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07/01/2021

Conscience et paradoxe

Être là ou l’absence
Quand tu es là où es-tu?

Seul ton corps est présent
Il est là
Il occupe une part de l’espace-temps
Il peut lui arriver de bouger
Il passe du temps à changer d’espace
Il change d’espace en prenant du temps
Espace et temps sont une seule et même chose

Le mouvement c’est la vie
Et la vie c’est la conscience de ce mouvement
La conscience est seule intemporelle
Et donc non spatiale ni temporelle
Mais pour en prendre conscience
Il faut l’oublier

La conscience n’existe réellement 
Que lorsqu’elle n’est plus
Ou plutôt lorsqu’on n'en a plus conscience

 

06/01/2021

La mue (13)

Elle vient vers moi, retire le voile, me regarde sans animosité, mais sans amour. Je suis devenu un meuble de plus dans l’appartement qu’elle a adopté alors qu’il m’appartenait. C’est sans doute pour cela qu’elle ne me met pas à la porte. Elle n’ose pas. Je vois son œil noir. J’ai bien envie de me jeter dessus avec le bec et de le crever. Mais je ne bouge pas. Que se passerait-il si elle me mettait à la porte ?

Nous sommes mardi. La femme de ménage arrive après le départ de Joséphine. Elle aussi a pris l’habitude de recouvrir la cage du voile opaque. Elle peut fouiller dans nos affaires sans vergogne, personne ne la verra. Je l’entends farfouiller dans le secrétaire, là où je mets mes papiers. Que peut-elle bien faire ? Je l’entends ouvrir grand les fenêtres. Tout à coup, j’ai envie de promenades. J’ouvre la cage sans qu’elle me voie, je me glisse sous le voile, jette un œil et comme elle se trouve dans une autre pièce, je m’envole par la fenêtre. Enfin, de l’air frais et un peu de liberté ! C’est agréable de virevolter dans le soleil du matin, d’aller dans toutes les directions, de se poser sur une branche ou un toit et de rêver devant l’étendue de la ville et ses buildings.

Je suis présentement perché sur le toit de l’église, au soleil. Le clocher est haut ; il domine la ville et cela m’enchante. Je me sens élevé, plus spirituel, moins préoccupé par mes problèmes quotidiens. Je m’interroge sur ma vie. Qu’a-t-elle été jusqu’à maintenant ? Une succession d’événements, des joies et des peines, des gens à côtoyer ou à rejeter. Rien qui ne m’incline à réfléchir sur ce que j’ai fait ou même ce que je vais faire. Je ressens un grand vide lorsque je me penche sur tout cela, un vide un peu écœurant, très différent de ce que j’imaginais à vingt ans. J’avais alors la flamme de la jeunesse, le rêve des entrepreneurs, la richesse du début de l’existence, la tendresse envers ceux qui partageaient avec moi ces moments privilégiés d’un avenir non encore décidé. Je dévorais la vie à pleines dents et n’avais pas besoin de dentiste. Cela a changé depuis. Les émotions se sont tassées, les sensations se sont amoindries, les sentiments ont évolué, mon approche rationnelle des événements s’est même modifiée. L’infini n’est plus ouvert, il se referme peu à peu, surtout ces derniers temps. Il est même tellement fermé que je me demande ce que je fais sur terre. Prisonnier d’une cage ou libre de mourir seul, quel choix ridicule et malsain.

– Mon ami, pourquoi te rends-tu malade comme cela ? me dit tout à coup une voix dans ma tête.

05/01/2021

La musique sacrée : voie de purification (8)

Enfin, la musique fait appel à l'intellect de deux manières : . Par le son et les rapports entre eux, elle est un phénomène mathématique, quantifiable. Déjà les grecs, il y a deux mille ans, étudiaient la musique pour y trouver les lois de l'univers. Le solfège, l'étude de l'harmonie et du contrepoint, sont une science exacte, une mathématique complexe faisant appel aux bases 7 et 12. C'est la mise au point de l'écriture musicale qui a transformé, en Occident, la conception de la musique. Le chant, par la lecture, s'est intellectualisé, est devenu plus savant, mais a perdu sa spontanéité, son jaillissement intérieur. . Par l'évolution progressive des possibilités musicales, la musique contemporaine est devenue un art d'intellectuel, réservé à une élite qui admire les constructions mathématiques, la technicité poussée à son maximum. Dans cette forme d'art, qu'on retrouve dans certaines œuvres cubistes, dans le Nouveau Roman, l'artiste se met en valeur et évacue souvent la dimension sacrée de l'art. En conclusion, le moi n'est pas permanent. Son aspect momentané dépend de la fonction activée du moment. Il évolue sans cesse. En quelques instants, je passe du raisonnement à l'émotion, du sentiment au désir. Généralement il y a une fonction qui prédomine en nous : la présence physique ou l'intellect est plus marquée chez l’homme ; la femme vit plus dans l'affectivité. Mais ce ne sont que des tendances générales. Notons également qu'à travers la musique, nous pouvons prendre conscience que chacun de ces centres existant en l'homme possède un aspect positif et un aspect négatif. Ainsi, la rêverie romantique recherchée dans la musique accentue l'aspect négatif de l'imagination qui n'est dirigée vers aucun but précis. L'oubli des pensées négatives que permettent certaines musiques constitue une utilisation instinctivement positive de la musique.

Le lieu du moi

La voix humaine n'est pas seulement un moyen d'expression. Elle est aussi un instrument de connaissance, un indicateur de l'état d'être du moment et au-delà de notre véritable être. Chacun sait que la voix trahit l'émotion, que son débit, sa hauteur indique l'état émotionnel du moment. Les comédiens et les chanteurs apprennent à contrôler leur voix, en travaillent les inflexions et pratiquent l'imitation pour arriver à la maîtrise de l'émission. Dans le domaine spirituel, les maîtres se penchent sur l'origine physique de la voix : où le moi résonne-t-il en moi lorsque je dis moi?Expérience intéressante à pratiquer dans la solitude : je prononce moi à haute voix, je chante moi, et je tente de saisir où, en moi, résonne le mot, d'où part la vibration profonde de l'évocation du moi. Cela peut se situer dans la tête, dans le cœur, dans le ventre, ou encore entre deux. Cette sensation de lieu indique la fonction dans laquelle nous vivons le plus : l'intellect, l'affectivité, le centre moteur... Ce lieu se révèle dans la voix, car il est le point de naissance du verbe. Ainsi, au fond de lui, chaque être a sa propre harmonique, son propre son qui entre en vibration avec d'autres sons. Ce son n'est jamais pur. Son timbre est voilé par l'aspect négatif de chaque fonction (la crainte, le désir de raisonner, le contentement du moi, etc.). Sa hauteur dépend du lieu de l'être où se situe le moi. Sa profondeur dépend de l'harmonie qui existe ou non entre chaque fonction.

