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12/08/2015

Portes (6)

Une porte cochère exceptionnelle : elle permet d’entrer dans la maison de Dieu. Elle a une autre allure et mérite le détour et l’église porte un nom béni : Saint Nicolas des Champs. On ne la voit pas, la malheureuse. Elle est noire, salie par le temps et la pollution, mais elle invite chacun à entrer, malgré la grille fermée. Il est temps de la rouvrir pour respirer un peu d’air du paradis. Mais que de travail autant à l’extérieur qu’à l’intérieur.


 


 

 



Une porte, étroite, refaite, élégante, d’une beauté classique, surmontée de son œil de bœuf, comme une bouche aspirant les miasmes de la rue pour les refouler ensuite, propres. Enfin un air pur à respirer, rien que par le fait de contempler cette porte, nous nous allégeons et marchons sur un nuage.


 


 


 


 

Enfin une porte bien pourvue, porte de banquier cossu, ornée de grâces veillant sur un G, l’air débonnaire. La porte est pourvue de fines ciselures de fer forgé pour mettre en évidence les possibilités financières de l’occupant. C’est dans les détails que l’on voit les préoccupations des êtres. Un balcon surmonte l’ensemble. Il devait servir à se montrer dans les grandes occasions.

27/07/2015

Portes (4)

 

Une porte insolite qui fait penser à l’intérieur d’un bateau du siècle dernier. Tout y est élégant, briqué, policé, ordonné. On ouvre la porte et on se trouve dans un havre de paix, rondouillard, mais stricte. La marine chez soi qui nous offre un voyage au bout du monde derrière cet arrondi concave. Embarquez, vous ne le regretterez pas : au regard de l’horizon légèrement convexe, vous laisserez vos yeux errer sur le bleu vert des mers du Sud et rêverez à ces mondes  si différents de celui que vous connaissez. Oui, c’est la porte des songes qui offre le voyage à qui veut entrer. 

La porte de l’inspiration, cachée dans les plis du cerveau, elle immerge dans l’instant et caresse la mémoire de quelques chatouillements verbaux : 

Il faut rentrer au labyrinthe
Des pas, des carrefours, des mœurs,
Où l'on sent une sombre crainte
Dans l'immensité des rumeurs.

Oui, c’est la porte de la maison de Victor Hugo, ouvrant sur la grotte  du rêve :

Je regarderai ma voisine,
Puisque je n'ai plus d'autre fleur,
Sa vitre vague où se dessine
Son profil, divin de pâleur,

Cet ange ignore que j'existe
Et, laissant errer son œil noir,
Sans le savoir, me rend très triste
Et très joyeux sans le vouloir.

Elle est propre, douce, fidèle,
Et tient de Dieu, qui la bénit,
Des simplicités d'hirondelle
Qui ne sait que bâtir son nid.

22/07/2015

Portes (3)

 

 

Ce n’est pas une porte cochère, mais une porte toute simple, de bois et de métal. Mais sa grille laisse deviner des cachotteries et des mystères insoupçonnés.

On ne regarde pas de face, mais de côté, tendant l’oreille à celui ou celle qui se trouve de l’autre côté, dans ce noir absolu et qui épie la lumière du jour. Que murmure-t-il ?

Il faut s’approcher et admirer l’élégance du fer forgé, véritable chef d’œuvre, peut-être d’un compagnon du tour de France ? Un dessin majestueux et sobre, d’une symétrie parfaite. On peut juste regretter le manque de symétrie en face à face des deux frises verticales. N’aurait-on pas vu un décroché symétriquement inversé comme celui-ci :

 

 

 

 


 

 

 

 

 

Celle-ci, une porte imposante, mais qui a pris un air d’été. Elle est partie aux bains de mer ou à la campagne et elle bronze au soleil estival. Elle est sévère, mais sourit de toutes ses dents au visiteur. Ne nous y trompons pas, ce n’est qu’un sourire et non une invitation à entrer. Secret… Circulez, il n’y a rien à voir !

