Le nombre manquant (récit insolite 11) (30/08/2015)
A notre première réunion, je parlai de cette jeune femme. Elle s’appelait Claire Pertuis. Je racontai notre double rencontre, ses explications et la justesse de ses arguments. Ils écoutèrent, hochèrent la tête et me laissèrent carte blanche.
– Mais, testes-la, me dirent-ils.
Je décidai de commencer par le test concernant ses capacités à intégrer notre groupe. J’en parlai à Mathias, qui était, lui, en charge de trouver un réseau capable de prendre en compte nos données. Il me répondit qu’en effet, il n’avait pas avancé dans ce domaine, ne sachant à qui s’adresser.
Le lendemain, je rencontrai Claire. Sans lui parler librement de notre groupe, je lui fis part de nos recherches et de la difficulté que nous avions à créer une base de données multiples.
– Sachez que je n’y connais rien en ordinateurs. Oui, je sais utiliser la bureautique de base, Word, Power Point, voire, dans ses fonctions basiques, Excel. Mais c’est tout. Alors je ne vois pas comment je pourrais vous aider dans ce domaine.
– Nous ne vous demandons pas de créer le système. Simplement, de trouver le moyen de disposer d’une multitude d’ordinateurs en réseau que nous utiliserons pour cacher nos données.
– Je peux essayer, mais sans aucune garantie que je vais trouver. Laissez-moi deux jours, car je n’ai pour l’instant aucune idée.
Deux jours plus tard, Claire me téléphona.
– Je pense avoir trouvé ce que vous cherchez. Puis je vous voir ?
Je m’empressai de lui fixer un rendez-vous. Dès son arrivée, elle me fit part de ce qu’elle pensait être un bon plan.
– D’après ce que j’ai compris de vos explications, il faut pouvoir cacher vos données dans des ordinateurs dont les propriétaires ne savent pas ce qu’ils contiennent, qui constituent néanmoins un réseau accessible, mais privé, qui puisse vous servir d’hébergement anonyme. Je crois que j’ai trouvé.
Elle me raconta sa rencontre avec sa tante parisienne, une brave demoiselle de soixante-sept ans dont la passion était le macramé. Elle faisait partie d’un club de macramé et ses membres échangeaient leurs réalisations sur Internet. Grâce au neveu d’une des affiliées, qui était ingénieur informatique, ce club avait créé un véritable réseau privé qui leur donnait une assurance de discrétion.
– Pourquoi ne pas utiliser ce réseau totalement anonyme pour planquer vos données de manière aléatoire dans les ordinateurs. Le club a une audience mondiale puisqu’il y a des abonnées de nombreux pays du monde. Votre hacker s’introduit dans le club par mon intermédiaire et vous profitez du réseau, ni vu, ni connu.
Il est vrai, me dis-je, que personne ne songerait à fouiller dans les ordinateurs de personnes âgées qui ne s’intéressent qu’au macramé. Rien que ce nom ferait fuir la plupart des gens.
– Le seul ennui, c’est que vais devoir faire comme si je me passionnais pour le macramé, dit-elle en riant.
Après en avoir parlé aux autres, je lui donnais le feu vert et la mis en contact avec Vincent. Le courant ne passait pas bien entre eux deux. Elle se méfiait de lui. Il s’introduisait dans les machines sans qu’on le sache et elle ne pouvait admettre que cela pouvait être fait pour une bonne cause. Lui, Vincent, avait du mal à admettre une femme dans notre groupe très fermé. Il pensait que toute femme ne peut s’empêcher de divulguer à n’importe qui ce qu’elle sait sans en mesurer les conséquences.
L’affaire fut, malgré tout, rondement menée. En deux semaines, Claire fut intégrée dans le club et put partager ses idées sur les points de macramé avec une multitude de vieilles dames en mal d’embrouille de cordages, tout cela avec la complicité de sa tante qui ne se doutait absolument pas des causes du revirement de sa nièce en ce qui concernait l’art des nœuds. Claire transmit à Vincent son adresse e-mail et celui prépara l’installation de notre base de données dans le réseau. En vieux briscard, il introduisit dans un premier temps de nombreuses données qui n’avaient rien à voir avec celles que nous voulions abriter. Chacun de nous avait pour consigne de modifier ces pages, de les utiliser à qui mieux mieux de façon à voir si le système se comportait sans problème. L’expérience dura un mois pendant lequel les faits et gestes de Claire furent suivis de près par Vincent. Rien ne put lui donner à penser qu’elle jouait un double jeu. Elle se comportait normalement, sans s’intéresser au réseau hormis les nouveaux nœuds qu’elle s’efforçait maladroitement d’inventer pour justifier sa présence au club.
Un mois plus tard, elle fut intégrée dans notre groupe et initiée à nos recherches. Elle ne fut pas étonnée par ce que nous lui avons révélé. Elle s’y attendait et cela correspondait à ce qu’elle souhaitait : percer le mystère du cosmos et de la vie. Quelle aventure !
07:12 | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : nombre, numérotation, langage, universalisme, ésotérisme, science, spiritualité | Imprimer