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12/09/2011

Aux champignons

 

Cet après-midi, vers deux heures, je découvrais, étonné, des ceps dans le jardin. Comment diable peut-il y avoir ici des ceps ? Aussi décidais-je d’aller faire un tour en forêt. Sait-on jamais !

Arrivé sur place, j’empruntais le chemin pénétrant dans les sous-bois. Il faisait chaud, une chaleur écrasante qui vous contraint à marcher lentement, en respirant petitement. Pas un bruit, même pas le chant d’un oiseau. La forêt dormait, en léthargie. Seul le bruit de mes pas sur les branches mortes emplissait le silence d’un chant de percussions. Le soleil donnait dans les feuillages, réchauffant le sol, brûlant les feuilles mortes, enfermant la végétation dans un immobilisme écrasant. Le sol était trop sec, bien sûr. Quelle idée de partir aux champignons alors qu’il n’a pas plu suffisamment. Et pourtant, à un carrefour de chemins, je tombais sur une amanite rougissante, excellent champignon dont le nom fait fuir les faux amateurs. Elle était seule. Aussi, repérant son emplacement, j’attendis d’en voir plusieurs avant de la cueillir. Connaissant le coin, je me dirigeais vers l’ « Emplacement », celui que tous connaissent, qui est piétiné, mais dont on ne parle à personne. Pas l’ombre d’un renflement sur le sol de feuilles mortes et de fougères. Je continuais et sentis tout d’un coup l’odeur, signe caractéristique de leur présence, une odeur forte de pourriture parfumée, comme, dans votre potager, vous sentez l’odeur des tiges d’oignon, prenante et audacieuse. Mais j’eus beau chercher, me mettre à quatre pattes pour tenter d’apercevoir un chapeau de n’importe quelle couleur. Rien, pas l’ombre d’un tube ou d’une lamelle. Plus loin, cependant, surprise, une amanite épaisse, espèce assez proche de l’amanite rougissante. A la troisième, je les cueille. Mais il n’y eu pas de troisième.

Comme il était bon de se promener, seul, environné de silence lourd et charnu, marchant à petits pas, les yeux au sol, écrasé par l’atmosphère lénifiante d’une après-midi magique. Et soudain, je me suis rappelé cette même ambiance, il y a longtemps déjà, lorsque la chaleur enveloppait nos corps d’enfants, mais que notre vivacité surmontait facilement jusqu’au moment où nous tombions, écrasés de fatigue et mourant de faim. Après les courses éprouvantes dans les bois, il fallait rentrer. Plus rien ne pouvait nous faire bouger. Nous reprenions le chemin du retour, assis dans la charrette, l’un d’entre nous conduisant l’âne, les autres endormis sens dessus-dessous, jusqu’au réveil à l’arrivée à la maison, où, reposés, nous repartions pour mille autres folies à faire avant la fin de la journée.

Pourquoi y avait-il des ceps dans le jardin ? Sans doute parce qu’il conserve l’humidité plus facilement qu’un sous-bois inondé de soleil ; mais aussi, c’est certain, parce que ce jour-là, je devais forcément faire un tour en forêt pour me souvenir de ces journées d’enfance : une vie dans l'instant, libre de toute intention.