30/05/2013
Exposition Pierre Scholla du 16 mai au 28 juin 2013 à la Galerie Sinitude, Paris
Né en 1928, il étudie le dessin, la peinture, la lithographie et même le dessin industriel. Il est d’abord, au musée du Louvre, copiste de grands peintres : Fragonard, Boucher, Delacroix, Soutine, Van Gogh.
Il excelle dans des genres très variés : décoration, sérigraphie, affiche, fresque, maquette, etc. Il voyage : Etats-Unis, Cambodge, Grande-Bretagne, Italie. Cet éclectisme le fait peintre des extrêmes : portraits, abstraits proches de la calligraphie, natures mortes, portraits naïfs d’enfants.
Mais ce sont ses paysages qui possèdent un charme extraordinaire. Ils sont composés de dessins assez précis, à la manière des architectes, noyés dans des paysages simplifiés à l’extrême. De plus, nombreux sont vus d’une fenêtre dessinée de façon simpliste.
Ainsi le sujet du tableau, généralement un lieu tel qu’un village, une maison, un monument, se trouve isolé de son contexte par le fait que celui-ci est stylisé jusqu’à devenir abstrait, neutre, non émotionnel, telle Notre-Dame de Paris, engloutie entre terre et ciel.
D’autres fois, cet environnement représente d’assez près la réalité, mais reste suffisamment stylisé pour donner un effet à la fois naïf et indépendant. Le sujet reste planté là, déconnecté du paysage, comme collé sur celui-ci.
La fenêtre fait partie du décor, à tel point qu’elle prend la couleur du paysage : ici verte comme les bois et les prés, là bleue pour augmenter le contexte abrupte et montagnard du sujet.
Il lui arrive même d’en oublier le sujet. L’encadrement de la fenêtre devient le sujet, mais sans le dire nettement. C’est sans doute un peu pauvre, mais cela peut charmer certains.
Allez, laissons notre regard s’évader vers l’horizon de sable et d’eau derrière cette tour du mont Saint Michel et rêvons … Oui, nous sommes bien sur les hauteurs mystiques de ce lieu entre ciel et mer.
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22/05/2013
Couleur du temps, récit de Françoise Chandernagor
Une plongée dans un autre siècle, celui des lumières. Ce n’est qu’une histoire imaginée, mais avec un tel réalisme que l’on pense qu’elle fut réelle et que le peintre V*** fut bien un peintre du Roi.
V*** fut-il un grand peintre ou un petit maître ? Un coloriste-né ou un fabricant sans génie ? Nous n’en savons rien : la postérité n’a pas rendu son arrêt. Tout juste peut-on dire que V*** était déjà mort de son vivant : lorsqu’il disparut, sa belle époque était révolue, sa mode démodée. Et pourtant il avait vécu, s’était fait connaître, avait obtenu le succès, avait négligé sa famille, voyageant partout où il était demandé pour peindre les grands de ce monde. Au-delà de l’histoire elle-même de sa vie, Françoise Chandernagor nous décrit à la fois la société de l’époque, sa conception de la peinture, la compétition entre les peintres pour obtenir les faveurs de la famille royale. Elle le fait d’une manière naturelle, introduisant dans le récit ces réflexions sur les événements d’une vie d’artisan-peintre.
Jeune, il ose : des jeunes gens impatients tirent le tapis. La guerre est finie, on veut s’amuser. Le tableau de bataille rebute, la peinture religieuse assomme, les grands sujets, les grandes idées ennuient les Français ; place au moi, place à l’intime, place au portrait ! (…) On voudrait tout entreprendre, tout oser…Mais les personnes bien nées, si elles ont du goût, hésitent encore à afficher la leur. Le jeune V*** trouva l’art de montrer ce qu’on tient caché sans choquer la décence : les dames de qualité n’avaient qu’à se faire représenter costumées. Pas en Madeleine repentante, évidemment ! Ni en Sainte Elisabeth. Costumées en dévêtues : une muse, une nymphe, une sultane, une allégorie. Il proposa du portrait déguisé « mythologique » ou « oriental ».
Bien sûr il se marie, a des enfants. Il a des instants de joie et des périodes de malheur. Sa vie est à découvrir dans la lecture même du livre. Au-delà, on s’intéresse à l’époque et à sa conception de la peinture.
Nous nous plaignons d’un siècle de courtisans, mais sachons qu’au temps de Voltaire et Diderot la flagornerie et la flatterie étaient obligatoires pour qui voulait se faire connaitre et obtenir des facilités.
A l’époque, l’art de la peinture est tout d’artisanat. C’est par la pratique qu’il pêchait, lit-on à propos du fils de V***. « Pas tant d’huile sur ton pinceau, Nicolas ! Ah oui, je sais : la couleur semble plus facile à étendre, elle est flatteuse, onctueuse, voluptueuse. Et puis, n’est-ce pas, on en a plus vite fini ? Solution de paresseux ! Qui se paie cher : ton tableau séchera, mais seulement en surface – dans dix ans sa peau craquera, il sera gercé de partout, tombera en morceaux. Alors chaque maître possède son atelier, ses apprentis, et le tableau se fait en équipe. Les uns peignent les mains, les autres sont spécialisés dans les pieds, les plus habiles, en passe de devenir maîtres à leur tour, les visages. Le maître met sa touche finale, alanguissant les membres, donnant de la vie aux joues ou à l’œil du sujet représenté. Cela donne une collectivité vivante, soudée, récréative, loin de la méditation individuelle de l’artiste d’aujourd’hui et du travail solitaire d’exécution. Sans doute retrouve-t-on maintenant cela dans certains genres de peinture, tels la production d’œuvres originales en plusieurs exemplaires, dites multiples, ou encore dans l’atelier de Vasarely où les petites mains peignaient inlassablement des ronds et des carrés. Il concevait les tableaux que d’autres exécutaient en grande partie.
Baptiste V*** aime les couleurs, le jaune en particulier. Il en parle avec son nouvel ami sur la fin de sa vie :
– Et qui t’a dit, Baptiste, qu’on peignait avec des couleurs ?
– Si l’on ne peint pas avec des couleurs, avec quoi peint-on ?
– On se sert des couleurs, mais on peint avec le sentiment…
– Le sentiment, Le sentiment ! Et pourquoi pas le naturel tant que tu y es !
Tout au long de sa vie, il conçoit et remanie le portrait de famille, fil directeur du récit. Après tous ses malheurs, il les rajeunit, reprenant les esquisses conservées. Il finit par se peindre lui-même en vieillard. Il l’expose et se retrouve en butte avec tous les critiques. A ce peintre qui ne vendait plus rien, que tout le monde avait cru mort, et dont le nom seul, entouré d’un vague respect, disait encore quelque chose au public, il fallait ôter ce qui lui restait : la renommée. « V*** est fini : Voici le titre. On assure que cet homme a été un bon portraitiste. Il n’est plus rien : le portrait de sa famille est faible, c’est-à-dire flou et léché.
Et ce livre s’achève avec l’interrogation, ma foi somme toute habituelle : V*** fut-il un grand peintre ou un petit maître ? Et d’ailleurs qu’est-ce qu’un grand peintre, qu’est-ce qu’un petit maître ? Vermeer fut un petit maître pendant trois siècles ; et Meissonier qui fut un grand peintre quand Béranger était un grand poète, n'est plus rien…
06:51 Publié dans 21. Impressions picturales, 41. Impressions littéraires | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature, récit, peinture, classicisme, temps | Imprimer
21/05/2013
Dynamo ou l’art cinétique en trompe-l’œil
http://www.grandpalais.fr/fr/article/le-spectateur-acteur-de-dynamo
Quelle misère. L’explication du commissaire général de l’exposition Dynamo n’est pas vraiment convaincante. Certes « on n’est plus dans une relation assise du visiteur ». « Les artistes demandent qu’on touche ». « On crée sa propre composition dans un système défini, donc on participe à la création de l’œuvre en jouant le jeu de l’artiste ».
Oui, comme le disait Marcel Duchamp, « c’est le regardeur qui fait le tableau.. » Mais quand le regardeur manipule le pinceau, y a-t-il vraiment un geste artistique qui fait une œuvre des objets, des couleurs, des sons. Cette parodie a-t-elle du sens (artistique). Je n’en suis pas sûr.
Cette exposition, apparemment très appréciée des spectateurs, se tient au Grand Palais. Beaucoup de tape-à-l’œil et de bling-bling. Mais aussi quelques purs chefs-d’œuvre. Certes, il faut aimer ce genre d’art qui passe de l’éclairage au néon s’allumant et s’éteignant en cadence, aux verres multicolores et aux miroirs déformants. Beaucoup de gadgets ! Cela commence d’ailleurs avant même l’entrée dans le Grand Palais, dans cette fontaine où le brouillard et la fumée ont remplacé le jaillissement de l’eau. L’idée n’est cependant pas mauvaise.
C’est dans les premiers pas de l’exposition que sont rassemblés les objets les plus médiatiques : une barrière de lumière, un labyrinthe de glaces, un jeu de noirs et blancs mobiles selon la place du spectateur, etc. Il est d’ailleurs étonnant de constater que les photos qui se trouvent sur le site de l’expo sont principalement celles de ce style d’objets.
