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21/10/2012

FIAC

« La FIAC 2012 rassemblera au Grand Palais près de 180 galeries venues de 24 pays. La France compte 61 galeries, soit 34% des exposants, puis viennent les Etats-Unis avec 30 galeries, l'Allemagne avec 24 galeries, l'Italie avec 12 galeries, la Belgique avec 14 galeries, le Royaume-Uni avec 9 galeries, et la Suisse avec 6 galeries. Les pays nouvellement représentés sont le Danemark, la Pologne, la Roumanie et les Emirats Arabes Unis. 41 galeries participent pour la première fois ou sont de retour à la FIAC. » (www.fiac.com)

 

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Qu’en est-il ?

C’est vrai, il y a du monde. Des gens de toutes sortes : hommes et femmes, snobs et passionnés, jeunes ou vieux, qui s’esbaudissent ou qui passent avec un œil mort ou encore qui s’interrogent. Oui, on peut s’interroger sur ce qu’est l’art contemporain. Les deux mots ne seraient-ils pas antinomiques ? Peut-on parler d’art lorsqu’on l’associe au contemporain ? 

D’une manière très générale, l’art est « un ensemble de moyens, de procédés conscients par lesquels l’homme tend à une certaine fin, cherche à atteindre un certain résultat. » (http://www.cnrtl.fr/definition/art). L’ennui est qu'une définition aussi vaste ne dit pas quelle est la fin recherchée. L’art ne serait qu’une technique parmi les autres techniques. D'ailleurs, l’artisan était jusqu’à peu un artiste à part entière et l’on parle des arts mécaniques ou de l’art militaire.

Les Grecs avec Platon ont associé à la notion d’art celle de beau. Mais ce n’est qu’au siècle des Lumières que la notion d’art prend son acception actuelle. Kant y adjoint la notion d’esthétisme et les romantiques celle d’émotion et de sentiment. L’époque moderne ne voit pas ces rapprochements comme obligatoires. L’art a été utilisé par les politiques pour la propagande, d’autres en ont fait un domaine permettant d’exprimer une certaine dérision, d’autre encore combattent certaines formes d’art au nom de la religion. Et si l’on tente de rester dans la notion de l’esthétique, c’est-à-dire la science du sensible, celui-ci est-il lié obligatoirement à la beauté ? L’art peut aussi être une métaphysique de la vérité et cette vérité n’est pas forcément belle, mais peut être dite par l’art.

Alors oui, c’est bien d’art dont on parle, mais contemporain, c’est-à-dire d’art actuel, du moment. Chaque période se crée sa propre conception de l’art. Elle est toujours en avance sur  la conception de la majorité. L’évolution prend en compte le passé et l’utilise en réaction pour construire de nouvelles visions. Mais ces recherches d’évolution ne produisent pas que de la qualité. Celle-ci est même l’exception.

Alors tant pis, ne protestons pas contre les horreurs que nous y voyons, mais au contraire cherchons ce qui est signe d’une évolution vers un art toujours nouveau et toujours merveilleux. La quête devient alors une recherche exaltante, comme celle du mouton à cinq pattes ou du trèfle à quatre feuilles. Et lorsqu’en un instant, vous êtes dépassé, devenu autre, renouvelé devant une œuvre qui vous parle intimement, alors vous savez que cette quête n’a pas été vaine.

 

19/10/2012

Cindy Sherman, à la galerie Gagosian (1ère partie)

En entrant dans la galerie Gagosian, on ne sait ce que l’on va trouver. Les fenêtres sont obturées, une sorte d’appariteur, tout de noir vêtu, ouvre la porte et l’on est englouti par l’immensité des pièces. Les tableaux ou objets exposés sont également immenses, à la mesure, ou démesure, du lieu. Qui est donc cette Cindy Sherman ?

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 Deux grandes toiles, imposantes… Un paysage, beau certes, dans lequel on trouve une femme, différente chaque fois, posant de manière tantôt grotesque, touchante, insolite, effrontée. Elle est plantée au milieu du décor, vêtue de tenues extravagantes, venant de la collection Chanel. On s’interroge. On regarde à nouveau le paysage, est-il peint ou photographié ? On ne sait pas exactement. Chaque paysage est particulier, le plus souvent grandiose. Tous sont désolés, d’une solitude démesurée, avec la beauté de la nature vierge. Que vient faire cette femme au milieu de ces scènes de nature brute ? La contradiction entre celle-ci et le fond est flagrante, voulue, obscène.

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Tout d’un coup, on se demande s’il s’agit de peinture ou de photo. On s’approche de plus près, on ausculte le tableau, on croit dans un premier temps à la peinture. Quel réalisme et quelle précision des traits ! Trop, sans doute pour que ce soit vrai. Alors on penche pour la photographie. Oui, certainement, mais pourtant. En fait c’est de la photographie remaniée, tant pour les paysages que pour les portraits. Les paysages viennent de Capri, du Stromboli, de l’Islande de New York (Shelter Island). Ils ont été manipulés numériquement et rappellent maintenant les peintures de Turner ou de l’école de Barbizon. Elle s’est photographiée dans des robes ou des atours sophistiqués, comme au théâtre. Les tenues sont très variées : Coco Chanel, vêtements des années 1920, d’autres plus modernes (Karl Lagerfeld). Elles sont baroques, avec broderies, plumes, volants, et font dire : « Mais que vient-elle faire dans cette galère ? »

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Est-ce beau ? Certes, le contraste est saisissant. Les paysages sont déshumanisés, la femme est désocialisée, voire dés-efféminée. On sent dans sa gorge une impression bizarre, c’est trop théâtral, trop organisé pour faire vrai. C’est comme manger de la soupe pour chien dans un restaurant quatre étoiles !

On ressort de la galerie avec un certain malaise : est-on trompé ou ne voit-on pas ce que la photographe a voulu dire ?

 

12/10/2012

L'art, peinture et poésie

« J’ai dit que la poésie devait assaillir le système nerveux, la peinture aussi. Peinture et poésie sont pareilles. Un choc visuel ici, un choc auditif là. Quelques mots suffisent parfois pour le créer alors que les longs discours de Shakespeare ou de Racine le réduisent. » (Francis Bacon, dans Comment dire la grâce en peinture, écrit par Dominique Vergnon, Editions Michel de Maule, 2010).

 Que cherche-t-on dans un musée ? Sûrement pas à voir chaque tableau dans sa profondeur et sa vérité. Ce n’est pas possible. Notre capacité à nous laisser séduire par une œuvre d’art a des limites. Non, nous marchons, nous regardons, admirons de l’extérieur, jusqu’au moment où le flash survient. En un instant l’œil voit autre chose, un éclair de libération, une bouffée d’invisible qui vous prend le corps et l’esprit et vous rend autre. On entre dans une autre dimension, plus large, plus aérienne, mieux dotée de pouvoirs magiques, qui fait dire : Que ce monde est beau. Et il en est de même pour la poésie. Une phrase nous transperce, déclenche une cascade d’étoiles autour de nous, et nous permet de nous oublier nous-même.

« L’art est un mensonge qui aide à comprendre la réalité », disait Nietzche. On pourrait inverser la proposition. L’art est la seule façon de saisir la réalité parce qu’un chef d’œuvre ne peut mentir. Car la compréhension de l’art est au-delà de l’œil, il est dans cette combinaison difficile du regard, de l’intuition et de la connaissance qui, par une alchimie subtile, embrase l’être et le transforme.

 

05/10/2012

Peintures et vitraux de Kim En Joong (2ème partie)

Le Père Kim En Joong s’est lancé dans le vitrail, support idéal pour exprimer l’illumination de la connaissance. Il peint sur le verre et les effets dépendent bien sûr de l'endroit où la composition est placée :

Vitrail 1.jpg

Mais il crée surtout des vitraux pour des églises et couvents :

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Il pratique également la céramique ou plutôt, il peint sur des céramiques. Et là, on a du mal à aimer ce style :

Céramique 1.jpg

Il écrit aussi, sur l’art bien sûr, mais aussi sur sa foi de prêtre,Livre 1.jpg tels Ave Maria ou Vraie lumière née de vraie nuit. Fragments d’un monde inconnu, paru en 1996 au Cerf, explicite son attachement à l’invisible derrière le visible de ses tableaux : « Toute beauté vient de Dieu. Et particulièrement celle que les créateurs humains essaient de nous transmettre, car ils ne sont que les interprètes de ce qui leur a été donné. Ici, le peintre écoute en lui-même cette voix qui a ravi, dans le sens littéral, les mystiques... »

Enfin, il a créé un institut qui a pour but de :

·         Développer et favoriser les valeurs spirituelles et humaines en lien avec l’Eglise Catholique romaine par la création artistique dans l’esprit de l’Art Sacré ;

·         Détenir et gérer les œuvres artistiques du Père Kim En Joong dont notamment ses œuvres picturales et tout autre support comme les vitraux, les céramiques, les soies, les livres d’art, les photos ;

·         Aider le Père Kim En Joong dans sa création artistique ;

·        Organiser des rencontres, des sessions, des journées de vernissage, l’accompagnement d’artistes dans l’esprit de l’Art Sacré.

 

 Merci à vous, Père Kim En Joong, pour ce que vous nous laissez voir de ce monde inconnu, au-delà de cette réalité que nous avons déjà du mal à connaître.

 

 

04/10/2012

Peintures et vitraux de Kim En Joong (1ère partie)

Il est dominicain et peintre. Il est né en Corée en 1940 sous l’occupation japonaise, est admis aux beaux-arts et devient catholique en 1967. Après son service militaire, il étudie la philosophie en Suisse. Il poursuit dans la peinture et le dessin en parallèle à sa vie intérieure, puis est ordonné prêtre en 1974.

