05/11/2012
Méditation en Périgord
L’arbre, symbole de vie, enraciné dans la terre, la tête dans le ciel, les branches ouvertes à tout vent, et ses fruits tombés à terre, glands ou autres semences, source d’autre vie.
La croix, symbole de l’union des contraires dans le Christ, horizontale pour l'homme et verticale pour le divin, rencontre du temps et de l’espace, elle est également l’image de la passion.
Le lieu de paix, la chapelle en pierre, symbole de ressourcement, à la porte romane par laquelle l’homme entre en méditation.
Et tout cela au bord d’une route, sur la route de l'homme debout.
Belle image, n’est-ce pas ?
07:15 Publié dans 14. Promenades | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : spiritualité, société, vie | Imprimer
02/11/2012
La Toussaint : parler de Dieu, parler à Dieu
« En priant, ne multipliez pas de vaines paroles, comme les païens qui s'imaginent qu'à force de paroles ils seront exaucés. Ne leur ressemblez pas; car votre Père sait de quoi vous avez besoin, avant que vous le lui demandiez. » (Matthieu 6:7-8)
Nombreux sont ceux qui parlent de Dieu. Ils en parlent sur tous les tons : avec chaleur comme les charismatiques, avec componction comme les religieux, avec savoir comme les théologiens, avec menaces comme les islamistes, etc.
Moins nombreux sont ceux qui prétendent que Dieu leur parle : indirectement par la Bible ou tout autre livre saint, ou directement. Seuls des jugements indirects permettent de faire le tri entre l’affabulation et le mystère de la parole de Dieu.
Beaucoup moins nombreux encore sont ceux qui parlent à Dieu. Comment lui parlent-ils ? La prière est le langage des hommes pour parler à Dieu. Mais elle emprunte la parole humaine. Alors elle n’est que le reflet de la vie extérieure ou intérieure de celui qui prie. Enfermé dans notre bulle de compréhension, pouvons-nous sortir de notre connaissance pour rencontrer Dieu face à face ?
Il existe une littérature importante de dialogues avec Dieu, comme celle de Neale Donald Walsch, par exemple. Qu’en penser ? Cela fait un peu conte de fée. Le plus beau dialogue est celui du Cantique des cantiques, merveilleuse allégorie qui illustre le dialogue entre Dieu et l’homme, hors de toute forme conventionnel. Une autre manière de parler à Dieu est l’utilisation de la poésie. Paul Verlaine a écrit un très beau poème : « O mon Dieu, vous m'avez blessé d'amour. Et la blessure est encore vibrante… Mais ce que j’ai, mon Dieu, je vous le donne. » Mais le poème emprunte à la parole humaine, avec sa vision.
Le chant, qui allie parole et musique, et en particulier la psalmodie, permet au chanteur de sortir de lui-même et de s’ouvrir à la réponse de Dieu. La musique en général est également une autre façon de parler à Dieu. Elle fait entrer en vibration sans besoin de paroles. Certains minimalistes actuels utilisent cette forme de langage pour dire leur foi.
Enfin, la meilleure façon de parler avec Dieu est bien sûr le silence. Non pas le silence avec les hommes, mais le silence intérieur, l’absence de dialogue avec soi-même jusqu’au calme de l’esprit. C’est la finalité de la méditation qui doit mener au silence : « Je comprends et je sais par expérience “Que le royaume de Dieu est au-dedans de nous”. Jésus n’a point besoin de livres ni de docteurs pour instruire les âmes, Lui le docteur des docteurs, il enseigne sans bruit de paroles… Jamais je ne l’ai entendu parler, mais je sens qu’il est en moi, à chaque instant il me guide, m’inspire ce que je dois dire ou faire. » (Sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus)
En fait, on ne parle pas à Dieu. Il parle à chacun de manière différente et certains lui répondent et le suivent.
07:07 Publié dans 61. Considérations spirituelles | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : parole, religion, spiritualité | Imprimer
15/08/2012
O Jésus, vivant en Marie
Né en 1608, Jean-Jacques Olier fait ses études à Paris où il joue les prédicateurs mondains. A l'âge de trente ans, il éprouve l'obscurité spirituelle et n'en sort qu'en 1641. Il crée alors une communauté de prêtres au sein de la paroisse de Saint Sulpice et il fait preuve d'une grande activité paroissiale tout en consacrant du temps à la confession et la direction spirituelle. Il meurt à 48 ans, mais déjà les Sulpiciens débarquaient au Canada pour assurer le service de la colonie.
Il est l'auteur de recommandations spirituelles et de prières telle celle-ci. Mise en musique sur un mode éclésial, elle se double d'une deuxième voix et d'un accompagnement en ison, à deux voix. Prière de méditation, elle calme l'esprit et le corps.
Une bonne manière de fêter le 15 août.
09:28 Publié dans 53. Créations musicales | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : chant, musique, spiritualité | Imprimer
31/07/2012
Mandala abstrait
http://www.youtube.com/watch?v=N10A8wKlGAs&feature=related
Partir vers un autre monde, si différent, en esprit, par l’ouïe et la vue, et laisser son imagination vagabonder dans le vide de la pensée. Les images se succèdent, sans autre vision que cet astre fantomatique qui se promène dans l’univers, seul, voyageant à des milliers d’années-lumière, occupant toutes vos pensées.
Om Tryambakam Yajaamahe
Sugandhim Pushti Vardhanam
Urvaarukamiva Bandhanaan
Mritor Muksheeya Ma-Amritaat
« Aum, nous adorons celui qui a trois yeux
Shiva, celui qui rayonne et qui nourrit tous les êtres
Puisse-t-il nous libérer de la mort et nous rendre immortels
Comme le fruit qui est cueilli de l’arbre »
Aum, son primordial, à l’origine de tous les mots, sortant de la gorge, roulant sur la langue et terminant sa course sur les lèvres. Utilisé dans de nombreux mantras, comme c’est le cas ici, la vibration engendrée par le son facilite l’éveil de la conscience.
Cette construction du chant se retrouve dans de nombreuses traditions religieuses par l’usage de l’ison (note tenue en accompagnement du chant) et d’une phrase courte, répétitive, facilitant le repos du mental, amenant progressivement l’absence de pensée et l’entrée en soi-même. Etonnant d’ailleurs comme ce chant est proche de la musique occidentale de style religieux : longue tenue d’une même note, le Do de notre gamme, qui est la note centrale sur laquelle tourne l’ensemble du chant et de son accompagnement par l’ison. Et le chant se déroule sur trois notes, comme dans la plupart des chants primitifs, Mi, puis Ré, avec deux autres notes accessoires, un Fa diminué et un Sol à l’octave inférieure, point de départ de l’aum, parfois à peine ébauché avant le Do.
Ce tableau est une sorte de mandala moderne, support de méditation. Volontairement abstrait, il utilise l’art optique pour imprégner l’œil des mêmes sensations que l’oreille. L’œil s’égare dans cette sphère jusqu’à ne plus chercher. Alors on trouve la paix dans un monde en changement permanent.
05:08 Publié dans 23. Créations peintures, 51. Impressions musicales | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : op'art, art cinétique, peinture, dessin, mandala, méditation, spiritualité | Imprimer
25/06/2012
La mort est un nouveau soleil, d’Elisabeth Kübler-Ross, Edition du Rocher, 1988 (suite et fin)
La troisième partie du livre est assez complète et se suffit à elle-même. Voici ce qu’en dit Elisabeth Ross : « Chaque jour des hommes meurent partout. Et néanmoins dans notre société qui a réussi à envoyer un homme sur la lune et à le faire revenir sain et sauf, aucun effort n’est entrepris pour étudier la mort et arriver à une définition actualisée et universelle de la mort humaine. N’est-ce pas étrange ? »
Alors elle nous raconte comment dans son équipe médicale, les expériences au seuil de la mort se multiplient. Elle constate même qu’au cours des dix dernières années on a rapporté dans le monde entier plus de vingt-cinq mille cas. Qu’on-t-il vécu ?
Au moment de la mort, nous vivons tous la séparation du vrai moi immortel de sa maison temporelle, c’est-à-dire du corps physique. On se voit mort physiquement et on se sait entité intégrale malgré tout. (…) On perçoit la présence de nos guides spirituels, généralement un être mort que nous avons particulièrement aimé. (…) On passa alors par une transition symbolique qui est le plus souvent décrite comme une sorte de tunnel et on approche d’une source lumineuse dans laquelle nous réalisons ce que nous aurions pu être, la vie que nous aurions pu mener. (…) Nous devons juger nos pensées, nos paroles et nos actes.
Elisabeth Ross fait alors part de sa propre expérience. Cette expérience a changé sa vie. Alors ne jouons pas les sceptiques à priori. Interrogeons-nous sur ces expériences qui furent suffisamment nombreuses pour qu’elles disposent d’une certaine légitimité. Nous ne trouverons pas la réponse tout de suite, mais cette méditation ne sera pas inutile.
C’est un beau défi, ne trouvez-vous pas ?