Pourtant, il y a de belles choses si l’on s’intéresse au cinétisme. Admirons ces cercles de Bridget Riley peint en 1963 (Blaze 4, acrylique sur panneau) ou cette gouache sur bois de Julio Le Parc « »Instabilité, peinte en 1959, ou encore cette œuvre intitulée V32 (verres sérigraphiés, tubes fluorescents et bois, 1963) d’Angel Duarte.
A noter également cette impression d’orange géométrique sur une galerie du Grand Palais. C’est saisissant et très bien fait, probablement par projection du dessin avec un vidéoprojecteur très puissant.
Bref, à boire et à manger, mais avec des digestions différentes selon ce que l’on regarde, voit, contemple, admire ou fuit. Un bon point : les explications sur panneau des différents types de cinétisme, tels qu’Interférence, Pionniers (développements futurs visant à traduire le mouvement et à utiliser la lumière dans l’art), Halo, etc. Pédagogiques, ils permettent de comprendre les différentes possibilités offertes au créateur. Le premier d’entre eux :
Espace : Au cours du XXème siècle, l’art a changé : il a changé de nature. Il a trouvé de nouveaux moyens, il s’est fixé d’autres objectifs. L’art abstrait a été l’un des facteurs principaux de ces changements. Il a largement contribué à la conquête de l’espace, en incitant les artistes à quitter le tableau, à abandonner la ronde-bosse et à considérer l’espace pour lui-même. Plutôt que d’être représenté, l’espace va être utilisé, investi, devenir le sujet même de la création. Il s’agit de le structurer ou de faire disparaître ses limites ; il est saturé de lumière ou au contraire plongé dans l’obscurité, on cherche à l’habiter ou à le rendre impraticable. (…)
07:50 Publié dans 21. Impressions picturales | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : art cinétique, art optique, art contemporain | Imprimer
13/05/2013
Marcos Carrasquer, peintre et dessinateur
Marcos Carrasquer est un peintre onirique et prolixe qui expose actuellement à la galerie Samantha Sellem, 5 rue Jacques Callot, dans le 6ème.
Il met en scène ses personnages avec verve, violence et, parfois, attendrissement. Cette profusion est en réalité ordonnée et raconte une histoire. Il peint une nouvelle imaginaire qui se déroule sous nos yeux. Il n’a pas besoin de mots, de sons. Tout est dans la vue, le sordide, la profusion et la caricature avec ses personnages replets et grossiers.
Son style n’est pas sans rappeler les peintres flamands médiévaux et de la renaissance tels Jérôme Bosch (Le jardin des délices, par exemple) ou Bruegel avec La chute d’Icare. Comme eux, il invente une histoire-résumé et laisse aller son imagination au fil de la plume ou du pinceau. Lorsque la toile est couverte de ses délires, il ne peut s’empêcher de rajouter quelques détails quasi invisibles, mais qui apparaissent avec force si l’on prend la peine de regarder avec attention.
Il aime se représenter sur ses tableaux.
Ainsi « Real Appeal » ou « L’appel du réel » où il se représente s’enfuyant, nu, d’une pièce sordide où sont couchées sa femme et sa fille sur un matelas. Il laisse une bulle de savon représentant ses rêves d’enfant (la période cheminot de beaucoup de gamins). Mais plus récente dans son délire est la femme, presque belle, du moins son visage, qui porte une autre femme plus forte et plus lourde qu’elle. Peut-être est-elle la représentation de ce qu’elle sera plus tard ? Il bute contre une maquette de son appartement dans lequel des policiers investiguent. Un souvenir de son enfance en Espagne au cours de laquelle son père a été emprisonné. C’est sa manière de prendre sa revanche sur ce passé encore très présent dans sa tête. A l’arrière-plan, on voit un homme assis qui semble méditer et évacuer ses divagations. Quel délire !
Il passe également en revue l’histoire de l’art.
Guernica sert de tapis. Une princesse espagnole à tête de singe, inspirée de Velasquez, contemple, ahurie, le désordre de l’histoire de la peinture du siècle. Ainsi trois personnages, habillés d’un lange comme des bébés, à la tête d’urinoirs de Duchamp semble narguer soit l’inspiration représentée par la guenon, soit l’amas de peintres ensevelis dans une fosse commune. A droite, leurs toiles, enroulées, comme au rebus. Oui, quel délire !
Parcourons encore du regard quelques tableaux ou dessins :
Ce monde est impitoyable et drôle, parce qu’apparemment disjoncté de toute vraisemblance. Mais cet étalage de folies est construit, raisonné avec le pinceau ou le crayon, avec talent. C’est la forme de la réalisation de l’œuvre qui lui donne toute son ampleur et sa beauté, une beauté de profusions glacées.
07:30 Publié dans 21. Impressions picturales | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : dessin, peinture, encre de chine, onirisme | Imprimer
11/05/2013
La soupe des pauvres, peint par Jules Adler (1906)
Ils sont là, nombreux, se pressant vers l’entrée que l’on devine. Ils n’ont pas de formes définies, de visages identifiables, de vêtements neufs ou même propres. Ils n’ont pas non plus de regard. Ils portent leurs biens en bandoulière. Rien. Seule leur attitude montre leur souffrance. Mais on devine les odeurs, les petits bruits de corps fatigués, les plaintes cachées. Y a-t-il meilleur reportage que ce tableau où l’on reconnaît les pauvres d’aujourd’hui ? L’ordre est là, bien sûr, dissimulé dans la pénombre, mais reconnaissable à ses grosses chaussures. Ils passent devant lui, les yeux baissés, sans une parole.
Le peintre utilise le clair-obscur, le gris des murs et du sol, le flou des contours des personnages, les mélanges de teintes sombres avec les quelques couleurs vives. Seuls les visages apparaissent en taches claires, mais imprécises. Le mur du fond s’éclaire également pour faire ressortir la masse des corps et leur défilé ininterrompu. Anonymes, les personnages passent, inconnus, tendus vers la seule chose qui compte pour eux, la soupe.
Jules Adler a été surnommé le peintre des pauvres » par Louis Vauxcelles. Il rappelle « le peintre des humbles », Ferdinand Pelez de Cordova (voir le 16 janvier 2013 dans la rubrique 21 Impressions picturales).
Ce tableau appartient à la collection du Petit Palais.
07:08 Publié dans 21. Impressions picturales | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : peinture, xixème siècle, indigents | Imprimer
24/04/2013
Le beau et l'art abstrait
Dans son livre « Du spirituel dans l’art », Kandinsky proclamait que nous commençons à peine à être libérés de notre dépendance par rapport à la nature. Il écrivait : « La subordination de la composition à la forme géométrique n’est pas une idée nouvelle. La construction des fondements purement spirituels est une chose lente, et qui paraît au début aveugle et sans méthode. L’artiste doit éduquer non seulement son œil mais aussi son âme, de façon à pouvoir juger les couleurs d’après leur propre échelle, et à faire d’elles un facteur déterminant dans la création artistique. (…) La beauté de la forme et de la couleur n’est pas un but suffisant en soi. (…) »
Pour Kandinsky, l’expression finale abstraite de tout art est le nombre. Il signifie par là qu’une œuvre d’art est une construction cachée, au-delà d’un simple effet de décoration géométrique. Il écrit en 1912 que le siècle approche d’un temps de composition raisonnée et consciente, où le peintre sera fier de dire de son œuvre qu’elle est construite.
Un siècle plus tard, qu’en est-il ? Ce mystère de la construction de l’abstrait est-il toujours vrai ?
Non, probablement. Prenons l’exemple du tachisme, de l’action painting, de l’abstraction lyrique. C’est une peinture qui est en réaction par rapport au cubisme et à la géométrie en général. Le choc du spectateur qui lui fait dire c’est bien une œuvre d’art ne tient pas à la construction du tableau, mais à l’impression visuelle immédiate qui introduit un déclic dans son esprit.
Oui, sûrement. Cette construction quasi inconsciente est essentielle pour démarquer le peintre du décorateur, l’artisan de l’artiste. Elle n’est pas raisonnée. C’est par expérience, échecs et succès, que progressivement peintre découvre cette différence. Tout son art est dans cette construction qui produit des effets calculées, sans qu’il soit réellement capable d’en dire les causes et d’en tirer des principes de construction suffisamment élaborés pour promouvoir plus qu’une simple école. Parfois, ce n’est que lorsque le tableau est fini que l’artiste est déçu : il croyait faire œuvre d’art et n’a fait qu’un objet de décoration. Quelle déception ! Mais dans le même temps, quel apprentissage vers le beau !
06:55 Publié dans 21. Impressions picturales | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : beau, peinture, abstrait, spiritualité | Imprimer
16/04/2013
Maurice Estève, au salon du dessin 2013
Manifestation de renommée internationale, ce salon rassemble galeristes français et étrangers, experts, collectionneurs, amateurs ou simples spectateurs au palais de la Bourse à Paris. Le décor est soigné, les personnes présentes sont élégantes, les dessins fins et racés. La grande majorité vient des XVIII et XIXème siècles. Mais quelques stands sont dédiés au XXème.
