Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

30/09/2017

Un rêve

Un rêve est-il vrai ?
Ou plutôt, un rêve est-il réel ?
Comment répondre à cette question ?

Le rêve t’embarque et tu vas
Attentif aux personnes et aux biens
Mais sans pouvoir sur eux
Alors qu’eux abusent de toi
Le rêve t’impose son déroulement
Et choisit lui-même son rythme
Tu te souviens même avoir déjà vécu
De semblables circonstances
Qui, parfois, t’ont amené à d’autres réactions

Le rêve t’entraine en d’autres territoires
Où la volonté importe peu
Seul compte la ténacité et l’honnêteté
Le courage reflue en toi
Tu te sens invincible, mais précaire
L’ombre ne suffit plus à te cacher
L’opprobre t’accompagne malicieusement  
Jusqu’au point de rupture
Là, tu sors ton mouchoir et le tache
De ton sang rouge et brillant

Mais ton souvenir va au-delà
Dans l’azur bleuté de la liberté
Vers ce que certains pensent folie
Et que tu baptises vérité
Celle-ci serait-elle le vide
L’absence de pensées, voire d’existence ?
Oui, je comprends, quelle folie !

La liberté ? Ne plus avoir à choisir !    
Tout s’impose par soi-même
Le choix est contrainte et effort
Il faut peser le pour et le contre
Hésiter entre deux maux ou deux biens
Comment ne plus pouvoir choisir
Et, malgré tout, y être astreint
Quelle prison imaginaire…

Le rêve le plus réel pourrait-il n’être
Qu’un rêve vide d’images et de sons ?
Dans ce cas rêve et réalité se rejoignent

Finalement qu’est-ce qu’un trou noir :
Un passage entre le palpable et l’impalpable
Entre le zéro et l’infini
Entre le tout et le rien
Entre la réalité et le rêve ?
Qu’en sais-tu puisque personne n’en revient !

 

29/09/2017

L'homme sans ombre (23)

– Mais pourquoi ?

– Je viens de te dire que je ne peux en parler.

– Ce serait trop simple. Tu nous dévoiles une partie de ta personnalité jusque-là inconnue, et tu nous dis que tu ne peux en parler. Alors, il ne fallait rien faire, cela aurait été si simple.

– C’est vrai, mais c’était indépendant de ma volonté.

– ah, je n’y comprends rien de rien. Pourquoi ?

– Tu vois, tu m’obliges à en parler alors que je t’ai dit que je ne pouvais pas. Restons-en là. Ce sera mieux pour tout le monde.

– Ce n’est plus possible. Tu ne peux cacher cela à Noémie. Tu as montré tes pouvoirs et ne pas lui en parler revient l’écarter d’une partie de ta vie, ce qui n’est pas digne d’un fiancé. Tu le sais, n’est-ce ?

– Oui, c’est vrai. Mais je ne peux t’en dire plus.

– Mais pourquoi ? insista-t-elle une dernière fois.

– Tout simplement parce que je perdrai ces pouvoirs. Et j’y tiens. Il m’a fallu des années pour les acquérir, un travail de tous les jours, une volonté toujours affirmée, une conscience ouverte et vierge. J’ai renoncé à beaucoup, mais cette victoire remportée sur moi-même ne peut être détruite pour simplement satisfaire ton désir de connaître mon passé, même si tu prétends que c’est pour le bien de Noémie et de notre mariage. Et puis, ne crois-tu pas que c’est d’abord à Noémie que je devrais en parler plutôt qu’à son amie.

– Oui, je le reconnais. Je n’insiste plus et te rends ta liberté. À bientôt, car nous restons amis, n’est-ce pas ?

            – Certainement, car je sais le bien que tu fais à Noémie. A bientôt Lauranne.

            Elle sortit de la boutique, agacée et compréhensive. Elle avait malgré tout appris beaucoup sur Mathis, plus qu’il ne faisait semblant de croire. Il avait reconnu que ce qu’elles avaient observé était vrai. Était-ce un état permanent ou simplement passager ? Rien ne l’avait trahi là-dessus. Elle savait que cet état était long et difficile à acquérir, qu’il avait nécessité des jours d’apprentissage et que pour cette raison il ne veut pas le perdre. C’est pourquoi il ne peut rien dire de ce qui l’a amené là. Sans doute a-t-il promis à ses maîtres de ne jamais dévoiler ce qu’il maîtrisait maintenant. Mais pourquoi le fait d’en parler pourrait-il supprimer automatiquement tous les pouvoirs acquis ?

            Arrivée chez elle, elle réfléchit sur la suite de son entreprise. Devait-elle arrêter ses investigations ou au contraire les poursuivre, au risque de créer une brouille entre Noémie et Mathis, ce qu’elle ne voulait aucunement. Elle n’avait pas de réponse à cette question. Mais elle devait en parler avec Noémie, très vite.

28/09/2017

Solitude

 

La solitude et la réflexion

dessèchent sans le contact d'autrui.

Mais ce contact souvent impose une perte de temps

qui agace et insensibilise la méditation.

 

 

27/09/2017

Insolite, même à Paris

Il y a deux jours, après une matinée de travail, je me promenais dans le quartier du Louvre et marchais tranquillement en arrivant sur la place devant la Comédie française baptisée place Colette. L’air était doux, le ciel juste encombré de quelques nuages. Les passants allaient et venaient, affairés naturellement comme tous les Parisiens, regardant au loin vers un but imaginaire, tendus à l’extrême vers un avenir qu’ils ignorent. Inversement, les touristes, harnachés d’appareils photo, de sacs à malice contenant je ne sais quoi, l’accent impayable, les yeux écarquillés d’adoration devant ce Paris auquel ils avaient tant rêvé, déambulaient lentement, jamais lassés de l’odeur des voitures passant à proximité. La petite place, en fait, n’intéresse pas vraiment les touristes. Ils y déambulent parce qu’il le faut. Aussi ce qu’il s’y passe n’intéresse que peu de gens. A l’ombre des platanes qui y prennent racine, ne dort qu’un vieillard assis sur un banc, avec délicatesse, ne remuant que le haut de la poitrine, l’air béat, inconscient de sa beauté humaine au repos, tellement relaxé que je me demandais à un moment s’il n’allait pas tomber sur le côté et se réveiller durement. Assis sur un autre banc, un être humain à l’aspect de clochard bien propre lisait un petit livre sans doute ramassé dans une poubelle. L’observant de plus près, je constatais qu’il s’agissait d’une femme d’une trentaine d’années, peut-être quarante au maximum. Elle était également affairée à ne rien faire, lisant, puis abandonnant son manuel, y revenant ensuite, jusqu’au moment où elle le ferma définitivement. Quelque chose la préoccupait.