07:27 Publié dans 41. Impressions littéraires | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature, spiritualité, société, livre | Imprimer
12/06/2012
La mort est un nouveau soleil, d’Elisabeth Kübler-Ross, Edition du Rocher, 1988
« Beaucoup de gens disent : « Le Dr. Ross a vu trop de mourants. Maintenant elle commence à devenir bizarre. » L’opinion que les gens ont de vous est leur problème et non pas le vôtre. Il est très important de le savoir. Si vous avez bonne conscience et que vous faites votre travail avec amour, on vous crachera dessus, on vous rendra la vie difficile. Et dix ans plus tard, on vous donnera dix-huit titres de docteur honoris causa pour le même travail. » Ainsi commence le livre d’Elizabeth Kübler-Ross et cela me plaît : l’indépendance d’esprit est le seul moyen d’innover réellement. Et elle a réellement innové dans un milieu où les préjugés scientifiques sont aussi, sinon plus forts que dans les autres milieux. Un médecin qui sort de la science médicale, laquelle se résume à la vie physique, c’est inconcevable, même si ses recherches se font de la manière la plus scientifique possible.
Le livre est composé de trois conférences qui se font suite de manière logique : vivre et mourir ; la mort n’existe pas ; la vie, la mort et la vie après la mort.
L’homme vit dans un cocon, son corps. Il utilise pour cela l’énergie physique. Mais il dispose également de l’énergie psychique, et il peut les utiliser de manière positive ou négative. L’énergie psychique s’utilise au moment de la mort, lorsque l’homme sort de son cocon avec son corps éthérique comme le fait le papillon. Lorsqu’on lui pose la question de la mort des enfants, elle explique que ceux-ci ont appris ce qu’ils avaient à apprendre et que cette vie lui suffit. La mort permet de faire la synthèse de sa vie, de voir en quoi nous avons réussi ou non ce pourquoi nous sommes venus sur terre. Et ce pourquoi est différent d’une personne à l’autre.
La mort n’existe pas, dit le Dr. Ross. Elle n’est qu’un passage. Elle le tire de ses constatations de Near Death Experience. Alors il faut prendre la vie comme un défi. Nous sommes là, sur terre, pour découvrir quelque chose de personnel qui importe pour notre être tout entier. Alors mettons-nous au travail ! Peu importe si nous sommes connus ou inconnus, si ce que l’on a à découvrir apportera quelque chose à l’humanité ou sera insignifiant. L’essentiel est de le faire avec amour, sans jamais se décourager, sans recherche de profit personnel.
07:57 Publié dans 41. Impressions littéraires | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature, spiritualité, société, livre | Imprimer
13/05/2012
Monsieur Ibrahim et les fleurs du Coran
Pour poursuivre sur l'Islam et y puiser de la sagesse, malgré l'ambiance actuelle, ou peut-être à cause d'elle :
Parce que son père pense qu’il lui vole de l’argent, Moïse, dit Momo, jeune juif, casse sa tirelire et décide de devenir un homme en se payant une fille, rue de Paradis, à côté de chez lui. Peu après, il fait la connaissance de Monsieur Ibrahim, épicier musulman ouvert de huit heures du matin au milieu de la nuit. Le commerçant sait celui-ci malheureux. Il lui apprend en premier lieu à sourire, sourire de tout et à tous. C’est bête, mais ça marche. Ils s’apprécient et après le départ et le suicide de son père, Momo devient le fils adoptif d’Ibrahim. Pour fêter cela, ils décident de partir dans le Croissant d’Or, en Méditerranée. Ils achètent une voiture et Momo prend le volant. Tout au long du voyage, Ibrahim l’initie à la vie, la vraie vie, celle des sentiments, de l’amour et de la spiritualité. Il lui apprend comment distinguer les riches des pauvres. « Lorsque tu veux savoir si tu es dans un endroit riche ou pauvre, tu regardes les poubelles. Si tu vois ni ordures ni poubelles, c’est très riche. Si tu vois des poubelles et pas d’ordures, c’est riche. Si tu vois des ordures à côté des poubelles, c’est ni riche ni pauvre ; c’est touristique. Si tu vois les ordures sans les poubelles, c’est pauvre. Et si les gens habitent dans les ordures, c’est très très pauvre. »
En Turquie, ils s’arrête dans un village de montagne et Ibrahim emmène Momo danser. C’est la danse des soufis. Comme le lui explique Monsieur Ibrahim, ils tournent sur eux-mêmes, ils tournent autour de leur cœur qui est le lieu de la présence de Dieu. C’est comme une prière. Essaie, Momo, essaie.
Quant aux filles, lorsque Momo demande s’il sera assez beau pour leur plaire sans payer, Monsieur Ibrahim répond :
- Dans quelques années ce seront-elles qui paieront pour toi ! »
Et il poursuit :
- Tu les fixes en ayant l’air de dire : « Vous avez vu comme je suis beau. » Alors, forcément, elles rigolent. Il faut que tu les regardes en ayant l’air de dire : « Je n’ai jamais vu plus belle que vous »… Ta beauté, c’est celle que tu trouves à la femme.
Mais Monsieur Ibrahim a un accident. Il meurt tranquillement, heureux d’avoir si bien vécu. Momo médite un poème du soufi Rumi : Ce qui n’existe pas, produis-le : c’est l’intention.
Et il tourne. Je tourne une main vers le ciel, et je tourne. Je tourne une main vers le sol, et je tourne. Le ciel tourne au-dessus de moi. La terre tourne au-dessous de moi. Je ne suis plus moi mais un de ces atomes qui tournent autour du vide qui est tout.
Le livre se termine ainsi :
Voilà, maintenant je suis Momo, celui qui tient l’épicerie de la rue Bleue, la rue Bleue qui n’est pas bleue.
Pour tout le monde, je suis l’arabe du coin.
Arabe, ça veut dire ouvert la nuit et le dimanche, dans l’épicerie.
Oui, il faut le dire, Eric-Emmanuel Schmitt est un grand romancier. Sous des dehors d’une petite littérature pour midinette, il enseigne la vie à ceux qui ne peuvent entendre le langage savant. Et ses récits sont plein d’humour, les dialogues délicats, les personnages fantasmagoriques, hauts en couleur, inhabituels malgré leur extrême manque de connaissances intellectuelles. Alors on referme le livre avec un rien de regret qu’il soit lu si vite, et l’on rouvre les pages en cherchant les plus belles, mais toutes vous font vibrer et vous enrichissent d’une pointe d’humanité et de spiritualité.
07:22 Publié dans 41. Impressions littéraires | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature, écriture, roman, spiritualité, islam | Imprimer
09/05/2012
Rumi, ballet de Maurice Bejart, musique de Kudsi Erguner
http://www.youtube.com/watch?v=enOmxQP6JWs
La flûte, comme l’appel du muezzin, et la lente marche des danseurs qui semblent sortir de la nuit, après une veille mystique. Nous assistons à une véritable purification, pour ne pas dire une initiation. « Il y a un rapport mystérieux entre le corps et l’âme, et ce qui purifie le corps, par les ablutions et les gestes physiques de la prière rituelle ainsi que par la prononciation des paroles sacrées, aide l’âme à se purifier de la rouille qui ternit le miroir du cœur (sourate LXXXIII, verset 14) et qui l’empêche de refléter la vérité. Ghazâli précise qu’il ne suffit pas que le miroir soit net, car il doit être convenablement orienté, pour pouvoir donner une image. »[1]
Les corps tourne autour de « l’œil intérieur, l’œil du cœur, qui lui permet de voir les réalités supra-sensibles et d’être éclairé par les lumières célestes d’abord, puis par la lumière divine. » [2] Mais atteindre cet œil intérieur nécessite de la discipline, de la purification. On les voit se plier à la reconnaissance de leur petitesse devant la munificence de Dieu. Le cercle est d’abord imparfait et il se forme en un instant, inattendu, après que chacun succombe à l’aspiration mystique. Alors les corps ne font plus qu’un seul corps, les âmes se rapprochent et se tournent vers la lumière divine. L’œil intérieur se forme et se déforme. Quoi de plus beau que cette marche en rond, simple, pure, débarrassée de toute obscurité. Le corps devient léger, il s’envole et les robes se font ailes, les bras s’élèvent vers le ciel, tendus vers plus haut que soi. Apaisé par la lumière divine, l’homme peut se reposer dans sa chaleur et laisser en lui circuler l’énergie de l’esprit.
Il ne reste plus que l’unique réel ; et le sens de sa parole : « Toute chose est périssable sauf sa Face » est devenu pour eux une expérience personnelle (dhawq) et un état vécu (hâl).[3] Cette expérience personnelle désigne à la fois une connaissance intime, une participation sensible et émotionnelle, qui apporte certitude et compétence.
Merci Maurice Béjard pour cette leçon de vie qui ne s’exprime que par le tournoiement des corps et qui finit comme les astres qui tournent autour de la lumière divine.
05:09 Publié dans 51. Impressions musicales | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : musique, danse, spiritualité, soufisme | Imprimer
20/04/2012
Musique et Islam
Ecoutons ce chant, si profondément différent de notre musique occidentale, mais qui remue l'être et lui permet, s'il se laisse faire, de sortir de lui-même ou d'entrer en lui-même, ce qui revient au même.
http://www.youtube.com/watch?v=UZYE1Kr1sTE&NR=1&feature=endscreen
Dans l'Islam, ce sont les soufis qui, peu à peu, en vertu de leur conception mystique, ont introduit la musique comme moyen d’ascension de l’âme vers la vérité suprême. Pour eux, la musique évoque non seulement l’unité primordiale – celle de la lumière innée encore contenue dans la nuit – mais aussi le souvenir de cette union.