Une fois encore, la galerie Applicat-Prazan se distingue. Son stand se situe à droite en entrant et se remarque immédiatement par la couleur inimitable des tableaux de Maurice Estève (1904-2001). Une féérie qui tranche avec les autres exposants. Comme pour la FIAC, son propriétaire, Franck Prazan, consacre son exposition à un seul artiste, un merveilleux coloriste, dont l’agencement des formes n’a d’autres buts que de mettre en valeur les ajustements de couleurs.
Estève a reçu la reconnaissance du monde entier à travers de nombreuses expositions. Son œuvre, très tôt dans son parcours, fût remarqué par ses aînés : Braque, Matisse, Delaunay ou Picasso.
Ses admirables dessins, ses non moins étonnantes aquarelles et ses savoureux papiers collés sont présentés dans la galerie Lejuge en lumière tamisée et, dans un souci de conservation, sont renouvelés tous les trois mois. » (source : http://www.ville-bourges.fr/site/culture--loisirs_musee-esteve)
Sur sa façon de travailler, Estève précise: «…Je ne me sers jamais d’esquisse, je peins directement sur la toile, sans dessin préalable. La couleur s’organise en même temps que les formes. Tout se cherche dans le format en chantier… Chaque œuvre est une suite de métamorphoses… En vérité une toile est pour moi une somme de reprises incessantes qui dure jusqu’à ce que je me trouve devant un organisme que je sens vivant. Seule ma sensibilité peut me dire si j’ai atteint ou non cette reconnaissance…
Une des choses qui me caractérise le plus est qu’il n’y a pas chez moi d’image préétablie, pas de forme que je souhaite obtenir à priori sur une toile. Au moment même où je peins, il s’opère un échange, une conversation s’établit entre moi et le tableau au fur et à mesure que celui-ci s’organise… N’ayant plus le spectacle de la nature sous les yeux, ni son souvenir, je me trouve en face de l’art, d’une réalité, d’un objet qui a grandi et qui est plus tyrannique encore qu’un sujet, mais en même temps plus souple, obstiné et ouvert.»
Estève n’a pas de style, ou plutôt il a son style, inimitable de formes entremêlées sans but apparent, composition d’objets disparates, ronds, carrés, allongés, entortillés les uns dans les autres. Il peint sur la toile ou le papier, à l’aquarelle, au fusain, à l’encre, aux crayons de couleurs, au crayon gras. Parfois il colle les morceaux pour réaliser de véritables fééries. Et de la couleur naît l’âme du tableau, vive, transcendante, des rouges sublimes, des bleus profonds ou voilés, des verts tendres et transparents.
Vous vous concentrez sur un tableau et vous vous sentez transformé, dans un état de soulagement qui vous fait oublier les lourdeurs de la vie. Le peintre de la liberté retrouvée : un coup d’œil et vous êtes mieux, libre et enchanté. N’est-ce pas un peintre unique ?
07:45 Publié dans 21. Impressions picturales | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : peinture, dessin, papier collé, abstrait, moderne | Imprimer
03/04/2013
Art Paris (28 mars au 1er avril 2013)
Le temps du week-end de Pâques, de nombreuses galeries se sont données rendez-vous au grand palais. Assez semblable à la FIAC, Art Paris Art Fair « affirme son identité singulière de foire européenne orientée vers la promotion des scènes de l’Est (Europe Centrale et Orientale, Moyen-Orient et Asie). Avec 74 nouvelles participations, 20 pays représentés et 43% de participation étrangère, la sélection 2013 est profondément renouvelée et internationale. » (source : http://www.artparis.fr/fr/)
Mais au fond, relisez l’article sur la FIAC (voir note du 21 octobre 2012), l’impression est la même. Cherchons donc le mouton à cinq pattes. Il y en a et pas tous de la même famille.
Jean-Pierre Le Bars :
Art concret, géométrique, abstrait. Ce qui différencie Jean-Pierre Le Bars des autres peintres cinétiques tient aux supports qu’il utilise. Ce ne sont pas de simples toiles, mais un ensemble toile-relief élémentaire qui se fond dans la géométrie du tableau.
Il a réalisé ces premiers supports en 1996. Il aime l’incertitude que donne le mélange de la troisième dimension et de la géométrie constituée de formes rectangulaires qu’il affectionne. Alors il construit des séries homogènes composées de contrastes, de vides et de pleins, la plupart du temps verticales, comme un découpage organisé de l’espace, reproduction sans lassitude d’éléments répétitifs très simples.
Certains s’en lasseront vite. Mais il y a le charme de la symétrie, la simplicité de l'organisation du tableau et des formes reproduites, le repos que chaque œuvre procure d’abord au regard, puis à l’impression ressenti et enfin à l’esprit. Insolite, n’est-ce pas, cet appel au noir dans l’opposition des deux autres couleurs !
Ce peintre a exposé lors des journées d’Art Paris et il expose également à la galerie Vieille du Temple, 23 rue Vieille du Temple, 75003 Paris.
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18/03/2013
L’ange du bizarre, le romantisme noir de Goya à Max Ernst, exposition au musée d’Orsay (3ème partie)
De style symbolique, ce tableau, intitulé "Les sorcières autour du feu" de Paul-Elie Ranson, est simple, sans recherche de composition.
Sa beauté tient aux sorcières. Leur corps est rouge, bien fait, dans des attitudes de tous les jours, sauf peut-être celle de droite qui semble plus figée, à moins qu’elle ne chante une incantation. On pourrait penser aux naïades. Mais leurs cheveux sont gris, vieillis peut-être prématurément. Au-dessus d’elles, la marmite bouillonne, exhibant des langues de chat incandescentes. Elle dessine un cercle de lumière qui s’estompe vite vers le bleu-gris-noir de la nuit peuplée des animaux familiers aux magiciennes, en particulier le chat. Seules au monde autour de leur décoction, les sorcières s’activent comme si de rien n’était, comme si elles préparaient une soupe comestible pour leur famille.
Paul-Elie Ranson est un des fondateurs du mouvement nabi, mouvement artistique postimpressionniste d'avant-garde, né vers 1888 en réaction contre la peinture académique. Issu d’un terme hébreu il signifie « l’annonciateur » ou « illuminé » ou encore « celui qui reçoit les paroles de l'au-delà ».Ses membres s’efforcent de sortir d'une peinture conventionnelle et d’initier à la spiritualité par l’art. Leur art est caractérisé par l’utilisation de couleurs sans mélange, l'absence de perspective, un horizon absent ou très haut et des sujets symboliques. La lumière est essentielle et transmet l'esprit. Les nabis s’intéressent à l’orientalisme et particulièrement au Japonisme.
07:18 Publié dans 21. Impressions picturales | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : peinture, post-impressionniste, nabi | Imprimer
17/03/2013
L’ange du bizarre, le romantisme noir de Goya à Max Ernst, exposition au musée d’Orsay (2ème partie)
Peu de sculptures dans cette exposition. On remarquera cependant une très belle tête de femme, intitulée "Eternelle douleur" et signée Paul Dardé, sculpteur français né au début du XXème siècle à Lodève.
Sculptée en 1913 (il avait une vingtaine d’années), elle diffère des œuvres monumentales auquel l’artiste a ensuite habitué ses admirateurs. En effet, Paul Dardé s’interrogea longuement sur les origines de l’humanité et sur le génie humain qui semble sortir de sa gangue naturelle pour contempler la beauté de l’univers.
Là rien d’impressionnant : une tête de femme endolorie, environnée de serpents qui se mêlent à sa chevelure. Taillé dans le gypse, son aspect est fin, précis et renforcé par les veines de la pierre comme on le voit sur cette photo. Le dolorisme est accentué par cet enchevêtrement abondant qui semble exprimer les pensées de cette demi-morte. Ses lèvres entrouvertes, font ressortir la solitude qu’elle ressent, aspirant à une fin qui ne vient pas.
Paul Dardé était un grand sculpteur qui est resté méconnu. Profondément cultivé, il s’appuyait sur ses lectures pour trouver l’inspiration : les Evangiles, l’Apocalypse de St Jean, Shakespeare, Dante et bien d'autres.
07:40 Publié dans 21. Impressions picturales | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : art moderne, sculpture, dessin, mysticisme, catholicisme | Imprimer
14/03/2013
L’ange du bizarre, le romantisme noir de Goya à Max Ernst, exposition au musée d’Orsay (1ère partie)
Vampires, diables, spectres, sorciers et paysages macabres. Tel est l’objet de cette exposition. Plutôt que du romantisme noir, il s’agit de l’apparition d’un imaginaire sortant de la raison et se plongeant dans l’inconscient. Cela commence au début du XIXème siècle par un tableau assez extraordinaire intitulé "Expulsion, lune et lueur de feu", peint par Thomas Cole en 1828, paysage mystérieux ouvrant sur les portes de l’inconscience ou de l’enfer.