Elle se leva, montrant ainsi qu’elle avait encore un reste de beauté féminine, les joues fraîches, la chevelure soyeuse malgré tout, l’œil vif. Elle regardait autour d’elle en se déplaçant sur le cercle de macadam où se dressaient un arrêt d’autobus et la fontaine dont le bruit de l’eau berçait doucement la scène. Elle regardait autour d’elle sans s’occuper des rares passants. Elle ne m’avait pas vu, me confondant probablement avec les ombres des jets d’eau qui projetaient leurs cataractes avec grands bruits. . Revenant vers moi, inconsciente de la proximité d’un couple de touristes qui devisaient tranquillement, elle s’arrêta soudain, et, portant la main à sa ceinture, elle la desserra, ouvrit les boutons qui tenaient son pantalon et, baissant celui-ci et sa culotte jusqu’à ses pieds, elle s’accroupit sans aucune gêne, regardant autour d’elle avec une pudeur à retardement. Elle resta un petit moment inactive jusqu’à ce que j’aperçoive entre ses pieds une petite mare grandir patiemment et un sourire de soulagement naître sur son visage. Elle glissa une main entre ses cuisses, se tapota légèrement, puis se redressa, relevant ensemble sa culotte et son pantalon. Elle se réajusta discrètement, prenant le temps de reboutonner soigneusement les éléments de son assise, puis boucla sa ceinture, l’air dégagé. Elle fit quelques pas, comme si de rien n’était, ne laissant au sol qu’une petite flaque clignotant au soleil.

Quel aplomb et, malgré tout, quelle élégance ! Osez tranquillement faire cela en pleine rue, sans l’ombre d’une gaucherie, avec un naturel parfait, l’air dégagé, se permettant même de sourire de la situation sans donner l’impression qu’elle se rendait compte de ce qu’elle faisait. Et j’avoue que son image me resta longtemps sur la rétine : la femme accroupie, les fesses blanches, le regard dans le vague, toute à son affaire, le plus naturellement du monde.

Alors je me dis qu’il n’y a qu’à Paris que l’on peut voir de telles scènes, Paris où le naturel peut revêtir de charme toutes les préoccupations d’une personne, jusqu’au plus intimes. Mieux même, le couple de touristes qui passaient à proximité, ne parut aucune étonné, regardant vers le théâtre comme si de rien n’était. Alors je fis comme ces êtres évanescents, je pris le parti de rire intérieurement d’une telle situation et d’oublier ce que j’avais vu. Malgré tout, le souvenir de l’évènement me fait sourire avec indulgence. Je n’avais même pas l’impression d’avoir assisté à quelque chose d’insolite.

26/09/2017

Takashi Yoshimatsu - Lullaby in Celestial Night

https://www.youtube.com/watch?v=JtpVk_2RZyI


« Takashi Yoshimatsu est né à Tokyo, au Japon, et comme Toru Takemitsu, il n'a pas reçu de formation musicale dans sa jeunesse. Il a quitté la faculté de technologie de l'Université Keiō en 1972, et a rejoint un groupe amateur nommé NOA comme pianiste, imitant la musique des Pink Floyd. Il s'est intéressé au jazz et au rock progressif, en particulier en explorant les possibilités offertes par la musique électronique.

Il était un fan des Walker Brothers et des Ventures quand il avait 13 ans, mais à 14 ans, il a été fasciné par les symphonies de Beethoven et de Tchaïkovski. Il a commencé à composer de nombreuses pièces avant de se faire un nom en 1981 avec « Threnody for Toki » marqué par le sérialisme. Peu de temps après, il s'est éloigné de la musique atonale, et a commencé à composer dans un style néo-romantique libre avec de fortes influences du jazz, du rock et de la musique classique japonaise, renforçant sa réputation avec son concerto pour guitare de 1984. En 2007, Yoshimatsu avait composé cinq symphonies, des concertos pour basson, violoncelle, guitare, trombone, saxophone alto, saxophone soprano et pour les instruments traditionnels japonais, ainsi que deux concertos pour piano (un pour la main gauche seule et un pour les deux mains), un certain nombre de sonates, et diverses pièces plus courtes pour les ensembles de différentes tailles. Ses « Atom Hearts Club Suites » pour orchestre à cordes rendent explicitement hommage aux Beatles, aux Pink Floyd et Emerson, Lake & Palmer.

Il a publié des essais sur la musique classique. Il aime dessiner et illustre lui-même ses livres. »

(From wikipedia)

25/09/2017

L'homme sans ombre (22)

Mathis lui parle d’abord de Noémie et lui fait part de son bonheur d’avoir trouvé une jeune fille aussi délicate et intelligente. Il lui dit aimer sa spontanéité et son rire frais. Lauranne lui raconte une ou deux situations professionnelles dans lesquelles elle avait été particulièrement efficace.

– Oui, c’est vrai, j’ai particulièrement de la chance, lui répond Mathis.

– C’est étonnant de te voir à la fois un fiancé passionné et un adepte d’un temple  qui se livre à des exercices compliqués qui semblent proches du yoga, constate Lauranne. Comment en es-tu venue à accepter ces deux lignes de vie qui sont totalement différentes l’une de l’autre ?

Mathis fut surpris par cette attaque à laquelle il ne s’attendait pas. Il ouvrit grand ses yeux, la regarda comme s’il ne la connaissait pas et lui demanda :

– Mais, j’ai l’impression que tu me surveilles, n’est-ce pas ? Est-ce possible ?

– Oui, c’est vrai. Nous avons décidé Noémie et moi d’en savoir un peu plus sur toi. Ce n’est pas pour t’espionner, mais pour aller au-delà des apparences.

– Mais pourquoi ?

– Tout simplement parce que derrière ta gentillesse et ton amour pour Noémie, nous avons découvert un autre personnage en toi. Il est intéressant, mais si différent ! Et, de plus, insoupçonnable.

– Mais de quoi me parles-tu ?