04/01/2021

Voeux aux lecteurs d'un jour

Un point crée l’univers
Puissance de la volonté divine
Il souffla sur la poussière 
Et celle-ci devint créatrice à son tour
Engendrant la beauté et la vérité
Le souffle divin sur la braise cosmique
Crée l’infini et vous fait participant de l’infini

Que nous tous rêvions d’être créateurs
Faisant avancer l’année
Par de beaux projets
Et apportant notre pierre
Ainsi sera comblé l’infini
En nous conduisant à notre réalisation

Bonne année 2021 à vous tous,
connus ou inconnus,
qu’elle vous apporte espérance et amour du monde.

 

03/01/2021

La grande Charlotte

Plus rien ne sera comme avant
Elle n’aura plus ses cheveux blonds
Ne sera plus harnachée de la tête aux pieds
Elle ne partira plus sans que l’on sache où
Elle n’errera plus dans les rues de Tokyo
Ni dans celles de Topahunca la désolée

Dorénavant, elle ira comme sa sœur 
Sage et froide comme la mort
Elle sourira aux passants échevelés
Elle caressera les plumes du paon
Elle ira bravement à la ville voisine
Voir si son professeur de musique
Joue toujours du violon à cinq cordes
Elle partira courir aux pieds du Mont Blanc
Et toujours reviendra fraîche et jolie
Auprès de tes rêves les plus fous
Jusqu’à t’enjôler et te rendre fou 

Ainsi dépassa en une matinée
L’image dévoyée de la grande Charlotte
Qui dansait la nuit dans les rues de Paris
Et pour moi, ce n’est plus qu’un souvenir
Qui passe au creux de ma mémoire
Et s’évapore au fond d’un rêve

 

02/01/2021

La mue (12)

Aujourd’hui, à huit heures du soir, je perçois la clé dans la serrure. La porte se referme. J’entends parler Joséphine. Je ne sais ce qu’elle dit, mais une voix d’homme lui répond, assez grave et douce. Puis j’entends « Chut ! » Elle vient vers moi, seule et l’air de rien. Elle prend le voile opaque et le met sur la cage. Je ne vois plus et entends très mal, d’autant plus qu’elle met une symphonie de Beethoven assez fort. J’ai beau tendre l’oreille, je ne comprends pas ce qu’ils se disent. J’ai beau faire du bruit, agiter mes ailes, cogner mon bec sur les barreaux, rien n’y fait. Je ne suis plus là pour elle et elle m’ignore totalement. Après leur dîner, il semble s’incruster. La musique devient douce et moderne. Un chanteur noir remplace le classique. Oui, ce n’est pas mal, mais que font-ils ? Je n’entends plus rien, sauf quelques soupirs de temps à autre. Je comprends que j’ai définitivement perdu l’amour de Joséphine ou du moins, que je suis remplacé comme prétendant. Cela me fait une drôle d’impression. C’est une deuxième rupture, presque plus pénible que celle de la mue. Joséphine, que fais-tu ? Je me souviens des nuits passées à nous raconter nos vies respectives, à nous caresser doucement, à échanger nos salives dans des baisers de feu, à explorer nos corps et à les rapprocher. Elle avait un grain de peau très doux, elle savait m’embrasser avec fougue, passer ses doigts sur mon dos pour le faire frémir. Je lui prenais la tête et baisais son cou qui sentait le caramel. Je lui imprimais mes mains sur ses seins et parfois m’aventurais plus bas. Et tout cela n’est plus. Je suis remplacé par un inconnu qui peut faire la même chose, sans vergogne. Non, je ne chanterai pas pour protester, je resterai silencieux. Je finis par m’endormir, blotti sur mon nid douillet.

Je me réveille. Je n’entends rien, ils doivent dormir. Ah, voici Joséphine. J’entends ses pieds nus sur le plancher. Elle va se faire un café à la cuisine. Elle passe devant ma cage. Je suis toujours sous le voile. Je pépie. Mais rien n’y fait. Elle fait semblant de ne pas entendre. Elle vit sa vie sans s’occuper de mon sort. Que vais-je devenir ? Je ressens l’angoisse des relégués, de l’employé que son patron cherche à virer, du sportif moins performant qui ne convient plus à son entraîneur, de l’amant évincé, de l’enfant sans parents. C’est dur cette vie inutile qui n’intéresse personne. Je pleure doucement derrière mon voile, hoquetant de petits gazouillis. J’entends l’homme se préparer à partir. Pourvu qu’elle ne parte pas avec lui. Non, la porte claque et je l’entends marcher.

01/01/2021

Parution d’un nouvel ouvrage de Loup Francart

Parution d’un nouvel ouvrage de nouvelles, de Loup Francart :

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Article disponible à partir du 15 janvier 2021,

livraison à partir de 0 €01, en précommande dans les magasins FNAC, au Furet du Nord, aux Editions du Panthéon

232 pages, 4 nouvelles

https://www.editions-pantheon.fr/catalogue/les-voyages-in...

https://www.furet.com/livres/les-voyages-interieurs-loup-francart-9782754744263.html  

https://livre.fnac.com/a15593144/Loup-Francart-Les-voyages-interieurs?oref=00000000-0000-0000-0000-000000000000&Origin=SEA_GOOGLE_PLA_BOOKS&esl-k=sem-google%7cng%7cc294196405911%7cm%7ckpla374773846696%7cp%7ct%7cdc%7ca58200328279%7cg1553156614&gclid=CjwKCAiA57D_BRAZEiwAZcfCxW_U3p6XYvtJO17nqXc72BjzwEnTZeJbZQOHlac8rjMS94CzfXtIRhoCNSwQAvD_BwE&gclsrc=aw.ds

 

« Deux jours plus tard, ils entrèrent sans coup férir dans la place, soigneusement déguisés en paysans rustres et avinés, ayant caché leurs armes dans les tonneaux emplis de vin. Réfugiés dans une auberge à cent sous, ils partirent en reconnaissance, dispersés, se mêlant au bon peuple qui n’avait pas l’air si réjoui de la présence anglaise. Le plan fut mis au point pour la prochaine sortie de Jeanne de sa prison, quel que soit le moment, avant ou après le jugement. »

Entrer en soi-même pour y faire la découverte de l'extraordinaire et du paradoxal dépassement de soi. Cette plongée éminemment personnelle est la condition sine qua non à ce que les personnages de ces nouvelles vont vivre comme une libération. Pierre, Mathis, Éphistole et Nicéphore tâtonnent, trébuchent, avant de faire l'expérience de la vacuité de soi et de cette liberté chèrement acquise. Car relever la tête a un prix. Lequel êtes-vous prêt à payer ?