Cette musique exige une transmission orale. En effet, chaque mode exprime un état particulier de l’être, un moment de la vie, est à la fois une expression de la nature et une expression philosophique. Essentiellement, un mode exprime un état intérieur, l’état de joie légère ou l’état de mélancolie. Les harmoniques des instruments ont un pouvoir de pénétration et conduisent à un état d’âme particulier. Cet état, ou hâl, possède des saveurs différentes selon les auditeurs. Par le hâl, commence un voyage qui est celui du monde imaginal, c’est-à-dire un lieu de l’être où la vision spirituelle est vécue telle une corporéité subtile. Le hâl est un état diffus et concentré en même temps où l’énergie de l’être, sa virilité, au sens de communion intense de soi avec la totalité, se perçoit et se laisse percevoir. « L’artiste en état de hâl jouit d’une extraordinaire facilité d’exécution. Sa sonorité change. La phrase musicale lui livre son secret. La création jaillit. Il semble que l’essence même de la musique se manifeste, délivrée des interférences habituelles de la personne humaine ».[1]
Profondeur de la vision soufie vis-à-vis de la musique, alors que, rappelons-le, il existe dans l’Islam une hostilité forte et traditionnelle envers ce qui est danse et musique, instruments choisis par les soufis pour atteindre l’extase. Cette hostilité vient des mollahs et de tous ceux qui entendent suivre les règles les plus strictes de l’orthodoxie.
Il n’empêche, l’Islam a sa musique sacrée, et comme pour les autres religions, celle-ci est une des portes vers la réalisation de soi.
08:09 Publié dans 51. Impressions musicales | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : musique, spiritualité, soufi, islam, sacré | Imprimer
18/04/2012
Notre vocation humaine (suite du 7 mars)
Le mystère de la vie et de la mort met en avant le rôle de la vocation humaine de chaque homme. Cette réalisation de notre vocation humaine est différente pour chacun, puisque chaque être est unique. Mais elle procède du même esprit pour tous.
En effet, l’existence se vit sous deux aspects :
Un aspect extérieur, notre vie visible par les autres, qui couvre notre activité professionnelle, notre vie familiale, nos responsabilités sociales, lorsqu’on est jeune, c’est cet aspect qui nous semble le plus important. A travers lui, on cherche à changer le monde. Il est source de satisfaction, de joie, d’instant de bonheur même, mais on y trouve aussi difficultés, soucis, peines.
Puis, un jour vient où l’on comprend que réaliser sa vocation d’homme est infiniment plus subtile, que cela dépend moins de ce qui nous arrive que de la manière dont on l’appréhende et dont on le vit. Alors, on accepte le monde, on accepte notre condition d’homme et on commence à s’y réaliser. On ne voit pas seulement ses défauts, mais aussi sa beauté. On entre en harmonie avec lui.
Réaliser sa vocation humaine, c’est entrer en harmonie avec les autres, tous les autres, et non seulement avec ceux pour lesquels nous avons de la sympathie. C’est entrer en harmonie avec soi-même. Alors se révèle l’harmonie profonde : l’homme fait l’expérience du divin. C’est donc le sens que l’on donne à sa vie qui permet d’accepter la mort.
07:37 Publié dans 61. Considérations spirituelles | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : philosophie, spiritualité, art de vivre | Imprimer
06/04/2012
Un vendredi comme les autres ?
Le non être dans sa grotte de pierre
Il repose, arraché du bois
Il n’est plus rien
Face à la puissance du monde
L’inconnu existe-t-il ?
Une petite poignée croit en lui
Ceux qui le côtoyaient
Ils sont abasourdis
Comment cet homme,
La bonté même,
L’amour incarné,
A-t-il pu mourir comme un voleur ?
Nombreux sont ceux qui moururent
De la veulerie des hommes
Des innocents accusés
Les cœurs purs souillés
Dans le froid du regard des autres
Le doigt tendu de l’infamie
Crie sur celui qui ne dit rien
Et il se sent abandonné
Il ne sait plus à quoi sert sa vie
Pourquoi m’as-tu abandonné ?
Pourtant, envers et contre tous
Il avait suivi son inclinaison
Vide de l’homme passé,
Empli d’espoir vivant,
Il avait marché sur les idées
Et s’était confronté
Aux certitudes sans expérience
Et le voici, mort dans la pierre
Reposant dans un linceul
Va-t-il lui aussi être oublié ?
La foudre est tombée
La pluie s’est déchaînée
Il n’est plus
Son sourire s’est dilué
Dans les hués de l’ignorance
Ses membres se sont tordus
Devant les accusations inconsistantes
Et ses yeux se sont fermés
Sur le seul trésor qu’il possède encore
L’absence de haine et de rancœur
Mais cela suffit-il ?
Il se donne tout entier
Et en se donnant, de rien
Il devient tout
Et pourtant, n’est-il pas mort ?
04:49 Publié dans 42. Créations poèmes, 61. Considérations spirituelles | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : spiritualité, poésie, poème | Imprimer
01/04/2012
Les Rameaux : la réunion des contraires
La liturgie de ce jour réunit deux épisodes de la vie du Christ :
. l’entrée triomphale de Jésus à Jérusalem : entrée réservée aux rois et aux héros ;
. sa passion : récit de son arrestation, de son procès et de sa crucifixion.
Contraste saisissant : la même foule acclame, puis conspue le même homme, ou encore, le même homme est glorifié, puis méprisé par la même foule. Ce contraste illogique, terriblement illogique pour notre raison, est le propre des contrastes de la vie spirituelle : abaissement et élévation, souffrance et joie, absence et présence de Dieu.
Un très beau texte de Saint Paul, lu ce jour-là, résume tout le mystère de la vie du Christ :
« Le Christ-Jésus, lui qui était dans la condition de Dieu, n’a pas jugé bon de revendiquer son droit d’être traité à l’égal de Dieu. Mais au contraire, il se dépouilla de lui-même en prenant la condition de serviteur. Devenu semblable aux hommes et reconnu comme un homme à son comportement, il s’est abaissé lui-même en devenant obéissant jusqu’à en mourir au dessus de tout. »
Le Christ se dépouilla de lui-même : traduction du verbe grec ekenosen qui signifie « se dépouiller, se vider, s’évider ». Idée d’un plein qui devient réceptacle, d’une forme qui, se suffisant à elle-même, se transforme pour n’avoir de signification que par ce qu’elle peut contenir. C’est l’image du calice, d’un bol. Totalement dépouillé, évidé, le Christ épouse l’univers, le glorifie en se glorifiant, le rend divin. En lui, s’opère la réunion des contraires : l’univers et Dieu, la matière et l’Esprit.
09:14 Publié dans 61. Considérations spirituelles | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : christianisme, spiritualité, liturgie | Imprimer
27/03/2012
Le jardin du Panthéon bouddhique
Il se situe avenue d’Iéna, à deux pas du musée Guimet dont l’immeuble est une annexe.
C’est bruyant. Il y a deux écoles à côté et c’est l’heure de la sortie des classes. Mais dans ce jardin minuscule, au plus 25 x 25 m, quelle paix. On est dans un autre monde, et ce monde, je l’ai pour moi tout seul. Après un premier tour de reconnaissance, je m’assieds au pied des marches du perron. Il y a là une colline, toute petite, une bosse au plus, sur laquelle se tient le salon de thé, un simple pavillon de style japonais. Il tient au moins un tiers du jardin. On y monte par des dalles de pierre disjointes, de simples rochers formant des marches.
Dans l’autre partie l’eau coule par escaliers, entre les rochers, les ponts de bois, parmi les îlots de verdure, dont, bien sûr, les bambous ramassés en petites, très petites, forêts.
Le jardin contient tout ce que contient normalement un jardin japonais : la lanterne traditionnellement en pierre, de petits arbustes, les rochers évidemment, choisis avec soin pour leur forme et leur taille, de petits chemin de terre avec des passe-pieds en pierre, le bassin d’eau recouvert de pierre de gué, sorte de pas dans la partie supérieure, les galets entassés, et de ponts de bois enchevêtrés avant l’étendue lisse d’une mare qui ne fait pas deux mètres sur deux. Les arbres sont en partie taillés pour laisser passer le regard et donner une impression de légèreté authentique. Il manque cependant une chose, le sable ou le gravier parfaitement ratissé en arrondis savants et reposant pour l’œil.
Contrairement au jardin occidentaux et en particulier français, le principe d’asymétrie domine. Il donne des points de vue différents selon la place du spectateur, augmentant ainsi l’espace. Les jardins japonais idéalisent la nature en la miniaturisant. Heureusement d’ailleurs, par ce que celui-ci est un jardin de poche. Mais n’est-ce pas merveilleux déjà de disposer d’un tel lieu dans Paris ?
De l’intérieur du musée, bouddha, dans sa majesté, médite et veille sur le jardin, assis sur sa fleur de lotus.
06:58 Publié dans 12. Trouvailles diverses | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : nature, jardin, bouddhisme, spiritualité | Imprimer
25/03/2012
De calvaire en calvaire (2ème partie)
Cette croix incite au départ, départ mystique vers la lumière, que même la fée électricité suit. Elle semble s’y noyer. Un panneau indique la direction, pour que personne ne se trompe. On y va, malgré les ronces, malgré l’éloignement et la hauteur. Quelle incitation au voyage ! Mais c’est un voyage particulier, on part très loin, en restant sur place. On frémit dans la lumière, on se laisse illuminer, on est ébloui, mais on avance, lentement, veillé par la croix réparatrice. On avance, on avance, et l’on sait où l’on va, enfin !
