20/09/2017
Peinture et temps (2)
Dans la peinture, la recherche de l’énergie spirituelle passe par la transparence. Étaler des couleurs ne signifie pas être artiste. Engluées, les impressions sont noyées dans la masse dans laisser sortir l’étincelle de la réalité des choses. L’apparence est opaque, c’est un voile de matière dont il faut se dégager. Derrière se cache la réalité supérieure englobant la matière et l’esprit. La matière est alors plus libre, plus mouvante, gérée par de nouvelles lois où la pesanteur n’a rien à voir, elle possède alors une énergie intérieure. C’est le rôle de l’artiste de créer cette énergie à partir de sa matière, tout comme le scientifique crée l’énergie à partir de l’atome.
Accéder à la réalité des choses, c’est dévoiler l’apparence de la matière, découvrir la transparence de l’objet quotidien, de l’événement de tous les jours. Cette réalité de la matière est cachée par l’opacité que lui donne notre regard habitué à la masse des objets. Notre pouvoir de préhension a éduqué le regard et par là même l’esprit. L’œil ne sait plus percer comme le doigt dans un liquide la surface de l’objet. Il faut repartir de l’idée que le solide n’est solide qu’au toucher, mais peut devenir liquide à l’esprit. Alors la forme perd de son apparence, de sa masse, s’affaisse, se défait, se dilue dans l’espace et découvre sa vraie réalité. Le peintre doit traduire la forme par l’idée de la forme.
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19/09/2017
Peinture et temps (1)
« Le temps d’exécution d’un tableau peut intervenir dans la nature même de la forme. L’exemple topique de ce fait est l’œuvre de Nicolas de Staël dans les tableaux qu’il exécuta entre 1946 et 1947. Suivant la manière dont il pose la couleur, il peut accélérer ou ralentir la forme (le passage du pinceau laisse une trace visible dans l’épaisse couche de matière). Cette tension intérieure qu’il confère à sa composition n’est autre que le temps devenu espace sur la surface de la toile. Il s’agit alors de rechercher un accord possible entre les différentes tensions (on pourrait dire vitesse et même énergie) : les formes lentes qu’il réserve aux parties de la composition conçues en retrait, recouverte d’une surface lisse qui les rend presqu’immobiles en comparaison des autres formes. Celles-ci, souvent effilées, traversent le tableau en tous sens, chacun obéissant au rythme que la main du peintre et le pinceau ont imprimé dans la matière même de la couleur »[1]
On ne peut dire bien sûr que le temps a été fixé sur la toile, mais on a accumulé sur celle-ci une certaine énergie qui est l’expression inconsciente du temps. Peut-être l’esprit sera-t-il capable un jour de fixer, de désolidariser les quatre dimensions du temps ; passé, présent, futur et être (l’existence est fonction de cette énergie elle-même issue de l’énergie divine).
[1] Dora Vallier, L’art abstrait, 1967.
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22/08/2014
Dilution
Les formes et... L'espace, immense, vide, dans lequel les formes prennent leur place. Elles cherchent un moment, puis s'installent l'une à droite, en haut, l'autre à gauche et les autres ailleurs, chacune reconnaissant sa place par sa sensibilité à fleur de peau. Et le tout organisé, danse dans la tête pour chanter l'ordre des choses. Là et nulle part ailleurs !
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21/08/2014
Constantin Brancusi ou l'amour de la forme
Brancusi est avant tout un sculpteur qui exprime l’espace et la forme. Théosophe, il s’intéresse à la pureté de la ligne. Il épure au maximum ses sculptures, jusqu’à leur donner des formes extrêmement géométriques. Mais l’on devine toujours derrière cette apparence volontairement simpliste un travail de reconstruction de la forme et de l’espace qui l’environne et lui donne corps.
Mademoiselle Pogany (1913) est une de ses plus belles sculptures, d’une pureté de lignes et de volumes incomparables. Elle rappelle l’art japonais et personnifie bien la relation du sculpteur avec la matière : perfection et mysticisme. La perfection de la forme, la mystique de la représentation. Mademoiselle Pogany est le principe même de la féminité : une main et un avant-bras soutient la tête dont les yeux sont clos. Au premier abord, elle n’a rien de féminin, mais, si l’on poursuit sa quête, cet œuf aux yeux globuleux représente l’essence de la sensibilité féminine. Le sculpteur dira à son modèle : « Il me suffit de vous regarder vivre pour m’en souvenir. Baisser vos paupières, laissez-les se reposer sur vos yeux fermés. C’est assez pour m’inspirer ».