Il peint la lumière, marqué une expérience de son enfance où un professeur leur montre la décomposition de la lumière à travers un prisme. Ebloui, il chercha toute sa vie à rendre témoignage de la lumière, qu’elle soit naturelle ou intérieure. Une maxime chinoise dit : « Si tu bois l’eau, n’oublies pas où est la source ». Il raconte également : J’ai vécu une autre expérience fondatrice à la cathédrale de Chartres, il y a plus de trente ans, alors que j’étais encore novice dominicain. Lorsque je pénétrai à l’intérieur de la nef pour la première fois, je fus ébloui. Il me semblait percevoir comme un avant-goût du ciel. Je n’avais vu nulle part cette lumière diffusée par les baies où dominent mes trois couleurs préférées : le bleu de l’’espérance, le rouge de la naissance, le jaune signe de la joie.

D’abord tenté par les impressionnistes, il se lance dans l’abstrait, fasciné par la couleur et l’art de manier les taches avec le pinceau. Il participe d’une double influence, orientale et occidentale, ce qui donne à sa peinture une vigueur originale qui laisse entendre le monde vierge de l’invisible.

Le père Kim En Joong est peintre avant tout. Il peint la fluidité de la lumière dans un monde de blancheur immaculée. Chaque tache de couleur est comme une aile de papillon, fragile, aérienne, en mouvement.

huile 1.jpghuile 3.jpg

 

 

 

 

 

 

 

 

Ses noir et blanc traduisent un espace invisible, fragment d’impressions mystiques traduit dans un réalisme abstrait qui ouvre l’âme à l’invisible :

 

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Nous verrons que son talent ne s'arrête pas à la peinture,  mais que toujours il tente de faire part de son éblouissement devant le monde invisible transparaissant derrière l’univers visible.

 

01/10/2012

Pierre-César Lagage, galerie Pierre Lévy (2ème partie)

 

Ces bouillonnements intérieurs se transforment en un art abstrait plein de renouvellement, chaud, lumineux dès les années 45, qui s’épanouit à partir de 1950. La « nature morte au pichet » en est la première manifestation.

Nature morte au pichet 1947.jpg

Deux compositions sont significatives de cette évolution :

Composition 1951.jpgComposition 1952.jpg 

 

 

 

 

 

 

 Cette période donne la pleine mesure du peintre, dans des compositions équilibrées, aux couleurs chaudes, éclatantes de vitalité et de vie intérieure. Oui, cela peut paraître étrange, mais l’abstraction, autant que le figuratif, favorise l’expression d'une force vitale tendant vers la transcendance. C’est un véritable embrasement qui apparaît dans la période suivante, à partir des années 60. Sa peinture devient tachiste, telles ces compositions de 1956 et 1960 :

Composition 1956.jpgSans titre 1960.jpg

 

 

 

 

  

 

Sa dernière période est plus sombre, ou peut-être moins compréhensible. C’est un retour à une abstraction non géométrique faite de nature brute. Elle fait penser aux roches délavées par l’eau de mer que l’on regarde en détail jusqu’à ne plus voir que grains détachés les uns des autres qui manifestent encore l’intériorité caractérisant la vie du peintre.

 

Composition abstraite rose 1967.jpg

 

30/09/2012

Pierre-César Lagage, galerie Pierre Lévy (1ère partie)

D’abord figuratif, peignant la baie de Somme et les paysages du Nord, son pays natal (il est né en 1911), Pierre-César Lagage s’intéresse à la peinture abstraite dès 1945. Vivant à Montmartre, il ne fait partie d’aucun courant.

Pierre-César Lagage est un homme intérieur. Il peint pour manifester sa vision du monde dans laquelle il aspire à une certaine transcendance. Regardons certaines de ses œuvres figuratives. « La procession » dénote déjà une certaine abstraction. Très dénudée, elle se fond dans le paysage. Elle semble en sortir, comme un fleuve débordant, comme une coulée de lave sortant de terre. On passe de l’abstrait à une réalité quasi mystique avec les visages du premier plan. Très vite ils se fondent dans la masse. Seul le premier a les yeux ouverts vers le ciel, l’air apeuré, mais confiant.

 

La procession 1935.jpg

Regardons aussi « l’adoration des bergers », toile à la fois très enfantine, mais emplie de puissance intérieure. On ne voit pas leurs regards. Les personnages sont concentrés sur eux-mêmes avec l’enfant au centre. Sa couverture rouge, seule tache de cette couleur, met en évidence la source cette intense tension intérieure. Chaque personnage est seul face à l’incompréhensible mystère de cet être qui vient de naître.

 

Adoration des bergers 1937.jpg

 

Nous verrons que ceci le conduit vers d'autres formes de peintures, très différentes.

 

12/09/2012

Denis Frémond

Denis Frémond est peintre, humoriste et écrivain sans doute.

Pour sa biographie, reprenons cette interview que l’on trouve sur son site :

« Votre père était un célèbre poète espagnol, je crois.

Oh non, il était matador de taureaux dans une entreprise de consulting sur le port de Hambourg.
 

Très bien... Hambourg, donc, je le note. Bien. Votre mère est une véliplanchiste originaire d'une ethnie d'Asie centrale...

Paix à son âme... mais si vous voulez, je ne suis pas contrariant, vous savez. Vous avez raison de plaisanter, ces biographies sont inutiles et le plus souvent ennuyeuses, convenues. Nous sommes des gens si sérieux, nous les peintres, avec nos litanies d'expositions, de salons, de collections privées. Mais les gens souhaitent malgré tout connaître le peintre, ses origines, son cheminement, ses sources d'inspiration... Mettez : extraction bourgeoise.

Parfait. Comment êtes-vous venu à la peinture?

Par élimination... En sortant de l'Ecole Polytechnique j'ai intégré l'équipe de lads d'un haras de Basse-Normandie, mais au fond je ne savais pas où j'allais, j'ai ensuite animé pendant une saison une revue du Casino de Paris, puis dirigé pendant quatre ans une petite fabrique de tabourets, pour finalement embarquer à bord de la Jeanne-d'Arc comme clairon. »

 

 Comme écrivain, il s’est penché sur la bande dessinée. Mais on peut dire que c’est dans la peinture qu’il s’exprime sans tricher.

Il aime peindre des extérieurs : errances de ville en station d’hélicoptère. Un seul personnage, mystérieux, indifférent aux regards que nous posons sur lui, seul face au monde familier et si peu connu.

 

 

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Mais il peint également des intérieurs : grande pièce au parquet lustré, aux baies vitrées ouvrant sur la ville, avec encore ce même personnage jouant de la clarinette. Idiot, direz-vous, que cette divergence des genres. Mais tentez de faire la même chose. Vous échouerez à coup sûr. Il joue sur la lumière et l’ombre, sur les reflets qui par leur accentuation troublent la vision. Il semble ne donner à voir que la réalité, qui elle-même est trop léchée pour être réelle. Ce n’est jamais une pièce entière, mais la moitié d’un salon, d’un bistrot, laissant l’imagination construire l’autre moitié.

 

 

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03/09/2012

Les rapports entre la poésie, la musique et la peinture

 

Quel rapport entre la poésie et les autres arts, en particulier la musique et la peinture ?

C’est ce que tente de définir Yves Peyré dans le premier chapitre de son livre « Peinture et poésie, le dialogue par le livre » (édition Gallimard, 2001). L’écriture, elle, qu’elle soit prose ou poésie, a rapport avec l’impalpable. Une page se regarde, elle ne néglige pas d’avoir un côté dessin, mais elle se lit (en silence, à voix haute), et là, ce n’est plus le visible qui prédomine, c’est le son (la poésie est assurément une forme exacerbée de musique). Serait-ce en ce sens que s’établissent les rapports entre la poésie et la musique, entre la poésie et l’art pictural ?

Poésie et musique ont en commun le son. Et ce son, par une évocation indéfinissable, devient un chant de l’âme qui exprime l’humain. Cependant, contrairement à ce que dit Yves Peyré, je préfère dire que la musique est une forme exacerbée, accomplie, de poésie. Pourquoi ? Eh bien, tout d’abord parce que la musique est universelle. Point n’est besoin de connaître la langue du musicien. Le poète, lui, se sert de la musicalité de sa langue pour s’exprimer. Ces deux arts se servent du rythme et de son contraire, le silence, pour exprimer le plus profond de l’être. Mais l’un le fait dans un langage que tous comprennent, l’autre dans la particularité de l’expression verbale, marque de naissance du poète. Ils peuvent, chacun, employer refrain et couplets, le premier par l’énoncé de la phrase sonore qui est la mélodie première qui permet à l’imagination de construire sa profusion sonore. Le refrain revient en arrière-fond, retourné, inversé, avec changement de modes et autres bouleversements, mais d’une manière différente de celui de la poésie, qui utilise la répétition comme une preuve de musicalité et de retour au thème, sans broderie qui défigure le son et le perd dans les chausse-trapes de la compréhension. Comme la musique, la poésie s’entend, elle ne se lit pas à la manière d’un roman. Et lorsque vous lisez un poème, vous le parlez-chantez dans votre tête sans même vous en rendre compte. La musique du poème vient d’elle-même, et, si elle ne vient pas, ce n’est pas vraiment un poème, mais une prose mise en vers. La poésie utilise d’ailleurs l’allitération (répétition de sons identiques), l’anaphore (commencer par le même mot les divers membres d’une phrase), l’antanaclase (reprise du même mot avec un sens différent), l’assonance (répétition d’une même voyelle dans une phrase), le chiasme (termes disposés de manière croisée), etc.