Le calvaire du prisonnier. La vierge enfermée derrière son grillage, lui-même cloué sur le bois de la croix. Elle se tient là, dans le bois évidé, les mains ouvertes, prisonnière de cette croix qui fut également pour elle un calvaire. Elle semble un jouet enfoui dans un morceau de bois mal équarri, tenu grâce aux fils de fer. C’est une image quasi enfantine, mais l’enfance n’est-elle pas la porte de l’innocence, comme ce ciel qui l’entoure et lui donne le vertige. On croirait qu’elle va tomber sur sa droite et l’on voit le nuage défiler de droite à gauche et emmener nos soucis loin de sa présence.
Une croix pattée, croix dont les bras sont étroits au niveau du centre et larges à la périphérie, sur lesquels rayonne la lumière divine qui, elle-même, est représentée par un globe cerclé. Ce n’est pas vraiment une croix celtique, mais plutôt une croix nimbée. Ses bras triangulaires se referment sur eux-mêmes et l’on passe de l’horizontalité croisée avec la verticalité, symbole de la transcendance, au cercle maternel, symbole de l’immanence. Elle paraît forte, bien assise sur sa colonne de pierre, mais a un curieux air étranger, teuton ou romain. Elle protège la prairie, symbole terrien de par sa solidité, mais aussi symbole de propriété marquant sa possession sur cette terre nourricière.
Quelle croix impressionnante ! C’est une croix de consécration, nommée croix de répétition ou croix allemande. Que fait-elle dans ce pays ? Elle s’impose dans un enclos fermé, environnée de branchages, dressant ses bras vers le ciel limpide, montrant sa force, défensive, solide comme le roc. Sa colonne l’adoucit, passant d’arêtes anguleuses à la rotondité simple, comme si cette force impressionnante naissait du cercle féminin qui s’érige vers le ciel. Quel beau symbole : de la complexité naît la simplicité !
Curieux mélange. Une croix inspirée de l’ordre du Temple (croix pattée) ou, peut-être une croix tréflée ou croix de Saint Maurice qui refusa de tuer les chrétiens d’une ville des Alpes et qui devint, avec sa légion, martyre. En voici le récit fait par Saint Eucher, évêque de Lyon de 435 à 449 : « Il y avait à cette époque une légion de soldats, de 6 500 hommes, qu'on appelait les Thébains (…) Comme bien d'autres soldats, ils reçurent l'ordre d'arrêter des chrétiens. Ils furent toutefois les seuls qui osèrent refuser d'obéir. Lorsque cela fut rapporté à Maximien, (…), il entra dans une terrible colère. Il donna l'ordre de passer au fil de l'épée un homme sur dix de la légion, afin d'inculquer aux autres le respect de ses ordres. Les survivants, contraints de poursuivre la persécution des chrétiens, persistèrent dans leur refus. Maximien entra dans une colère plus grande encore et fit à nouveau exécuter un homme sur dix. Ceux qui restaient devaient encore accomplir l'odieux travail de persécution. Mais les soldats s'encouragèrent mutuellement à demeurer inflexibles. Celui qui incitait le plus à rester fidèle à sa foi, c'était saint Maurice qui, d'après la tradition, commandait la légion. Secondé par deux officiers, Exupère et Candide, il encourageait chacun de ses exhortations. Maximien comprit que leur cœur resterait fermement attaché à la foi du Christ, il abandonna tout espoir de les faire changer d'avis. Il donna alors l'ordre de les exécuter tous. Ainsi furent-ils tous ensemble passés au fil de l'épée. Ils déposèrent les armes sans discussion ni résistance, se livrèrent aux persécuteurs et tendirent le cou aux bourreaux. »
Enfin, une croix des chouans qui marque la limite paroissiale et devenue, en raison de sa solitude éloignée de toute habitation,lieu de rendez-vous des royalistes. Elle constituait également un lieu de dévotion avec une tablette encastrée à hauteur des mains pour y déposer une offrande. Elle se dresse comme un gardien, à la croisée des chemins champêtres, monumentale dans son piédestal, croix pattée également, mais simple, sans fioriture, pure de tout désir : une vraie croix de Malte. Elle semble dire : « Entrez dans la paroisse, mais sous le regard de Dieu. Si vos pensées sont mauvaises, prenez garde ! » Et ce chemin bordé d’arbres est une montée vers le paradis qui se trouve derrière ce ciel d’azur, dans la froideur d’une neige persistant encore dans les creux.
06:42 Publié dans 14. Promenades | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : société, poésie, nature, art, philosophie, spiritualité | Imprimer
18/03/2012
Le passage à la vie spirituelle
Bien que chrétiens, nous saisissons mal ce que signifie « être sauvé », ou « le Christ nous a rachetés », ou encore « passer du vieil homme à l’homme nouveau ». Nous le saisissons mal parce que nous ne le vivons pas, nous ne nous laissons pas transformer par l’Esprit, nous considérons que notre état d’être est l’état normal de l’homme et nous n’imaginons pas que nous pourrions « être » autrement.
A travers les cycles de l’année liturgique, l’Eglise nous invite à la vraie vie, la vie en Dieu. Il s’agit de passer de l’état d’être égocentrique, préoccupé uniquement de son corps de ses sentiments et de ses pensées, à un état d’être unifié, ouvert, en harmonie avec Dieu et le monde. C’est le passage, la Pâque.
05:33 Publié dans 61. Considérations spirituelles | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : spiritualité, christianisme, carême, pâque | Imprimer
11/03/2012
De calvaire en calvaire (1ère partie)
Un calvaire est un aide-mémoire dans la vie quotidienne campagnarde. Il est là pour dire stop, ne plus penser, se réfugier au-dedans de soi et s’ouvrir au bonheur de vivre, ce que l’on oublie un peu trop facilement. Ils sont nombreux, multiples, de toutes les formes ; mais tous nous disent : « Cesse de penser à tes affaires, profite de l’air, regarde les terres, chante comme les oiseaux. » Oui, cela peut paraître paradoxale, la croix est source de vie, elle puise ses racines dans la terre, elle étend ses bras sur le monde et redresse la tête vers le ciel, comme une offrande à la beauté de la vie. Elle est un pont entre la transcendance et l’immanence, avec l’homme à la croisée du vertical et de l’horizontal.
Les calvaires doivent être champêtres. Faut-il cependant qu’ils soient envahis de lierre au point d’être méconnaissables ? Jésus couché dans sa crèche, immolé dans les feuilles odorantes, abrité des regards, veillant sur les champs et les prés, revêtu de feuillage. Le ciel pur entoure sa majesté inconnue, simplement.
Plus modeste, une simple croix rappelle au poète ou au passant la présence de la divinité et sa discrétion : rien que deux bouts de bois croisés, un peu en biais, comme pour mettre en évidence la fatigue et la peine de celui qui n’est pas représenté. Elle a les pieds bien sur terre, enchâssés dans la pierre. Elle se dresse dignement, presque majestueusement, mais frêle dans la nuit qui tombe. C’est l’heure de l’angélus qui sonne au loin par-dessus les arbres et fait vibrer les oreilles et, en écho, les cœurs.
Elle rejoint les fils électriques dans leur verticalité et leur horizontalité. Modeste également, ayant perdu sa peinture, redécouvrant la pauvreté de l’air, elle possède cependant une image, mieux même, une petite pièce sculptée dont on n’aperçoit que les jambes, un peu rouillées, et dont le visage se cache au centre de la croix, penché sur l’humanité, empreinte de l’invisible. Quel contraste, la croix de bois et l’électricité : l’une à laquelle plus personne ne prend garde ; l’autre, devenu le dieu de la société de consommation.
Double croix, la pierre, puis le fer. Le ciel est gris, pesant, un ciel de vendredi saint ! Mais quelle élégance possède cette double croix, altière et légère, imposante et nue, forte et malingre. A l’image du crucifié, très petit, mais bien présent. Et pourtant ce n’est qu’un calvaire au bord d’un chemin, engourdi dans la pente, sortant juste sa croix si on l’aborde par derrière. Mais sa droiture est cinglante, son assise solide. Cette croix est chez elle, dans sa plénitude, les bras tendue vers le ciel, un ciel mitigé d’espérance ou de soucis.
Un christ sur son autel, dans une portion d’église, peut-être détruite pour laisser passer la route, voie impériale des locomotives à pneus. Entouré de ces arbres ébouriffés, hirsu-tes, il ne paye pas de mine, peinturluré de minium. Mais cette croix a de la grâce, un aspect romantique et bigot qui vous contraint à la regarder pour s’interroger : sur la croix, au soleil, chaque jour, Tu te donnes à moi, comme si j’étais seul en face de Toi.
Transfiguration, soulignée de plus par les faux rayons partant au carrefour des deux branches. Et autour, le calme, la sérénité d’une campagne sur laquelle passent juste deux nuages, avec lenteur, sans bruit. Une image idyllique sur un ciel d’azur. C’est l’abbaye à la terre, la sainteté naturelle, la respiration du monde face à l’absolu.
