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18/04/2020

Distanciation

Il est deux heures. Je prends un café dans la cuisine après m’être levé dans le noir, avoir enfilé ma robe de chambre et être descendu par le petit escalier menant au rez de chaussée. Comme d’habitude, tout ceci se fait sans une véritable conscience de ce que je fais. Mes gestes sont machinaux, je ne pense à rien réellement, je cuits dans mon bouillon de pensée, sans savoir réellement ce que je fais. Mes gestes ne sont pas réellement vécu et soupesés, je me laisse aller dans la pesanteur de la nuit.

Et, brusquement, je me regarde faire, je contemple ce petit vieux qui semble radoter, qui se laisse aller dans ses attitudes mécaniques et ne voit pas son ridicule. Oui, je ne prends pas de distance entre moi et ce que je fais, la vie que je mène. Je ne vois pas mon esclavage et je vis dans l’habitude sans conscience des secondes qui passent, des minutes qui s’écoulent, des heures qui s’enchaînent, des jours accumulés dans un sommeil indécent, des mois sans distanciation par rapport à cette vie vécue, des années perdues par manque de concentration sur le don de la vie qui nous est donné.

Pourtant l’existence n’a pas d’âge, elle est tout simplement, immuable et grandiose, à condition d’y prendre garde, de ne pas s’endormir dans le brouillard du temps et de l’espace. Je vois maintenant le fond de l’existence comme un tableau qui défile, immobile, figé, dressé entre moi et la réalité. Je contemple la maison, la cuisine, les objets usuels qui m’appartiennent. Je vis au milieu d’eux, comme un autre objet, confondu avec eux, comme un décor de théâtre. Je ne suis qu’un élément du décor, sans dimension, sans aucune distanciation entre lui et moi. Tout s’écoule automatiquement, je ne suis qu’un objet parmi d’autres, qui remue un peu plus, mais la plupart du temps sans savoir ce qu’il fait, ce qu’il veut réellement, sans conscience de cette distance y intégrer entre son existence et son environnement.

Alors j’ouvre le dictionnaire et cherche le mot : distanciation, fait de créer une distance entre soi et la réalité. Il y a donc bien une réalité, bien réelle, qui est notre environnement, c’est-à-dire le monde qui nous entoure, que l’on observe et connaît par nos sens, et ce soi qui serait nous-même et que j’appelle moi. Je remarque aussitôt qu’il s’agit du « fait, pour un auteur, un metteur en scène, un acteur, de créer une certain distance entre le spectacle et le spectateur, afin de développer l’esprit critique de celui-ci, par le choix du sujet, par certaines techniques de mise en scène, par le jeu des acteurs[1] ». Mais ce n’est pas qu’un artifice de théâtre développé par  Brecht pour désigner l'effet par lequel l'acteur se dissocie de son personnage . D’une manière générale, il s’agit du « recul pris vis-à-vis de ce qu’on dit, de ce qu’on fait, de ce qu’on montre ». Ainsi il y aurait mon personnage, celui que je regarde faire et moi, autre, prenant une distance par rapport à lui-même, s’observant agir et même penser d’une manière différente de ce qu’il fait habituellement. Je me regarde jouer ma vie sans y être impliqué pleinement, avec une distance entre ce moi qui me colle à la peau et un soi autre qui me fait vivre en relief, avec une troisième dimension qui ne lui est pas habituelle.

Mais je me demande aussitôt qui est vrai entre ces deux personnes, celui se fond dans le paysage ou celui qui se regarde vivre sans y mêler sensations, sentiments et raison. Cela suppose donc qu’il existe quelque chose d’autre en nous qui peut agir différemment et auquel on ne prend généralement pas garde. Celui-ci existe également. Mais qu’est-il ? Sans réponse immédiate à la question, je prends au jeu de la distanciation. Je voie le plan en deux dimensions dans lequel je vis, je me vois me voyant, comme la lentille d’une lunette qui réfléchit cette destinée et compare l’image à la réalité. Mais quel est le plus réel ?

Nous en reparlerons, bien que je n’aie pour l’instant pas de solution claire à ce défi : le moi ou le soi ?