Poésie et peinture ont en commun l’image. L’image, c’est la forme et la couleur qui deviennent évocation. La couleur est le plus simple à faire jaillir dans l’esprit, grâce aux subterfuges du langage et la profusion de mots qui l’évoque : l’allégorie (figuration d’une abstraction par une image), la comparaison, l’ellipse  (omettre certains éléments logiquement nécessaire à l’intelligence du texte), etc. La forme peut employer l’antithèse (rapprocher deux mots opposés pour en faire ressortir le contraste), l’oxymore (alliance de mots dont le rapprochement est inattendu), etc. La forme bien sûr, rapproche de la musique, mais également la couleur. On parle bien de la couleur des sons (comme de leur température : ambiance froide, chaude, comme pour les modes majeurs et mineurs). Bâtir une image et la même gageure pour le poète et le musicien. Ils utilisent un matériau différent, mais tous les deux sans réel rapport avec ce qu’ils veulent exprimer : le son parlé ou musical pour exprimer une vision  à partager avec l’auditeur. Le peintre donne sa vision sous la forme et la couleur qui, assemblées, évoque sans détour l’image voulue.

Quel merveilleux assemblage que ces trois arts qui s’enchevêtrent et recherchent au fond la même chose : la part d’évocation qui fait revivre un instant, un événement, une impression et qui permet de la partager avec celui qui la reçoit et ne la connaît pas.

Que l’homme est grand et mystérieux !

 

10/08/2012

Judit Reigl (2ème partie)

Passons sur la période Guano et abordons tout de suite l’écriture en masse : « La peinture est placée par masses sur la toile. J’avais Ecriture en masse 1964.jpgacheté un matériau qui sert aux maçons : un  noir broyé qui sèche lentement, en profondeur, pendant des années, ainsi je travaillais toujours sur six à huit toiles en même temps. A partir d’un fond blanc, je plaçais sur la toile les mottes de peinture avec un lame souple et arrondie, quelquefois une simple baguette de bois, et je les "montais" ensuite de bas en haut sur la toile, en recouvrant, avec ce noir broyé, les couleurs plus légères placées en dessous. Je savais immédiatement si c’était réussi ou raté, et, dans ce cas, il n’y avait pas de retouche possible. » (Entretien avec Jean-Paul Ameline pour Art in America international review, 04/02/09, inédit en français).

 

Homme.jpgEn 1966, elle se passionne pour les bustes d’homme, jamais peint dans leur entier, mais dans leur force de suggestion : « A partir de février 1966, cette même écriture (abstraite) se métamorphosait indépendamment de ma volonté, plutôt contre celle-ci, en forme de plus en plus anthropomorphe, en torse humain. Imperceptiblement d'abord, puis de plus en plus consciemment après 1970, j'ai essayé d'intervenir, de souligner l'aspect émergeant de ces corps dressés. » (J. Reigl in catalogue de l’exposition Judit Reigl, Paris, Galerie Rencontres, 1973).

 

Les "Déroulement"Déroulement.jpg recherchent la source du mouvement : « [Les] séries qui suivent Déroulement, viennent de la même source d'où sont issues la musique ou la poésie, c'est-à-dire du geste élémentaire, du rythme, du tempo, de la pulsation. » (J. Reigl, Entretien avec Jean-Paul Ameline, 2008, ibid.)

 

 Elle poursuit sur la thématique du corps d’homme (pas des femmes), et c’est le 11 septembre 2001 : « En regardant les images à Chute de corps.jpgla télévision le 11 septembre 2001, j'ai eu comme tout le monde un choc terrible : la destruction des Twin Towers à New-York. Puis j'en ai eu un autre – ahurie – quand les corps commençaient à tomber, car cela me concernait personnellement. Ces corps en chute, c'est exactement ma problématique picturale (depuis les années soixante) qui s'incarnait devant mes yeux sur l'écran. Quelquefois immobilisés par l'arrêt de l'image, les corps semblaient monter autant que descendre, ou bien flotter dans un espace indéterminé. » (J.Reigl - propos recueillis par Claude Schweisguth, Artabsolument, Paris, n°4, printemps 2003).

 

Bravo Judit Reigl, admirable, qui avez eu le courage de traverser la moitié de l’Europe, le plus souvent à pied, pour réaliser votre destinPortrait jeune.jpg de peintre. Vous étiez jeune, pleine de projets et vous les avez réalisés !

On ne peut aimer toutes vos toiles, elles sont tellement diverses. J’aime particulièrement les périodes "Centre de dominance" et "Ecriture en masse". L’un, équilibré, en mouvement permanent, avec de magnifiques noirs qui, formant la couleur principale, mettent en valeur les autres colories ; l’autre, un peu à la manière d’Henri Michaux, taches profondes, lumineuses bien que noires, sortant de la toile pour vous pénétrer et vous séduire.

 

09/08/2012

Judit Reigl, peintre (1ère partie)

Judit Reigl est née en 1923 à Kapuvar en Hongrie. Après avoir étudié les beaux-arts à Budapest, elle fuit la Hongrie en 1950 et s’installe à Paris, puis Marcoussis.

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Elle se consacre au surréalisme avec la fréquentation d’André Breton, d’abord de manière figurative, puis très vite abstraite, par l’écriture automatique :

 

 

peinture, art moderne, surréalisme, abstrait

« Tout mon corps participe au travail, "à la mesure des bras grands ouverts". C'est avec des gestes que j'écris dans l'espace donné, des pulsations, des pulsions. »

 

  

 Puis, elle s’intéresse à la peinture abstraite dans les années 50 : « Le processus de la peinture devient [...] une activité viscérale et physique. Les œuvres créées sous les gestes impulsifs, spontanés et accidentels du corps sont des empreintes éphémères de l'action de peindre et du corps de l'artiste. [...] Eclatement, telles des cartes explosives de la matière touchant la toile, représentent l'affrontement de la surface et du corps, la lutte à la fois constructive et destructrice de la matière et de l'énergie.[...] la peinture éclate littéralement l'espace pictural dans un mouvement centrifuge, dirigeant le regard [...] au-delà du cadre, et la matière ainsi explosant dans tous les sens efface la hiérarchie de la surface.» (Agnes Berecz, Ecrire comme peindre : la peinture de Judit Reigl dans les années cinquante in Reigl Judit, catalogue édité par Erdesz and Maklary Fine Arts, Budapest, 2006, p.12)

 

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Peu à peu, Judit Reigl se concentre sur le contraire de l’éclatement,  ce qu’elle appelle le centre de dominance : « Sur le plan de la toile, le centre se propose en maelström, gouffre, tourbillon, qui creuse la profondeur de l'oeuvre, se déplace et s'ouvre, se fait et se défait, en se constituant. Etablissant alors en effet un espace où le centre est partout et la périphérie nulle part. » (Marcelin Pleynet, Reigl, Paris, Ed. Biro, 2001, p34).

 

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20/07/2012

Benoît Trimborn, à la galerie Ariel Sibony

 

C’est simple, parfois simpliste, mais d’une beauté !

 

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Et vous vous laissez aller dans ce calme, ce vide de la nature élémentaire à deux surfaces, deux couleurs, parfois sans aucune nuance. De grands aplats, des petites papillotes de peinture pour simuler le tremblement acide des feuilles ou des céréales, des mélanges entre deux pour dire l’ombre. L’expression d’une solitude aimée et d’un besoin de communiquer sa vision.

 

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Alors, on regarde, on rêve, on part vers les sommets de la perception, à partir de quelques couleurs, d’un trait, d’une ombre. On est bien sûr surpris au premier abord. Il n’est évident de se laisser faire face à si peu de manifestation d’une vérité à prendre.

 

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On refuse cette vision d’une seule face avant de plonger, doucement, tranquillement, dans sa surface et de s’y noyer. On repose enfin dans la couleur, dans le tremblement léger, dans la quiétude insoupçonnée de chaque tableau, et l’on s’y endort, serein, reposé, vidé de soi, vidé des autres, vidé même de tout contexte, pour ne plus vivre que cette aventure incroyable, l’osmose de l’impression, de la perception, de la sensation, des sentiments enfin. Tout ceci se mélange en vous, jusqu’à la synthèse finale, l’immensité de la nature et son unité interne, une construction qui tend vers la beauté.

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Merci, Benoît Trimborn, pour cette simplicité qui devient art de voir, de sentir et de communiquer ce chatoiement imperceptible d’une nature indomptable.

 

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14/07/2012

Exposition José Maria Sert, peintre décorateur, au Petit Palais

 

Peintre décorateur. Il n’a cessé de travailler pour l’élite économiquepeinture, décoration, exposition et politique de l’Europe, puis du monde. C’est un homme du monde baroque qui s’appuie sur d’autres grands peintres, prenant exemple, tâtonnant, effectuant des montages pour trouver les meilleures attitudes pour chacun de ces personnages qui tous sont hauts en couleurs, utilisant la photographie, les maquettes pour, in fine, arriver à son tableau, immense, bigarré, empli d’êtres humains, de faune, de flore, d’exubérance folle, construit en décors époustouflants. Ce sont des décors de théâtre, des fêtes vénitiennes, mais dans peinture, décoration, expositionlesquels se mêlent des gratte-ciels, des patineurs, des montgolfières. Quel contraste avec la peinture abstraite qui faisait ses premiers pas dans ce début du XIXème siècle. Il fut vite oublié. Et pourtant, quel monstre sacré du temps de son vivant.