06:45 Publié dans 14. Promenades | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : société, poésie, nature, art, philoxophie, spiritualité | Imprimer
03/03/2012
Mont Saint Michel
Quel jour curieux : brume et soleil, obscurité et lumière, caché et voilé, le noir et le blanc, le silence et les bruits ! En quelques instants tout change. Perdu ou sauvé, dans une inconsistante bataille entre le paradis et l’enfer, nous avançons dans le froid relatif à la rencontre du rocher, énorme bloc que l’on ne voit pas, qui nous submerge cependant de sa hauteur. Il apparaît tout à coup, et sa silhouette magique s’imprime sur nos rétines, inoubliable.
C’est un voyage entre terre, eau et air, aérien, léger comme le vol d’un oiseau et pourtant les pieds dans la boue, collante, ferme et glissante à la fois. Le regard ne sait plus ou s’accrocher. Les couleurs se fondent, se confondent, s’effondrent même là où la marée, qui commence à remonter, creuse le sable de longs sillons profonds. Votre corps se dilue entre ces trois éléments, vous vous sentez entraîné avec la montée des eaux, enrobé de grains de sable, et vous gardez les yeux ouverts sur ce trait incertain qui marque l’horizon, comme un noyé regarde une dernière fois le ciel avant de sombrer dans l’abîme. Tout est pâle, atone, ouaté et peu à peu votre cerveau lui-même ne réagit plus, vos yeux se voilent de ce blanc qui envahit tout. Le regard du fiancé le jour du mariage qui voit le monde à travers le voile immaculé de sa promise. Quelle éblouissante vision !
Mais il faut bien avancer, monter à la rencontre du vaisseau qui ouvre ses flancs aux touristes tout en restant impavide et serein. Entrée encombrée de chinois, jeunes, riant, se bousculant, heureux de voir cette merveille, même s’ils n’en saisissent pas forcément le sens. Nous découvrons même, le comble du tourisme chinois, une échoppe, tenue par une chinoise, bien sûr, qui vend le mariage chinois, façon française, au Mont Saint Michel. Comme ils ont l’air heureux ces chinois qui viennent en France vivre le rêve de leur vie dans cette petite île, entre ciel, mer et terre, et contempler leur ascension dans les yeux de l’autre !
Alors nous prenons par les remparts pour éviter l’agitation commerciale de la rue principale, seule, unique, pavée de cartes postales, de bonbons et de colifichets multiples, inqualifiables, luisants et colorés. Ecrasés par la masse énorme de l’abbaye qui sans cesse se rappelle au pèlerin, nous montons dans cet enchevêtrement de maisons, un peu comme les pèlerins de la cathédrale de Chartes qui progressent à genoux sur le dallage du labyrinthe.
Nous n’entrons pas dans le temple de pierre : trop de gens sortis d’eux-mêmes. Nous préférons en faire le tour par le dédale des ruelles et toujours, en levant les yeux, sentir la main de Saint Michel caresser nos rêveries enfantines.
Retour à l’horizontale et première vision du rocher en entier, altier et délicat, comme un veilleur au cœur des troubles humains.
05:12 Publié dans 14. Promenades | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : culture, spiritualité, art, france | Imprimer
25/01/2012
La sorcière de Portobello, roman de Paulo Coelho (Flammarion, 2007)
« Personne n’allume une lampe pour la cacher derrière la porte : le but de la lumière, c’est d’apporter davantage de clarté autour de vous, de vous ouvrir les yeux, de vous montrer les merveilles qui vous entourent. Personne n’offre en sacrifice son bien le plus précieux : l’amour. Personne ne confie ses rêves à des individus destructeurs. Sauf Athéna. »
Athéna est la fille adoptive d’un couple libanais qui l’a recueillie dans un orphelinat en Roumanie et qui est tzigane. Son histoire n’est racontée qu’au travers des récits faits par les gens qui la connaissaient et qui parle à tour de rôle. Certains en disent : « Elle voulait vivre, danser, faire l’amour, voyager, réunir des gens autour d’elle pour montrer qu’elle était savante, exhiber ses dons, provoquer les voisins, profiter de tout ce que nous avons de plus profane – même si elle cherchait à donner un vernis spirituel à sa quête. »
Une autre en dit que : « Athéna a mis au jour le monde richissime que nous tous portons dans l’âme, sans se rendre compte que les gens n’étaient pas prêts à accepter leurs pouvoirs. Nous, les femmes, quand nous cherchons un sens à note vie, ou le chemin de la connaissance, nous nous identifions toujours à l’un des quatre archétypes classiques. La Vierge (…), la Martyre (…), la Sainte (…), enfin la Sorcière qui recherche le plaisir total et illimité – donnant ainsi une justification à son existence. Athéna a été les quatre à la fois… »
L’âme religieuse, Athéna se tourne d’abord vers la musique, et celui qui l’écoute dit : « J’étais là tout entier, sans passé, sans avenir, vivant uniquement cette matinée, cette musique, cette douceur, ma prière inattendue. Je suis entré dans une sorte d’adoration, d’extase, reconnaissant l’être en ce monde… Mais très vite Athéna se fixe une seconde mission : « Cette mission, c’est la maternité. Je dois l’accomplir ou je deviendrai folle. Si je ne vois pas la vie se développer en moi, je ne pourrai plus accepter la vie qui est à l’extérieur. » Elle se marie, a un enfant, divorce et quitte l’église parce qu’on lui refuse la communion.
Alors elle se consacre à la danse. « Quand je danse, je suis une femme libre. Plus exactement, je suis un esprit libre, qui peut voyager dans l’univers, regarder le présent, deviner l’avenir, se transformer en énergie pure. » Un voisin l’initie à la danse et à la recherche du Sommet qui est caché en chacun de nous. Elle entre en extase, c’est-à-dire est capable de sortir d’elle-même. Elle prend un emploi dans une banque, et, peu à peu, la banque change d’état d’esprit. Tout devient plus coulant, plus naturel.
Son directeur de banque l’envoie dans les pays arabes pour faire des affaires. Elle fait connaissance avec Nabil Alaihi, un bédouin, qui l’initie à la calligraphie et lui révèle le sens du mot maître : un maître n’est pas celui qui enseigne quelque chose, mais celui qui pousse son élève à donner le meilleur de lui-même afin de découvrir ce qu’il sait déjà.
Ayant reçu l’aval de son maître, elle part en Transylvanie à la rencontre de sa véritable mère qui lui explique ses convictions : Nous en possédons pas la terre, c’est elle qui nous possède. (…) Nous ne croyons pas que Dieu ait fait l’univers ; Dieu est l’univers, nous sommes en lui, et il est en nous. (…) Nous n’adorons rien, nous communions seulement avec la création. – Et pourquoi faites-vous cela en groupe, puisque nous pouvons célébrer seul notre contact avec l’univers ? – Parce que les autres sont moi. Et moi, je suis les autres.
Athéna repart à Londres et s’intéresse au culte de la Mère, de l’Unité divine. Son amie Edda lui dit alors : J’adorerais pouvoir te voir donner des leçons sur ce que tu apprends ; c’est çà l’objectif de la vie – la révélation. (…) Maintenant, rentre et va à la rencontre de tous ces gens qui pensent que tu sais tout. Convaincs-toi qu’ils ont raison, parce que nous tous savons tout, il s’agit seulement d’y croire.
Et Athéna commence à enseigner et se laisse guider par la voix : Va à l’encontre de tout ce que tu as appris jusqu’à présent – toi qui es maîtresse du rythme, laisse le passer par ton corps, mais ne lui obéit pas. (…) Et soudain, j’ai senti un vide immense, qui a été rempli par une présence chaleureuse, aimante, amicale. Autour de moi tout était différent. (…) Au bout d’un certain temps, l’âme s’est détachée du corps, un espace s’est ouvert, et la Mère a enfin pu entrer. (…) Je suis contente que, à ce moment, la Mère ait gagné la bataille. Un homme a été sauvé du cancer, un autre a accepté sa sexualité, un troisième a cessé de prendre des pilules pour dormir.
Athéna rassemble les foules, elle fait des disciples, mais dans le même temps se fait des ennemis. Alors elle disparaît.
L’épilogue est assez équivoque. On la retrouve dans un quartier de Londres, assassinée. Mais le dernier chapitre met en scène un policier qui aurait organisé son départ en maquillant un crime. Elle est vivante et poursuit sa mission : préparer le chemin de la Mère, poursuivre une tradition qui a été abolie pendant des siècles, mais qui à présent commence à resurgir. Et l’on revient au commencement du livre, à sa première phrase : Personne n’allume une lampe pour la cacher derrière la porte : le but de la lumière, c’est d’apporter davantage de clarté autour de vous, de vous ouvrir les yeux, de vous montrer les merveilles qui vous entourent.
La construction du livre est assez intéressante. Les chapitres sont constitués des écrits de chaque personne qui a connu Athéna à un moment de sa vie. Ainsi l’on ne connait d’elle que ce que l’on en a dit ou que ce que ces intimes en ont vu : Heron Ryan, journaliste ; Edda, son amie, médecin ; sa mère adoptive ; le directeur de la banque ; le bédouin et bien d’autres encore. Sorcière, elle ne s’exprime pas elle-même. Mais est-elle vraiment sorcière ?