 

 

 

15/07/2015

Portes (2)

Comme un bonbon offert d’une main secourable, elle reluit de ses feux d’un bleu profond et lisse. On a envie de goûter ses parois acidulées, de sentir ses fleurs stylisées, de lécher son digicode doré. C’est un porche de cinéma, fait de carton-pâte, digne d’un Hollywood parisien. Heureux les habitants de cet immeuble, ils entrent chaque jour au paradis, les yeux exorbités, la main caressante, le corps parcouru d’une envie d’aimer.

Celle-ci a la tendresse de la Provence. C’est un coin rafraichissant, un havre de paix, rond de froideur dans lequel on fait une halte doucereuse qui lave le corps de ses gouttelettes de transpiration naissantes. Vous avez envie de rester… Là… tranquillement… Mais il faut bien repartir… Allons, un peu de courage… Vous êtes requinqué. Adieu, fraicheur… Êtes-vous allés voir derrière l’entrée ce rond de lumière débordant de promesse ?

Elle était belle et majestueuse, ornée de pierres sculptées, de femmes et d’enfants portant sur leurs épaules le poids de la société. La fenêtre veillait gentiment sur le sommeil de ses habitants, vigie aux commandes du navire lancé en pleine mer comme un aveugle dans l’éclairage du matin. Se réfugier là, ouvrir la porte, pénétrer dans l’obscurité du porche, et attendre que le soir vous prenne dans ses rêves. Vous êtes la marquise, le valet de pied, le facteur, le visiteur… Peu importe, vous êtes entré dans l’histoire, par cette porte qui pourtant mériterait bien un coup de peinture.

05/07/2015

Portes (1)

Lorsqu’on voit une porte en imagination, que voit-on en premier ? En ce qui me concerne, je vois son déplacement, cette bascule autour des gonds dans un mouvement lent, mais déterminé. Le cœur bat. Oserai-je pousser et entrer sans savoir ou bien dois-je rester en deçà dans un mystère insoluble par indécision ? Cet instant précis où le montant se met à tourner, volontairement ou involontairement, est chargé d’émotion. Il peut même être emprunt de sentiments, mais cela suppose que l’on ait une intention. Alors il n’y a plus la surprise de l’inconnu, mais celle de la motivation initiale.

Partir à la découverte des portes cochères de Paris c’est un peu partir vers l’inconnu. On en voit à chaque pas. On ne les remarque pas. On peine à les ouvrir. On s’intéresse à ce qu’il y a au-delà. Ne nous reste en tête que le bruit du battant qui, se refermant, émet un son creux, tonitruant ou doucereux. Le couperet d’une lame de guillotine qui se referme sur votre gorge.

En voici une, stricte, belle malgré tout, ornée, pleine de lauriers. Elle n’est pas grise, mais bleu gris ou gris bleu. Peu importe. On la sent solide sur ses pieds, volontairement fermée. La loi seule l’ouvrira et révèlera ce qui se cache derrière. Elle est symétrique. On ne sait quel côté s’ouvre. Seul le rectangle du bas est plus grand pour laisser passer les pieds du passant qui cherche à s’immiscer dans son intimité. La porte de justice… Titre d’un thriller haletant, mais réservé aux initiés.  

Celle-ci, avec ses grilles ouvragées, rappelle une prison ou tout au moins un lieu clos non ouvert à tous. Elle est solide, bien faite, avenante même. Que cache-t-elle, une cour des miracles, un lieu de retraite, l’isolement des perdus de ce siècle ? Dommage cependant qu’elle se soit laissée atteindre par la fièvre de la publicité, ces ex-voto de part et d’autre de son assise, disant à tous : « Oui, nous sommes là, entrez donc ! Montez dans les étages, c’est ouvert à tout vent ! » Mais la porte est fermée, puissamment, telle une tour de veille dans les rues où déambulent les passants.

Cette autre, majestueuse, protégeant les richesses d’un propriétaire soucieux de son aisance. Le grand siècle de Louis XIV, imposant, protecteur d’un monde précieux, fait de figurines posées sur des meubles cirés. Un rouge serein, lourd, chargé de secrets et d’escapades nocturnes que personne ne doit connaître. Ne laissez pas traîner vos pieds au bas de la porte, l’or qui s’y trouve vous contraint à les lever haut.