 

Les quatre saisons.

L’exposition vous plonge très vite, après un bref préambule, dans peinture, décoration, expositionquatre grandes toiles qui représentent les quatre saisons dans les quatre continents (une par saison). C’est un déluge de couleurs : des rouges, des verts, des bleus, étincelants, chatoyants, avec des personnages hauts en couleurs dans des décors extravagants, exotiques, emplis d’animaux, de fruits, de fleurs. Un éblouissement pour l’œil, mieux une symphonie pour les sens.

 

peinture, décoration, exposition

 

La belle maraichère, carton pour tapisserie.

Un tableau de Goya, toujours coloré ! Le petit peuple à droite, la profusion au centre avec ses marchandises, les nantis à gauche. Ceux-ci trônent, plus hauts, mais ils ont peur des cris du peuple. Seule, la maraichère domine la scène et le contexte. Elle s’amuse de cette agitation. Et tout cela dans une profusion de détails, de couleurs, d’orchestration du tableau, comme un bas-relief antique.

 

peinture, décoration, exposition

 

Aéronautes.

 Des ballons colorés dans un ciel nuageux auxquels sont suspendus des acrobatpeinture, décoration, expositiones. Saisissant d’inventivité !

On se sent léger, on s’envole, l’esprit s’évade au-dessus du Petit Palais, on monte dans un ciel nuageux jusqu’au bleu profond de l’azur.

 

La production de ces décors grandioses était une longue étape ingénieuse :

·        D’abord, naissance d’une idée après recherche et peinture, décoration, expositiondocumentations ;

·        Puis élaboration d’un dessin rapide pour camper le sujet ;

·        Mise en scène avec des modèles photographiés (modèles humains ou mannequins articulés en bois) ;

·        Agrandissement des photos jusqu’au format permettant de les accoler ensemble ;

·        Puis construction d’une maquette complète du décor ;

·        Alors un dessin final mis au carreau est effectué ;

·        Il est enfin reporté sur toile ou bois qui sera monté sur le lieu de livraison.

 

 

04/07/2012

Claude Garache, au musée d’art moderne de la ville de Paris

Rouge vermillon ou pourpre, éclatant, vivant, tremblant comme les cordes d’un violoncelle. Tout est suggéré, en mouvement, même dans les pauses statiques. Le peintre tourne autour de son sujet avant d’en extraire la gangue. Et celle-ci n’est pas précise, nette, visible directement ; elle ne se laisse approcher que peu à peu, dans toute sa nudité, modèle sculptural aux couleurs évanescentes.

 

Ramonde 2003.jpg

Le corps dans tous ses états, assis, couché, accroupi, debout, courbé. Incandescence du corps féminin, comme une brûlure interne, en équilibre sur la toile. Rien d’autre que ces corps, présents sur toutes les toiles, dans des postures diverses, toutes émouvantes, à la fois très réelles, emplies de leur centre de gravité, et en même temps très éphémères et versatiles.
C’est beau, brut, parfois choquant, mais toujours équilibré.

Yvie et Sauve.JPG

Ce tableau a été acheté par le musée d’art moderne de la ville de Paris. Intitulé Yvie et Sauve, il suggère plus qu’il ne montre, comme toujours chez Garache. Il épuise les sensations du corps féminin par une représentation vue de dos et une autre vue de face. La première est perceptible dans son dessin, son modelé, ses ombres et reflets. La seconde est tellement suggérée qu’il faut progressivement comprendre qu’il s’agit également d’un corps de femme couché sur le dos que seule la tache du pubis permet d’identifier.

Epiaire.jpgClaude Garache est ami des poètes, des écrivains et de nombreux artistes qui, pour la plupart, ont commenté son œuvre, singulière par le seul corps féminin et la seule couleur rouge vermillon. Chacun de ses tableaux est baptisé d’un faux prénom féminin (Ramonde, Ferretine) qui immobilise l’attitude comme un souvenir lointain, mais encore très présent.

 

La beauté réduite à l’attitude et l’attitude réduite à une sorte de mouvement immobile, comme un tremblement de l’air dans l’immobilité de la pause.

 

Claude_Garache_Ferretine_1996.jpg

 

 

30/06/2012

Pouvoir, gloire et passions d’une femme peintre (1593-1654), Artemisia Gentileschi, Musée Maillol

Au risque de décevoir tout le monde et de paraître iconoclaste, ignorant ou même inculte, je ne crie pas au miracle devant la peinture d’Artemisia Gentileschi. Sans nier son art, ni même son génie en tant que femme à cette époque, ce n’est pas pour autant que l’on peut l’assimiler aux plus grands peintres de l’époque, dont, bien sûr, le Caravage.
Mais avant d’aller plus loin, regardons ensemble quelques tableaux.

Autoportrait, 1637 (à l’entrée de l’exposition, à droite) :
Jamais je ne l’aurai imaginé ainsi. Dommage, elle s’est ratée. Ronde, presque sévère, l’œil noir, la main lourde et disproportionnée. Mais j’exagère sans doute !

La mort de Lucrèce.jpg

Le suicide de Lucrèce :
Lucrèce semble jouer un rôle. Elle est irréelle, l’air figé, en catharsis, comme une mauvaise comédienne. Passons !


 

Allégorie de la peinture, 1636 :
Belle peinture, belles couleurs, un tableau séduisant. Mais si l’on y regarde de plus près, on constate que le visage est tordu et les doigts malhabiles, ce qui est un comble pour un peintre.

 

Allégorie de la renommée, 1630-1635 :
Elle est belle, pour une fois, fine et d’allure aristocratique. Dommage que son œil droit diverge et soit plus fermé que le gauche. Quelle renommée a-t-elle pu avoir ?

 

Saint Jérôme :Orazio Gentileschi - Saint-Jerome.jpg
Enfin, un vrai et beau tableau. Le vieil homme regarde le ciel, à la fois reposé et tendu, serein, mais interrogateur. Ce qui frappe, c’est son cou de vieillard, épais, ridé, enchanteur de réalisme plutôt que de beauté. Il est fort, peut-être un peu trop sur le devant, mais il donne à la tête qu’il soutient élégance, majesté et ascétisme.

 

Autoportrait 2.jpg

 

Autoportrait au luth, 1617 :
Son visage reste lourdaud, le cou fort, le buste large. Elle a sans doute allongée ses doigts reposant sur les cordes du luth. Mais elle possède un petit air distingué qui donne à cet autoportrait meilleure allure que le premier.


 

 

Trois vierges à l’enfant (au 1er étage) :

Vierge à l'enfant 1.jpgartemisia-gentileschi-vierge-allaitant-1616-18.jpgMadonna_col_Bambino_(1610-1612).jpg


La première (1610, à gauche) nous montre un enfant charmant, blond, fin, éveillé, mais une vierge au visage lourd, presque commun. La seconde (au milieu) est belle, maternelle, préoccupée de sa maternité et son enfant est naturel, peut-être un peu confit de son futur. La troisième (à droite) est noble, élégante, un peu plus sévère, mais l’enfant est figé, presqu’hagard.

 

Oui, malheureusement, la plupart des tableaux contiennent des erreurs de dessins assez grossières ; formes parfois disproportionnées, membresN-G0009-003-st-catherine-of-alexandria.jpg mal placés, yeux dissymétriques, visages presque tordues, bouches décalées. Par exemple, Sainte Catherine d’Alexandrie est belle, mais son œil droit, trop sombre, semble infirme et glauque, voire aveugle et sans direction.

La religieuse (1613-1618) a une bouche qui n’est pas en face du nez et qui est peinte de face alors que le reste du visage est légèrement tourné.

 

peinture, exposition

 

De plus, et sans doute est-ce dû à l’époque, les femmes sont bien en chair, trop certainement, telle Cléopâtre (1620-1625), courtaude, les membres ramassés, à défaut d’élongation. C’est une forme de beauté qui devait être sensible en ce temps-là.


 

 

Cependant, admirons cette artiste-femme qui, à son époque, a su se trouver une place parmi les grands de la peinture. De plus, malgré les défauts indiqués, sa peinture est belle en couleurs, en drapés, en évocations historiques, à l’instar des grands peintres de l’époque.
Félicitations, Artemisia !

 

24/06/2012

Séraphine Louis, dite de Senlis (1864-1942)

Séraphine est la femme de ménage de Wilhem Uhde, marchand de tableaux. Ils habitent Senlis. Il voyage, elle peint. Et, un jour, il découvre sa peinture. Emerveillement ! Allez voir au musée Mayol, à Paris, 61 rue de Grenelle. C'est sous les combles, mais montez-y, cela en vaut la peine.

peinture, naïf

Peinture naïve sans doute, mais dans un style italien du 17ème siècle. Belle de fraicheur, spontanée, lumineuse, de couleurs vives et bien mariées. Ce ne sont que des fleurs, mais elles font rêver car toutes imaginaires, sorties tout droit de la tête de Séraphine qui peint pour égailler sa vie, pour illuminer son regard. Et c’est beau d’innocence, de charme, de fraicheur, sans recherche académique, sans réminiscence.

peinture, naïf

Séraphine valorise la nature, lui redonnant la vision de la Bible, débordant de bon, de bien et, bien sûr, de beau. Le dessin est précis, lesFeuilles.jpg couleurs ajustées, ornant les feuilles et les fleurs de pointillés de couleurs vives, chaque tableau représentant une sorte de bouquet exaltant, plongeant le spectateur dans une vision onirique, d’une volupté chatoyante qui enchante l’esprit. Les feuilles semblent avoir des poils multicolores, des nervures rouges ou bleues, des pois comme des points d’interrogation sur leur surface. La feuille devient fleur elle-même ou même plume, à l’égale de celles du paon.