Cependant l’objet même du livre est ambigu : l’auteur a-t-il développé cette histoire sans pour autant croire aux propos qu’il tient sur ses aspects spirituels, ou, au contraire, pense-t-il réellement à cette connaissance immanente qui conduit à la réalisation personnelle ? Paulo Cuelho s’est-il laissé entraîner par sa célébrité qui le contraint à écrire toujours plus de livres qui traitent de spiritualité ?
On pourrait le penser lorsqu’on ouvre un autre livre écrit par celui-ci en 2008 qui se nomme « La solitude du vainqueur » et qui m’a rappelé le livre de Houellebecq « La carte et le territoire » par ses descriptions d’une société du paraître et de la célébrité, qui seule compte de nos jours. Et les deux auteurs semblent s’y complaire, malgré le maquillage nécessaire à ce genre de propos.
07:03 Publié dans 41. Impressions littéraires | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature, roman, spiritualité | Imprimer
25/12/2011
Vivre la nativité
Dans sa sagesse, chaque année, l’Eglise nous offre de vivre et de revivre l’expérience chrétienne. Car c’est bien à une expérience qu’elle nous invite au-delà de la vision théologique. Chaque année, l’Eglise m’invite à la conversion dans le temps de l’Avent; chaque année, l’Eglise m’invite à vivre la naissance du Christ en moi; chaque année, l’Eglise m’invite à mourir à moi-même comme le Christ le fit lors de sa passion; et chaque année, l’Eglise m’invite à participer à la gloire du Père dans la lumière de la Pâque. Chaque année de ma vie, je suis invité à approfondir ce cycle merveilleux de l’expérience chrétienne. Lié au cycle naturel des saisons, il se déroule en spirale, à l’égal de ma vie humaine, avec ses élans et ses chutes, avec sa puissance et ma pauvreté, avec la distance toujours vécue qu’il y a entre l’expérience de la vie divine en nous et l’expérience de notre pesanteur à la faire perdurer en nous.
La liturgie du temps de Noël nous convie à méditer les trois aspects du mystère de l’Incarnation. D’abord la naissance éternelle du Verbe qui reçoit éternellement la nature divine du Père. C’est à ce titre qu’est lu dans la messe du jour de Noël le prologue de l’évangile de Saint Jean : Au commencement était le Verbe, la Parole de Dieu, et le Verbe était auprès de Dieu, et le Verbe était Dieu. Il était au commencement auprès de Dieu. Par lui, tout s’est fait... Ensuite, la naissance temporelle du Verbe dans l’histoire des hommes : et le Verbe s’est fait chair, il a habité parmi nous... Enfin, la naissance spirituelle du Verbe en chacun de nous pour donner vie à l’Eglise, corps mystique du Christ : tous ceux qui l’ont reçu, ceux qui croient en son nom, il leur a donné le pouvoir de devenir enfants de Dieu.
Saint Grégoire de Naziance, dans un sermon pour le jour de Noël, résume la fête de la nativité comme celle de la re-création :
“ Moi aussi, je proclamerai la grandeur de cette journée : l’immatériel s’incarne, le Verbe se fait chair, l’invisible se fait voir, l’impalpable peut être touché, l’intemporel commence, le Fils de Dieu devient le Fils de l’homme, c’est Jésus-Christ, toujours le même, hier, aujourd’hui et dans les siècles (...) Voilà la solennité que nous célébrons aujourd’hui : l’arrivée de Dieu parmi les hommes, pour que nous allions à Dieu ou plutôt revenions à lui; afin que, dépouillant le vieil homme, nous revêtions le nouveau et que, de même que nous sommes morts en Adam, ainsi nous vivions dans le Christ, nous naissions avec lui, nous ressuscitions avec lui (...)
Miracle non de la création, mais bien de la re-création (...) Car cette fête est mon achèvement, mon retour à l’état premier, à l’Adam originel.
Révère la nativité qui te délivre des liens du mal. Honore cette petite Bethléem qui te rend le paradis. Vénère cette crèche. Grâce à elle, toi, privé de sens (de logos), tu es nourri par le Sens divin, le logos divin lui-même. ”
C’est bien à une expérience vivante que nous convie la fête de la Nativité et cette expérience intérieure est à l’image et à la ressemblance du mystère de l’incarnation dans sa totalité dynamique : Dieu, en Christ, vient chercher l’humanité. Marie, dans son attente virginale, accueille et enfante Dieu. Par cette naissance, l’homme devient participant de la nature divine (2 Pierre 1,4).
Dieu en Christ vient chercher l’humanité :
Il ne nous appelle pas comme un grand personnage qui veut montrer sa magnificence. Il vient nous chercher en se faisant semblable à nous. Saint Paul explique qu’il s’est dépouillé, humilié, évidé, ékénosen (Phil 2,7). Il renonce à lui-même, par amour, pour trouver notre amour. Il vient réveiller ce bonheur qui sommeille en nous : la joie de l’amour. Il ne nous l’impose pas, il attend, il espère, vide de désirs, avide de nos regards.
Marie accueille et enfante Dieu :
Marie aussi est vierge, comme le Christ s’est fait vierge. Elle est vide d’elle-même, centrée sur son origine, sur celui par qui tout a été fait et qui est la vie. C’est cette virginité qui permet la naissance du Verbe et l’accomplissement du mystère des mystères : la créature enfante de son créateur. Marie nous guide ainsi sur le chemin de la vie : rejoindre au plus profond de nous-mêmes ce lieu vierge de notre personnage, au-delà de l’image que nous cherchons à donner, à la ressemblance de la lumière incréée.
L’homme devient participant de la nature divine :
“ Le but de l’incarnation, c’est d’établir une pleine communion entre Dieu et l’homme, pour que l’homme trouve en Christ l’adoption et l’immortalité, ce que les Pères nomment souvent la déification : non pas évacuation de l’humain, mais sa plénitude dans la vie divine, car l’homme n’est vraiment homme qu’en Dieu. ” (O. Clément, Sources, Stock, Paris, 1982, p.37). C’est en cela que Grégoire de Naziance parle de re-création ou de nouvelle naissance, et c’est bien un événement personnel comme il le montre en parlant à la première personne du singulier.
Au-delà de la fête extérieure, vivons, revivons à chaque instant ce mystère étonnant : le Verbe se fait chair en nous et nous rend participants à la nature divine. Cette nouvelle naissance nous fait enfant de Dieu et membre du Corps du Christ. Marie, nouvelle Eve, nous ouvre à la vie nouvelle, car toute l’humanité en la Vierge enfante Dieu. En Marie, par Marie, l’humanité est recréée. Le cosmos est recentré en Christ, son origine et son achèvement est en lui.
00:26 Publié dans 61. Considérations spirituelles | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : noël, spiritualité, religion, christianisme | Imprimer
24/12/2011
Stalker, film d’Andrei Tarkovski (1979)
1ère partie :
http://www.dailymotion.com/video/xk38ve_stalker-partie-1-...
2ème partie :
http://www.dailymotion.com/video/xk3aj3_stalker-partie-2-...
3ème partie :
http://www.dailymotion.com/video/xk3che_stalker-partie-3-...
Lente, très lente entrée dans une chambre où dorment une femme, un enfant et un homme. Passe un train. L’homme se lève. La chambre est grise, sale, la pièce d’à côté également. La femme, qui s’est levée peu après lui, lui fait une scène : Pourquoi repars-tu dans la zone ?
L’homme y part avec un professeur, chercheur scientifique, et un écrivain. La zone est un lieu où une météorite serait tombée. Elle est désormais interdite d’accès, gardée par des miliciens. Mais elle est devenue un lieu mythique, un lieu où tous les vœux se réalisent. Ce serait un cadeau ou un message au genre humain. Au cœur de la zone, la chambre. On ne l’atteint pas par la ligne droite, car elles n’ont pas cours. De même, on ne retourne jamais par le même chemin.
Les alentours de la zone, ce sont d’abord des ateliers, des trains qui passent, des policiers qui veillent. Tout est en ruine, sale, boueux, hors d’usage. Ils troquent leur jeep pour une draisine et poursuivent leur chemin sur une voie ferrée. Les bruits et les images sont quasiment les seuls éléments du film. De noir et blanc, celui-ci passe en couleur lorsqu’ils franchissent une première frontière, invisible. C’est le matin. Quel silence…
Puis commence une deuxième étape, à pied. Ils s’engagent dans une plaine où des combats eurent lieu, avec des carcasses de chars qui rouillent dans une herbe haute. Le stalker fait des détours, mais l’écrivain veut prendre au plus court. Alors le passeur explique : La zone est un savant système de pièges qui sont mortels. Les endroits que l’on croyait sûrs deviennent impraticables. Voilà ce qu’est la zone. Elle est ce que notre état psychique en fait. Elle ne laisse passer que ceux qui n’espèrent plus rien. Et la caméra montre un trou d’eau qui fait dire au stalker : Qu’ils se fient à ce qu’ils voient et qu’ils s’amusent à découvrir leurs passions. Elles n’ont rien à voir avec l’énergie de l’âme, ce n’est que le produit de son frottement contre le monde matériel. L’essentiel, c’est qu’ils en viennent enfin à croire en eux-mêmes et deviennent impuissants comme des enfants, car la faiblesse est grande et la force n’est rien…
Ils abordent un moulin dans lequel l’eau bruisse à pleine force, augmentant encore la tension. Il faut franchir un tunnel détrempé par les eaux. Mais le professeur se perd et ils ne vont le retrouver qu’à la sortie du tunnel. Au cours d’une longue pause, le professeur et l’écrivain discutent de la science, du désintéressement de l’art et du sens de la vie. Ces propos sont pessimistes, mais pour le stalker, tout a un sens, un sens et une cause.