– Il y a un mois environ, nous sommes allés nous promener ensemble à la campagne. C’était le soir, au soleil couchant. Tu devisais avec Patrick pendant que je parlais avec Noémie. Et toutes les deux, nous avons vu quelque chose d’insolite : tu n’avais pas d’ombre alors que les nôtres étaient très nettement dessinées sur le sol, et tu flottais puisque l’on voyait un centimètre entre tes pieds et le sol. Nous n’en avons pas cru nos yeux. Mais il a bien fallu nous y faire. Depuis, je te l’avoue, je ne te vois plus pareil et Noémie également. Nous avons cherché d’où cela pouvait provenir. Mais nous n’avons trouvé aucune réponse satisfaisante. Noémie étant amoureuse de toi, il lui est difficile de t’épier. Alors je m’en charge.

– Que te dire ? Tout d’abord que vous n’avez pas rêvé. C’est vrai, mais je ne peux rien dire. Je suis lié à un serment et il ne m’est pas possible d’expliquer quoi que ce soit.

24/09/2017

L'ennui

L’ennui, cette maladie incurable de notre temps. Sans doute tient-elle à un défaut d’adaptation de l’âme au monde matériel. L’homme ressent souvent cette blessure ouverte sur l’immatérialité, mais il ne prend pas suffisamment la peine de chercher à la saisir et l’analyser. Lorsque cet univers nous est apparu une fois, plus rien ne saurait nous détacher de sa recherche permanente et il y faut de nombreuses heures où l’ennui n’a pas cours. L’ennui n’est donc qu’un effet de la pesanteur et son remède est dans l’allégement des pensées.

Comment peut-on s’ennuyer une fois qu’on a conçu l’incroyable travail qu’il reste à accomplir à l’homme pour se libérer de sa matérialité. D’abord la comprendre, puis la dominer pour accéder à une conscience ontologique de l’univers.

 

23/09/2017

Il n’y a rien qu’une maison

Apparemment, il n’y a rien qu’une maison
Une maison charmante au pied d’une colline,
Une porte blanche qu’il suffit de pousser
Et quelques fleurs autour de la maison

Mais si le passant s’attarde davantage,
Au fil des heures, la maison l’ensorcelle
Il croit d’abord que ce sont les dorures des livres
Ou la calme chaleur des abat-jours
Puis il découvre une fée. Elle n’a pas de baguette,
Elle n’a pas de chapeau, mais elle porte la lumière.
Elle règne sur la maison, silencieuse et sereine
Et sa gaité réchauffe le passant.

Si celui-ci doit repartir à l’appel du chemin
Il laisse dans la maison une part de ses pensées
Et sur une table un petit mot
Qui ne suffira pas à dire sa reconnaissance

©  Loup Francart

22/09/2017

Enchevêtrement et haïku

Aveugle es-tu !

Si tu t'engages à vivre

As-tu besoin d'yeux ?

17-09-17 Enchevêtrement3.jpg

21/09/2017

L'homme sans ombre (21)

            – Tant pis, se dit Lauranne, après réflexion. Il faut que j’en parle directement à Mathis. Cela ne peut plus durer. Noémie me cache quelque chose, Patrick ne suit pas cette affaire et Mathis ne dit rien. Je ne vois pas comment je pourrais en savoir plus si je ne l’implique pas. Mon problème est de le faire de manière suffisamment discrète pour qu’il ne se sente pas épié. Car alors, il se fermerait comme une huître. Il me semble que le meilleur moyen est de le surprendre lorsqu’il se trouve au temple. Il ne pourra nier et même trouver une excuse.

Elle patiente trois jours avant qu’il reprenne le chemin du temple. Elle a dû le suivre un peu partout et s’est arrangée pour trouver un déguisement adéquat. Un jour, elle se retrouva presque en face de lui. Il avait fait brusquement demi-tour. Heureusement, au même moment, une ambulance passa, toutes sirènes hurlantes, ce qui divertit Mathis et l’empêcha de voir Lauranne.  Elle se pencha sur une devanture et il passa sans l’apercevoir. Aujourd’hui, cela lui semble être le jour propice. Il est sorti à la même heure que la première fois, a pris le métro ouvertement et a changé de ligne à Châtelet. Il est descendu place d’Italie. Elle le suit, ne sachant comment l’aborder. Elle entend soudain des bruits de sifflet et une course poursuite qui monte vers elle de la rue. Tous se retournent. Trois policiers courent après un jeune asiatique qui passe devant eux avec célérité. Elle reprend ses esprits, repart vers le temple et se trouve nez à nez avec Mathis. Celui-ci l’a également vu et ils ne peuvent s’ignorer.

– Lauranne, mais que fais-tu là ? s’exclame Mathis.

– Mais et toi ? lui répond-elle pour ne pas avouer qu’elle le suit.

– Eh bien, je me promène. Je suis toujours un peu attiré par ce quartier que je commence à bien connaître. Il a son charme. Sa population est variée et recèle des cultures tellement différentes. Mais si nous allions prendre un thé quelque part. Nous pourrons parler un peu avant de reprendre chacun notre route.

– Pourquoi pas, répond Lauranne qui trouve là l’occasion rêvée pour parler avec lui de ses activités.

Il la conduit vers une petite boutique aux épais rideaux et ils s’installèrent dans un coin. Le propriétaire vient prendre la commande. Ils se détendent, comme s’ils étaient heureux de se retrouver là, mais chacun se demande ce qu’ils vont pouvoir se dire.

20/09/2017

Peinture et temps (2)

Dans la peinture, la recherche de l’énergie spirituelle passe par la transparence. Étaler des couleurs ne signifie pas être artiste. Engluées, les impressions sont noyées dans la masse dans laisser sortir l’étincelle de la réalité des choses. L’apparence est opaque, c’est un voile de matière dont il faut se dégager. Derrière se cache la réalité supérieure englobant la matière et l’esprit. La matière est alors plus libre, plus mouvante, gérée par de nouvelles lois où la pesanteur n’a rien à voir, elle possède alors une énergie intérieure. C’est le rôle de l’artiste  de créer cette énergie à partir de sa matière, tout comme le scientifique crée l’énergie à partir de l’atome.

peinture,art pictural,couleur,forme,pinceau,énergie

Accéder à la réalité des choses, c’est dévoiler l’apparence de la matière, découvrir la transparence de l’objet quotidien, de l’événement de tous les jours. Cette réalité de la matière est cachée par l’opacité que lui donne notre regard habitué à la masse des objets. Notre pouvoir de préhension a éduqué le regard et par là même l’esprit. L’œil ne sait plus percer comme le doigt dans un liquide la surface de l’objet. Il faut repartir de l’idée que le solide n’est solide qu’au toucher, mais peut devenir liquide à l’esprit. Alors la forme perd de son apparence, de sa masse, s’affaisse, se défait, se dilue dans l’espace et découvre sa vraie réalité. Le peintre doit traduire la forme par l’idée de la forme.