 

La plupart de ses œuvres peuvent être divisées en deux ou trois zones à peu près égales.

L'arbre de vie.jpg

 

La première zone, au bas du tableau, comprend la naissance du tronc des arbres ou des tiges des plantes. Les couleurs y sont relativement foncées. Elle forme un arrière-plan symbolique, la racine de l’être et de la terre. Dans la seconde zone, au milieu de la toile, les feuilles, les fruits et les fleurs aux couleurs plus claires, s’étalent, lumineux, envoutants, exotiques, gorgés de tonalités très variées, mais toujours en harmonie. Cette surface semble une montée vers le sacré, vers un monde empli de parfums célestes. Parfois apparaît une troisième zone, en haut du tableau,  encore plus lumineuse, comme une aspiration vers un monde meilleur, vide de toute représentation terrestre.

 

On pense aux peintures africaines, débordantes de teintes, de nuances qui s’ordonnent pour former un langage de ravissement devant une création entièrement imaginaire.

Elle préparait elle-même ses couleurs, faites de toutes sortes d’ingrédients dont l’huile d’éclairage utilisée dans les églises. Elle peignait à genoux, la toile posée sur le sol, sans s’arrêter, jusqu’à l’épuisement.

 

"Séraphine" a eu son heure de gloire avec le film de Martin Provost.Film.jpg Il relate le tragique destin d'une femme du peuple un peu illuminée, domestique puis peintre autodidacte, et a triomphé vendredi soir aux 34e César, en raflant sept prix dont ceux du meilleur film et de la meilleure actrice, décerné à Yolande Moreau. Mais, arrive-t-on à comprendre son art dans les images qui relatent sa vie plutôt que sa passion ?

 

20/06/2012

Coronado, à la galerie Ariel Sibony

 

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L’innocence sous un regard malhabile, voilé de taches de souvenirs disparus dans la tempête du temps. Tels apparaissent les portraits, silhouettes et paysages des tableaux de Coronado. Il est espagnol, mais il pourrait être d’autres nationalités, puisque ses évocations sont intemporelles, sans marque distinctive  d’un attachement à un lieu. Le vert des jardins ou le bleu des piscines, tels sont ses encrages où se promènent, libres, les attitudes de ses réminiscences.

 

 

 

 

Les fonds bleus des piscines ou de la mer, conviennent particulièrement au style du peintre : à plat au couteau, parfois au-dessus d’un dessin au crayon, comme extrait de la buée de chlore habituel à ce décor. C’est beau d’inachèvement, de suggestion, d’impressions.

12-06-07 Enfant.png

 

La galerie Ariel Sibony se trouve au 24, place des Vosges, 75003 Paris

http://www.arielsibony.com/

09/06/2012

De l’impression au rêve, paysage de Henner (2ème partie)

Mais là où excelle Jean-Jacques Henner, ce sont les nues de femmes, toujours estompées, pleines de grâce, sortant de la noirceur du paysage, comme un éclair de flash, inattendues, éblouissantes d’innocence, si naturelles dans ce milieu qui semble inhospitalier, où seul le bleu turquoise de la pièce d’eau, en réponse au ciel, fait une autre tâche claire.

« La source » : très belle huile avec une jeune fille de dos au corps blanchâtre contrastant avec le fond d’arbres brossé à grands traits.

lasource.png


Les Naïades ou baigneuses, huile 1877 : Très beau tableau faisant contraster les fonds du paysage, très sombres hormis le bleu émeraude du ciel et de la pièce d’eau, avec la blancheur des corps. Six jeunes filles nues, entre elles, un peu endormies par la chaleur de l’été, indolentes. Elles semblent à la fois figées et bien vivantes, occupées de leur féminité.

 

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Jean-Jacques Henner est un esthète. Il pratiqua la peinture comme on pratique une religion : jour après jour, se refaire dans le rite des formes et des couleurs, à sa manière : jamais un trait fin, une confrontation nette entre une forme et une autre, et pourtant des contrastes à n’en plus finir, taches vives dans l’obscurité des paysages.

 

« Il importe cependant de faire une exception pour le peintre Henner qui fut parmi les bons artistes de la seconde partie du XIXème siècle, parce que, contrairement à la plupart de ses contemporains, il modelait, non pas des aplats, mais par des rondes bosses. Si l’on a dit, avec raison, que ses modelés sont trop régulièrement ronds, ils n’en sont pas moins charmants et abondants ; il sut faire tourner, évoluer ses figures dans une lumière sans sécheresses ; si ses « Madeleines », ses « Naïades » et ses « Nymphes » gainées dans leurs peaux aux clartés d’ivoire n’offrent rien de ces chars succulentes qui, chez Jordaens, appellent le Faune, elles donnent l’impression d’un épiderme souple, satiné, mobile et cependant résistant. » [Extrait des Entretiens avec Rodin par Dujardin-Beaumetz (1913)]

 

 

 

 

 

 

06/06/2012

De l’impression au rêve, paysage de Henner (1ère partie)

ExpositP5230004.JPGion au musée Henner (peintre : 1829-1905), qui était auparavant l’atelier d’un autre peintre, Guillaume Dubufe. Magnifique musée dans le style de celui de Gustave Moreau (voir le 26 janvier 2012) avec des éléments architecturaux empruntés un peu partout. Ainsi on trouve au premier étage des moucharabiehs égyptiens, une cheminée chinoise et des colonnes doriques.

 

Mais ce qui nous intéresse est aux murs.
Le sommeil.jpg

On entre au premier étage dans un atelier salon, très lumineux, de grande dimension (celui que vous venez de voir). Quelques portraits, élégants, souvent assez sombres, aux contours vagues le plus souvent. Une belle jeune fille qui dort, la bouche entrouverte, un teint de pêche sur fond noir, intitulé « Le sommeil » et peinte en 1880. Elle semble morte, mais l’on sent également les battements de son cœur à la fraicheur de sa peau. Evanouie, le temps d’un sommeil !

 

Paysage-de-Troppmann.jpg

Des paysages et des nymphes, multiples. Les paysages à l’huile sont sombres, presque noires, avec des ciels bleu turquoise, très lumineux. La végétation y est peinte à grands traits, en vastes coups de pinceau. Ce sont plutôt des ombres, des lignes d’horizon, avec, parfois, un chemin ou un étang, plus clair.

D’autres paysages, Capri, Naples, Rome, et d’autres encore, sont au contraire pastelsprès de Capri.jpg ou presque, avec des ciels plus travaillés. La campagne italienne est un bon motif de paysage.
De beaux dessins, avec la silhouette de Saint Pierre dessinée au crayon.

 

 « Je rêve quelque chose et je n’arrive pas à réaliser mon rêve ; il faut trouver la forme et la couleur appropriées », dit Jean-Jacques Henner.
Les dessins de paysage ou de vues faits au fusain, sont, pour la plupart, rehaussés de craie blanche, comme un rappel du ciel des toiles à l’huile.

31/05/2012

Françoise Nielly, galerie Menouar

Ses portraits vous explosent au visage, un feu d’artifice de couleurs fluorescentes d’où les yeux apparaissent grands ouverts et les bouches pulpeuses jaillissent du fond du cratère incandescent.

 

Portraits deux 1.jpg

  

Surprenant ce style : une peinture achevée, élégante même dans son dessin et sa composition au couteau, mais en même temps exprimant toute la force de la révolte de la rue, toute la désolation d’une humanité qui se transforme en clones. Car, lorsqu’on regarde ses nombreux tableaux, on a peu à peu l’impression de voir le même visage ou du moins la même démarche picturale : mêmes couleurs flashantes, même lèvres charnues, mêmes pommettes aux reflets verts, bleus, rouges. Les ombres ne sont pas sombres, elles ressortent au contraire en teintes claires étalées en gestes larges, au couteau, empâtés, mais toujours vifs et aériens.

  

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Françoise Nielly s’intéresse aPortrait un 3.jpgvant tout à l’humain, même si, parfois, elle fait des incursions dans l’abstrait ou le monde animal. Les visages sont souvent durs, à l’image de la mode actuelle qui mePortrait un 4.jpgt en scène des femmes masculines au regard tueur. Mais ils peuvent aussi exprimer une certaine douceur, une nostalgie voilée de tristesse, ou encore une espérance lointaine. Dans la plupart des cas cependant, une détermination à toute épreuve.

 

 

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 La galerie Menouar se trouve 16 rue du Parc Royal 75003 Paris.

 

22/05/2012

« Resisting the present », Mexico 2000/2012, musée d’art moderne de la ville de Paris

 

http://www.dailymotion.com/video/xpjozg_resisting-the-present-mexico-2000-2012_creation

 

mexico salle 1.jpgOn entre dans un froissement d’ailes, corbeaux en grappes qui s’élèvent vers d’autres cieux ne laissant que leurs déjections symbolisées par des cailloux. Les salles sont immenses, un peu vides, parsemées d’images, de dessins, de mots, de vidéos, de briques et autres matériaux insolites. On est un peu perdu, Ventilateurs RED.JPGeffaré de ces morceaux d’art qui nous sont présentés sans réelle unité, sinon les cris d’alarme contre la civilisation qui sont proférés par 6 manches à air ventilateurs intitulés « Credibility crisis » et qui poussent des mugissements sauvages.