Loup Francart imagine avec humour et une lucidité aiguë les remises en cause intimes de quatre hommes. Méditation, philosophie et tendre ironie font bon ménage sous sa plume si caractéristique.

Auparavant expert en stratégie et gestion de crise, l'auteur se consacre aujourd'hui à ses passions artistiques, la peinture, la musique, la littérature. Il tient également un blog dans lequel il fait part de ses réflexions sociétales et personnelles.

AVIS DE L'ÉDITEUR : Dans ces nouvelles extra-ordinaires, Loup Francart démontre la puissance de deux incontournables du développement personnel : l’introspection et la méditation. En route pour la libération.

 

Bonne année 2021 à vous tous, qu’elle vous apporte l’espérance et l’amour du monde.

N’oubliez pas de commander ce nouveau livre de nouvelles.

31/12/2020

La musique sacrée : voie de purification

           

Perception de son état d'être

Toute ascèse spirituelle s'appuie sur la psychologie humaine et distingue en l'homme plusieurs fonctions. Notre manière d'écouter la musique peut nous aider à percevoir le lieu, la fonction, où, en nous, le moi se complaît.

  • Pour beaucoup, la musique enchante parce qu'elle éveille des émotions ou des sentiments. Elle s'adresse alors à l'affectivité. Cette fonction que nous possédons tous, mais qui est plus spécifiquement féminine, comprend les émotions et les sentiments. Sentiments et émotions sont la plupart du temps confondus. L'émotion est le résultat d'une réaction face à un événement ou de la remémoration d'une émotion déjà vécue. Le sentiment au contraire fait que l'on se sent un avec son objet. Une des tâches de celui qui veut se changer est de purifier le sentiment des émotions pour qu'il devienne instrument d'harmonie avec le monde.
  • Pour d'autres, la musique a le pouvoir inconscient de renforcer notre présence physique dans le monde. C'est le rôle des musiques de danse, des musiques très rythmées où le corps peu à peu se mobilise, se coule dans le rythme et fait taire le mental.

Certaines musiques sacrées d'Orient ont été conçues pour agir sur cet aspect de l'être humain qui est appelé dans la tradition des soufis d'Asie centrale et occidentale, le "centre moteur". C'est notre manière d'être et d'agir physiquement. Nous n'y prenons pas garde et ignorons souvent qu'elle est un instrument de connaissance et d'action au même titre que l'affectivité ou l'intellect.

La présence physique regroupe les sensations, qui, contrairement aux émotions, peuvent être indifférentes (sensations des couleurs, de la température). Elle inclut aussi la voix, le maintien, les attitudes et enfin les savoir-faire physiques, c'est à dire l'aptitude à agir avec le corps. Cette fonction travaille par imitation. Elle doit d'abord être pensée au moment de l'apprentissage, puis devenir automatique. Lorsqu'elle est devenue automatique, nous n'en avons plus conscience.

  • D'autres musiques éveillent en nous le désir, l'éros. Notre fonction sexuelle ne travaille que par intermittence. Mais à certains moments, elle neutralise toutes les autres fonctions. Sa possibilité d'utilisation en tant que moyen de connaissance a été développée par le Tantrisme. Celui-ci n'est pas, comme on le présente souvent, une confusion entre l'érotisme et le religieux. Il met en valeur une ascèse purifiant cette fonction de son aspect animal.
  • Les musiques très primitives, à base de sons non articulés et de cris, s'adressent à l'instinct. Certaines musiques, spécialement conçues par des thérapeutes musiciens, avaient pour rôle de revitaliser les fonctions instinctives, fonctions internes au corps (respiration, circulation, digestion) ou certains réflexes. La différence entre les fonctions instinctives et motrices tient à ce que la première est naturellement automatique alors que la seconde nécessite un apprentissage.

 

30/12/2020

Enigme

 

20-12-29 (13-01-07) Enfermement 146x97.jpg

Comme deux ne font qu'un

puissance supérieure

Un fait-il Zéro ?

Du Rien naît le Tout...

 

29/12/2020

La mue (11)

Je sors avant qu’elle n’ait le temps de refermer. Oui, je la connais Joséphine, elle est juste un peu lente. Non, cela ne se voit pas, mais c’est suffisant pour me permettre de me glisser dehors. Elle est furieuse, mais n’ose encore pas le montrer. Elle m’appelle :

– Rémi, comment vas-tu ? Comme tu le vois, je t’ai préparé ton diner. Tu ne veux pas le prendre ?

Je fais non de la tête et lui pépie mes conditions. Je dois pouvoir ouvrir la cage quand je le veux. Elle doit me montrer comment je peux ouvrir. Elle fait semblant de ne pas comprendre, mais devant mon insistance, elle finit par céder. Elle me montre comment je peux ouvrir. C’est simple. Mais a-t-elle le pouvoir de bloquer le système. Oui, je le vois bien. Alors, je me jette sur sa tête et lui cogne deux fois celle-ci avec mon bec. Elle comprend et supprime sa possibilité. Je suis maintenant libre comme je le veux, tout en étant protégé par Joséphine. Que demander de mieux ?