peinture,art pictural,couleur,forme,pinceau,énergie

19/09/2017

Peinture et temps (1)

« Le temps d’exécution d’un tableau peut intervenir dans la nature même de la forme. L’exemple topique de ce fait est l’œuvre de Nicolas de Staël dans les tableaux qu’il exécuta entre 1946 et 1947. Suivant la manière dont il pose la couleur, il peut accélérer ou ralentir la forme (le passage du pinceau laisse une trace visible dans l’épaisse couche de matière). Cette tension intérieure qu’il confère à sa composition n’est autre que le temps devenu espace sur la surface de la toile. Il s’agit alors de rechercher un accord possible entre les différentes tensions (on pourrait dire vitesse et même énergie) : les formes lentes qu’il réserve aux parties de la composition conçues en retrait, recouverte d’une surface lisse qui les rend presqu’immobiles en comparaison des autres formes. Celles-ci, souvent effilées, traversent le tableau en tous sens, chacun obéissant au rythme que la main du peintre et le pinceau ont imprimé dans la matière même de la couleur »[1]

peinture,art pictural,couleur,forme,pinceau,énergie

On ne peut dire bien sûr que le temps a été fixé sur la toile, mais on a accumulé sur celle-ci une certaine énergie qui est l’expression inconsciente du temps. Peut-être l’esprit sera-t-il capable un jour de fixer, de désolidariser les quatre dimensions du temps ; passé, présent, futur et être (l’existence est fonction de cette énergie elle-même issue de l’énergie divine).

 

[1] Dora Vallier, L’art abstrait, 1967.

18/09/2017

âme

Je n’ai que mon âme à te donner
Elle n’est qu’un filet d’eau
Qui coule goutte à goutte
Suintant un amour discret

Certains jours elle se veut libre
Et refuse tout jaillissement
Asséchée, elle dénie ta présence
Et erre dans un indescriptible désert
Fait de désirs et de rêves
Non assouvis et enchanteurs
Qui disparaît dans la confrontation
Avec la vie dure et trompeuse

Il lui faut la tendresse de l’agneau
L’odeur du foin montant des prés
Les cris aigus des hirondelles
Lorsque le ciel s’assombrit
Pour ouvrir à nouveau sa blessure
Et aspirer au bonheur de donner

Alors, émerveillée de fraîcheur
Elle s’envole librement
Et vient un instant se réchauffer
Au creux de ton épaule
Écouter l’histoire de celui
Qui est toi au-delà de ce moi
Dans la plénitude du soi

©  Loup Francart

17/09/2017

L'homme sans ombre (20)

Au cours du trajet de retour chez elle, elle s’interroge : « Dois-je en parler à Noémie ? Que va-t-elle en penser ? Qu’est-ce que ce temple et les gens qui le fréquentent ? Ils avaient l’air quelque peu drogués ou, tout au moins, pas dans un état normal. Mathis me semble singulièrement différent de ce que je pensais. On aurait dit un prêtre en train d’officier. Il faut que je poursuive mes recherches. J’essayerai de retourner au temple cet après-midi, s’il n’y est pas. »

Ce n’est en réalité que le lendemain qu’elle peut retourner dans le quartier asiatique. Elle a d’abord du mal à retrouver la rue et le porche où s’était engouffré Mathis. Il n'y a personne sur place. Elle se risque à pénétrer en poussant la lourde porte qui grince un peu. Une odeur d’encens, assez différente de celle des églises catholiques, une obscurité tranchée de couleurs  vives et un immense gong, cinq à six mètres devant elle, accroché à un support en bois sculpté. Elle s’avance vers le milieu de la salle encombrée de couffins bien alignés. Le silence est total, impressionnant, anormal au cœur d’une ville.

– Que faites-vous ici, Mademoiselle ?

Lauranne se retourne. Un petit homme, ridé, le crâne rasé, vêtu d’une longue robe safran composée d’un sarong et d’une étoffe principale couvrant le haut du corps, la regarde avec curiosité. Elle rougit ne sachant que dire.

– Je me promenais lorsque j’ai vu la porte qui semblait s’ouvrir pour me laisser pénétrer. Alors, j’ai suivi mon impulsion et me suis retrouvé là.

– Savez-vous où vous vous trouvez ? lui demande-t-il.

– Pas exactement.

– Sachez que vous êtes dans une propriété privée. Ce temple n’est accessible qu’aux bikkhu[1].

– Pardon ?

– C’est-à-dire aux moines vivant dans un monastère. Apparemment, vous n’êtes pas homme et encore moins moine. Alors vous ne pouvez circuler ici.

Lauranne sort sous le regard du vieil homme, regard malgré tout bienveillant. Elle lui sourit en fermant la porte et se retrouve dans la rue, étonnée et dépaysée. De nombreuses questions lui taraudent l’esprit. Que fait Mathis dans ce monastère bouddhiste ? Il avait une attitude et une position de chef lorsqu’elle l’avait vu apparaître au balcon. A-t-il une fonction particulière ? Noémie ne semble pas au courant. Pourquoi ne nous en a-t-il jamais parlé ? Elle rentre chez elle perplexe, n’arrivant à décider si elle peut ou non en parler à Noémie.

 

[1] Moine tibétain.

16/09/2017

Philip Glass - Metamorphosis

https://www.youtube.com/watch?v=M73x3O7dhmg


 

Un bel exemple de musique minimaliste et répétitive, que le compositeur préfère appeler « musique avec structures répétitives ». Étrange musique dont l’enchantement naît de la reproduction à l’infini d’une petite phrase musicale qui sert de fond sonore sur lequel il disserte avec des sons variés et produit des effets sonores qui laissent une impression de revenez-y obsédant. Musique mélancolique au possible !

15/09/2017

Aimer

 

Aimer, ce n’est pas trouver celui ou celle qu’on aime parfait.

C’est comprendre nos imperfections mutuelles

et nous soutenir pour y remédier.