 

Entre les corbeaux et leurs cris mécaniques déformés par les manches à air, se trouve une fresque de bonne facture artistique qui dépeint la société mexicaine. Certes, la dérision est obligatoire, mais elle reste acceptable en raison de la beauté du coup de crayon et l’organisation des symboles.

Bayrol Jimenes entier.JPG

 L’artiste, car on peut parler d’artiste, place sa sociétP5100024.JPGé sous P5100023.JPGl’impérialisme de l’aigle américain qui tient dans ses serres la plante à drogue et la mitrailleuse. C’est la guerre, une guerre sale avec des cercueils, des squelettes, sous les volcans de la colère. Le pouvoir en place est délétère, condamné par ses actes, profiteurs sans tête ou cadavres affublés de signe de leur autorité. Ce n’est pas très réjouissant, mais la construction de l’ensemble et les détails de chaque partie montre une véritable conscience de la composition artistique.

 

Plus loin, pour en finir avec cette salle en L, on voit projeter sur un mur les phrases poétiques ou non, d’Alejandro Jodorowsky qui proclame son idée de la société :

         La justice et une injustice partagée par la majorité.

         La société vit en reproduisant le passé. Si tu la suis, tu deviendras un mort vivant.

         L’unité n’est pas l’exclusion des contraires, mais la somme des contraires.

         Poésie : un coup de feu vers l’avenir.

         Les guenilles du mendiant peuvent révéler la danse du vent.

 

On passe dans une petite salle, consacrée à la géologie et l’hydrographie du Rio Grande. Que vient faire dans cette exposition ces images et ces pierres et autres objets ? Mystère. Peut-être tout simplement, parce que le grand fleuve est frontière entre les Etats-Unis et le Mexique.

 

mexico salle 3.jpg

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Et l’on entre dans l’autre grande salle aux recoins multiples. Franchement, rien de remarquable ! Là aussi, dessins (très peu), photographies, vidéos, sculpture (hum ! en plastique et démonté au sol) et autres objets dits artistiques tels ces livres recouverts de papier de verre eP5100043.JPGt empilés sur une étagère ou encore cette chaîne de vélo qui tourne autour d’axes innombrables avec le cambouis qui s’écoule le long du mur. Grandiose peut-être ; incompréhensible, sûrement. Mais ce n’est qu’une métaphore visuelle de la société !

 

 

« Le dessin, très présent dans la culture mexicaine à travers la caricature, le surréalisme, le street art, est bien représenté. Il illustre la synthèse souvent brillante que le Mexique opère entre art populaire et art savant », nous dit le dépliant que l’on nous confie à l’entrée de l’exposition. J’espère cependant qu’il existe d’autres artistes au Mexique pour lesquels l’art n’est pas l’expression d’un rejet de la société et de revendications, mais qui tentent de faire passer un peu de beauté dans ce monde qui semble si triste.

 

18/05/2012

Exposition Christopher Wool, au musée d’art moderne de la ville de Paris

 

 

Le musée d’art moderne nous annonce que Christopher Wool est une des figures majeures de la scène internationale et l’un des peintres américains contemporains les plus influents.

Pourquoi pas ? Admirons donc :

 

 

C Wool 6.jpg

 

 

Après ce regard incertain, nous avons le droit d’avoir quelques doutes sur les qualités de ce peintre international. Cela rappelle Damien Hirst (voir le 10 mars 2012). Même toiles grandioses par leurs dimensions, même salles d’exposition encore plus grandioses, même public, absent, malgré toutes ces qualités. Que nous montre-t-il ?

C Wool 2.jpgC Wool 5.jpg

 

 

 

 

 

 

 

 

Des tags qui, à l’inverse de la passion pleine de liberté des street artists, sont peints avec beaucoup de réflexion sur des toiles. Mais cela reste des tags, et pas des meilleurs. Il s’agit de tortillons sans début ni fin. Beaucoup de ceux-ci sont d’ailleurs à moitié effacés, comme si le peintre lui-même s’était rendu compte de leur inanité.

Parfois les gribouillis sont remplacés par des lettres, voire quelques mots (exemple : SEX LUV !). Quelle preuve de créativité ! Là aussi, m’objectera-t-on, il s’agit par la dérision de mettre en évidence le décalage entre l’artiste et la société bourgeoise. Mais je ne crois qu’il en soit ainsi, du moins en ce qui le concerne. Il s’est parfaitement intégré à la société artistique contemporaine fabriquée de toute pièce par un système médiatique qui vante ses qualités picturales : « La composition des éléments picturaux – des lignes noires peintes à la bombe ou des clichés d’images sérigraphiées sur toile – se fait de plus en plus complexe et diffuse. Ses peintures plus récentes associent techniques sérigraphiques et peinture à la main. Entre improvisation et composition, ces œuvres aux techniques multiples font preuve d’une grande liberté formelle. » (MaM Paris)

Allez, faisons une exception pour cette toile, taches qualifiées de picturales, faites à la manière d’Henri Michaud, avec, malgré tout, moins de génie. Mais… les toiles sont beaucoup plus grandes !

 

 

C Wool 4.jpg

 

14/05/2012

L’art urbain ou street art : quai de l’Oise (2ème partie)

 suite du 30 avril :

 

Sur le canal Saint-Martin, près de la Villette, existe aussi un mur magique, évocateur de l’Afrique par ses personnages, de l’Amérique centrale et du rêve intégral qui permet de digérer l’enseStreet Art 113 red.JPGmble.

Tout d’abord les personnages avec une belle africaine qui cache pudiquement ses seins, sous le regard d’un sorcier inca, sorte de gargouille sortie du magma incandescent de l’imagination de l’artiste. Plus à gauche, l’Afrique jeune brise ses chaînes, le regard effrayé de son acte, ne sachant ce qu’il va advenStreet Art 114 red.JPGir. 2013, dans un an, la révolution africaine ? Et encore plus à droite, jusqu’au bout de la rue, le monde précolombien des mayas ou des incas ou des aztèques, imagé, transposé, mais bien là. Il nous tire la langue, comme pour se moquer de nous, petits bourgeois français Street Art 115 red.JPGhabitant dans cette ville de Paris, cosmopolite, au sang chaud.

 

 Street Art 118 red.JPG

 

Sur l’autre angle du mur, une transition représentée par la femme française dont les seins et le nombril constituent des cibles privilégiées, qui dit au revoir ou bonjour, à la chevelure d’or (ou presque) et un sourire radieux. Bref, la femme telle que la rêve des millions de français (semble-t-il !).

peinture,dessin,street art,tag

Prolongation sur la droite avec ce rêve onirique de pieuvre entourant le psy, dont les lettres semblent affolées par cette apparition inusitée. Une bataille imaginaire de l’esprit qui étouffe entre ces murs trop petits.

 

 

 

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Enfin, plus à droite, une usine à gaz précolombienne qui rappelle quelque peu le dessin opposé, mais plus torturé, à mi-chemin aussi des dessins africains. Mélange extraordinaire des civilisations comme un résumé de la mondialisation de la rue.

 

28/03/2012

Ian Davenport, peintre

 

A la galerie Hopkins (2 avenue Matignon 75008), on trouve quelques belles toiles de Ian Davenport.

 

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Elles sont colorées au-delà de tout ce que l’on peut rêver. Chaque toile porte le nom d’une couleur qui est sa dominante. Le regard se noie dans ses lignes qui effacent toute pensée, mais qui laisse une impression de beauté sauvage, malgré l’ordonnancement impeccable des trainées de couleurs. Car il s’agit bien de trainées. Les toiles sont peintes debout. La peinture est déposée en utilisant une seringue industrielle qui laisse couler la peinture acrylique le long de panneau d’aluminium ou d’acier inoxydable. « Je domine la matière liquide, je me sers de la couleur et j’essaie de réunir ces différents éléments en une chorégraphie. Le processus exige une grande rigueur interne, mais le hasard y aussi sa place ».

 

Sur quoi joue-t-il ? Le choix des couleurs et de leur juxtaposition, la largeur des lignes, le fond de la toile qui donne le plus souvent la dominante, et, enfin, la gravité et le jeu du poids de la peinture qui, au bas du tableau, est invitée à manifester sa puissance par des inclinaisons volontaires données au support, ce qui n’apparaît pas dans ce premier tableau, mais est agrandi dans celui-ci.

 

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 La peinture est brillante et laisse se refléter le spectateur. C’est un processus méthodique qui permet l’exploitation de la couleur qui est à la fois prisonnière de la méthode, mais libre de se propager, in fine, où bon lui semble, mais de manière ordonnée.

 

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 Faisant partie du groupe Young British Artists, il expose en 1988 avec Damien Hirst (voir article du samedi 10 mars). Il reçoit le prix Turner en 1991. Il dénomme son procédé « Puddle Paintings », c’est-à-dire peinture en flaques, évoquant ainsi le bas de la plupart de ses tableaux.

On peut cependant s’interroger sur le produit : un seul procédé utilisé, qui tient plus de l’esthétisme décoratif que de la véritable peinture dès l’instant où il est reproduit à répétition et vendu à de nombreux exemplaires. A-t-il d’autres idées ? Peut-être, mais à coup sûr, celle-ci a prévalu et est la seule retenue. Même phénomène que pour Damien Hirst : j’exploite l’idée jusqu’au bout parce que je n’en ai pas d’autres ! Mais cette idée est meilleure que celle de Damien Hirst, qui lui vend mieux. Histoire de marketing malheureusement.