Nous avons chacun pris notre indépendance tout en nous respectant mutuellement. Je prends garde de ne pas faire trop de bruit le matin alors que je suis réveillé tôt. Elle m’apporte chaque jour mes repas avec assiduité. Elle écoute parfois de la musique. Heureusement, elle a de l’oreille et du goût et ne consomme que de la musique classique. J’aime, particulièrement depuis que j’ai mué, la musique de Janequin (Le Chant des Oiseaux) ou Joseph Haydn avec La Poule. Elle me fait plaisir à petits prix et je peux m’exercer à triller tant et plus. Pendant la journée, j’ouvre la cage et je me promène dans l’appartement. Je dois faire attention de ne pas me laisser aller. Il y a deux jours, j’ai lâché une crotte au cours de mes vols et Joséphine était furieuse. Elle m’a recouvert d’un voile opaque pendant la journée et je n’ai rien pu faire. En rentrant le soir, elle m’a dit :

 – J’espère que tu as compris. Sinon je serai obligé de t’enfermer définitivement.

Je me suis mis en posture de soumission sur le nid et elle a paru rassurée.

28/12/2020

L'autre

Il entra subrepticement
Le noir l’emplissait
Il venait de crever l’abcès
Et pénétra au-delà du connu

Le silence accompagnait l’image
Noir, pas un bruit
Rien où s’appuyer
Il marchait dans le coton
Avançait avec peine
Malgré l’absence d’obstacles
Là, au centre de lui-même
Il n’y avait rien
Juste une sphère
Un grain de folie
Dans l’immensité du quotidien

Le temps s’arrête
La vie n’est plus
Ou tout au moins l’agitation

Il s’absente
Il ne sait rien
Et il sait tout
Mais le tout n’est rien
Et le rien devient tout
Il voudrait bien secouer ce refuge
Savoir si le grelot tinte

Est-il encore là, au centre
Dans ce moi qui le détient
Ou a-t-il franchi la porte
De la blancheur absolue
Dans laquelle rien ne pèse
Sans temps ni espace
Juste un douillet nuage
Qui l’entraîne au loin
Au-delà des apparences
Où le rien et le tout se côtoient
Où ni la hauteur ni la largeur
Ni même la profondeur
N’ont d’existence 

Le soi est vide de tout
Le tout n’est plus qu’un chatouillement
Au fond de la gorge
Qui n’est ni un rire ni un regret
Un vague souvenir
D’une vie antérieure
Pleine de bruits et de fureur

Ne reste plus qu’un rideau impénétrable
Qui cache l’autre monde
Inconnaissable, mais bien réel

 

27/12/2020

La musique : voie de purification

La musique sacrée n’a pas seulement pour fonction d'exprimer le mystère divin et de faire percevoir à celui qui l'écoute le Verbe caché dans les êtres et les choses. Elle est aussi voie d'ascèse et de purification. Dans la musique et en particulier le chant, l'être s'oublie, s'ouvre, se purifie, se livre au mystère et le découvre par communion intime du corps, du cœur et de l'intellect. Celui qui s'engage sur cette voie a déjà été touché profondément par les deux autres aspects de la musique sacrée. Consciemment, il va chercher à progresser sur le chemin en plusieurs étapes : . prise de conscience de son absence d'unité, . perception de son état d'être, . purification du moi et unification, . harmonie. La musique devient ascèse. Elle n'est plus perçue de l'extérieur, elle devient son intérieur qui naît dans le silence de l'âme, prière purifiée de l'agitation du mental.

Prise de conscience de son absence d'unité

L'homme n'a pas de moi permanent et immuable. Chaque pensée, chaque humeur, chaque désir, chaque sensation dit "moi". Et chaque fois, on semble tenir pour assuré que ce "moi" appartient au Tout de l'homme, à l'homme entier, et qu'une pensée, un désir, une aversion sont l'expression de ce Tout. En fait, nulle preuve ne saurait être apportée à l'appui de cette affirmation... L'homme n'a pas de "moi" individuel. A sa place, il y a des centaines de petits "moi" séparés, qui le plus souvent s'ignorent, n'entretiennent aucune relation, ou, au contraire, sont hostiles les uns aux autres, exclusifs et incompatibles. A chaque minute, à chaque moment, l'homme dit ou pense "moi". Et chaque fois son "moi" est différent. A l'instant c'était une pensée, maintenant c'est un désir, puis une sensation, puis une autre pensée, et ainsi de suite, sans fin. L'homme est une pluralité, le nom de l'homme est légion. Il n'y a rien dans l'homme qui soit en état de contrôler ces changements des "moi", principalement parce que l'homme ne les remarque pas ou n'en a pas idée. Il vit toujours dans son dernier "moi".

Ouspensky, Fragments d'un enseignement inconnu

Percevoir cette absence d'unité que tous les spirituels décrivent, c'est prendre conscience de la fonction qui en nous prédomine sur les autres et nous empêche d'avoir une perception globale du monde.

26/12/2020

Chants grégoriens

https://www.youtube.com/watch?v=ljci52UccLE&prefetch=1 


J'erre et ne suis plus

viens et entre en toi-même

il trouva la paix

 

25/12/2020

Le jour de Noël

La liturgie du temps de Noël nous convie à méditer les trois aspects du mystère de l’Incarnation.

D’abord la naissance éternelle du Verbe qui reçoit éternellement la nature divine du Père. C’est à ce titre qu’est lu dans la messe du jour de Noël le prologue de l’évangile de Saint Jean : Au commencement était le Verbe, la Parole de Dieu, et le Verbe était auprès de Dieu, et le Verbe était Dieu. Il était au commencement auprès de Dieu. Par lui, tout s’est fait... 

Ensuite, la naissance temporelle du Verbe dans l’histoire des hommes : et le Verbe s’est fait chair, il a habité parmi nous...

Enfin, la naissance spirituelle du Verbe en chacun de nous pour donner vie à l’église, corps mystique du Christ : tous ceux qui l’ont reçu, ceux qui croient en son nom, il leur a donné le pouvoir de devenir enfants de Dieu.

 

Comme les enfants dans la nuit de Noël

Cache-toi sous ta tente et entre en toi-même

Considère le passé, envisage l’avenir

Interroge-toi sur le présent

Prend conscience du faux plein en toi

Envisage le vide de ta conscience

Laisse aller ce moi que tu chéris

Et fait naître en toi celui qui est

Il t’ouvrira les portes de l’infini

24/12/2020

Fuite (pictoème)

 

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Déconstruit, il va

et prend le parti de fuir

Changement de plan ?