Enfin, ils arrivent à une longue conduite dans laquelle ils s’engagent, l’écrivain en tête. Longue, très lente marche vers la porte finale. Sont-ils ou non dans la chambre. On ne le sait. Ce sont de longs échanges : Le principal, y croire ! Alors, on y va. Qui commence ? Le professeur sort à ce moment de son sac un objet, l’appareil à sonder les âmes, l’animomètre. En réalité, une simple bombe, car ce lieu n’apportera jamais le bonheur à personne. Il vaut mieux le détruire. Et ils se battent, le passeur voulant à tout prix récupérer la bombe. Vous ne voyez pas qu’il veut tuer votre espérance ? Alors le stalker explique que par sa fonction il ne peut pénétrer dans la chambre. Il proclame qu’il n’a rien fait d’utile dans ce monde et est incapable de rien faire. Mais :
– Dans la zone est mon bonheur, ma liberté, ma dignité ! Laissez-moi ce qui m’appartient ! Je guide des malheureux qui souffrent, qui n’ont plus rien à espérer ! Moi, je peux les soulager.
– L’idiot du village, voilà ce que tu es ! Tu n’as pas la moindre idée de ce qui se passe ici en réalité. Ne s’accomplira ici que ce qui correspond à ta nature profonde. Un aspect de ton moi dont tu n’as aucune idée, mais qui est en toi et te gouverne toute ta vie durant.
Le professeur démonte alors sa bombe. Il refuse de comprendre. Et la paix s’installe dans cette pièce en ruine, envahie par une pluie d’orage. Quelle belle image que ces trois hommes assis dos à dos, dans cette ruine, en paix pour la première fois.
Retour au début du film. Cette fois sa femme entre dans le bistrot : de retour ? Le passeur est fatigué, tellement fatigué. Ceux qu’il passe ne croient à rien. Ils n’ont pas la foi. Et sa femme se met à parler aux spectateurs du film. – Vous avez déjà compris que c’est une âme innocente. Un passeur est un condamné. Et pourtant, j’étais sûr qu’avec lui je serais bien. Lui, il est venu me trouver et il m’a dit : « Viens avec moi ». J’y suis allé et ne l’ai jamais regretté.
Réalisé par Andreï Tarkovski, sorti en 1979, « Stalker », mot anglais désignant un chasseur à l’approche, un rodeur, est un film hors du commun, à l’image de ces vues glauques de bâtiments industriels en ruine, de pièces délabrées, de campagnes dégradées par l’homme moderne, de visages sales, presque morbides. Et malgré tout cela, malgré l’homme ignorant et provoquant, il en ressort une sorte d’optimisme, même de métaphysique heureuse qui tend vers une perfection spirituelle inatteignable. Si l’être humain est en rupture avec son environnement, le stalker, lui, s’efforce de réconcilier le monde et l’homme à travers ce voyage initiatique qu’il offre à ses clients. Au delà du rationalisme du professeur et du scepticisme de l’écrivain, le passeur devient un guide spirituel qui veut reconstruire un monde meilleur.
06:41 Publié dans 13. Cinéma et théâtre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, société, communisme, spiritualité | Imprimer
14/11/2011
A travers le miroir, d’Ingmar Bergman
Extraits du film :
http://www.dailymotion.com/video/x2qmrk_a-travers-le-miro...
http://www.dailymotion.com/video/x2qmg7_a-travers-le-miro...
http://www.dailymotion.com/video/x2qmlw_a-travers-le-miro...
Pourquoi à travers le miroir, se demande-t-on d’abord. Ingmar Bergman aborde ici le problème le plus humain qui soit, celui des rapports entre l’homme et ses semblables.
Le miroir, c’est la réalité quotidienne de l’homme, l’enveloppe extérieure du monde intérieur, dont il montre les différentes apparences sous les traits de ces quatre personnages qui semblent vivre en bonne entente, mais ne se comprennent pas. Chacun possède sa propre vision du monde : plus ou moins proche de la réalité, mais exaltée par la sensibilité de l’enfance, pour l’adolescent qu’est Nino ; très loin, à la limite de la folie, pour Karin. Martin, son mari, est sans doute le plus près de la réalité, mais il ne la voit que par son amour pour Karin. Le père de Karin, écrivain, ne semble vivre que par son œuvre où ce qu’il décrit est à la fois lui et un autre que lui (Est-ce vrai ? Lui demande Martin. Je ne sais pas, répond-il).
Chacun de ces êtres se balancent au bord du vide et du désespoir, ou, pour Nino, en font la connaissance (c’est comme si la réalité avait éclaté lorsque j’étais avec Karin, explique Nino, qui est alors devenu adulte). Ils s’enferment dans leur cercle qui se brise à la réalité, mais inlassablement ils en rebâtissent un autre. Ainsi se déroule le film, dans cette atmosphère de tension psychologique propre à Bergman qui fait une description clinique de chaque personnage, les regardant vivre d’un œil objectif et trouver eux-mêmes la solution.
Car Bergman propose la solution, elle s’impose après la crise de Karin qui n’a rien trouvé dans sa folie. Ce que cherche l’homme inlassablement dans sa solitude, c’est Dieu qui semble seul pouvoir le sortir de ce vide dans lequel il s’enfonce. Il y a deux moyens pour le trouver: soit se replier de plus en plus sur soi-même, sur sa recherche, comme le fait Karin qui finalement tombe dans la folie, ne trouvant qu’un dieu-araignée qui tente de la posséder avant de la délaisser (peut-être est-ce là l’image d’un faux ascétisme qui ne mène qu’à la stérilité) ; soit, et c’est la solution proposée par Bergman, la seule possible, remplir le vide de l’âme par l’amour (« alors le vide devient richesse et le désespoir quitte l’âme »), ce que découvre l’écrivain dans la compagnie des trois autres. Cet amour va alors pour la première fois lui permettre de briser le miroir et de communiquer réellement avec son fils pour lui expliquer sa découverte :
_ Il y a un moyen de sortir du vide.
_ Dieu ? Mais… la preuve ?
_ La preuve, c’est l’amour. Dieu apporte l’amour. Dieu est sans doute l’amour lui-même.
06:23 Publié dans 13. Cinéma et théâtre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, psychologie, spiritualité | Imprimer
09/08/2011
Chant orthodoxe grec
Ecouter :
http://www.youtube.com/watch?v=FFFS2N_6iA8&feature=re...
http://www.youtube.com/watch?v=5Z8qfKoUBKY&feature=re...
v L'évolution à partir du byzantin
Ø De 1453 à 1600 : Période critique pour le peuple grec, elle est peu propice au développement de la musique religieuse.
Ø De 1600 à 1830 : Le patrimoine musical de l'église grecque s'enrichit dans les centres musicaux de Constantinople, le Mont Athos, la Crête et les îles Ioniennes. Les chants sont basés sur les formules mélodiques byzantines, mais acquièrent certains éléments turcs.
Ø De 1830 à nos jours : C'est à partir de cette date qu'apparaissent graduellement des versions harmonisées des chants traditionnels homophones.
v Rapport du texte et de la mélodie
Le chant post-byzantin est étroitement lié aux paroles :
· phrases mélodiques ascendantes : notions d'élévation, de ciel, de mont ;
· phrases mélodiques descendantes : abîme, enfer, terre ;
· modulation chromatique sur les mots exprimant un sentiment douloureux (mort, damnation, maladie), dans les chants diatoniques ;
· modulation diatonique dans les chants chromatiques où le texte comprend un mot exprimant la joie ;
· brefs mélismes sur les mots-clés.
Cependant, le chant reste suffisamment impersonnel pour ne pas tenter de refléter l'émotivité implicitement suggérée par le texte.
v L'harmonisation
On distingue :
· une harmonisation reprenant l'harmonisation russe ou l'influence italienne : c'est une harmonisation à quatre voix ou les ténors chantent en tierce supérieure de la voix principale ;
· une harmonisation devenue topique du chant orthodoxe grec : la voix principale est la voix supérieure, la seconde est à la tierce inférieure, la troisième termine l'accord à la basse.
v Un exemple d’adaptation des mélodies grecques
« Adapter sur les mélodies grecques de la liturgie byzantine une traduction en langue barbare n’est pas une nouveauté imputable à notre temps. Le même processus fut à l’origine du chant liturgique en langue slave dans les églises byzantines de Russie et des pays balkaniques, et le chant monastique de ces églises conserve parfois des mélodies encore très proches du chant grec, dans la mesure où celui-ci n’a pas subi d’altérations depuis le temps de l’évangélisation des salves.
Mais avant que les slaves ne puisent aux sources byzantines, c’et l’Occident lui-même qui, en ses liturgies hispanique, ambrosienne, gallicane et finalement romaine, utilisa les chants liturgiques de l’Orient syro-palestinien et byzantin. Les travaux récents de musicologues tels que Egon Wellesz et Michel Huglo ont montré l’étendue et le cheminement de ces influences, qui ne sont point un héritage de la période de transition (entre 360 et 380) au cours de laquelle l’église de Rome abandonna le grec pour le latin.