 

[1] CNRTL, https://cnrtl.fr/definition/distanciation//0

19/09/2019

Univers

 

19-09-19 E23B.jpg

Dans la grisaille du bouillon de matières inorganisées

Naissent peu à peu au commencement de l’univers

Entente et coopération

Pour créer des particules organisées

Qui feront du cosmos ce qu’il est

Un Tout conscient et évolutif

Construisant le réel à partir de l’imaginaire

 

30/11/2017

Concupiscence

Surréaliste ce dessin ! Un monde imaginaire qui vogue dans la noosphère en mélangeant des notions différenciées à commencer par les règnes du minéral, du végétal, de l'animal et de l'humain. Est-ce possible? Oui, mais uniquement dans l'imagination qui transforme la réalité en un vaste champ de possibilités.

 

Concupiscence 1.JPG

Concupiscence
Encre de Chine
1969

30/09/2017

Un rêve

Un rêve est-il vrai ?
Ou plutôt, un rêve est-il réel ?
Comment répondre à cette question ?

Le rêve t’embarque et tu vas
Attentif aux personnes et aux biens
Mais sans pouvoir sur eux
Alors qu’eux abusent de toi
Le rêve t’impose son déroulement
Et choisit lui-même son rythme
Tu te souviens même avoir déjà vécu
De semblables circonstances
Qui, parfois, t’ont amené à d’autres réactions

Le rêve t’entraine en d’autres territoires
Où la volonté importe peu
Seul compte la ténacité et l’honnêteté
Le courage reflue en toi
Tu te sens invincible, mais précaire
L’ombre ne suffit plus à te cacher
L’opprobre t’accompagne malicieusement  
Jusqu’au point de rupture
Là, tu sors ton mouchoir et le tache
De ton sang rouge et brillant

Mais ton souvenir va au-delà
Dans l’azur bleuté de la liberté
Vers ce que certains pensent folie
Et que tu baptises vérité
Celle-ci serait-elle le vide
L’absence de pensées, voire d’existence ?
Oui, je comprends, quelle folie !

La liberté ? Ne plus avoir à choisir !    
Tout s’impose par soi-même
Le choix est contrainte et effort
Il faut peser le pour et le contre
Hésiter entre deux maux ou deux biens
Comment ne plus pouvoir choisir
Et, malgré tout, y être astreint
Quelle prison imaginaire…

Le rêve le plus réel pourrait-il n’être
Qu’un rêve vide d’images et de sons ?
Dans ce cas rêve et réalité se rejoignent

Finalement qu’est-ce qu’un trou noir :
Un passage entre le palpable et l’impalpable
Entre le zéro et l’infini
Entre le tout et le rien
Entre la réalité et le rêve ?
Qu’en sais-tu puisque personne n’en revient !

 

14/03/2013

L’ange du bizarre, le romantisme noir de Goya à Max Ernst, exposition au musée d’Orsay (1ère partie)

Vampires, diables, spectres, sorciers et paysages macabres. Tel est l’objet de cette exposition. Plutôt que du romantisme noir, il s’agit de l’apparition d’un imaginaire sortant de la raison et se plongeant dans l’inconscient. Cela commence au début du XIXème siècle par un tableau assez extraordinaire intitulé "Expulsion, lune et lueur de feu", peint par Thomas Cole en 1828, paysage mystérieux ouvrant sur les portes de l’inconscience ou de l’enfer.

Expulsion2_Moon_and_Firelight_1828_Thomas_Cole.jpg

Le monde coupé en deux, semblable des deux côtés et séparé par un pont de pierre branlant sur un abime. D’un côté, un coucher de soleil sur une mer perdue dans les montagnes et les racines, avec un deuxième soleil voilé et rouge. De l’autre, le même paysage montagneux, de jour, mais le pont donne sur une porte lumineuse, éclairée d’un feu vigoureux, dont on ne sait ce qu’il cache ou représente. On peut l’interpréter dans les deux sens : l’imaginaire et le réel, le conscient et l’inconscient avec les deux soleils. Mais où se trouvent les uns et les autres, on ne sait. Non seulement le tableau est expressif et suggestif, mais il est également d’une très belle facture. Bravo Thomas Cole, américain, paysagiste et peintre allégorique, auteur fascinant de nombreux tableaux traduisant l'empreinte du romantisme et du naturalisme !