Une deuxième sculpture retient l’attention. La Muse endormie (1910) transcende l’ovale et lui donne toute sa majesté. Un visage en naît, mais uniquement le principe même du visage et non sa représentation et cela renforce la douceur des traits. Un visage qui naît ou qui meurt, c’est beaucoup plus qu’une tête expressive de sensations et de sentiments humains. C’est la matrice de l’humain, une perle tombée du ciel.
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07/07/2014
La création dans l'art moderne
Dans son livre « Théorie de l’art moderne » (Editions Gontier, genève, 1968), Paul Klee tente de résumer les données qui différencient la réalité d’un tableau. Il considère qu’il y a trois dimensions spécifiques : la ligne, la tonalité et la couleur. La ligne exprime la mesure du tableau. Ses modalités dépendent de segments, d’angles, de longueur de rayons, de distances focales. La tonalité donne le poids ou la densité du tableau. Elle est faite de contrastes entre les couleurs, de mouvement entre le clair et l’obscur et inversement. La couleur concerne la qualité du tableau. En fait, la couleur contient la mesure et la densité, de même que la tonalité contient la mesure. La couleur est donc la dimension la plus achevée, mais elle n’existe que parce que les autres éléments sont là.
Cependant ces trois données ne suffisent pas à la création. Elles doivent produire des « Formes » ou des objets. Car pour Klee, il y a bien l’Acte, mais au-dessus il y a l’idée dont on doit admettre la primauté. Tout devenir repose donc sur le mouvement, c’est-à-dire la répartition dans l’espace et le temps des formes. L’œuvre d’art naît du mouvement, elle est elle-même mouvement fixé, et se perçoit dans le mouvement.
Ainsi, pour Paul Klee l’œuvre d’art se crée en trois étapes : le mouvement préalable en nous, le mouvement agissant, opérant, tourné vers l’œuvre, et enfin le passage aux autres, aux spectateurs, du mouvement consigné dans l’œuvre : pré-création, création et re-création. Et pour lui, la marche à la forme, dont l’itinéraire doit être dicté par quelque nécessité intérieure ou extérieure, prévaut sur le but terminal, sur la fin du trajet. Le cheminement détermine le caractère de l’œuvre accomplie. La formation détermine la forme et prime en conséquence sur celle-ci. Nulle part ni jamais la forme n’est résultat acquis, parachèvement, conclusion. Il faut l’envisager comme genèse, comme mouvement… Donc, songer moins à la forme (nature morte) qu’à la formation.
Et par cette sentence, on est plongé à nouveau dans le mystère de la création, cette fois-ci artistique, mais de la même veine que la création de l’univers. Quelle alchimie arrive à produire les formes et le mouvement, c’et-à-dire l’espace et le temps ? Le mystère demeure, même lorsqu’il est vécu de l’intérieur, même lorsque l’artiste s’efforce de saisir ce qui se passe en lui. Il vient un instant, l’instant de la création juste qui transforme la bouillie de magma intemporelle en produit fini, ordonné, intelligent et beau. C’est bien un mouvement, mais qui ne peut être reconstitué dans son ensemble, instant après instant, lieu après lieu. Du rien naît le tout et le tout n’est que par le rien.
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12/03/2014
Les formes
Les formes lui courraient dans la tête
Carrés noirs, ronds blancs, lignes
Points, rien… Quel mélange…
Une symphonie muette et colorée
Qui danse pour lui seul !
Dans son sommeil il les voit
Elles se dressent au pied du lit
Elles envahissent ses songes
Et ne lui accordent aucun repos…
Il les assemble au gré de la pensée
Du crayon sur le papier quadrillé
Elles se gonflent en trois dimensions
Prennent leur aise… Elles enflent…
Parfois elles détonnent… Douleur…
Comme une explosion dans la tête
Un vaisseau qui éclate…
Alors le sommeil vient
Il s’ouvre à l’esprit dérangé
Il balaye tout sur son passage
Et le vide s’installe, bienfaisant…
L’artiste flotte entre deux nuages
Eperdu de reconnaissance
Avant de retomber sur terre
Se cognant aux formes et aux couleurs…
© Loup Francart
07:53 Publié dans 42. Créations poèmes | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : poésie, écriture, poème, littérature, forme, peinture, couleurs | Imprimer