Le monde coupé en deux, semblable des deux côtés et séparé par un pont de pierre branlant sur un abime. D’un côté, un coucher de soleil sur une mer perdue dans les montagnes et les racines, avec un deuxième soleil voilé et rouge. De l’autre, le même paysage montagneux, de jour, mais le pont donne sur une porte lumineuse, éclairée d’un feu vigoureux, dont on ne sait ce qu’il cache ou représente. On peut l’interpréter dans les deux sens : l’imaginaire et le réel, le conscient et l’inconscient avec les deux soleils. Mais où se trouvent les uns et les autres, on ne sait. Non seulement le tableau est expressif et suggestif, mais il est également d’une très belle facture. Bravo Thomas Cole, américain, paysagiste et peintre allégorique, auteur fascinant de nombreux tableaux traduisant l'empreinte du romantisme et du naturalisme !
Un deuxième tableau, intitulé "Dante et Virgile", de William Bouguereau et peint en 1850, reste dans la même veine picturale, très soigné, réaliste, et très académiste.
Puisant dans l’œuvre de Dante, il montre le combat de deux hommes : Capocchio, hérétique et alchimiste, mordu au cou par Gianni Schicchi, qui avait usurpé l'identité d'un homme déjà mort afin de détourner son héritage. Regardant la scène, Dante et Virgile. Spectacle horrible, mais empli de la beauté de ces corps exacerbés par une peinture très précise, dont l’anatomie est exagérée consciemment. La musculature et le cou de l’assaillant, amplifiés, met en évidence la rage et la violence de l’attaque. Théophile Gautier approuve : "Le Gianni Schicchi se jette sur le Capocchio, son rival, avec une furie étrange, et il s'établit entre les deux combattants une lutte de muscles, de nerfs, de tendons, de dentelés dont M. Bouguereau est sorti à son honneur. Il y a dans cette toile de l'âpreté et de la force, - la force, qualité rare ! ". C’est un combat à mort, où la haine se manifeste par la morsure des dents plantées dans la carotide de l’adversaire.
07:04 Publié dans 21. Impressions picturales | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : peinture, romantisme, imaginaire, expositions | Imprimer
10/03/2013
Jacques Villon, peintre cubiste
Jacques Villon, Né en 1875, mort en 1963, s’appelle en réalité Gaston Duchamp, frère de Marcel Duchamp, peintre dadaïste bien connu, et du sculpteur Raymond Duchamp-Villon.
Il commence par la gravure et le dessin et participe au Salon d'Automne de 1913 en tant qu’organisateur de la section dessin. Mais dès 1911, il fonde le groupe de Puteaux avec ses frères Raymond et Marcel, comprenant des artistes et des critiques comme Fernand Léger, Robert Delaunay, Francis Picabia, Kupka, Gleizes. Il élabore une forme de cubisme synthétique et crée le groupe de la Section d’or qui expose à la galerie La Boétie en 1912. Mais dès 1913, il se tourne vers l’étranger, dont New York où il envoie neuf toiles à l’Armory Show. Mais il est mobilisé en 1914 et participe à la grande guerre d’où il ramène cette toile « Soldats en marche » qui montre le degré d’abstraction obtenu.
Son but était de montrer le mouvement au-delà des apparences d’ordre figé. Il y réussit, sans doute au détriment du sujet lui-même qu’on a du mal à percevoir. Mais on remarque déjà sa caractéristique : des couleurs qui se fondent entre elles, des lignes obliques qui s’entrecroisent, un art aux couleurs franches et un dessin réfléchi, travaillé. N’oublions pas qu’il était en même temps graveur. Admirons son Acrobate, peint en 1913, aux couleurs merveilleusement équilibrées et contrastées.
Après la guerre, il se fait connaître aux Etats-Unis où il est cubiste avant tout. Sa petite peinture cubiste de 1921 met en évidence l’empreinte du mouvement sur sa peinture.
Admirons cependant son style particulier et son emploi de couleurs qui enchantent l’œil sans jamais choquer.
Vers la fin de sa vie, il retourne vers une peinture plus impressionniste avec un dessin toujours plus ou moins cubiste.
Enfin, animé par sa foi, il peint des sujets religieux et apporte à la cathédrale de Metz de très beaux vitraux. La couleur et la restructuration du sujet reste sa marque.
Il déclare ainsi que « la couleur est un poids dans la balance des émotions ».
08:03 Publié dans 21. Impressions picturales | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : peinture, dessin, gravure, cubisme, impressionnisme | Imprimer
26/02/2013
Pierre Fulcrand, à la galerie Lazarew
La galerie Lazarew (14 rue du Perche 75003 Paris) a une particularité, elle n’expose que des peintres pour lesquels son directeur, Alexandre Lazarew, éprouve ce qu’il appelle « un coup de cœur ». D’ordinaire, les galeries se spécialisent plus ou moins dans un style ou une époque. Ici rien de tout cela. Cela marche à l’amour de la peinture et du peintre. Quelle promotion que d’être convié à exposer dans une telle galerie !
C’est au tour de Pierre Fulcrand, un oublié du public, d’y être exposé. Et pourtant, il est décédé en 2004. Né en 1914, il fait les Beaux-Arts à Paris, passe du figuratif à l’abstraction, suit quelques-uns des grands mouvements, puis acquiert progressivement sa liberté. Anxieux, fuyant la presse et les vernissages, il se retire à Eygalières pour peindre dans la solitude ses plus beaux tableaux.
On classe son œuvre sous la désignation d’abstraction lyrique. Mais cela suffit-il à exprimer son art ? Probablement pas. Pollock, Rothko étaient également qualifiés d’abstrait lyrique. Mais leur peinture avait-elle à voir avec celle de Fulcrand ? On pourrait aussi parler de peinture gestuelle. En effet, l’artiste le dit lui-même : "Je mets la fougue en premier. La construction vient ensuite, plus facilement, en deuxième position."
Ce premier tableau met bien en évidence l’importance que le peintre accorde à l’expression de l’émotion.
Inversement, ce second tableau montre l’équilibre que le peintre trouve dans la construction : deux grandes masses sombres séparées par un bleu céleste entre lesquelles se glisse une composition abstraite, elle-même balancée et stable. C’est une sorte de repos que le mouvement même de chacun des éléments entretient.
Et pourtant l’artiste lui-même avoue ses tourments lorsqu’il peint. Chaque tableau sort d’abord du cœur, en bouillonnement d’émotions. Progressivement, il y ajoute l’équilibre indispensable, cherchant comment arriver, par le geste et la couleur, au fini souhaitable plutôt que recherché.
Et cet équilibre des masses, formes, couleurs, mouvements, il le trouve. Ce tableau lumineux où contrastent obscurité et lumière, geste et passivité, vivacité et lassitude, couleurs chaudes et froides, en est la preuve.
07:17 Publié dans 21. Impressions picturales | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : peinture, abstrait, peinture lyrique, peinture gestuelle | Imprimer
15/02/2013
Pierre Parat, peintre et architecte, à la galerie Deprez-Bellorget (15 rue de Seine 75006) – 2ème partie
Les dessins sont une façon de mettre en évidence la maîtrise de Pierre Parat. Admirez par exemple ce quatuor à cordes vu dans le tressaillement de la mélodie dont le mouvement pictural permet d’entendre la sonate de Beethoven. Chaque musicien semble réalisé d’un trait de plume, vibrionnant. Pas de visage, aucun décor, mais des sons qui se perçoivent hors de l’oreille, entre l’œil et le souvenir de concerts.
Des encres de Chine, également, abstraite, d’un style complètement différent, mais aussi captivant.
La peinture reste cependant son mode d’expression préféré, qu’elle soit en couleurs ou noire et blanche, tel « Ecroulements d’eaux » :
Ou « Jeté par l’ouragan » :
La lumière. Elle jaillit, vêtue de blanc, comme un chant dans le silence d’un éclatement de couleurs : en aplats, horizontaux, verticaux, obliques, groupées ou éparpillées, dissimulées derrière la surface des apparences ou au contraire éclatantes de présence.
En opposé, l’obscurité, toujours plus importante, comme pour mieux faire ressortir l’importance de la lumière : elle mange la toile, envahit l’esprit, le brouille, le trouble. Ce d’autant plus qu’entre les deux, la couleur s’affirme, pleine, entière, liant les opposés en larges taches claires, pures.
(Ci-joint "Tsunami")
Seul le trait évoque le sujet du tableau, comme un rappel léger du texte derrière la musique. Mais le mouvement pallie à cette absence de signification immédiate. Il permet de laisser l’imagination libre d’interpréter directement sans effort conceptuel et de laisser les sensations envahir l’espace visuel. (ci-dessous "Femmes au Yémen")
Bravo à ce surdoué qui reste jeune grâce à sa faculté de création. Puisse-t-il continuer encore longtemps à nous charmer !
07:00 Publié dans 21. Impressions picturales | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : peinture, dessin, abstrait, architecture | Imprimer
14/02/2013
Pierre Parat, peintre et architecte, à la galerie Deprez-Bellorget (15 rue de Seine 75006) – 1ère partie
Allez voir le site de cette galerie. Il expose de nombreux tableaux de Pierre Parat. De même pour le site suivant :
http://www.deprez-bellorget.com/index.php?id_artiste=44
http://francais.agonia.net/index.php/article/1763617/index.html
Dommage que cette galerie commence par un boyau d’un mètre de large dans lequel toute œuvre perd de sa puissance par l’obligatoire proximité de l’œil. Ce n’est pas le meilleur des œuvres de Pierre Parat qui y est accroché, mais cela donne une mauvaise impression au départ. Arrivé dans la véritable galerie, une grande pièce au fond du couloir, on peut voir quelques tableaux de Pierre Parat. C’est ainsi que l’on fait connaissance avec un peintre, par hasard, au fil des promenades. En un instant se crée une symbiose entre l’œuvre et votre être intérieur. Vous êtes touché par une couleur, une ombre, une forme, et vous tombez amoureux de cette toile.