 

14/09/2017

Symphonie sylvestre

Mille bras tendus vers le ciel
Non pour implorer sa clémence
Mais pour célébrer l’infini
Quoi de plus majestueux que l’arbre
Entremêlant ses branches à ceux des autres
Leur disputant la lumière et l’ouverture
Avec sagesse et mesure, sans arrogance
Certes, il y a des vainqueurs et des vaincus
Certains s’étiolent avant d’atteindre l’épanouissement
D’autres buttent sur plus gros qu’eux-mêmes
Et se glissent avec souplesse entre deux grands
Qui ne peuvent se partager le ciel et l’honneur
De devenir le roi de ce morceau de terre
J’entends les sons de l’orgue et de ses jeux
Puissants à la pédale et tendres au bout des rejets
Le grincement subtil du bois contre les troncs
Le cri de l’oiseau qui se perche hors de vue
Un vent discret fait régner l’harmonie
Assis, je contemple la forêt et me sens transporté
Au sein de cette symphonie sans désir de retour

©  Loup Francart

13/09/2017

L'homme sans ombre (19)

Le lendemain, elle s’habille de manière parfaitement anonyme, avec un chapeau misérable qui cache ses magnifiques cheveux, une paire de lunettes aux verres ronds, larges et légèrement teintés et une canne qui lui permet de compenser le caillou qu’elle s’est mis dans une de ses chaussures. Dès huit heures, elle attend au bas de l’immeuble de Mathis qui en sort à neuf heures moins le quart et se dirige vers la station de métro. Elle ne connaît pas les habitudes du jeune homme et se dit que s’il va vers son entreprise, elle pourra rentrer chez elle et ne revenir qu’à la sortie des bureaux.

– Le voilà qui sort, constate-t-elle à 8h25. Il se dirige vers le métro. Suivons-le !

Effectivement, Mathis prend le métro. Lauranne fait le maximum pour ne pas se faire repérer. Il descend à la station Châtelet et prend une autre ligne. Comme il s’agit d’un nouveau métro sans compartiments dans lequel on peut circuler de la tête à la queue, elle n’a pas de mal à le surveiller en restant suffisamment loin de lui pour qu’il ne la repère pas.

– Tiens, il sort place d’Italie. Sortons !

Il se dirige vers le quartier asiatique, s’introduit dans les petites rues et entre sous un porche. Elle entend une sorte de gong, un son profond qui résonne dans le corps, puis une longue récitation monotone, rythmée, faite de voix profondes. Elle n’ose s’introduire dans ce qui semble être un temple, au moins en raison des sons émis à l’intérieur, et elle attend sans savoir quoi faire. Une heure s’écoule, elle attend toujours. Une heure et cinq minutes, le gong résonne à nouveau, plusieurs coups portés puissamment, une nouvelle récitation et le piétinement des pas sur un tapis de coco. La porte s’ouvre et une longue procession en sort, faite d’hommes et de femmes en robe jaune, le regard extasié, marchant lentement, avec attention. Pas un ne tourne la tête, concentré sur lui-même, sans vision du monde extérieur. Lauranne se cache derrière un pilier, puis suit cette étrange procession. Soudain, elle se rend compte que certains marchent comme sur un coussin d’air, sans contact avec le sol.

– Est-ce possible ? se demanda-t-elle.

Puis l’un d’eux se projette à trois mètres, sans effort, sans même avoir l’air de se rendre compte de ce qu’il fait. Les participants semblent être sous l’effet d’une drogue, déconnectés de la réalité en raison d’une intense concentration.

– Quelle extraordinaire procession ! remarque-t-elle.

Elle cherche Mathis dans les rangs, mais ne le voit pas. Peut-être est-il resté à l’intérieur ? Elle se demande un moment si elle va tenter d’entrer dans le temple. Elle y renonce en constatant la présence de deux hommes imposants qui manifestement gardent le passage.

– Où donc est passé Mathis ? se demande-t-elle. Elle l’aperçoit soudain sur le balcon du temple, contemplant la procession, immobile, comme figé dans une attitude orante, semblant diffuser son aura sur les pénitents. Derrière lui, trois hommes, également immobiles, dans la même posture, le regardant faire. Le temps semble figé. On entend uniquement une sorte de plainte musicale, irréelle, assez belle, produite par un Rgya gling[1] dont on ne voit pas l’artiste. Lauranne elle-même semble pétrifiée et n’arrive plus à penser. Enfin, sur un coup de gong plus fort que les autres, elle se détache du spectacle et s’esquive, étrangement mal à l’aise. Son cœur bat à tout rompre. Elle reprend lentement ses esprits et s’éloigne pour s’engouffrer dans la station de métro la plus proche.

 

[1] Sorte de hautbois au corps en bois prolongé par un pavillon en cuivre et utilisé dans les monastères tibétains.

12/09/2017

Premières émotions picturales (2)

17-09-08 Nature morte au violon Braque.jpg

C’est l’âme du violon que Braque a exprimé avec une émotion si pertinente qu’en regardant son tableau, l’idée que nous nous faisons de son image s’élabore en musique intérieure, chaque trait évoquant un son particulier de la corde pincée par un doigt ou caressée par l’archet jusqu’à fournir à notre imagination une véritable composition musicale, impalpable et impénétrable à la réalité. Braque a su nous faire éprouver, avec la même émotion, avec la même résonance qu’à l’audition d’une composition pour violon, la reconstitution des notes, des accords et même la sensation de leur forte ou de leur pianissimo.

Le tableau s’équilibre dans l’espace de la même manière que se déroule une symphonie ou une sonate dans le temps. Il est composé d’une masse de traits et de couleurs, mais le contour de la toile aux couleurs claires et sans motifs, le plus souvent d’une simplicité qui libère l’esprit, enveloppe l’émotion du reste et la décharge de sa tension comme le silence brusque qui suit l’audition d’une partition. Autour du centre du tableau, construit sur une base de quelques traits verticaux qui forment l’architecture harmonique de l’ensemble dans un jeu d’ombre et de lumière aux couleurs de la nuit, se hérissent des traits obliques, détachés les uns des autres, qui rendent la crudité des sons du violon quand le violoniste attaque à coup d’archet furieux la corde comme il le ferait pour un concerto de Paganini. L’harmonie et la mélodie sont données par le jeu des couleurs  qui, bien que peu nombreuses (marron, bleu nuit, blanc et noir) s’irradient en taches obscures ou lumineuses dans la prolongation des traits. Quelques arabesques, l’une de la forme de la volute du manche de l’instrument, une autre au dessin de la trille dans une partition, font percevoir jusqu’aux fioritures qu’ajoute le virtuose à sa mélodie pour donner à la fois le contraste et l’enchaînement à la pièce de musique.