 

23/12/2020

Arvo Pärt - Bogoroditse Devo "Ave Maria"

https://www.youtube.com/watch?v=s16VrkmEPVU


Créateur d'une musique épurée, d'inspiration profondément religieuse, Arvo Pärt a composé des œuvres jouées dans le monde entier et reprises dans plus de 80 disques compact. Inspiré par le chant grégorien et la polyphonie ancienne, le compositeur Estonien a développé son propre style appelé tintinnabuli. (From: https://www.francemusique.fr/personne/arvo-part)

Voir: http://regardssurunevissansfin.hautetfort.com/apps/search/?s=Arvo+Part 

 

 

 

22/12/2020

Viens écouter l'herbe pousser

Un matin, elle lui prit la main
Elle sourit, mystérieuse, grandie
Et, sans rien dire, l’entraîna
Vers les champs et les prés
Pour écouter l’herbe pousser

Où aller pour cela ?
Derrière la maison,
Près de la rivière
Là où le bétail ne va pas
Il y a trop d’orties

Elle portait sous son bras
Un tissu de fleurs en fête 
Qu’elle déploya souplement
Avant de s’étendre dessus
Souriante, elle lui tendit la main

Viens écouter l’herbe pousser
Lui dit-elle d’une voix douce 
Pour cela, il faut t’étendre
Fermer les yeux en ouvrant les mains
Et laisser ton cœur battre

Les yeux clos, elle s’alourdit 
Avec la légèreté d’un écureuil
Volontairement inerte, elle resta
Un brin d’herbe dans la bouche
Entre ses incisives blanches

Dieu, qu’il était beau ce brin
Vert tendre, droit de souplesse
Reposant sur le velours des lèvres
Approche, me dit-elle
Écoute l’amour du monde !

Il s’étendit à côté d’elle
Glissa également un brin d’herbe
Entre ses dents et ferma les yeux
Quel silence, pensa-t-il
Il oublia son corps. Ils étaient deux

Que se passa-t-il ensuite
Il ne sut ce qu’elle projetait
Il sentit la caresse de l’herbe verte
Le souffle tiède de ses lèvres 
Et les brins d’herbe se frôler

Chut ! Ne parle pas
Elle lui prit la main
La posa sur sa poitrine
Le regarda profondément
L’amour était là, bien vivant

21/12/2020

La mue (10)

Je lui explique par un vol imagé ma promenade dans la ville. Évidemment, je ne lui dis pas que je l’ai suivi ce matin. Elle fait semblant de comprendre, sourit et me prends dans ses mains. Comme c’est bon, presque autant que l’amour. Elle me fait entrer dans l’appartement, m’ouvre la cage qu’elle a achetée en prévision de ce qui s’est passé. Elle y a installé un petit nid douillet, un réservoir plein d’eau et un bac à graines qui est déjà rempli. Quel luxe. Lorsque j’ai fini, je mets mon bec au creux de la commissure de ses lèvres. Elle me prend, me dépose dans la cage et… elle referme. Je suis prisonnier. Je proteste doucement, puis un peu plus énergiquement en tapant du bec sur les barreaux. Mais rien n’y fait. Elle m’a déjà tourné le dos et se prépare son diner, un délicieux plat de pâte avec une sauce tomate italienne que je connais bien. Il ne me reste à moi que les graines et quelques gouttes d’eau. Je pépie, je pousse de petits cris, je piaille. Rien n’y fait. Je reste seul. Oublié Rémi. Il ne compte plus. Ce n’est qu’un oiseau de compagnie à qui l’on donne quelques graines pour qu’il vous enchante les oreilles.

Je rumine, je rumine. Il faut que j’apprenne à ouvrir cette cage, sinon je vais devenir fou. Je dois faire attention quand elle viendra remettre de l’eau ou des graines. Quand je pense qu’auparavant c’est moi qui allais faire les courses ! Joséphine, que se passe-t-il ? Tu as toujours été tendre avec moi. Tu m’attendais le soir dans le lit et tu l’ouvrais à mon arrivée. Je me jetais dans tes bras et nous partions ensemble au septième ciel. Quelle froideur tout d’un coup. Je ne comprends pas. Que s’est-il passé ? Oui, c’est vrai, j’ai un peu changé, mais je suis toujours Rémi, ton amant, ton petit ami, ton compagnon, ton presque mari. Alors ?

Rien. Elle m’ignore. Je n’existe plus, ma parole. Vite, mangeons toutes les graines, qu’elle soit obligée de les remplacer. De même pour l’eau. Un quart d’heure après, je m’installe dans mon nid, le ventre lourd, la démarche peu assurée. Oui, j’ai trop mangé. Mais c’est pour la bonne cause. J’attends. Le soir est tombé. Elle a allumé la lampe au plafond. Elle est trop puissante et m’aveugle quelque peu. Peu importe. J’attends. Je l’entends entrer dans la salle de bain. Elle ne ferme plus la porte. Elle chantonne, revient dans la chambre, retourne se regarder dans la glace et, tout d’un coup, réapparaît nue, tranquille, comme si elle était seule. Elle passe sa main sous les bras : « non cela peut attendre, je me raserai dans deux ou trois jours », semble-t-elle se dire. Enfin, elle vient vers la cage, constate le  manque de nourriture et d’eau, va à la cuisine et ouvre la cage pour y glisser les deux contenus.

20/12/2020

Lune

Dernière année de jeunesse
J’approche du moment fatidique
Où les astuces ne marchent plus

Un an seulement à vivre
Avant de perdre la blancheur
Et de devenir adulte définitivement

Que vais-je faire de ma vie ?
M’agiter dans mon bocal
En regardant la jeunesse

Je ne pourrai me délecter de fraîcheur
Ah, j’ai encore un avantage
Je peux courir dans les prés sans relâche

Oui, la barbe à papa ne fait plus effet
D’ailleurs les gens me regardent
Comme un crocodile empaillé

Ils n’ont plus peur de glisser un doigt
Dans la gueule du monstre
Pour le faire sourire bêtement

Dieu, que les adultes sont ennuyeux
« Fais risette mon doux lapin
Et goûte ce doigt de miel »

Je n’ai que faire de vos gâteries
Encore enrobé de chocolat
J’hume la grandeur du passage

C’est la dernière année
Réjouis-toi, l’œil écarquillé
Et fume tes dernières réjouissances

Rien ne vient sans effort
Même les derniers instants d’enfance
A la lecture du journal des jeunes

Encore un an et je serai adulte
Définitivement engoncé et malheureux
Dans mon costume trois-pièces

Ne pleure pas, c’est le lot
De chacun sur cette terre
Pour s’évader au petit matin

Mais pas avant de fêter
La dernière lecture du journal
« On a dansé sur la lune ! »

19/12/2020

Certitudes

Ne pas vivre de certitudes. C’est à la fois plus simple et plus difficile que d’en vivre.