Alors vous recherchez sur Internet ce qui est dit sur celui qui vous livre sa conception du monde et sa vie. Pierre Parat est avant tout un architecte très connu ayant réalisé de nombreux gratte-ciels, bureaux ou habitations. Mais trêve de baratin, regardez cette vidéo :
http://www.dailymotion.com/video/xvlx6c_pierre-parat-l-architecture-a-grands-traits_creation
L’exposition est malheureusement finie. Mais allez à la galerie Deprez-Bellorget (15 rue de Seine 75006) et vous verrez quelques-unes de ces œuvres. Si vous n’avez pas le temps, jetez un œil sur son site. Vous y trouverez dessins et peintures.
07:33 Publié dans 21. Impressions picturales | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : peinture, dessin, art abstrait, architecture | Imprimer
11/02/2013
Denis Jully, à la galerie Claudine Legrand (49 rue de Seine 75006)
Si l’on recherche des contrastes, il suffit de se déplacer de quelques mètres dans la rue pour découvrir la peinture de Denis Jully, très différente de celle de Numa Droz. Ce sont aussi des paysages, sans êtres vivants, intemporels, mais proches de la catastrophe industrielle. On est attiré par la peinture, mais dans le même temps on ne peut l’approuver totalement. Elle rend trop compte de l’inconscience de l’homme dans ce monde qu’il fait et défait sans cesse. L’oppression nous gagne à contempler ces panoramas noirs, poussiéreux, informes de cendres et de débris. La main de l’homme est passée par là, détruisant la verdure, annihilant les couleurs, pour ne laisser qu’un monde de constructions industriels en ruine, dans lequel l’œil se noie, brouillé par les particules en suspension.
La peinture est, disons, rugueuse. Elle laisse de larges conglomérats de noir, gris, brun, sur lesquels tranchent les notes de blanc, jaune ou rouge. On ne distingue pas les nuances du paysage qui est noyé dans une épaisse couche de poussière et de brouillard. On a l’impression de voir en aveugle, les mains en avant, cherchant des yeux notre chemin impossible à trouver dans cet amas de semi-obscurité. Alors on marche la tête entre les épaules, les yeux mouillés d’une brume fantomatique. Parfois, on sent un pincement au cœur, quelle est cette lueur qui donne espoir et rend la vie supportable ? Mais très vite on retombe dans l’inconsciente moiteur de l’atmosphère.
Cependant, ces paysages catastrophiques laissent une impression d’arrière-main qui permet de ne pas sombrer dans la dépression. Il suffit d’un rayon de soleil qui transparaît, d’un rebord de rivière qui reflète un argent pur, d’une lueur même de haut-fourneau qui rougeoie et enrobe la campagne d’un peu de fièvre. C’est le cas de cette mine ou haut-fourneau abandonné, dans un environnement désolé, mais qui nous dévoile un ciel plein de promesse qui ressemble à une plage tranquille sur laquelle on s’étend après avoir couru et que l’on contemple, l’esprit au repos.
C’est également le cas cette banlieue qui semble s’évanouir dans le rêve, épuisée par l’absurdité de l’existence. Ce contraste entre la campagne sous la pluie, la ville en fond de tableau et la part d’inconnaissance de la partie droit du tableau procure un sentiment d’avenir possible, même si l’on ne sait encore ce qu’il sera.
Et là, le simple effet de blancheur accentuée des nuages et d’une légère ouverture du ciel dans un bleu tendre donne une note d’espoir dans ce paysage digne des romans sociaux du XIXème siècle :
Là encore, un paysage certes plus champêtre, mais qui laisse supposer que, peut-être, le jour va réellement se lever et ensoleiller cette glèbe endormie :
Allons ! Ne désespérons pas de la vie. Elle réserve toujours des surprises. Ce qui compte c’est d’y faire face sans rien perdre de son acuité à la contempler avec recul pour en extraire la substantifique moelle, la part qui vous appartient et qui vous fait progresser.
07:43 Publié dans 21. Impressions picturales | Lien permanent | Commentaires (2) | Imprimer
05/02/2013
Numa Droz, peintre paysagiste
« Le paysage est mon unique préoccupation », explique le peintre Numa Droz, qui expose à la galerie de l’Europe (55 rue de Seine, 75006). Il ne s’agit pas de paysages industriels ou citadins. Ce sont des paysages peints dans la tradition des peintres paysagistes du XVIIème siècle.
Lenteur du regard et du corps devant cette tranquille assurance. L’éternité est à nos portes et nous ne le savons pas. Nous passons en courant devant des paysages époustouflants et il faut qu’un peintre nous le rappelle : arrêtez-vous et regardez, respirez calmement, laissez votre tête reposer ! Et l’on prend conscience que, malgré ses transformations permanentes, la terre reste la même, chaleureuse, accueillante, splendide de sérénité, nous apprenant par sa beauté notre vocation première, rendre grâce pour ces dons immenses.
Il part d’émotions réelles survenues dans ses promenades en Bourgogne, dans le Vercors ou encore les Pyrénées. Il aime affiner ses éclairages, aussi choisit-il des moments particuliers tels que les lever ou les coucher de soleil. Les ciels sont clairs, exempts d’une couche grisâtre qui fait le plaisir de nombreux peintres contemporains. Il reflète la tranquillité intérieure du peintre, un peu de brume, une coloration venant de la montée de la lumière, légère, attendrissante comme l’épiderme féminin. En contraste, la chair rurale se fait plus foncée, parfois presque noire, pleine de recoins cachés, de mystères insoupçonnés. Elle s’éclaire progressivement, sans perdre de son mystère, jusqu’à l’horizon qui se noie dans la clarté du ciel.
Lorsqu’il trouve un paysage qui lui parle, il prend des photos, quelques croquis, et range tout cela dans sa mémoire jusqu’à ce que l’émotion ressentie pendant la flânerie devienne impression, sentiment, puis connaissance d’un au-delà de la vision brute du paysage. Celui-ci est alors une source de joie sereine pour le peintre et un message à faire passer au spectateur. Il devient habité d’une présence qui n’est nullement humaine (il n’y a aucun personnage sur ses toiles), une manifestation de l’éternité qui nous enveloppe. Le temps n’a plus de prise sur lui, il devient éternité.
Allez voir ce peintre aux paysages enchanteurs. Il expose jusqu’au 28 février. Vous y admirerez la finesse, l’élégance et la précision de cette peinture qui semble sortir d’un autre siècle et qui hante nos esprits lassés des paysages grisâtres que nous voyons tous les jours.
07:15 Publié dans 21. Impressions picturales | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : peinture, paysagiste | Imprimer
16/01/2013
Ferdinand Pelez de Cordova, peintre
Une belle vidéo pour nous présenter Ferdinand Pelez de Cordova, peintre français, né à Paris le 18 janvier 1848 et mort à Paris le 7 août 1913.
http://www.youtube.com/watch?v=iSDys36zg9A
Formé à la peinture académique, il se rebelle assez vite, installe son atelier boulevard de Clichy et s’intéresse au petit peuple qu’il a côtoyé dans son enfance aux Batignolles et à Montmartre. Surnommé le peintre des humbles, il s’adonne à une peinture réaliste, d’abord colorée, puis de plus en plus terne. "Il y a de la boue dans son pinceau", écrit Emile Henriot.
Il croque les marginaux, les exclus, plus particulièrement les femmes et les enfants : les ouvrières au lavoir, l’enfant marchand de citrons, tous fatigués, écrasés, endormis.
Mais il fut également le peintre des petites danseuses, des figurantes, qui laissent s’écouler leur vie d’artiste dans l’intimité des loges où elles s’habillent.
Deux magnifiques tableaux :
1. "Grimaces et misères ou les saltimbanques", peint en 1888, en fait trois tableaux accolés : les enfants tristes, boudeurs, s’affichant sur la scène ; les clowns adultes et un peu poivrots ; les musiciens, vieux, épuisés, attendant la vie de leur vie de misère. C’est cette juxtaposition qui rend le tableau émouvant, donnant des trois âges de la vie la même impression d’inutilité, de lassitude sans possibilité d’évasion.
2. Ses "danseuses" sont belles d’innocence, de laisser aller, seules dans leur monde de rêve échoué, juvéniles et déjà vieilles de leur vision de la vie.
Vous pouvez encore voir la toile « Les saltimbanques » au Petit Palais. Elle est belle, émouvante et contraste avec les autres toiles qui l’entourent. Pelez était un vrai peintre, habité par un humanisme profond.
