne ! Et l’on assiste à l’alternance des aveugles qui ne cherchent qu’à faire profiter son camp au nom d’une idéologie de droite ou de gauche sans vision d’avenir.

La communication a remplacé l’argumentation et fait du débat un affrontement dans lequel le vainqueur est connu d’avance et orchestré par la machinerie d’une démocratie qui n’en est plus une. Il est intéressant d’ailleurs de constater que le terme de démocratie est actuellement, dans les débats politiques, de moins en moins utilisé et remplacé par celui de république. La république c’est l’organisation du pouvoir des élites entreprenantes d’une nation pour conduire celle-ci vers un avenir meilleur et plus libre pour l’ensemble des personnes. La démocratie est la juste participation à l’action de l’Etat et à la vie politique de la cité de la majorité des citoyens. Une république sans démocratie, c’est la domination sans débats d’une oligarchie grâce à l’instauration de concepts idéologiques, de propagande médiatique et de fictions juridiques.

La seule façon de restaurer le débat politique est bien un retour à la confrontation des idées, donc à l’édification d’une vision de l’avenir et la mise en place d’une politique, puis d’une stratégie pour y conduire la nation.

02/08/2015

Retour

Elle est de retour, celle qui partit
Un jour d’avril au fil de l’indifférence.
A-t-elle dit pourquoi elle a fui,
Pourquoi elle s’écarta de la bienveillance ?

Nul ne le sait si ce n’est elle.
Elle est rentrée la tête haute,
Vêtue comme une demoiselle,
Propre et vierge de toute faute.

Le mystère reste entier.
Où donc est-elle allée,
A qui s’est-elle offerte ?

Nul ne connaît son destin.
Ne l'a-t-elle pas pris en main?
Debout et grandit, elle est ouverte.

©  Loup Francart