Plus simple parce que cela soutient devant le vide. Plus difficile parce qu’il faut perpétuellement les consolider ou même les rebâtir.

La seule certitude est l’amour. La connaissance n’apporte pas de certitudes, elle ne fait qu’aider à ne pas en avoir.

Comme il est difficile de n’être sûr de rien, sauf de l’amour. Au fond, l’amour c’est l’espérance : garder l’espérance devant toutes les incertitudes.

18/12/2020

Fille ou femme

C’était une fille, une jeune fille
Si jeune qu’elle était encore fille
Et non femme de toujours
Aux traits versifiés de miel

L’éclair du regard monte en flèche
Au-delà du clocher sur le soleil
L’ombre n’est plus de noir
Mais de chaleur de peau

Elle avançait avec délectation
Dans la blancheur de la nuit
Haussant ses frêles sourcils
Souriante de lèvres enfiévrées

Sans un mot, elle avançait
Tendant la main aux vents
Pour goûter la fraîcheur
De ce jour si nouveau pour elle

Jamais elle n’avait connu
Ce frémissement imperceptible
Ce tremblement divin de la chair
Jusqu’à son ouverture involontaire

Avance vers la lumière !
Enrage d’être ce que tu es
Deviens ce que tu seras
Quand la femme surgira

17/12/2020

La mue (9)

Effectivement, elle est entrée dans l’immeuble où elle travaille. Je n’ai jamais su exactement ce qu’elle fait. Elle me parle tantôt de communiqué, tantôt de messages publicitaires, tantôt d’avertissement, de quoi, je ne sais pas. J’attends, je vais probablement la voir à l’une des fenêtres. Je fais le tour du bâtiment, étage par étage. Ah, ça y est, la voilà ! Elle parle avec une copine tout en s’installant à sa table de travail. C’est drôle d’imaginer que je peux maintenant la voir au travail, l’air de rien. Elle rit. Oui, elle m’avait dit qu’elle s’amusait bien au travail et que les gens étaient sympas. Bon, je ne vais pas rester là toute la journée à l’attendre. Que faire ? Je décide de faire un tour de la ville avec la vision "Vue de Haut". Cela change tout. Vous voyez les gens beaucoup moins importants qu’ils ne le paraissent vus du sol. Il y a trois sortes de personnes : les chauves, comme un point blanc ou rose qui se promène sur le trottoir ; les chapeautés, surtout des femmes, mais on trouve aussi des hommes ; les chevelus, noirs, châtains ou blonds. De haut, on ignore leur condition sociale, hormis ceux qui tirent une charrette ou portent quelque chose sur leur dos. Ils s’agitent tous comme des fourmis. Ils entrent et sortent sans cesse d’un immeuble, d’un autobus, de la bouche du métro. Seuls les sages se tiennent assis au café. Oui, une ville ne ressemble pas à ce que nous connaissons lorsqu’on la regarde d’en haut. On dirait une pelouse bien tondue, avec des immeubles, voire des gratte-ciels, entre lesquels les insectes remuent avec célérité. Nous, les oiseaux, avons l’avantage de pouvoir nous trouver où nous le voulons, en hauteur et en largeur, pas en profondeur, car nous n’aimons la terre que parce qu’elle nourrit les vers. Tiens ! C’est la première fois que je pense en tant qu’oiseau. Ça va assez vite finalement !

C’est le milieu d’après-midi, je suis las. Je décide de rentrer à l’appartement, pour me reposer si je trouve une fenêtre ouverte, ou, au moins, pour attendre Joséphine. Malheureusement, tout est fermé. Je m’installe sur l’arbre face à l’entrée de l’immeuble et attends. Je repense à tout ce qui s’est passé en quinze jours. Quel bouleversement. J’ai réussi à tenir psychologiquement, mais non sans mal. Ce qui me chagrine le plus, c’est Joséphine. J’ai l’impression qu’elle se détache. Pourquoi m’a-t-elle fermé la porte au bec ? Ce n’est pas très gentil. Ah, elle arrive. Je prends mon envol et fait des tourbillons autour d’elle en pépiant. Elle finit par me reconnaître :

– Rémi, qu’as-tu fait de ta journée ?

16/12/2020

La musique sacrée : expression de la parole divine (7)

Le verbe engendré et proclamé

Dans le Verbe et par le Verbe, en Christ, Verbe de Dieu, le chrétien découvre Dieu :

 

Il n'y a qu'un seul Dieu,
manifesté par Jésus-Christ, son Fils,
qui est son Verbe sorti du silence...
Ignace d'Antioche

 

             Dieu, en Christ, vient chercher l'humanité pour que l'homme trouve en Christ la déification.

             Nativité : l'immatériel s'incarne, le Verbe se fait chair, l'invisible se fait voir, l'impalpable peut être touché, l'intemporel commence, le Fils de Dieu devient le Fils de l’homme : c'est Jésus-Christ, toujours le même, hier, aujourd'hui et dans les siècles... Voilà la solennité que nous célébrons aujourd’hui : l'arrivée de Dieu chez les hommes, pour que nous allions à Dieu, ou plutôt pour que nous revenions à lui...

Grégoire de Naziance

 

             C'est en Christ que l'homme s'unit à Dieu et cette union est union avec chaque être et avec l'univers. Le Verbe réalise alors en l'homme l'harmonie. Le chant du monde devient le chant des anges. L'âme jubile, chante Dieu en des mots incompréhensibles : c'est le chant en langues, chant subtil, musique céleste d'où la science musicale est absente. Les voix s'harmonisent sans effort ni recherche. La pauvreté devient richesse : l'Esprit prie en nous. 