08:33 Publié dans 21. Impressions picturales | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : peinture, réalisme, xixème, académisme | Imprimer
28/12/2012
Retour à l’intime, la collection Giuliana et Tommaso Setari, à la maison rouge
L’opuscule qui nous est remis à l’entrée précise que cette neuvième collection est une étape hors des sentiers battus. J’ajouterai, pour être plus exact, que c’est un saut dans l’artefact au sens où l’artéfact est un effet (lat. factum) artificiel (lat. ars, artis). Le terme désigne à l'origine un phénomène créé de toute pièce par les conditions expérimentales, un effet indésirable, un parasite. Mieux même, « dans plusieurs domaines scientifiques, un artéfact est un phénomène ou un signal artificiel dont l’apparition, liée à la méthode utilisée lors d’une expérience, provoque une erreur d'analyse » (article Wikipedia). A lire l’opuscule et à voir les œuvres, c’est à peu près ce que l’on ressent.
Avant d’entrer dans la première salle, on voit au bout du couloir une glace sur laquelle est reportée une photographie, celle d’un homme des années 50. « Posé à même le sol pour être de plain-pied avec le spectateur, qui partage ainsi l’espace du tableau avec la silhouette anonyme de cet homme au tabouret. L’œuvre intègre à la fois l’espace (environnant) et le temps (les reflets successifs qui s’inscrivent sur sa surface) ». L’effet est intéressant, décoratif même, mais est-ce une œuvre d’art ?
Et je poursuis ma lecture de l’opuscule pensant trouver dans le texte ce que je ne vois pas. Le problème est qu’au fil des descriptions, je ne vois même pas de quelle description il s’agit. Je me rappelle un tableau abstrait de couleur fade, si fade qu’il semblait lavé à l’eau de mer. Mais où se trouve sa description dans le document. Après de nombreuses diversions, je finis par la trouver. « D’abord proche d’une abstraction informelle, elle se démarque à partir de 1965 par son utilisation de matière translucide, le Sicofoil, qui laisse passer la lumière, les motifs d’arabesques, infiniment répétées, que l’artiste rapproche elle-même de l’art islamique dans des couleurs vives… » Zut, cela ne doit pas être cela ! Ah, c’est peut-être cela : « L’énergie qui se dégage du tableau crée un contrepoint à la délicatesse chromatique des œuvre d’Ettore Spalletti…. La couleur prend un aspect velouté, aérien, grâce à une technique basée sur celle de la fresque ; les structures sont recouvertes de plusieurs couches de mélange de pigments poncées successivement, pour obtenir une surface poudreuse… Une impression d’harmonie et de sensualité se dégage de la simplicité formelle de cette installation. » Bon, bref, je ne sais où trouver la description de ce tableau.
Poursuivons ! « La vasque de verre de Lucialo Fabro (Iconografia Gandhi, 1975) rend hommage à des hommes ayant sacrifié leur vie pour leur cause. Le soin que l’œuvre réclame (l’eau doit toujours rester au même niveau) prend dès lors valeur de rituel, perpétuant la mémoire du grand homme, dont le nom est gravé sur le cylindre de verre. » Quel hommage : c’est une œuvre parce que la chaleur laisse évaporer l’eau !
Nous nous arrêterons sur cette description : « L’atmosphère est au recueillement dans cette salle que rassemble des œuvres autour de la thématique de l’absence et de la mort. L’italienne Vanessa Beecroft est essentiellement connue pour ses performances exposant, le temps d’une soirée ou d’un vernissage, des corps humains archétypiques, présentés dans une mise en scène aseptisée et artificielle. Ici toutefois, il ne s’agit pas d’un corps parfait, mais d’un corps meurtri. La fascination pour la beauté que Beecroft exploite d’habitude se mêle à une fascination pour le morbide. » Il s’agit d’une femme nue, offerte, mais couverte de plaies, effectivement morbide. Non, ce n’est pas elle, mais qui est-ce ? J’aurai dû noter chacune des œuvres !
Et plus on avance vers la sortie, plus les thèmes et leurs commentaires semblent dissociés. On se demande de quoi l’on parle ! Peut-on parler d’œuvres absconses ou de commentaires sur-élogieux ?
Oui, il s’agit bien d’artefact et non d’art de facto !
07:41 Publié dans 21. Impressions picturales | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : art contemporain, peinture, sculpture, photographie, mode, arts plastiques | Imprimer
11/12/2012
Le credo du créateur (Paul Klee, Théorie de l’art moderne, Editions Gauthier, 1968)
« L’art ne reproduit pas le visible ; il rend visible ».
C’est ainsi que Paul Klee pose son postulat, et il explique : « Tout devenir repose sur le mouvement. (…) L’œuvre d’art naît du mouvement, elle est elle-même mouvement fixé et se perçoit dans le mouvement (muscle des yeux) ».
En cela, il s’intéresse à la construction du tableau qui se fait dans le temps et l’espace, pièce par pièce comme il le dit. Mais le spectateur fait trop souvent le tour de l’œuvre instantanément. Et il rate l’œuvre, car le mouvement est donné préalablement à tout. « La paix sur la terre est un arrêt accidentel du mouvement de la matière. Tenir cette fixation pour une réalité première, une illusion. »
Pour cela, le peintre moderne utilise le graphisme : « Plus pur est le travail graphique, c’est-à-dire plus d’importance est donnée aux assises formelles d’une représentation graphique, et plus s’amoindrit l’appareil propre à la représentation réaliste des apparences. »
C’est donc tout ce travail d’abord imaginaire, puis gestuel, qui produit l’œuvre d’art. La difficulté est de le mener de bout en bout, dans l’harmonie du mouvement. Seul l’équilibre du mouvement permet l’obtention du repos. C’est ce que Paul Klee appelle la « polyphonie plastique ».
La peinture est avant tout manuelle. La pensée conçoit, mais seule la main, le corps, créent. En musique, la création s’effectue en deux temps, un temps de mise au monde, travail de composition qui se transcrit par l’écriture de la partition, et un temps de manifestation par l’interprète qui anime la musique et la fait connaître. Pour le peintre, ce travail s’effectue en une seule fois et le spectateur doit en reconstituer les étapes.
Comprendre un tableau, c’est aller au-delà de la première impression et comprendre pourquoi et comment il fut peint ainsi. Ainsi le tableau rend visible sa beauté et par là la beauté du monde, car, comme le dit encore Klee, l’art est à l’image de la création, c’est un symbole tout comme le monde terrestre est un symbole du cosmos.
07:52 Publié dans 12. Trouvailles diverses, 21. Impressions picturales | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : théorie de l'art, création, peinture, musique, art moderne | Imprimer
10/12/2012
Sophie Taeuber-Arp, peintre
Sophie Taeuber était danseuse et belle. Elle abandonna la danse pour les arts plastiques, devint professeur à l’école des Arts et Métiers de Zurich, s’exprimant en surfaces colorés, parfois à la manière de Delaunay.
Pendant un temps, elle s’attacha au mouvement dada où elle rencontre son mari, le peintre et sculpteur Arp : Tête dada, 1918.
Mais elle était en avance sur son temps, novatrice et initiatrice de nouvelles tendances, telles ces pastilles de couleurs que Damien Hirst continue de reproduire inlassablement :
Elle s’introduit dans l’art cinétique avec ces tableaux l’un « Intervalles » et l’autre « Schematic Composition » :
Elle utilise aussi le dessin, apparemment simple, tel ces courbes très féminines et pleines de chaleur :
Elle meurt prématurément en 1943, asphyxiée par un poêle. Elle aimait les formes pures, les lignes ondoyantes, les courbes, les rectangles et entretenaient avec eux des rapports simples qui font d’elle la poétesse du géométrisme.
06:57 Publié dans 21. Impressions picturales | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : peinture, abstrait, cinétisme, dessin, dada | Imprimer
06/12/2012
L'art en guerre, exposition au musée d'Art moderne (1ère partie)
Cette exposition rassemble près de 400 œuvres et plus de 100 artistes. Elle montre ce qui restait dans les cartons à l’époque, une peinture qui s’exprime en toute liberté, qui éclate en tendances très variées, qui redéfinit la manière dont le peintre voit la société et le monde. De cette période naîtra l’art brut, le tachisme, l’art informel, l’emploi de matériaux de récupération dont certains proviennent directement des combats.
Comme dans toute exposition, il est impossible d’avoir le coup de cœur pour toutes les œuvres présentées. La visite commence par l’exposition internationale du surréalisme, en janvier 1938. La salamandre pompéienne, de Gérard Vulliamy est particulièrement intéressante, mais je n’en ai pas trouvé de reproduction sur la toile.
Puis, avec l’occupation, de nombreuses œuvres sont présentés : La maternité au lange, d’Edouard Pignon, peinte en 1942, est représentative d’une partie de son art, figurative, alors qu’il s’exprime dans le même temps dans des déchainements de couleurs et de traits de manière presque totalement abstraite. Il dit de lui : « Je suis un mélange d’anarchiste et de conservateur, dans des proportions qui restent à déterminer. »
La chaise de cuisine, une toile magnifique de couleurs et d’expression, sur un sujet bateau quasiment sans intérêt, de Maurice Estève, montre la richesse des styles de ce peintre qui, finalement, s’oriente vers le non figuratif avec des toiles très colorés, aux tons chauds et vifs. Cette chaise, peinte en 1942, est magnifique d’évocation d’une réalité de tous les jours, à la fois très matérielle, mais qui laisse transparaître une certaine joie ou même un vrai bonheur de vivre, malgré un contexte difficile.