 Au centre, comme l’andante d’une sonate, la courbure des traits en demi-cercle ou, pour ceux qui restent rectilignes, leur croisement à angle droit, émeut l’âme à la manière du violon dans la fragilité, la délicatesse, la tristesse de ces mouvements lents, quand l’artiste ne détache plus à grands coups l’archet de la corde, mais le laisse glisser dessus et n’use, pour donner à ses sons la courbure sonore recherchée, que de la mobilité des doigts de la main gauche. Les mêmes couleurs accompagnent cette partie du tableau, mais l’enrobent subtilement de deux qualités du violon : à droite, des couleurs claires et lumineuses (les mêmes pourtant que dans le reste du tableau, mais plus imprégnées de clarté, comme si les ombres formées par les traits du dessin avaient moins de puissance) qui expriment la douceur et la limpidité, à gauche un ensemble de couleurs bleu nuit qui expriment l’inquiétude et l’émotion.

En haut, peut-être, en un V de traits et la courbe concave de deux autres s’évasant vers le bas à partir du pied de la lettre, transparaît l’esprit du violoniste qui, entouré de ses notes comme les gouttes de pluie nous environnent de lignes qui ne sont perceptibles que sur un fond naturellement sombre, les digère et pense chacun des mouvements de ses muscles qui déterminent l’harmonie des sons et leur indépendance par rapport à un bruit de l’espace.

11/09/2017

Premières émotions picturales (1)

A l'âge de 21 ans, je ne comprenais rien à l'art pictural. Je décidais un jour de m'installer devant un tableau; dans un musée, et de ne quitter ma place que lorsque j'aurai découvert ce que les autres contemplent comme un chef d'oeuvre, alors que je n'y vois qu'un tableau qui ne m'émeut pas ou très peu.

 

Hier, au musée d’art moderne, j’ai vraiment pour la première fois de ma vie, au milieu des toiles des plus grands peintres contemporains, éprouvé une véritable émotion en regardant un tableau. De même qu’en écoutant un morceau de musique ou en lisant un livre, tous mes sens se sont tendus par le canal de mon émotion et à travers la prunelle de l’œil, vers le tableau. J’ai ressenti une sorte de frémissement intérieur de tout l’être où le battement du cœur résonne plus fort qu’à l’accoutumée et éprouve cette irrésistible envie de sanglots que donne l’émotion portée à son apogée.

Je ne voyais rien d’autre que ce tableau, ce grand cadre rectangulaire contenant un assemblage merveilleux de couleurs et de traits créés par l’homme. Les ombres et la forme du mur blanc, le grain de sa tapisserie, la plinthe du plancher s’étaient voilés d’un flou involontaire construit par l’attention du regard et de l’esprit. Le pas d’une personne, le brouhaha des sons de chaque salle du musée ne m’atteignaient plus qu’indirectement, transposés par les sens vers la symphonie de couleurs en une sorte de monologue intérieur. Je regardais le tableau non plus seulement avec mes yeux, mais aussi avec l’oreille, avec chacun de mes membres entièrement tendus vers ce point qu’observait la prunelle de mon œil. Je me concentrais tour à tour sur chacune des parties du tableau, puis sur son ensemble ; j’accommodais ma vue à chaque trait, à chaque couleur, recherchant une acuité maximum, puis je faussais cette accommodation pour bien m’imprégner de l’ensemble comme on regarde souvent dans la pénombre d’une église un point lointain au-delà des chandeliers pour voir apparaître non plus une lumière réelle, mais un scintillement aussi merveilleusement tremblant qu’une étoile dans la nuit.

C’est alors que je compris l’émotion que me donnait le tableau et pourquoi ces traits, qui apparemment n’avaient aucune signification, éveillaient en moi ce bouleversement. Une alchimie, impressionnante dans son réalisme, de sons transformés en couleurs et en traits, beaucoup plus impressionnante que si le violon avait été peint dans sa représentation naturelle, voilà ce qui m’émouvait dans ce tableau peint en 1911 et que Braque avait intitulé « Nature morte au violon ».

17-09-08 Nature morte au violon Braque.jpg

 

10/09/2017

Zen

Dans la même veine que le précédent publié le 6 septembre, un blason zen où la symétrie et la dissymétrie se mélangent.

Sentiment curieux d'une méditation yeux ouverts!

1-Sans nom-2.jpg

09/09/2017

L'homme sans ombre (18)

Là-dessus, l’heure de fermeture sonne et Lauranne doit sortir de la bibliothèque encore enfiévrée de ce qu’elle vient de découvrir. Elle sent un mystère chez Mathis, mais comment l’amener à le dévoiler en toute transparence ? De plus, il lui semble maintenant que Noémie lui cache quelque chose. Elle veut savoir ce que Mathis  a révélé à Noémie. Elle sait que ni Mathis ni Noémie ne lui diront quelque chose et il lui faut donc trouver un stratagème pour qu’ils soient contraints de se dévoiler. Mais quoi ?

Que le lecteur n’aille pas s’imaginer que Lauranne est une personne rusée, têtue et manipulatrice. Il n’en est rien. Elle a simplement un grand besoin de connaissance et de vérité qui peut l’entraîner plus loin qu’elle ne le désire. Voyant que son amie se ferme devant ses questions, elle comprend qu’il se passe quelque chose et veut savoir ce qu’il en est, tout simplement. Elle s’inquiète pour celle-ci et souhaite plus l’aider qu’obtenir une vérité qu’elle ne veut pas dire. Mais cette intention louable va peu à peu dégénérer par dépit de non-réponse et curiosité. Il est en effet agaçant de ne pas savoir ce qu’il en est d’un secret auquel on n’a pas accès. Alors elle va mettre toute son intelligence à percer ce secret.

Mais tout d’abord, y a-t-il réellement un secret ? Noémie lui a dit qu’il n’avait rien à dire. Cela peut être vrai. Cela signifierait que Mathis subit un pouvoir étrange qu’il ignore lui-même. Est-ce possible ? Elle se souvient des écrits sur les mystiques qui sont eux-mêmes surpris par ce qui leur arrive lorsqu’on le leur révèle. Mais très vite, ils prennent en charge cette contrainte de la vérité et l’acceptent comme la volonté de Dieu. Ils s’efforcent de cacher le phénomène aux autres de façon à paraître les plus normaux possible. Cependant, Mathis non seulement lévite, mais de plus est transparent, c’est-à-dire n’arrête pas les rayons du soleil et n’a donc pas d’ombre. Cela fait tout de même beaucoup ! Oui, il est très probable qu’il y a un secret, quelque chose que Mathis ne veut pas révéler, ni, probablement, Noémie.