 

 

 

 

22/03/2012

Exposition Aleksi Gallen-Kallela, au musée d’Orsay


 

Imatra en hiver, peint en 1885


 

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Le mouvement de l’eau en contraste avec l’immobilité de la neige. Les flots jaunes et sales bourdonnent en écume violente grâce aux petits coups de pinceau qui font éclater les bulles d’eau et d’air. La neige n’est pas sereine non plus. Elle épouse les lignes et les formes de matière, tourmentées en fond de tableau, plus paisibles au premier plan.

Au loin, dans le brouillard, on distingue un pont, passage de l'impassibilité à l’agitation, comme si la neige était elle-même en ébullition, l’eau mordant sans cesse sur la rive et transmettant sa folie à l’inertie des flocons agglomérés, les faisant entrer dans sa danse de fin du monde.

Que s’en dégage-t-il ? Le froid réchauffé par le mouvement des flots, un bouillonnement permanent face au calme silencieux des molécules neigeuses et un entre deux anxieux, incertain de son avenir, le tout noyé sous un brouillard qui occulte la vallée. Une atmosphère de cataclysme, dans l’irréalité.

 

 

Le lac Keitel, peint en 1905

 

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Vu  à quatre ou cinq mètres, un lac quasi sans ride occupe presque tout l’espace de la toile. Au fond, la forêt, puis la montagne. Quelle belle étendue, calme et immobile, toute en reflets. Si l’on s’approche, tout change. Ce sont des traits qui semblent abstraits, de gris en horizontal et de blanc en vertical. On voit de gros pâtés de couleurs. Et pourtant, comme il est tendre et harmonieux vu de plus loin.

 

Orante, peint en 1894

 

Aucune photographie sur Internet concernant ce tableau. Et pourtant, il est beau, d’une beauté intime, soulignée par les taches rouges du sol qui contrastent avec la délicatesse de la très jeune fille nue levant les bras et regardant le ciel. Elle est plus dessinée que réellement peinte. Le sol est fait de trainées rouges vifs, comme si elle se trouvait sur un volcan. Le ciel est illuminé de jaune, les rayons semblant sortir de son visage. Elle est belle d’innocence, de simplicité et de candeur.

 

 

Certes, ces trois tableaux ne donnent aucune idée de l’œuvre de Gallen-Kallela et des différentes périodes de sa vie de peintre. L’exposition met en évidence l’évolution de sa peinture. De très belles toiles, passant de portraits bourgeois aux scènes de vie campagnarde en Finlande, aux paysages de son pays, pour ensuite se tourner vers un symbolisme flamboyant, dont le tableau Orante. L'exposition présente aussi les surprenantes fresques exécutées par l'artiste, d’un style tout neuf, en illustration de l'épopée nationale du Kalevala et une très étonnante série de tableaux réalisés en Afrique.

  

Akseli Gallen-Kallela de son vrai nom Axel Waldemar Gallén (né le 26 avril 1865 à Pori, en Finlande, et mort le 7 mars 1931 à Stockholm, en Suède) est un peintre et graveur finlandais de la fin du XIXe et du début du XXe siècle. Il fut l'un des artistes finlandais les plus connus internationalement. Son œuvre est associée aux styles Nationaliste romantique, symboliste et Réaliste.

(From : http://fr.wikipedia.org/wiki/Akseli_Gallen-Kallela)

 

16/03/2012

Impressions champêtres

 

 

Il y a déjà un an, j’ai eu un coup de foudre pour deux tableaux assez proches, l’un de Renoir, intitulé « Chemins montant dans les hautes herbes », peint vers 1872-1875, et l’autre de Claude Monet, « Coquelicots », peint en 1875. Et je les retrouve hier, au musée d’Orsay, presque côte à côte, parmi les autres impressionnistes.

 

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La même impression d’irréel heureux, le même enchantement d’un début d’été, odorant, dans le silence ouaté de la campagne, comme un arrêt du temps, quand l’instant devient éternité par émerveillement de l’être.

 

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Quelle merveilleuse descente de la colline ensoleillée, presqu’illuminée de cette couleur irréelle que donne les rayons trop puissants d’un après-midi de chaleur. On entend rire les premiers groupes de femmes, jeunes, souriantes, joyeuses, qui se laissent caresser par les herbes hautes en se tenant par le bras. La première cueille quelques coquelicots ou autres fleurs, elle hume avec délice l’odeur renversante de la nature épanouie, ouvre les yeux sur ces couleurs vives, mais diaphanes que donne le silence d’un début d’après-midi en été. Plus loin, en haut de la colline, les parents, ou un autre couple, devisent plaisamment, en bonne compagnie, se laissant porter par l’ambiance simple et magique de ce jour. Les contours de la végétation restent flous, sauf au premier plan, comme les mirages, emprunts d’un léger tremblement qui transforme la réalité en rêve vivant.

 

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Et il en est de même pour les Coquelicots de Monet. Le dessin est plus enfantin, plus sombre aussi, sans doute en raison du ciel plus chargé. La douce transparence des chaleurs d’été n’y est pas. L’atmosphère est cependant douce, moutonnée, coconnée, englobée dans ces couleurs moins vives, enrobée de gris qui sont le reflet des nuages filtrant la lumière et qui donnent ce repos moins exaltant, mais aussi subtil, que le tableau de Renoir. Les coquelicots s’égaillent sur la pente de la butte (ce n’est pas une colline). Ils s’égrainent comme des cloches au son cristallin, enchantant le regard sur ces hautes herbes qui ondulent sous la brise. Là aussi les personnages en descendent, deux mères avec leur enfant. L’ombrelle, instrument indispensable à l’époque, alors que de nos jours on se laisse griller au soleil avec juste, et encore, un écran de crème à même la peau. Elles avancent calmement, ont l’air perdues dans leurs pensées, et les enfants restent sagement à leur côté, comme intimidés par cette nature immobile, silencieuse, endormi.

 

Merci à vous, artistes, pour ces petits chefs d’œuvre pleins de promesse d’été ! Grâce à votre art, vous nous faites revivre ces instants merveilleux de l’enfance, par ces impressions si finement délivrées, qui, comme la madeleine de Proust, entraînent le souvenir vers ces paysages oubliés dans les replis de la mémoire.

 

 

10/03/2012

Exposition Damien Hirst

 

« Imaginez un monde de points. A chaque fois que je réalise un tableau, c’est comme si une pièce de cet univers en était découpée. Ils sont tous connectés.»

Damien Hirst

 

Intitulé « The Complete Spot Paintings 1986-2011 », cette exposition (rue de Ponthieu, 75008 Paris) se déroule simultanément dans les onze galeries Gagosian de New York, Londres, Paris, Los Angeles, Rome, Athènes, Genève et Hong Kong. Il semble, apparemment, que Damien Hirst, le peintre, soit connu. Il a été récompensé du Turner Prize en 1995. Son œuvre est présente dans d’importantes collections publiques et privées à travers le monde.

 

 

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Imaginez une galerie de grandes et larges pièces, et, sur les murs, de grandes toiles blanches (un simple apprêt) sur lesquelles figurent, alignés géométriquement, des ronds de couleurs. Ces couleurs ont-elles été choisies en fonction d’une harmonie secrète qui rendrait des effets recherchés et vérifiables ? J’en doute. Ce sont des ronds de couleurs sur une page blanche, sans autre effet que celui-ci. Il avoue lui-même qu’il ne les peint pas. Il les fait peindre par de petites mains. Sans doute lui est-il arrivé de remplir quelques cercles de couleur rouge, verte, bleu, plus ou moins foncé ou pâle. Mais tout cela vaut-il le déplacement et, encore moins, l’achat ? Or ces toiles se vendent des millions. Est-il possible qu’il y ait tant de gogos prêts à payer par snobisme ? Oui, la peinture contemporaine est art, au même titre que la peinture moderne et antérieure, mais si elle est dense, diversifiée, si elle fait preuve d'une beauté idéalisée ou réaliste. Oui à l’art cinétique. Mais ces ronds colorés, même brillamment (il emploie effectivement de la peinture brillante pour les ronds), ne mérite pas le nom d’art. Ce n’est pas de l’inspiration, mais du marketing, de la séduction commerciale, avec pour seules intentions esthétiques :  "Saisir la gaieté de la couleur, faire œuvre de coloriste" (d'après Damien Hirst). Tout simplement!

Retour au crayon de couleurs de l’enfance, voilà son idéal. Mais nombreux sont ceux qui se précipitent pour acheter, parce que ces carrés de ronds valent des millions.

 

Une exception cependant, c’est ce tableau où les points sontEntrelats borromee gauche.gif assemblés, plus ou moins, en anneaux de Borromée. Les anneaux de Borromée tirent leur nom d'une célèbre famille de princes italiens de la Renaissance, les Borromée, qui les adoptèrent comme symbole héraldique. Ils sont gravés dans la pierre de leur château, sur l'une des îles Borromée du lac Majeur. Les anneaux de Borromée sont un symbole fort de la cohésion nécessaire d'upolygrammes-cercles 1.jpgn groupe : des sociétés commerciales l'utilisent comme logo, des campus universitaires les font trôner à leur entrée et c'est l'un des éléments de la symbolique lacanienne. Dans ces entrelacs, chaque anneau est en dessus ou au dessous du suivant si on tourne dans le sens trigonométrique, donc ils « descendent » ou ils « montent ».

 

Il faut l’avouer, ce cercle entrelacé de boucles que l’on ne peut suivre qu’avec une extrême attention est assez magique. Son mystère en fait sa beauté. On y voit des courbes tourbillonnantes et même des sphères qui apparaissent subrepticement, puis échappent au regard.

