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16/03/2021

Mouvement (1)

Un mouvement reste toujours mystérieux
Qui bouge : l’objet ou son environnement ?
La terre tourne à 1600 km par heure sur elle-même
De quoi avoir le tournis et vous rendre insensible
Mieux vaut se tenir aux pôles qu’à l’équateur
On y tourne qu’à 3 kilomètres par heure. Un repos !

Mais si l’on se compare au soleil, cela va plus vite
365 jours par an, soit 107.000 kilomètres par heure
Ou 2,6 millions de kilomètres par jour
Plus encore, le soleil lui-même file
A plus de 230 millions d’années
Pour faire le tour de notre galaxie

As-tu le vertige des vierges
Danses-tu la tête en bas ?
Prétends-tu savoir où tu te trouves ?
Perdu dans l’immensité du cosmos
Ta tête s’enroule autour d’elle-même
Ton œil seul reste fixe, vissé en toi
Comme unique boussole dans la mer
Des étoiles et soleils tourbillonnants
Mieux vaut ne pas regarder 
Où tu mets les pieds parmi tes voisins !

N’oublie pas cependant que tes neurones
Remuent également dans ton crâne
Que tu vois ta chérie tournoyer 
Et qu’il te faut entre danse avec elle
Pour atteindre l’harmonie divine
Et te laisser aller dans la soupe originelle
Dans un repos bien mérité

J’ai le tournis, me dit mon voisin !

14/01/2015

Circuit

Il se leva, déjà dressé sur sa couche
Il ne se retourna pas, sûr de lui
Elle restait seule dans ce lit
Dormant comme une souche

En route ! Il sortit dans la nuit
Le regard éveillé, tendu
Il distinguait le circuit
Cet anneau aux cercles défendus

Il enfila ses gants de cuir
Fit quelques mouvements subtils
Était-ce suffisant pour conduire ?
Rien ne lui sembla hostile

Il enfourcha la machine
S’équilibra sur la selle
Naturellement courbant l’échine
Pour l’épousaille charnel

Sous ses doigts, le bouton
Petit, rond, attirant le regard
Il pressa l’éclat du laiton
L’orage retentit, braillard

Seul le casque manquait à l’appel
Il choisit le rouge couleur sang
Qui était froid comme un scalpel
Puis, passa la vitesse sereinement

Le premier tour fut raisonnable
Il écoutait le chant clair du moteur
Ce son aimé parce qu’indéfinissable
Enfin, il activa le propulseur

Alors, collé à son engin
Le cœur soulevé, ouvert
Il prit son destin en main
Et partit vers l’univers

Courbé sur le réservoir
L’œil sans une larme
Il se laissa aller sans pouvoir
Interrompre le vacarme

Première courbe enjôleuse
Redresse la bête, la bê…ête
Celle-ci poursuivit, audacieuse
Elle semblait pourtant honnête

Il ne put redresser
Il resta de marbre
Mal embossé
Droit dans l’arbre

Eclatement
Explosion
Exactement
La dérision

Elle dormait toujours
Sans savoir son malheur
Elle rêvait d’amour
En attente de douleur

Dans ses yeux rieurs
La pluie lava la peine
Pas besoin de fossoyeur
Elle fut… La reine, sereine…

 © Loup Francart

17/12/2014

La lenteur, roman de Milan Kundera

Le premier chapitre résume toute la thèse du livre et son cadre : L’envie nous a pris de passer la soirée et la nuit dans un château. (…) Je conduis et, dans le rétroviseur, j’observe une voiture derrière moi. La petite lumière à gauchelivre, roman, thèse, lenteur, vitesse, oubli clignote et toute la voiture émet des ondes d’impatience. Le chauffeur attend l’occasion pour me doubler. (…)

L’homme ne peut se concentrer que sur la seconde présente  de son vol ; il s’accroche à un fragment de temps coupé et du passé et de l’avenir ; il est arraché à la continuité du temps ; il est en dehors du temps ; autrement dit, il est dans un état d’extase ; dans cet état il ne sait rien de son âge, rien de sa femme, rien de ses enfants, rien de ses soucis et, partant, il n’a pas peur, car la source de la peur est dans l’avenir, et qui est libéré de l’avenir n’a rien à craindre. (…)

Quand l’homme délègue la faculté de vitesse à une machine tout change : dès lors, son propre corps se trouve hors du jeu et il s’donne à une vitesse pure, vitesse en elle-même, vitesse extase.

Pourquoi le plaisir de la lenteur a-t-il disparu ? (…) Un proverbe tchèque définit la douce oisiveté  par une métaphore : ils contemplent les fenêtres du bon Dieu. Celui qui contemple les fenêtres du bon Dieu ne s’ennuie pas, il est heureux. Dans notre monde, l’oisiveté s’est transformée en désœuvrement, ce qui est tout autre chose : le désœuvré est frustré, s’ennuie, est à la recherche constante du mouvement qui lui manque.

 

Notre monde a certes gagné en vitesse, mais il a perdu sa capacité de bonheur, de plaisir. Il est froid et fait apparaître l’insignifiance et la lâcheté de l’homme moderne. Il s’appauvrit politiquement et culturellement et le paraître est devenu plus important que l’être. L’homme est dorénavant un « danseur » prêt à tout pour monter dans les sondages et ce faisant il n’existe plus, n’a plus ni morale, ni conscience, car quand les choses se passent trop vite, personne ne peut être sûr de rien, de rien du tout, même pas de soi-même.

Il faut cependant avouer que cette lenteur dont il fait l’éloge ne nous aide pas à comprendre le livre. Il m’a fallu de nombreux allers et retours pour commencer à entrevoir où il voulait en venir et je n’ai certes pas tout découvert et encore moins compris. La lenteur se déroule comme l’expiration d’un accordéon, un millefeuille de pliures qui cache de nombreux récits qui ne se relient pas forcément entre eux de manière explicite. Alors on a besoin de reprendre de l’air comme l’accordéon a besoin d’aspirer pour poursuivre sa complainte.

19/05/2014

Automobile

C’est ma maison, nous crie
Le sans domicile fixe
Elle est encombrée de paquets
Elle regorge d’ardeur
Car c’est le seul lieu
Où plus rien ne l’atteint

C’est mon apparence
Dit le vantard aimable
Il la brique chaque jour
Pour mettre en évidence
Son indigence personnelle
Mais sa brillance s’efface vite

C’est mon cheval de course
Regarde ce moteur en V
Il ne traine pas des pieds
Oui, il court plus vite
Que son ombre enfumée
Et pourtant elle reste à ses côtés

C’est mon salon à vivre
Chante la dame emplumée
Elle reçoit deux à deux
Converse aimablement
Et part à la première alerte
D’une atteinte à son hospitalité

C’est l’accueil pour le sans patrie
Elle devient droit d’asile
Ile au milieu des terres
Refuge du contestataire
De la femme opprimée
De l’enfant sans parent

Pour les plus simples
Ceux qui n’ont pas de rêve
Qui n’ont pas l’âme d’un poète
Ce n’est qu’un moyen
De faire don d’ubiquité
Ou même de bilocation

Le permis est obligatoire
Pour laisser l’imagination
Concrétiser ses rêves
La réalité nous rattrape
Tournez la clé dans l’antivol
Et partez tous phares allumés

 © Loup Francart