Alors, supposons qu’il y ait un secret. Pour qui ? Que concerne-t-il ? Pourquoi en faire quelque chose qui ne peut être révélé ? C’est bien ce qu’elle doit découvrir, par quelque moyen que ce soit. Elle ne trouvera rien de plus sur les sites Internet ou les bibliothèques. Chercher sur les réseaux sociaux ? Ce ne sont guère des sujets d’intérêt pour la majorité des internautes. Inutile ! Ma foi, la seule possibilité est de suivre Mathis sans qu’il s’en rende compte.

08/09/2017

Torpeur

Étrange torpeur, comme un désintéressement morbide de toutes choses, sauf à l’action, une action primaire, mobilisant chaque geste possible du corps, occupation inutile, mais nécessaire pour ne pas sombrer dans l’ennui et le spleen. Et encore, l’ennui est-il possible à ce stade de détachement de la pensée, comme si tout ce que l’on a aimé, tout ce qu’on aime, ces idées manipulées avec délice, s’était évadé.

spleen, hébétude, voile, brume

Un grand besoin de paresse, d’hébétude, de torpeur qui entraîne inévitablement aux portes du rêve, un rêve permanent, qui n’a pas de motif, de sujet, mais seulement la consistance de l’anarchie turbulence de l’esprit qui s’en va en grandes glissades sur de pentes vertigineuses avec, seuls, quelques nuages pour accrocher son regard.

07/09/2017

Eau

Tu es eau, pure, à soixante pour cent
Tu n’es cependant pas transparent
Ton œil, mouillé, ne voit pas la larme
Et ainsi l’eau, qui huile son charme

Pourtant tu aimes le soleil asséchant
Qui t’enlace tendrement dans le couchant
Et le feu que l’eau vainc facilement
Ou qui l’épuise subtilement

L’eau t’entraîne vers les rivages
Où tu contemples l’horizon sauvage
Frontière du liquide et du rêve

Là, tu erres en mal d’existence
Ne sachant où choisir ton inconstance
Là, la solitude t’épouse sur la grève

 

06/09/2017

Orient

Laisse ton regard errer dans cette symétrie circulaire emprisonnée dans le noir de la nuit. Un objet, le carré, qui s'effiloche en gagnant sa liberté. Une règle, l'angle droit, qui décide de l’expansion. Une mesure, douze centimètres et demi ou sa moitié. Un seul contraste: le blanc sur le noir. Et cet ensemble crée un objet dans votre tête, parfait de précisions, beau comme un léopard dans la jungle.

L'occident en a défini les règles, mais le final est un rêve oriental.

1-17-08-03 Kapla (11 ajustée).JPG

Réalisé avec des kapla, en relief (1m x 1m) :

peinture,dessin,kapla,symétrie

05/09/2017

L'homme sans ombre (17)

Elle n’a pas oublié le deuxième point d’interrogation concernant Mathis, c’est-à-dire son absence d’ombre face au soleil couchant. Elle ne peut l’imaginer, même si l’absence d’ombre ne se remarque que très peu et nécessite une attention qui n’est pas donnée à tous.

Dans l’après-midi, elle prend patience dans la queue habituelle à l’entrée de Beaubourg avant de pénétrer dans le hall immense et de monter à l’étage. Elle se livre d’abord à une fouille exhaustive des livres traitant de la lumière et de l’ombre, en fait une liste, va chercher les livres qu’elle a choisis et s’installe à une table à moitié vide. Au travail !

Elle commence par feuilleter les quelques livres de physique qui traitent de la longueur de l’ombre par rapport à la hauteur du soleil, de la possibilité d’avoir plusieurs ombres, bref de tous les phénomènes liés à l’interposition d’un écran devant n’importe quelle lumière émise. La lecture des articles du dictionnaire traitant des ombres ne lui apprend rien non plus. Se tournant alors vers des articles moins scientifiques, elle trouve le terme de personne transfigurée dans le livre de Louis Pauwels intitulé Monsieur Gurdgieff. Elle relie plusieurs fois la phrase clé : « J’approchais de cet état de conscience où mon être ses saisissait lui-même dans sa réalité absolue. Il naissait à lui-même au centre de ma propre personne transfigurée et dont tous les éléments, une seconde stoppés, devenaient pareils à ceux d’un temple. Des plus gros piliers à la moindre fioriture baroque, tout est unifié, tout s’ordonne en fonction du même service. Alors tout objet auquel s’affronte ma conscience, que ce soit une chose, un être ou une idée, est vu dans sa plénitude, existe objectivement, et connu de manière absolue et ineffable. » Elle semble tenir quelque chose d’intéressant. Cela évoque, comme le dit Louis Pauwels, l’homme dans son être entier avec un état de conscience plus ou moins surnaturel. Mais cela explique cependant qu’on ne parvient à cet état qu’en un millième de seconde qui devient l’instant de la seule vie véritable et la promesse de l’éternité. Soit, mais que faire de cette indication ?

L’absence d’ombre pourrait ainsi être liée à un état psychologique. N’est-ce pas ce que nous avons conclu du phénomène de lévitation ? Cela semble assez logique. Il faut fouiller plus avant. Recherchant à nouveau sur l’ordinateur, elle trouve un texte franc-maçon[1] qui évoque le combat de l’ombre et de la lumière. Avant même d’ouvrir le texte lui vient l’idée que l’ombre est inséparable de la lumière. Même lorsque le soleil n’apparaît pas dans le ciel, c’est qu’il y a un obstacle qui le voile, les nuages créent l’ombre sur toute la terre. La lumière est à l’origine de tout, l’ombre n’existe que dans la création. Dès la première page, elle peut lire : « L’ombre est la preuve de l’existence d’une lumière qui préexiste comme l’écho invisible d’une spiritualité dynamique, mais que notre rationalité portée aux évidences ne peut visualiser dans l’instant présent. » Mais elle ne souscrit pas à l’idée que c’est du cœur de l’obscurité que nous voyons naître la lumière qui ne prend tout son éclat qu’en faisant reculer les ténèbres, ni au fait que celui qui sait découvrir la lumière dans la profondeur des ténèbres sera aussi capable de trouver la voie de l’univers et de son « Moi » intérieur. Elle conçoit plus cette démarche comme un allégement de tout ce qui encombre l’esprit que comme une plongée dans les ténèbres. Cette lecture la perturbe, elle ne voit pas bien ce qu’elle peut en tirer. Il y a sans doute une part de vérité dans ce texte, mais plonger dans l’obscurité pour trouver la lumière lui semble inapproprié.  Elle ferme le document et s’interroge : « Finalement, qu’ai-je appris ? L’ombre est le résultat d’un voile mis devant la lumière. Ce voile est la création. Le non-créé ou l’incréé est sans ombre. Peut-on passer du créé à l’incréé en s’affranchissant du mouvement, c’est-à-dire de tout ce qui tient grâce à l’équilibre impalpable de la gravité ? Et l’on revient à la lévitation par cet affranchissement de la gravité. Les deux sont donc très probablement liées : l’absence d’ombre et l’émancipation de l’attraction terrestre ». 