L’abbaye de Chevetogne, en Belgique, s’efforce de rendre ces sonorités insolites à nos oreilles, en les adaptant à une polyphonie relativement moderne. Jean Sakellaridis, en se ratachant à la fois à la tradition musicale byzantine et à l’harmonie européenne, a tenté, le premier, de purifier le chant liturgique grec des sonorités, d’ailleurs étrangères à sa nature, qui pouvaient heurter la sensibilité moderne occidentale. Cette rencontre, déjà œcuménique, de Sakellaridis avec l’Occident attendait une réponse, un geste de sympathie, de la part des occidentaux entre vers cet héritage que la Grèce mettait à leur portée. C’est le travail effectué par l’abbaye de Chevetogne et l’adaptation des mélodies grecques aux paroles françaises est chose relativement aisée. » (1)
Bien sûr, les mélodies grecques, comme les modes byzantins dont elles sont directement issues, contiennent 8 tons aux tonalités et formules mélodiques différentes qui sont connues des chanteurs à tel point que les recueils musicaux ne sont que des aide-mémoires, l’importance étant toujours donnée à la parole plus qu’à la musique. Le chant est avant tout une lecture, expressive et harmonieuse, une déclamation.
L’harmonisation des mélodies grecques se contente le plus souvent de trois voix maximum, et la mélodie se trouve à la première voix. Elles peuvent être chantées à trois voix d’homme (ténor, baryton, basse), à deux voix de femme et une voix d’homme (soprano, alto et basse).
v Les caractéristiques du chant orthodoxe grec
Voici les caractéristiques mélodiques et harmoniques du chant grec :
chant orthodoxe grec tons 1 à 4.pdf
Chant orthodoxe grec tons 5 à 8.pdf
[1] Monastère de Chevetogne, liturgie byzantine, vêpres et matines, mélodies slaves et grecques, textes français, 1972
08:35 Publié dans 52. Théorie de la musique | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : musique, chant, spiritualité | Imprimer
08/08/2011
Quatuor pour la fin du temps, d’Olivier Messiaen
« Lorsque j’étais prisonnier, et j’ai conçu et écrit ce quatuor pendant ma captivité à Görlitz en 1941, l’absence de nourriture me donnait des rêves colorés : je voyais l’arc-en-ciel en l’Ange et d’étranges tournoiements de couleurs. Mais le choix de l’ange qui annonce la fin du temps repose sur des raisons beaucoup plus graves.
Musicien, j’ai travaillé le rythme. Le rythme est par essence changement et division. Etudier le changement et la division, c’est étudier le temps. Le temps (mesuré, relatif, physiologique, psychologique) se divise de mille manières dont la plus immédiate pour nous est une perpétuelle conversion de l’avenir en passé. Dans l’éternité, ces choses là n’existeront plus. Que de problèmes ! Ces problèmes, je les ai posés dans mon quatuor.
Au nom de l’apocalypse, on a reproché à mon œuvre son calme et son dépouillement. Mes détracteurs oublient que l’Apocalypse ne contient pas que des monstres et cataclysmes. On y trouve aussi de silences et des adorations, de merveilleuses visions de paix. » (Olivier Messiaen)
Cette pièce comprend huit parties. Quelles impressions pour les trois premières ?
I- Liturgie de cristal
http://www.youtube.com/watch?v=PhQVX46ooro&feature=related
Commentaire de Messiaen : « Un oiseau soliste improvise, entouré de poussière sonore, d'un halo d'harmoniques perdus très haut dans les arbres ». La clarinette devient l’oiseau chantant, avec ses trilles et ses notes décalées. On perçoit bien une mélodie derrière ce chant sylvestre, mais on ne saurait dire en quoi elle se manifeste à l’esprit. En fait, c’est l’accompagnement subtil des trois autres instruments (Violon, Violoncelle et Piano) qui donnent la sérénité et l’harmonie du morceau. C’est une longue promenade sur un chemin bordé de haies au moment où le soleil se lève sur l’horizon, alors que l’esprit est encore vierge des impressions de la journée. Les yeux écarquillés, on contemple un monde neuf comme est neuf l’esprit de celui qui le contemple.
II- Vocalise, pour l'ange qui annonce la fin du temps
http://www.youtube.com/watch?v=O1BYOtb_q4w&feature=related
La clarinette n'intervient qu'en introduction et en finale. L’introduction, brutale, bruyante, dérangeante, évoque bien ces sons organisés, mais sans mélodie réelle, des vocalises. La clarinette y tient le rôle principal, celui de l’auteur des vocalises. Puis c’est une longue plainte des cordes, lente, décharnée, accompagnée par le piano, sur un rythme égal, qui rejoue les quelques phrases mélodiques d’accompagnement comme une litanie. S’agit-il réellement d’annoncer quelque chose ou de permettre l’entrée dans un autre univers, déshumanisée, mais emprunt d’une certaine beauté, celle d’un après la vie, après le mouvement ? Est-on déjà entrée dans cette atmosphère sans durée ni étendue annoncée par l’ange ? Probablement pas, car revient, en conclusion, l’irruption des sentiments humains, qui semblent protester contre cette fin du temps, donc de l’espace et du monde en tant qu’entité matérielle. Les quatre instruments (Violon, Violoncelle, Clarinette et Piano) jouent cette finale très brève, trépidante, mais comme une espérance vers ce monde insolite aux humains d’un après le temps.
III- Abîme des oiseaux
http://www.youtube.com/watch?v=rnJHEqwhSNY&NR=1&feature=fvwp
Joué par la clarinette en solo, ce mouvement atteint l’intérieur de l’être au plus profond, dans une sensibilité primaire ne venant ni de la tête, ni du cœur, mais plutôt du creux de l’estomac, lieu de communion intime avec la nature. On dirait une marche froide dans une neige profonde, sur une plaine sans fin, comme un retour à l’essentiel, avant que la perception s’affine et entre en vibration avec quelques gouttelettes de givre qui viennent troubler la pesanteur étouffante de l’atmosphère. Et la marche reprend, aussi calme, aussi peu brouillée par l’environnement, jusqu’à un achèvement imperceptible, comme les derniers sons d’un cloche qu’on ne distingue pas des autres, mais qui a un moment s’arrêtent sans que l’on sache pourquoi, même si un ralentissement sensible du rythme l’annonce plus ou moins.
04:59 Publié dans 51. Impressions musicales | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : musique, spiritualité, apocalypse | Imprimer
01/03/2011
Le chant liturgique
Le chant liturgique est destiné, par sa beauté, à préparer, au sein de la communauté, la rencontre intime avec Dieu.
Il est d'abord expression communautaire de la foi. Il efface les différences, fait converger les cœurs et les âmes. Uni aux autres, chantant d'une même voix, chacun fait taire sans effort ses préoccupations.
Plus profondément, il est destiné à devenir prière, à recueillir le cœur et l'esprit par sa tranquille sérénité, par la joie profonde qu'il engendre, une joie dénuée d'émotion et de sentimentalisme. Le chant liturgique suppose un certain oubli, un certain détachement vis à vis de son exécution. Il lave ainsi l'âme de son égocentrisme et la rend transparente.
Alors se dévoile la réalité profonde de la liturgie. Dans sa beauté, elle ouvre au mystère divin. Elle dilate l'être qui perçoit le don de Dieu. Le chant devient écho de la gloire du ciel, il fait pénétrer dans l'éternité.
Ceci suppose une unité interne des chants : unité destinée non à engendrer la monotonie, mais à préparer le cœur sans le distraire, à favoriser la concentration. C’était bien le cas du chant grégorien, chant liturgique par excellence. Cette unité permet l'entrée dans le mystère. Cependant, elle ne doit pas enfermer l'expression. Dans le chant liturgique, c’est la parole qui donne son rythme au chant et non la musique, ou plutôt, la musique ne crée que le contexte de l’expression de la parole de Dieu et le chant évolue selon le sens et la rythmique des phrases, et le moment de la liturgie. Il doit être très libre, léger, d’un rythme très nuancé, fait d'accélérations et de ralentissements, murmurée ou chantée à pleine voix, en prenant garde de toujours articuler les mots de façon à pénétrer dans le mystère et laisser la parole toucher le cœur.
05:41 Publié dans 52. Théorie de la musique, 62. Liturgie | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : musique, liturgie, chant, spiritualité | Imprimer
29/12/2010
Réflexions sur la musique sacrée
Il ne s'agit pas de la musique religieuse, mais d'une musique qui fait entrer dans le sacré. On pourrait également l'appeler musique spirituelle, mais le terme sacré fait appel à l'expérience, c'est-à-dire au numineux. Pour Rudolf Otto, le numineux regarde toute expérience non-rationnelle du mystère, se passant des sens ou des sentiments, et dont l'objet premier et immédiat se trouve en dehors du soi. Le numineux est aussi, selon Carl Gustav Jung: "ce qui saisit l'individu, ce qui, venant d'ailleurs, lui donne le sentiment d'être".
Entrons dans cet "absolument autre" par la musique.
En préparation, un opuscule sur les différentes traditions de musique sacrée : musique de la Grèce antique, chant grégorien, chant byzantin, musique de l'extrême Orient, musique arabe.
05:01 Publié dans 52. Théorie de la musique, 62. Liturgie | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : musique, chant, spiritualité, numineux, religion | Imprimer