14/12/2020

Immortels

L’ombre des grands arbres s’est retirée
Ne reste que le nuage d’incertitude
Que donne l’absence de ta présence
Comme la douceur d’un voile de mariée

Te souviens-tu, toi, belle comme le jour
De l’étincelle de ton sourire de bonheur
Dans la fraîcheur de la campagne glacée
Rien d’autre n’existait, que ta beauté

Puis, le temps est passé, imperceptiblement
Les feuilles sont tombées, une à une
Les sourires se sont tus, muets de stupeur
Nous étions figés dans le stupre protecteur

Le réveil nous incite, sagement
À rêver à d’autres voyages à deux
Les yeux ouverts sur la nuit vacillante
Les bras tendus vers l’inconnu

Quand donc redeviendrons-nous immortels ?

13/12/2020

Osmose

Le chemin de la vie est long.

Il consiste, dans un premier temps, à connaître le monde et tout d’abord son environnement immédiat. C’est le rôle de la première enfance : trouver sa place parmi ses proches. Puis, s’étend votre connaissance de la vie et de la beauté du monde lors de la grande enfance et de l’adolescence qui va permettre de découvrir une vie intérieure, personnelle, par petites touches réalistes, comme un autre monde faisant irruption dans le monde habituel. On ne sait d’où viennent ces impulsions, impressions, désirs ou rejets, mais ils s’ancrent en nous et ressortiront plus tard. Ce sont des instants brefs, qui marquent au fer rouge l’écoulement du temps et la connaissance du soi. Alors, progressivement, apparaissent, sans vraiment y songer la question de ce que l’on faire de sa vie. Ce ne sont que des images qui, peu à peu, s’imbriquent les unes dans les autres, parfois de manière contradictoire, pour laisser des choix à prendre en compte consciemment jusqu’au choix de l’adolescence. On croit savoir alors ce que l’on veut faire de sa vie, mais ce n’est que la vie extérieure, le plongeon dans la machine à laver du monde.

Puis vient la découverte de la vie intérieure et de la connaissance de soi. Là aussi, ce ne sont que de petites touches : ses faiblesses, ses fausses certitudes, ses échecs, ses espérances d’autres choses. On a déjà construit sa vie extérieure et l'on découvre qu’il existe une nouvelle frontière, invisible, qui vous étouffe en raison des habitudes qu’elle entraîne et qui vous lient à votre destin d’homme dans le monde. Vous découvrez le monde intérieur, l’entrée en vous-même et l’infini de votre personne qui va bien au-delà de ce que vous-même et les autres connaissez. Vous faites alors connaissance de votre dualité, le moi, ce personnage intime que vous vous efforcez de mettre en avant et un soi, lointain, mais étrangement proche et plus vrai, que le personnage. Vous pouvez décider de partir ou non en exploration de ce nouveau monde, si différent de celui que vous connaissez. Mais il faut apprendre à franchir la frontière invisible et impalpable entre l’extérieur et l’intérieur, le moi et le soi, le mensonge à soi-même et la vérité à percer.

 C’est une nouvelle quête que cette entrée en soi-même qui vous fait découvrir et l’infini de votre être et par là même l’infini du monde et de sa réalité. Il faut alors apprendre à entrer en osmose avec vos deux vies, puis à les unir dans votre propre réalisation.

 

 

12/12/2020

La mue (8)

Je pépie et trille à qui mieux mieux en agitant ma tête de haut en bas, une vieille habitude humaine pour acquiescer à ce que dit quelqu’un. Elle émet quelques larmes, m’embrasse sur le bec, me caresse à nouveau, puis me pose sur le rebord de la fenêtre et ferme celle-ci. Je suppose qu’elle va faire sa toilette et il ne faut pas la déranger, que l’on soit humain ou animal. Alors j’attends. Je l’imagine nue devant sa glace, auscultant les points noirs sur son nez ou le bouton sur son cou qui la gêne ou encore le bleu sur sa cuisse qu’elle s’est fait dans le métro. Elle sort sa trousse de maquillage, prépare les bons flacons et les crèmes ad hoc, et se prépare un corps de rêve, celui que j’ai apprécié les jours passés. Elle finit par quelques projections de parfum derrière l’oreille et sous les bras, noue son soutien-gorge sous les seins, passe l’attache dans son dos en le faisant tourner autour de son buste et le fait remonter de façon à les empaqueter et se sentir à l’aise. Elle enfile sa jupe et fixe les boutons qui la maintiennent à la taille ; enfin elle revêt un corsage immaculé. Ah, elle devrait sortir. Que fait-elle ? Cela dure plus longtemps que prévu. Enfin, la voilà. Elle se jette encore un coup d’œil dans la glace de la chambre, prend son sac et sort sans même regarder dans ma direction. Je crie intérieurement, mais ne sortent que quelques pépiements qu’elle n’entend bien sûr pas.

Je décide de la suivre. C’est facile pour un oiseau de surveiller un adulte marchant dans la rue et même entrant dans un immeuble. À un moment ou un autre, il réapparaîtra à une fenêtre pour contempler le temps qu’il fait ou surveiller un point précis dans la rue. Cela vous arrive souvent d’aller vers la fenêtre en pleine réflexion et de regarder sans voir les mouvements de vos contemporains. Pendant ce temps, votre esprit travaille, broie les idées, les fait passer dans des filtres, jusqu’à ce qu’elles ressortent taillées comme un diamant, rutilantes et faisant envie. Vous pouvez ensuite, en toute quiétude, vous emparer du clavier de votre ordinateur et taper sans difficulté jusqu’à l’épuisement de votre découverte. Aïe, c’est vrai, je ne peux plus le faire, à moins de taper avec le bec, ce qui est long et risque de le fissurer. Je dois garder en moi mes impressions, sentiments, raisonnements et attendre, plein d’idées qui ne pourront être mises en valeur. La vie d’oiseau est incomplète, surtout lorsqu’on est un intellectuel !

11/12/2020

La musique sacrée : expression de la parole divine (6)

L'annonce de la Parole

             Le Verbe parlé, répété, redit, perd sa force originelle. Aussi toutes les traditions font appel à la récitation chantée : cantillation, récitatif, psalmodie. Le mot vivifié par le son comme à l'origine de la création, pénètre et crée dans l'être un espace spirituel auquel il pourra se référer. La psalmodie restaure le Logos dans sa divinité. Elle permet de retrouver la Parole du début des temps et, par là, le nom véritable des êtres et des choses. Le chantre devient ainsi médiateur entre le monde d'en haut et celui d'en bas.