Un deuxième tableau, intitulé "Dante et Virgile", de William Bouguereau et peint en 1850, reste dans la même veine picturale, très soigné, réaliste, et très académiste.

William-Adolphe_Bouguereau_(1825-1905)_-_Dante_And_Virgil_In_Hell_(1850).jpg

Puisant dans l’œuvre de Dante, il montre le combat de deux hommes : Capocchio, hérétique et alchimiste, mordu au cou par Gianni Schicchi, qui avait usurpé l'identité d'un homme déjà mort afin de détourner son héritage. Regardant la scène, Dante et Virgile. Spectacle horrible, mais empli de la beauté de ces corps exacerbés par une peinture très précise, dont l’anatomie est exagérée consciemment. La musculature et le cou de l’assaillant, amplifiés, met en évidence la rage et la violence de l’attaque. Théophile Gautier approuve : "Le Gianni Schicchi se jette sur le Capocchio, son rival, avec une furie étrange, et il s'établit entre les deux combattants une lutte de muscles, de nerfs, de tendons, de dentelés dont M. Bouguereau est sorti à son honneur. Il y a dans cette toile de l'âpreté et de la force, - la force, qualité rare ! ". C’est un combat à mort, où la haine se manifeste par la morsure des dents plantées dans la carotide de l’adversaire.

22/10/2011

Cinéma, un art qui reste à exploiter

 

Le cinéma, à quelques rares exceptions, reste un art en enfance. Qu’est-il ? Un livre en images, presqu’une bande dessinée avec des personnages vivants. Il raconte une histoire, le plus souvent dans l’ordre chronologique, il reproduit en images ce qu’un bon roman explicite, souvent mieux. Et pourtant, le cinéma est le seul art qui puisse nous faire percevoir, dans sa netteté et sa vérité, une situation dans toutes ses dimensions physiques et psychologiques.

En effet, par le son, on peut rendre, comme le ferait la poésie et la littérature, le mécanisme d’une pensée. Ce mécanisme peut être direct, par la parole prononcée ; il peut être indirect, par un commentaire des impressions données par l’image, ce qu’on appelle une voix off, et l’on peut aussi user d’autres artifices que la parole ; musique, bruits, silence. Mais l’image permet également de donner la vision même de cette pensée. Mieux, l’image permet de rendre à la fois la vision physique que l’œil transmet au cerveau et la vision intérieure de la pensée, c’est-à-dire les souvenirs ou la création d’images exprimant une vision autre, personnelle, qui s’impose en ce moment à vous-même. Elle permet de sauter de la perception visuelle, nette, véridique et comme agrandie, à la vision imaginaire et flou de la pensée.

Ainsi, lorsque vous vous promenez dans une rue de votre ville, que vous connaissez bien, vous voyez, entendez ce qui s’y passe, vous répondez même aux personnes qui vous interrogent. Mais dans le même temps, vous laissez défiler dans votre mémoire des faits passés se rapportant à ce que vous y avez vécu à un moment ou un autre, vous revoyez à la place du marchand de meubles le réparateur de tapis qui occupait la boutique auparavant, vous vous souvenez d’un incident survenu à une personne dans la rue et vous entendez son cri désespéré qui fit se retourner les passants. Et vous pouvez même imaginer une autre fin de ce souvenir, que vous inventez en marchant aujourd’hui au milieu de cette rue. Tout cela dans toutes ses perceptions : la vue, l’ouïe, l'odorat, et même le toucher et le goût, comme la madeleine de Proust.

On pourrait même aller plus loin dans la vérité que la pensée elle-même, car elle ne se fait qu’une idée confuse de l’objet qu’elle digère. Le cinéma, loin de digérer cet objet, permettrait d’en séparer chaque élément, chaque organe, chaque morceau de matière pour aller plus profondément dans sa découverte.

Il nous faudrait un Proust cinéaste. Mais il y en a, chacun à sa manière : Bergman, Alain Resnais, Buñuel et bien d’autres. En quoi sont-ils différents des cinéastes habituels ?

 

 

17/09/2011

Blow-Up, film de Michelangelo Antonioni (1966)

 

Blow-Up est un film anglo-italo-américain de Michelangelo Antonioni, sorti en 1966 et inspiré de la nouvelle Las babas del diablo (Les fils de la Vierge) de Julio Cortázar. Il obtint la Palme d'or au festival de Cannes en 1967.

