Stalker, film d’Andrei Tarkovski (1979) (24/12/2011)

 

 

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1ère partie :
http://www.dailymotion.com/video/xk38ve_stalker-partie-1-...
 
2ème  partie :
http://www.dailymotion.com/video/xk3aj3_stalker-partie-2-...

3ème partie :
http://www.dailymotion.com/video/xk3che_stalker-partie-3-...


Lente, très lente entrée dans une chambre où dorment une femme, un enfant et un homme. Passe un train. L’homme se lève. La chambre est grise, sale, la pièce d’à côté également. La femme, qui s’est levée peu après lui, lui fait une scène : Pourquoi repars-tu dans la zone ?

L’homme y part avec un professeur, chercheur scientifique, et un écrivain. La zone est un lieu où une météorite serait tombée. Elle est désormais interdite d’accès, gardée par des miliciens. Mais elle est devenue un lieu mythique, un lieu où tous les vœux se réalisent. Ce serait un cadeau ou un message au genre humain. Au cœur de la zone, la chambre. On ne l’atteint pas par la ligne droite, car elles n’ont pas cours. De même, on ne retourne jamais par le même chemin.

Les alentours de la zone, ce sont d’abord des ateliers, des trains qui passent, des policiers qui11-12-23 Stalker 2.jpg veillent. Tout est en ruine, sale, boueux, hors d’usage. Ils troquent leur jeep pour une draisine et poursuivent leur chemin sur une voie ferrée. Les bruits et les images sont quasiment les seuls éléments du film. De noir et blanc, celui-ci passe en couleur lorsqu’ils franchissent une première frontière, invisible. C’est le matin. Quel silence…

Puis commence une deuxième étape, à pied. Ils s’engagent dans une plaine où des combats eurent lieu, avec des carcasses de chars qui rouillent dans une herbe haute. Le stalker fait des détours, mais l’écrivain veut prendre au plus court. Alors le passeur explique : La zone est un savant système de pièges qui sont mortels. Les endroits que l’on croyait sûrs deviennent impraticables. Voilà ce qu’est la zone. Elle est ce que notre état psychique en fait. Elle ne laisse passer que ceux qui n’espèrent plus rien. Et la caméra montre un trou d’eau qui fait dire au stalker : Qu’ils se fient à ce qu’ils voient et qu’ils s’amusent à découvrir leurs passions. Elles n’ont rien à voir avec l’énergie de l’âme, ce n’est que le produit de son frottement contre le monde matériel. L’essentiel, c’est qu’ils en viennent enfin à croire en eux-mêmes et deviennent impuissants comme des enfants, car la faiblesse est grande et la force n’est rien…

Ils abordent un moulin dans lequel l’eau bruisse à pleine force, augmentant encore la tension. Il faut franchir un tunnel détrempé par les eaux. Mais le professeur se perd et ils ne vont le retrouver qu’à la sortie du tunnel. Au cours d’une longue pause, le professeur et l’écrivain discutent de la science, du désintéressement de l’art et du sens de la vie. Ces propos sont pessimistes, mais pour le stalker, tout a un sens, un sens et une cause.

Enfin, ils arrivent à une longue conduite dans laquelle ils s’engagent, l’écrivain en tête. Longue, très lente marche vers la porte finale. Sont-ils ou non dans la chambre. On ne le sait. Ce sont de longs échanges : Le principal, y croire ! Alors, on y va. Qui commence ? Le professeur sort à ce moment de son sac un objet, l’appareil à sonder les âmes, l’animomètre. En réalité, une simple bombe, car ce lieu n’apportera jamais le bonheur à personne. Il vaut mieux le détruire. Et ils se battent, le passeur voulant à tout prix récupérer la bombe. Vous ne voyez pas qu’il veut tuer votre espérance ? Alors le stalker explique que par sa fonction il ne peut pénétrer dans la chambre. Il proclame qu’il n’a rien fait d’utile dans ce monde et est incapable de rien faire. Mais :
– Dans la zone est mon bonheur, ma liberté, ma dignité ! Laissez-moi ce qui m’appartient ! Je guide des malheureux qui souffrent, qui n’ont plus rien à espérer ! Moi, je peux les soulager.
– L’idiot du village, voilà ce que tu es ! Tu n’as pas la moindre idée de ce qui se passe ici en réalité. Ne s’accomplira ici que ce qui correspond à ta nature profonde. Un aspect de ton moi dont tu n’as aucune idée, mais qui est en toi et te gouverne toute ta vie durant.

Le professeur démonte alors sa bombe. Il refuse de comprendre. Et la paix s’installe dans cette pièce en ruine, envahie par une pluie d’orage. Quelle belle image que ces trois hommes assis dos à dos, dans cette ruine, en paix pour la première fois.

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Retour au début du film. Cette fois sa femme entre dans le bistrot : de retour ? Le passeur est fatigué, tellement fatigué. Ceux qu’il passe ne croient à rien. Ils n’ont pas la foi. Et sa femme se met à parler aux spectateurs du film. – Vous avez déjà compris que c’est une âme innocente. Un passeur est un condamné. Et pourtant, j’étais sûr qu’avec lui je serais bien. Lui, il est venu me trouver et il m’a dit : « Viens avec moi ». J’y suis allé et ne l’ai jamais regretté.

 

Réalisé par Andreï Tarkovski, sorti en 1979, « Stalker », mot anglais désignant un chasseur à l’approche, un rodeur, est un film hors du commun, à l’image de ces vues glauques de bâtiments industriels en ruine, de pièces délabrées, de campagnes dégradées par l’homme moderne, de visages sales, presque morbides. Et malgré tout cela, malgré l’homme ignorant et provoquant, il en ressort une sorte d’optimisme, même de métaphysique heureuse qui tend vers une perfection spirituelle inatteignable. Si l’être humain est en rupture avec son environnement, le stalker, lui, s’efforce de réconcilier le monde et l’homme à travers ce voyage initiatique qu’il offre à ses clients. Au delà du rationalisme du professeur et du scepticisme de l’écrivain, le passeur devient un guide spirituel qui veut reconstruire un monde meilleur.

 

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