             La récitation du nom de Dieu est une pratique de concentration et de méditation utilisée par de nombreuses religions : prière de Jésus des moines orthodoxes, Dikr des soufis musulmans, Aum des hindous. Pour les non chrétiens, non enracinés dans l'incarnation, il s'agit du retour au Verbe en tant que son suprême :

 

* Pour les soufis, tous les sons supérieurs aboutissent à Hou. Ce son sacré, entendu dans le silence des méditations, est la secrète vibration de l'homme et des choses.

 

* Le sémitique Houa est à l'origine de Hava, Eve.

. Hou = Dieu non manifesté

. a = le manifesté

 

* Aum est la formule sacrée des hindous :

. A est le son clé du manifesté, le son pur avant l'articulation. "Parmi les lettres, je suis A", fait-on dire à Krishna. Il se chante sur Do.

. U ou O est l'état intermédiaire, la voie, modulé sur Mi ;

. M ferme la série des sons. Psalmodié sur Sol, Il est l'aboutissement, l'état informel.

L'accord parfait d'Aum résume la totalité des phénomènes sonores. Tous les mots qu'on peut créer y dorment.

 

* Le mot Amen a la même origine :

. A au début du mot, est le commencement,

. M au milieu est la fin,

. N est l'écho de M. En finissant naturellement dans le chant nasal du souffle, il représente la Vie.

 

10/12/2020

mort d'un personnage

Mort… Il est mort
Celui qui vécut un train d’enfer
Qui courut au-dessus de ses jambes 
Et tint longtemps la dragée haute
 A ses concitoyens égarés

Affairé, mais discret, il suivait
Sa tâche, guidant les autres
Seul, sachant ce qu’il voulait
N’expliquant rien, pensant en lui-même
Jusqu’à ce qu’il tombe une nuit
Comme une masse de roc
Ou une fleur desséchée…

Il était le maire
Il fut le père du village
Que le Seigneur l’accueille
Et le comble de ses grâces… 

 

08/12/2020

La mue (7)

Réveil ce matin avant le lever du jour. Cela va devenir une habitude. Joséphine est dans le lit et dort. Elle est belle ainsi, dégagée de tout souci. Je suis couvert de plumes, mes jambes sont devenues des pattes, je n’ai plus que trois doigts de pied et une sorte d’ergot. Je n’ai plus de bras, ils sont remplacés par des ailes que je déploie. Ça va. Pas trop d’envergure, juste ce qu’il faut pour voler plusieurs centaines de mètres, rien de plus. Je vais dans la salle de bain. Heureusement, la porte était entrouverte, autrement je n’aurai pu l’ouvrir. Je me regarde dans la glace. Dieu, quel oiseau ! J’ai un beau bec ma foi. La fenêtre m’attire, j’avance mon long cou pour contrôler si personne ne me regarde. Je monte sur le rebord et, malgré une certaine appréhension, je me lance. Oui, aussitôt mes ailes se meuvent et tracent dans l’air un sillon. Je vole. Quelle étrange sensation ! Cela fait un peu mal au cœur, le manque d’habitude, sans doute. Je me perche sur une branche d’arbre. Ne pas perdre de vue la fenêtre d’où je viens. Oui, elle est là-bas, à cent mètres environ, au sixième étage. Tiens, Joséphine regarde par la fenêtre de la chambre, elle a dû me chercher dans l’appartement et, voyant la fenêtre ouverte, elle a peut-être compris ce qui se passe. Je vais aller la voir. J’espère qu’elle me reconnaîtra.

Je m’envole, déjà très à l’aise. Comme c’est pratique de se déplacer dans les airs. Tout est simple, peu d’obstacles, pas de rencontres inopportunes, on va en ligne droite, on se laisse planer dès qu’on a pris un peu de vitesse. Et encore, je ne suis que débutant ! Je passe une première fois devant Joséphine toujours à la fenêtre. Je fais un petit looping pour lui signaler ma présence. Oui, elle m’a repéré. Elle me regarde, intriguée. Elle ne semble pas me reconnaître. Je me mets à sa place. Imaginez-vous, vous imaginant un oiseau qui s’imagine être un homme. Il y a de quoi perdre son latin et même le grec appris par la suite. Allez, Joséphine, je te pardonne. C’est bien normal de ne pas m’avoir reconnu. Il faut pourtant que je me signale. Alors, je viens me poser sur son épaule, le plus doucement possible. Je fourre mon bec dans ses cheveux et émets un petit piaillement, le plus doux possible. Mais je ne contrôle pas encore ma voix, ni même mon vocabulaire. Je ne sais si elle va comprendre. Cependant elle sourit, me regarde, me prend avec douceur et me caresse la tête en me demandant de sa petite voix :

– C’est bien toi ?

07/12/2020

La musique sacrée : expression de la parole divine (5)

Dans beaucoup de religions, le Verbe est pensée, création et rythme :

* Le Verbe est d'abord pensée avant d'être parole. En lui, tout est présent avant d'être. Il est silence avant de s'exprimer. C'est pourquoi la musique religieuse authentique s'attache plus, grâce aux sons, à la découverte du silence intérieur qu'à une description sonore de la puissance divine. Avant d'être proclamée force de création, la Parole est méditée, contenue, jusqu'à ce qu'elle jaillisse en acte créateur.

* Le Verbe est création. Par le son, le Verbe extériorise les possibilités contenues en lui de toute éternité. La Voix dit, et en disant, elle crée le monde. La nature entière est faite de vibrations silencieuses que la musique fait découvrir. C'est la divine harmonie de Platon qui rejoint dans une intuition géniale les découvertes scientifiques les plus récentes sur la structure de la lumière et le jeu des atomes. La tâche du musicien consiste à recréer l'unité d'un monde qui nous parait parcellaire. Il met en harmonie les vibrations de l'être et de l'univers et re-crée ainsi le monde pour cet être.

* Le Verbe est aussi le rythme qui donne la vie. La vibration est rythme, le son est en soi rythme et les sons musicaux se combinent en rythme. Le vrai rythme régénérateur, qui dévoile le Verbe divin derrière les paroles humaines, est le fruit d'une confrontation entre notre temps intérieur et le temps musical et non une division mathématique du temps. Il conduit au retour du rythme premier, où les sons refont le geste du créateur.