 

Bande annonce du film :

http://www.youtube.com/watch?v=2Xz1utzILj4&feature=re...

 

Episode du film :

http://www.youtube.com/watch?v=r9u78vNOvvQ&feature=re...  

 

 

Blow-up1.jpg"À Londres, Thomas, un photographe de mode, se rend dans un parc où un couple qui s'embrasse attire son attention. Il prend des clichés, mais la jeune femme, Jane, exige les négatifs, allant jusqu'à s'offrir à lui pour les obtenir. Thomas lui donne une autre pellicule et il développe les photos du parc. En agrandissant celles-ci, il découvre un crime, ce qu'il vérifie dès la nuit suivante, en décoBlow-up2.jpguvrant la présence du cadavre dans le parc. Désemparé, il cherche conseil auprès de ses amis, en vain. Pendant ce temps, les bobines ont été volées dans son atelier. De retour au parc, il s'aperçoit que le corps a disparu. Tout près de là, une troupe de clowns mime une partie de tennis, se renvoyant une balle invisible."

Mais au-delà de ce bref résumé, tiré de l'encyclopédie Hachette, l’apothéose du film se trouve dans cette partie de tennis où chacun suit l’effort des joueurs, la trajectoire de la balle, le choc de celle-ci Blow-up3.jpgcontre le grillage et que le photographe prend d’abord pour un jeu, mais qui, à partir du moment où il s’associe au jeu involontairement en ramassant la balle imaginaire, devient une réalité, jusqu’à lui faire percevoir le choc de la balle contre les raquettes. Ainsi la réalité et l’imaginaire se rejoignent à la fin du film comme ce fut le cas au commencement quand la femme lui demande les négatifs. Le cercle est fermé.  

Le film reprend le vieux thème énoncé par Platon sur la réalité du monde extérieur, celui de la réversibilité des choses de Cocteau : derrière chaque objet perçu se cache une existence insoupçonnée. Percevoir, c’est toujours interpréter par l’intelligence une sensation (ce que fait que le photographe dans sa recherche sur les photos) et chacun recrée à chaque instant le monde, car la vision n’est qu’un agrégat de raisonnement et comme il y a illusion des sens, il peut y avoir des illusions psychologiques (le choc des balles contre les raquettes). Cette balle qui, bien que n’existant pas, existe virtuellement comme le cadavre, ces photos qui, bien qu’ayant existé, semblent n’avoir jamais existé, où est au fond la vérité : dans qu’on voit ou dans ce qu’on devine derrière ce que l’on voit ?

 Certes, le film ne date pas d’hier, mais d’avant-hier, avec ses images provocantes et pseudo-modernes. Mais ces quelques défauts qui viennent avec le temps n’effacent pas la beauté du film, mieux même, ils la font ressortir.

 

 

20/12/2010

Porte sur l'invisible

Et si ces parallèles permettait d'entrer dans le monde invisible à l'endroit où noir et blanc se joignent ? 

Alors un monde nouveau s'ouvre à l'inconnu.

Le temps  ne se conçoit plus en heures, mais en espace décalé, trou noir dans la matière vierge.

invisible,peinture,cosmos,inconnu,dessin,imaginaire

16/12/2010

Inconnaissance décalée

 

Lueur mauve de la nuit sur la ville

Par delà les toits luisants endeuillés de feuillages

Quand tu me dis regarde. Je te contemple

Statue de bronze et d’opale tiède

J’erre encore sous cet aspect de verre

Dans un désert barré de gestes

 

Le froid tombe et glace les membres

En d’étranges pauses où je te retrouve

Quand tu ouvrais les yeux

À l’ovale de ton regard arrêté

Sur l’immobile image d’amas de fer

Et de géométriques embrasements.

 

Allongé, détendu, j’ai plongé dans la nuit

Pour joindre à deux étoiles les lueurs de ton regard

Je me suis ensuite assis aux rivages de certaines vagues

Pour puiser une poignée d’écume et désaltérer

Un petit garçon qui avait vu leurs lueurs insolites

 

J’aurai pu franchir les cols les plus hauts

Et veiller de leurs contreforts sur le lac de ton souvenir

Pourtant je chemine encore dans l’amère étendue

D’une connaissance incertaine et mouvante