Un autre coloriste, d’un style bien différent, mais qui a la même verve des couleurs est le peintre et sculpteur allemand Otto Freudlich, ami de Picasso. Qualifié d’artiste dégénéré, il pensait que l’art a le pouvoir de changer l’homme et de créer une société nouvelle. Sa morale cosmique lui permet de transcender la matière et de mettre en évidence cet « espace intermédiaire » qui rend toute chose interdépendante des autres.
Et, bien sûr Picasso, avec L’aubade, peinte en 1942. Quel étrange concert que cette aubade d’une musicienne à une femme couchée, nue, qui semble apprécier pleinement ce délassement. Tout est mouvement dans ce tableau, si bien qu’on ne sait de quel endroit on regarde et comment se situent les corps dans l’espace. Et pourtant, l’impression de détente est bien là, présente et absente dans la semi-obscurité de la chambre.
07:03 Publié dans 21. Impressions picturales | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : art moderne, abstrait, guerre, surréalisme, histoire de l'art | Imprimer
02/12/2012
Signatures (Street art 3ème et dernière partie)
La signature ne remplace pas l’image. Elle en crée parfois une parallèle, pâle copie de la réalité. Mais lorsque signature et portrait devienne fruit de l’imagination, quel méli-mélo :
A tel point que certains s’insurgent devant tant de fantaisie. A quoi sert la beauté des formes si derrière se cache la fureur de vivre ?
Et ricanent ceux qui volent dans les flots en contemplateurs de ces luttes entre artistes :
Alors laissons parler la poésie, échevelée, extasiée, aux cheveux entremêlés, qui regarde passer le papillon des rêves, alors qu’en vis-à-vis la passion se repose, entourée de ses ardeurs apparemment innocentes :
Retour à la bande dessinée, où l’opératrice de charme se prépare à faire sauter votre propre image, celle qui la regarde, concupiscente :
Enfin trois regards sur notre société, très différents, mais qui met en évidence la diversité des artistes :
L’irréel éclaboussant
La fureur s’en prenant à l’écriture
L’argent qui n’a plus besoin de signatures
Au-delà de l’enfer, au bout des lettres entrechoquées, se cache la mort, les yeux sur l’éternité, bien sûr le visage à moitié dissimulé par une capuche qui est la signature des dieux de la rue et des rois de la peinture en bombe.
09:44 Publié dans 21. Impressions picturales | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : tag, peinture, street art, rue, société | Imprimer
25/11/2012
Signatures (Street art 2ème partie)
En poursuivant le chemin, j’entrai dans un monde de plus en plus bigarré, mais inquiétant, car l’imagination des signataires devenait chaotique :
Les lettres parlaient d’autres langages, à voir beaucoup plus qu’à écouter :
Certaines étaient prises de tremblements dans lequel on voyait la folie se glisser sous forme de vapeur :
D’autres se dénudaient, en groupe compact, sous forme de protestation :
D’autres enfin se cachaient en équipage, comme des fantômes, devant l’enchevêtrement de corps brisés d’une meute en délire :
Cri d’effroi, cri de colère, peut-être cri d’amour, se cachent derrière cette mêlée de rugby :
Plus loin encore, commence le monde dans lequel les lettres n’ont plus d’importance : l’impact de l’image est plus fort que le bruit des mots. Ce sera pour la troisième partie.
07:13 Publié dans 21. Impressions picturales | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : street art, dessin, peinture de rue, société | Imprimer
24/11/2012
Signatures (street art, permière partie)
Qu’est-ce qu’une signature ? Ma trace, la mienne, pas celle d’un autre. Lorsque je signe, je suis, je l’atteste et je demeure.
Il y a deux jours, courant le long du canal de l’Ourcq et ayant dépassé les maisons individuelles et les usines sales, j’arrivai au no man’s land séparant la banlieue d’une campagne chétive et apeurée. J'y découvris un mur de signatures sur quelques centaines de mètres, perdu dans les herbes. Que c’est laid ces couleurs criardes sur les murs lépreux, me direz-vous. Oui, sans doute, si l'on n’y voit que des gribouillages informes. Mais dans un regard plus attentif, on constate l’ingéniosité des signataires en poursuite de reconnaissance. Alors, partons à la découverte de quelques-uns de ces sceaux personnels qui possèdent leurs propres individualités et des caractéristiques qui dévoilent l’être de chair qui l’a créé.
Les plus belles signatures sont bien sûrs indécryptables, pires que les médecins dont les gribouillis rendent malades les patients. Elles peuvent en côtoyer de plus civilisées :
Enchevêtrement de traits et de courbes qui donnent le vertige ou parfois mal au cœur :
D’autres sont de véritables coffres forts dont on peine à chercher la serrure :
Ou encore des éclairs tirés d’un geste rageur :
Ou faussement rageur, s’ordonnant au calme malgré l’explosion de zébrures, véritable gerbe d’étincelles :
Certaines signatures sont de véritables déclarations de guerre, avec armes en prime, mais pas directement, en arrière fond, comme un décor qui affirme la virilité du signataire et la réponse d’un adversaire potentiel :
De véritables bonbons en guimauve peuvent également consteller le mur fier de telle signature :
07:18 Publié dans 21. Impressions picturales | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : street art, peinture, dessin, graphologie | Imprimer
20/11/2012
Jean Soyer, à la galerie du Marais
Une succession patiente d’aplats et de matière, un choix très réduit de couleurs, mais un geste ample, direct, presqu’autoritaire, toujours aérien. Tels sont les tableaux de Jean Soyer qui expose à la galerie du Marais jusqu’au 22 novembre.
La bataille de la matière dans un monde de feu où la lumière tient au contraste entre le fond et le mouvement des particules qui peuvent s’agglomérer ou s’épancher. Rouge flamboyant, chaud, comme le sang des guerriers en lutte contre l’évanescence.
Il peut aussi utiliser le bleu comme référence, bleu comme la glace, mais celui des passages sous les glaciers, presque noir, avec des reflets blancs, striés, sur quoi la pensée glisse et dérape.
Mais cela pourrait également être le bleu des tempêtes du cap Horn où les vagues engloutissent les bateaux sous des gerbes d’écume.
Et là, l’évasion de la pensée, l’apesanteur du corps, le tourbillon des sentiments.
Vous vous envolez sans contrôle dans le vent de l’abstraction.
07:11 Publié dans 21. Impressions picturales | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : peinture, abstrait, gestuel | Imprimer
16/11/2012
Magi Puig, à la galerie Ariel Sibony (24 place des Vosges, Paris 3ème)
On retient en entrant dans la galerie l’épaisseur des fonds : fond de l’air, fond de sable des plages, fond de l’océan. Une pâte laiteuse, envahissante, qui englue les personnages dans un monde mystérieux. Le paysage devient irréel, comme rêvé, à l’égal de ces personnages suspendus dans l’azur et tourbillonnant.
Magi Puig affectionne les plages, chaude, aux couleurs ardentes. Les personnages sont principalement des femmes ou des enfants. Admirez cette femme étendue, aveuglée par le soleil, envahie par le sable dont on respire pratiquement le grain. On éprouve immédiatement les sensations de vacances d’été, la blancheur et le feu, mêlés à la fièvre du corps exposé.
Et cette toile où l’océan est noir comme l’ébène, lisse comme une table et où se détachent, marchant en procession, des baigneurs en recherche d’ils ne savent quoi.
Ici domine la canicule et son contraste rendu par le bleu froid de l’océan :
Et là, le sable devient eau avec ses reflets ondulants, entraînant les enfants dans un monde à la fois quotidien et lointain comme vu à travers une vitre :
Enfin, pour changer de sujet, un Vietnam magique, à l’image des impressions orientales que l’on garde de son enfance, engluées dans les souvenirs de plans de film, de photographies anciennes et de romans de Marguerite Duras.
Magi Puig part de photos qui lui permettent de finaliser sa rêverie, d’y trouver les éléments du vide qui rempliront ses tableaux, d’y comprendre l’importance de la lumière et de la couleur qui absorbe le regard et irréalise la scène tout en lui conservant une vision très concrète. S’il fallait qualifier ses tableaux d’un mot, ce serait la présence : présence des personnages, présence des sensations, présence du présent par le rappel de tous les passés semblables.
07:23 Publié dans 21. Impressions picturales | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : peinture, contemporain, impression, vacances, irréalité | Imprimer
06/11/2012
Maîtres et ateliers, textes et photographies d’Alexander Liberman
L’idée de ce sculpteur et peintre connu, russe et américain, fut d’enquêter, après la guerre, sur ce que fut l’environnement des grands peintres de l’Ecole de Paris. Non pas l’environnement social, politique ou mondain, mais celui de leur atelier, de leur vie intime, et surtout les lieux où ils ont créé leurs chefs d’œuvre. On se promène ainsi dans l’atelier de Cézanne, Monet, Renoir, Picasso, Braque, Léger, Hartung, Manessier, et bien d’autres, significatifs de cette époque où la France était le centre des arts picturaux, le lieu d’inspiration d’une nouvelle peinture, révolutionnaire. Chacun des artistes cités ont inventé une nouvelle manière de peindre, d’aborder leur sujet, de le voir, de le transcrire sur la toile ou d’autres supports.