 

[1] http://www.ledifice.net/7292-5.html

04/09/2017

Orateur

 

L’araignée tisse sa trame de prudence.

Elle travaille avec un filet,

Archaïsme des jeux du cirque.

Ainsi l’orateur de ces notes,

Filet de l’émotion.

 

03/09/2017

Le planétarium, de Nathalie Sarraute

Le planétarium, c’est cette immense grotte de la conscience où les mots des autres viennent raisonner avec une force incroyable, ébranlant la juste répartition des astres, l’équilibre méticuleusement échafaudé des orbites qui oblige à bien des concessions, à beaucoup de revirements. En avançant dans ces pages pleines d’ombres contradictoires, on découvre que c’est dans la nature même du planétarium d’être aussi fluctuant, aussi soumis à n’importe quel événement, à un mot, à un geste, un regard qui bouleverse entièrement l’équilibre qui venait à peine d’être rétabli.

Nathalie Sarraute, dans cette histoire qui n’en est pas une, dans cet épisode de la vie d’un jeune couple mi- bourgeois, mi- intellectuel et de ceux qui l’entourent (des parents snobs, une tante maniaque, un écrivain qui n’est qu’une femme comme les autres, mais dont la notoriété leur fait peur) n’a pas cherché à décrire directement un certain milieu, une certaine manière de vivre, mais plutôt la manière d’être intime de chaque personnage et, en particulier, sa manière d’être en face d’un autre. Elle traite de cet affrontement perpétuel dans la rencontre de deux êtres, des pensées brèves provoquées par cette rencontre et de leur camouflage en paroles, adoucies, amadouées, domptées, convenables et raisonnables.

L’analyse et excellente, mais l’homme ne serait-il qu’un spéculateur perpétuel dans ces rapports avec autrui ? Pas une ombre de spontanéité, et c’est pourtant elle seule qui fait le plaisir des rapports humains.

02/09/2017

Souvenir de l'île de Ré

Une aquarelle faite un jour de pluie, comme aujourd'hui.

 

1-Hublot4.jpg

Mais là-bas, on sait qu'il fera beau très vite, peu après...

 

01/09/2017

L'homme sans ombre (16)

– Mais as-tu trouvé quelque chose ?

– Oui, et non. Ma connaissance s’est largement approfondie. J’ai pratiqué la méditation, différents yogas, le tout dans une fièvre sans pareil, en permanente recherche. Cependant, je n’ai pas trouvé grand-chose concernant la lévitation. J’ai dû m’en rapporter à l’expérimentation, donc aux tentatives, erreurs, découragement. Elle a porté sur le physique avec la décontraction, la respiration, les postures ; le physiologique avec le jeune, la relaxation et la concentration sur une partie du corps ; mais aussi sur la psychologique et principalement la méditation.      

– Et alors ?

– Tout ceci m’a fait considérablement progresser. Tu admirais mon impassibilité. Elle n’était pas naturelle chez moi et fut acquise grâce au yoga. Mais je n’ai pas avancé en ce qui concerne la lévitation. En fait, celle-ci n’a pas grand-chose à voir avec le yoga. C’est une autre discipline et, peut-être même, n’est-ce pas une discipline. C’est un don qui est donné et il convient de n’en tirer aucune gloire, ni même d’en parler. Sinon, s’efface sa pratique. De même, il convient de ne pas le théoriser, les effets sont les mêmes. L’innocence, le non-cumul d’expérience et la non-conscience en sont les éléments les plus solides. C’est pourquoi je ne peux t’en dire plus, et j’ai déjà trop parlé et divulgué.

– Je t’avoue que j’en reste ébahie. Même si j’avais soupçonné une formidable force de caractère en toi, je n’aurais jamais pensé à tout ce dont tu viens de dire.

– Eh bien, cessons d’en parler, ce sera beaucoup mieux pour nous deux. Peux-tu me promettre de ne plus en parler ?

– Ce sera dur, même au-dessus de mes forces. Je veux bien te promettre d’essayer, mais ne peux te jurer d’y arriver.

– C’est déjà pas mal, lui dit Mathis en la prenant par la taille et en l’attirant à lui pour déposer un baiser dans son cou.

 

– Alors, que t’a-t-il dit ? questionne Lauranne dès qu’elles se revoient.

– Rien. Il n’avait rien à dire. Il ne savait même pas de quoi je voulais parler.

– Mais ce n’est pas possible ! Tu lui as présenté la chose carrément ?

– Oui, bien sûr ! Sans toutefois lui dire ce que l’on avait vu, à savoir qu’il se détachait l’autre jour du sol sans que l’on puisse expliquer pourquoi.

– Veux-tu que je lui en parle moi-même.

– Non, surtout pas ! C’est une affaire que je dois régler toute seule.

Noémie ne sait comment expliquer à son amie qu’elle a juré de ne pas en parler. Ce serait comme déjà dévoiler quelque chose et elle ne le veut pas. Elle avait hésité, Lauranne est sa meilleure amie. Elles s’entendent bien, se disent à peu près tout, mais son serment la lie au silence. Lauranne sent bien que ce n’est pas l’entière vérité. Mais elle n’ose rien dire, rien objecter. Elle a peur de perdre son amie. Elles se regardent les yeux dans les yeux ; Lauranne voit le désarroi dans ceux de Noémie, Noémie voit la gêne dans ceux Lauranne. Mais aucun des deux ne réagit. Elles sentent d’instinct qu’elles ne doivent pas dépasser cette ligne rouge. Mieux vaut accepter le doute que d’oser une rupture. Alors elles font comme si de rien n’était et se disent au revoir en s’embrassant comme d’habitude. Pourtant quelque chose s’est cassée entre les deux amies.