 

 

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02/03/2012

Expressionismus & Expressionismi, Berlin-Munich 1905-1920, Pinacothèque de Paris (suite et fin)

 

« Un peintre montre l'apparence des choses, par leur exactitude objective - en réalité, il donne une nouvelle apparence aux choses. » (Ernst Ludwig Kirchner)

 

Dans l’exposition Expressionismus & Expressionismi de la Pinacothèque, on peut voir le tableau d’Ernst Ludwig Kirchner « Chemin dans une forêt de montagne » (1919). Je n’en ai trouvé qu’une photographie tronqué etErnst Ludwig Kirchner - Chemin dans une foret de montagne (1919).jpg mauvaise qui ne rend pas du tout compte de la profondeur et du mystère que le tableau offre. Cette partie que l’on peut voir sur la reproduction est celle qui correspond, sur la toile, au nombre d’or. Elle est en réalité l’aboutissement d’un chemin qui s’enfonce dans la forêt comme un soc de charrue et qui ouvre vers le mystère.

Car cette forêt de sapins mouvementée, en pente, est comme un monde sous-marin, fait de verts tendres juxtaposés à des verts plus foncés. Elle est éclairée par une lumière qui fait ressortir les troncs en roses tranchants, presque rouges. Le ciel, vert pâle, mais étincelant, ne modifie pas l’ambiance du tableau. Il est magnifique de mystère, calme comme les deuxièmes mouvements des symphonies de Beethoven. Le mystère est apaisant et n’a rien à voir avec, par exemple, la musique de Wagner.

Kirchner peint une nature sauvage, exubérante, avec un dessin anguleuse et agressif. Mais ses couleurs sont adoucies, harmonieuses, profondes et créent un mystère indolent et fragile. Quelle intensité que ces bleus du tableau « Dans la forêt » (qui n’est pas exposé à la Pinacothèque). On imagine la tombée de la nuit, lorsque le vert de la végétation vire au bleu et où seules les parties illuminées encore par le soleil rendent leur couleur réelle, des verts tendres ou foncés qui se marient avec les bleus plus ou moins clairs des parties dans l’ombre. Magnifique tableau au mystère, là aussi, lumineux !

 

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29/02/2012

L’art et le beau

 

« On prouve tout ce qu’on veut, et la vrai difficulté est de savoir ce que l’on veut prouver. » Ainsi parle Alain dans son « Avant-propos du Système des beaux-arts », écrit en 1926 et qui n’a pas perdu de pertinence. Il poursuit : « Le choix est tout fait, et inébranlable, et ce qu’on voudrait prouver, à savoir que l’œuvre est belle, est affirmé sans aucun doute par l’œuvre elle-même. »

C’est pourquoi l’art, à l’inverse des mathématiques, n’a pas de point de vue universel et les appréciations que l’on y porte, ne sont que le reflet de la pensée d’un seul, parfois partagées par un certain nombre d’autres humains.

Cependant, ne l’oublions pas, le goût pour l’art, et donc l’intérêt que l’on y porte, est également affaire d’éducation. Mais jusqu’à un certain point seulement. Apprendre à apprécier une œuvre et l’apprécier réellement est différent. Disons plutôt que l’on apprend pourquoi l’on apprécie telle œuvre plutôt que telle autre, on apprend à en goûter la vision d’ensemble et chacun des détails, mais au fond de nous, en dehors des modes et de l’influence des autres, on sent instinctivement ce qui nous plaît ou ne nous plaît pas. On baptisera chef d’œuvre ce que d’autres considèrent comme sans valeur esthétique, voire médiocre. Alors l’art serait-il simplement affaire de goût ?

Eh bien, là aussi, nous sommes sur la corde raide des sommets, avec, à droite et à gauche, la pente qui conduit à deux lieux opposés. Mais c’est bien cette fine limite, qui est le juste milieu, qui détient la vérité. Rien n’est blanc ou noir, tout est nuance et non pas gris. Et ces nuances sont la couleur de la vie et du monde.

On rejoint là un autre auteur, Maurice Nédoncelle, avec son livre « Introduction à l’esthétique », aux presses universitaires de France en 1963. Que nous dit-il ? L’esthéticien est le philosophe de l’art : il cherche à en éclairer la nature, à en décrire l’origine, les espèces, la finalité ; il essaie d’en discerner les rapports avec le beau, il analyse le mystère de la beauté même. Mais il ajoute aussitôt après : On peut se demander, il est vrai, si une telle réflexion est utile et ne se résout pas en verbiage… Nous pouvons nous familiariser avec le beau, nous ne pouvons le définir, il est aussi réel et indéfinissable qu’une personne vivante. Et c’est bien en cela que telle œuvre d’art fascine certains et pas d’autres, parce qu’elle ne correspond pas à sa façon d’appréhender la vie.

En réalité, l’œuvre d’art nous plaît parce qu’elle rencontre en nous une aspiration, une élévation de l’âme dont nous avons besoin pour vivre. Or, parce que chaque homme est unique, nous avons tous des voies différentes pour arriver à notre réalisation. L’œuvre d’art reflète plus ou moins ces voies et nous entraîne vers le haut selon que la beauté que l’on y trouve correspond à la voie qui nous permettra de nous élever. Mais alors, me direz-vous, l’œuvre d’art n’a pas de valeur universelle ? Si, elle en a bien, car cette élévation, cette aspiration se rejoint bien en un point, que certains appellent Dieu, quel que soit celui-ci, que d’autres appellent principe universel, et qui possède mille noms selon la pensée de chacun. Au-delà du Big bang, cette lumière qui éclaire le Tout, constitue notre ultime réalisation. Elle est sans nom  et l’on comprend que dans certaines religions on ne nomme pas Dieu (le judaïsme n’accorde que des attributs à YHWH), on ne représente pas Dieu (l’Islam a ainsi développé un art géométrique fascinant et impressionnant faute de pouvoir développer des images), voire même l’idée d’un dieu supérieur n’existe pas (le bouddhisme est une religion sans Dieu).

Pour revenir à notre vision de l’art, et donc à notre idée du beau, il semble que celui-ci a donc un rôle très particulier. Par l’attirance irrévocable que certaines œuvres possèdent, et qui est différente selon les personnes, l’art est une aide précieuse et un moyen sûr pour conduire à sa propre découverte, au-delà d’un moi imprégné de contexte, environnement, histoire, géographie, société et même mathématique, la science la plus universelle.

 

 

27/02/2012

Expressionismus & Expressionismi, Berlin-Munich 1905-1920, Pinacothèque de Paris.

 

Cette exposition veut mettre en lumière la diversité de l’expressionisme allemand qui est composée de deux approches opposées, l’une par le mouvement Die Brücke (Le pont) et l’autre par le mouvement Der Blaue Reiter (Le cavalier bleu).
Die Brücke est fondé en 1905. L’objectif est de s’abstraire de toute règle. Il s’agit d’exprimer les émotions de l’artiste sans aucun aspect formel.

Der BlaDer Blaue Reiter.jpgue Reiter, fondé en 1912, est né du besoin des artistes lui appartenant de développer un art permettant de capter l’essence spirituelle de la réalité avec un langage contrôlé tendant vers l’abstraction. Pour cela, ils publièrent des livres et organisèrent des expositions. Kandinsky fut un des moteurs de ce mouvement. Dans son étude pour l’Almanach du Cavalier Bleu, aquarelle peinte en 1911, le cavalier est une métaphore de l’artiste : « Le cheval porte son cavalier avec vigueur et rapidité. Mais c’est le cavalier qui conduit le cheval. Le talent conduit l’artiste à de hauts sommets avec vigueur et rapidité. Mais c’est l’artiste qui maîtrise son talent ». La même année, il peint son premier tableau abstrait  « Tableau avec cercle » de 1911. C’est cette même année que paraît son premier grand ouvrage théorique sur l’art, intitulé « Du spirituel dans l’art et dans la peinture en particulier ». Il y expose sa conception personnelle de l’art qui est pour lui d’ordre spirituel. Il développe également une théorie concernant l’effetVassily Kandinsky - tableau avec cercle (1911).jpg psychologique des couleurs sur l’âme humaine et leur sonorité intérieure. Le beau n’est pas lié à la reproduction d’une réalité quelconque, mais à l’agencement de couleurs et de la forme dans une harmonie émotionnelle. Toujours dans le même ouvrage, il définit trois types de peinture, les « impressions », les « improvisations » et les « compositions ». Tandis que les impressions s’appuient sur une réalité extérieure qui leur sert de point de départ, les improvisations et les compositions dépeignent des images surgies de l’inconscient, la « composition » étant plus élaborée d’un point de vue formel. Enfin, il s’attache à la dissonance. Comme Schönberg compose sa musique à partir d’une disharmonie, Kandinsky construit ses tableaux sur le principe de chocs colorés.

 

August Macke - Nu de dos sur fond rose (1911).jpg

Admirons également un autre peintre, August Macke et les deux nus exposés à la Pinacothèque. D’abord le tableau « Nu de dos sur fond rose, peint en 1911, trois ans avant sa mort prématurée ; puis le « Nu assis sur un oreiller » de la même année. Ils sont également lumineux. Les corps tout en courbeAugust Macke - Nu assis a l'oreiller (1911).jpg ne sont nullement intimistes, mais seule compte la couleur de la chair, merveille de nuances, en particulier le second aux reflets bleus. Malgré la banalité de la mise en scène, on est surpris par cette vigueur étincelante, comme un éclair de possession qu’un coup d’œil dévoile.