Et il écrit dans son introduction : « Après des années durant lesquelles j’ai vu et photographié longuement ces grands artistes, je demeure surtout frappé par leur obsédante dévotion au travail créateur. Selon le mot du poète, ils ont vécu leur vie en la brûlant ». Cette consécration à leur art, analogue à celle des religieux, ils se la sont imposés à eux-mêmes. Ce sont les prêtres d’une religion nouvelle : l’art. (…) Au XIVème siècle, Cennino Cennini définissait ainsi les vertus cardinales du peintre : Vous qui adorez peindre, parce que vous en avez la vocation, avant de vous engager dans notre art, commencez par vous revêtir des vêtements que voici : Amour, Révérence, Obéissance et Persévérance. »
Chaque peintre est défini par son approche de l’art. Ainsi de Cézanne l’auteur dit : « L’œuvre, l’œuvre d’abord, et l’œuvre seule. Cézanne vivait dans un cadre ascétique. (..) Tendu, éperdument, vers les sommets de l’art, Cézanne a connu bien des jours de désespoir. » De Renoir : « Classique, la recherche de l’artiste a consisté à intégrer l’homme dans la nature, car sans la fusion de l’humain et de l’inhumain opéré par l’artiste, la nature, si belle soit-elle, ne dégage pas le sentiment de la plénitude. » De Van Dongen : « Avec son béret incliné de côté, sa barbe blanche élégamment peignée, Kees Van Dongen fait l’effet du commandant de bord. Le capitaine, puissant et expérimenté, d’un immense vaisseau hollandais, le dernier capitaine d’une croisière de luxe. »
Et c’est une longue histoire de la création artistique que nous fait vivre Alexandre Liberman. Ainsi Picasso explique : « J’ai horreur des gens qui parle du beau. Qu’est-ce que c’est le beau ? Quand on parle peinture, il faut parler problèmes ! La peinture n’est que recherche et expériences. » Et Braque poursuit : « Une peinture n’est pas autre chose qu’une méditation ; c’est le produit de la contemplation. Le tableau se fait tout d’abord dans l’esprit, et il s’agit ensuite de le régurgiter. »
Dans sa postface, l’auteur explique : « Tout artiste espère que ces œuvres vivront longtemps après lui. Et lorsqu’elles deviennent immortelles dans la mémoire visuelle de l’humanité, cet espoir est parfois récompensé. Quant à nous, chaque fois que nous admirons une œuvre, nous sommes émerveillés par ce mystère, cette gloire et l’enfantement miraculeux qu’incarne l’art véritable. »
07:30 Publié dans 21. Impressions picturales, 41. Impressions littéraires | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : peinture, dessin, école de paris, création, art, art pictural | Imprimer
04/11/2012
Arts Elysées 2012 : « Zen Lanscape » de Natalya Zaloznaya à la galerie Shchukin
« La galerie Shchukin a été fondée par Nikolaï Shchukin, collectionneur connu de l’art de l’avant-garde russe et de l’art contemporain. Elle est présente en France, en Russie et en Estonie et voit sa mission en développement des échanges culturels entre l’Europe et la Russie. Découvrir de nouveaux talents en peinture, sculpture et arts graphiques, talents jeunes et passionnants venus de la Russie et des pays européens, mais également promouvoir les talents déjà confirmés, – voici la première vocation de la galerie.
Pour sa première participation à la foire Art Élysées, la galerie Shchukin aborde le thème de « la mémoire » et met en scène le travail d’artistes autour de la réflexion sur la visualisation de l’espace. Les artistes créent un espace dans lequel on retrouve sa propre expérience personnelle et son rapport au savoir et à la pensée. » (présentation de la galerie sur http://www.artelysees.fr/index-p-detail_galeries-i-137-y-2012-c-GALLERY+SHCHUKIN.html)
Parmi les trois artistes exposés, il faut remarquer le triptyque Zen Landscape, de Natalya Zanozlaya. Trois toiles en une.
Cette toile semble personnifier ce nuage d’inconnaissance décrit dans un ouvrage du XIVème siècle où l’auteur dresse une véritable voie d’accès à l’union divine.
" Ne t'inquiète point si ton intelligence ne peut appréhender ce rien, car assurément je ne l'en aime que mieux. Il est en lui-même si précieux qu'elle ne peut l'appréhender. Ce rien, on l'éprouve plutôt qu'on ne le voit car il est tout aveugle et pleine ténèbre pour ceux qui ne l'ont pas encore beaucoup contemplé...
Qui donc l'appelle "rien" ? C'est assurément notre homme extérieur, non l'intérieur. L'homme intérieur l'appelle "tout", car pour lui, il lui est donné de comprendre toute chose, corporelle ou spirituelle, sans en considérer aucune en particulier. "
Contemplons-la à nouveau dans sa partie centrale :
En cherchant sur la toile je n’ai vu que peu d’œuvres de cette artiste. Elles ne m’ont pas paru extraordinaires. Mais celle-ci flashait : indescriptible, un nuage vibrant envoyant ces ondes aux quatre coins du monde.
On pourrait également penser au big bang initial. Le monde créé en un éclair provoqué par la main de Dieu.
07:46 Publié dans 21. Impressions picturales | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : peinture, arts elysées, artiste biélorusse | Imprimer
29/10/2012
Hommage à Oscar Arnulfo Romero, tableau d'Alfred Manessier
Parmi tous les exposants de la FIAC, il faut remarquer la galerie Applicat-Prazan qui se singularise avec 10 toiles monumentales d’Alfred Manessier. Vu des galeries du premier étage, son stand se remarque immédiatement, il est plus haut que les autres et forme comme une grotte.
Nous ne regarderons qu’une toile, l’Hommage à Oscar Arnulfo Romero, archevêque de San Salvador, assassiné le 24 mars 1980. Elle fait 3m sur 2. Elle est magnifique de transparence, de lumière et de feu.
Totalement abstraite, elle n’en représente pas moins de manière très concrète à la fois l’assassinat de l’archevêque Romero, sa foi et, finalement, son espérance.
Son assassinat : le Père Romero est tué d’un coup de fusil pendant qu’il prononce une homélie dans la chapelle d’un hôpital. La veille il avait lancé un appel aux militaires ; « Un soldat n'est pas obligé d'obéir à un ordre qui va contre la loi de Dieu. Une loi immorale, personne ne doit la respecter. Il est temps de revenir à votre conscience et d'obéir à votre conscience plutôt qu'à l'ordre du péché. Au nom de Dieu, au nom de ce peuple souffrant, dont les lamentations montent jusqu'au ciel et sont chaque jour plus fortes, je vous prie, je vous supplie, je vous l'ordonne, au nom de Dieu : Arrêtez la répression ! »
Sa foi : Inversement, en tant qu’évêque auxiliaire, il avait critiqué ouvertement « la nouvelle christologie » en tant que menace pour l’église et la foi. Il était prêt au martyre si le sang versé pouvait contribuer à apporter des solutions aux difficultés de son pays. « En tant que chrétien, dit-il à l’une de ces occasions, je ne crois pas à la mort sans résurrection. S'ils me tuent, je me ressusciterai à nouveau dans le peuple salvadorien. »
Son espérance : Le Vatican le nomme "prophète d’espérance" en tant que témoin de la foi. Mgr Romero utilisait l'autorité morale de son poste d'archevêque pour parler au nom de ceux qui ne pouvaient pas le faire pour eux-mêmes. Il ne tarda pas être connu comme la "Voix des sans voix". Il a déclaré un jour :
« La paix n’est pas le produit de la terreur ou de la peur. La paix n’est pas le silence des cimetières. La paix n’est pas le résultat silencieux d’une répression violente. La paix est la contribution généreuse et tranquille de tous pour le bien de tous. La paix est dynamisme. La paix est générosité. Elle est juste et elle est un devoir. »
Contrairement aux autres tableaux de Manessier exposés, celui-ci est lumineux et coloré, alors que les autres semblent chargés des lourdeurs de la vie. C’est un éclatement de la chair. Dans les dommages du coup de feu, on devine la transparence de la résurrection. Et la lumière y circule, irisant le noir des pourtours, rappelant qu’au-delà de la connaissance humaine existe une autre connaissance. Et cette connaissance a été donnée à Mgr Romero. Il savait qu’il n’y a pas de développement sans paix et, ce qui est le plus important, qu’il n’y a pas de paix sans justice. Manessier nous donne ici la préscience de la résurrection.
Alfred Manessier disait : « Inverser les signes... faire d’un négatif un positif. Transformer ses cris en un chant. C’est là où le cri devient juste. C’est ce que j’essaie de montrer dans ma peinture. » Et il le montre de manière sublime dans ce magnifique tableau.
07:02 Publié dans 21. Impressions picturales | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : peinture, abstrait, religion, non figuratif | Imprimer