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31/05/2016

Décision

L’indécision est une faille dans le roc.
Un coin s’enfonce et ouvre les lèvres
Qui s’entrebâillent et sourient devant le troc.
Être ou ne pas être donne la fièvre.

Comment te parer des meilleurs raisonnements ?
Es-tu de conviction ou d’humeur batailleuse ?
L’opinion est plus facile que l’argument,
Mais contraint à la défense laborieuse.

Seul devant tous, tu recherches le ralliement.
Ce n’est pas l’affrontement mais la caresse
De l’amitié qui penche vers la tendresse.

Alors tu pèses dans ton cœur, habilement,
L’impact et la vigueur de ta résolution
Et jettes au caniveau ton irrésolution.

©  Loup Francart

 

 

30/05/2016

Puissance

 

La puissance tient à la symétrie
Mais le rouge crée l’anti-puissance
Les verts sont écrasés, mais est-ce si sûr ?
Laissez glisser votre regard sur la forme
Et le fond sera l’herbe odorante des jours d’été

 

1-16-05-16 Construction 1.jpg

29/05/2016

Regard

Ce matin, lors d'un regard par la fenêtre, un éblouissement... Plus rien n'existe. Seule cette trouée de lumière que vous contemplez, béat.

1-16-05-029.JPG

28/05/2016

Le nombre manquant (19)

J’avais choisi de poursuivre nos recherches avec Claire. Je commençais à apprécier cette jeune femme décidée. Elle était opiniâtre, ne craignait pas les affrontements, savait prendre des chemins détournés pour arriver à ses fins, mais restait modeste et ne se mettait pas en avant. De plus, elle était jolie lorsqu’elle s’enflammait pour son sujet, lorsqu’elle levait un doigt de certitude avec une flamme dans les yeux et qu’elle cherchait à convaincre, le corps emporté par son élan intellectuel. Elle me rappelait deux sculptures de Camille Claudel, Le Dieu envolé, un bronze datant de 1894, et L’implorante (1898, aussi dénommée La Jeunesse ou L’imploration ou La Suppliante). Elle y mettait une telle ardeur qu’on adhérait à ses idées avant même d’être de les avoir comprises.

Nous avions décidé de nous intéresser à l’antimatière, forme miroir de la matière. Elle a été découverte en 1931 par Paul Dirac qui cherchait une forme relativiste pour l'équation de Schrödinger, équation de base de la mécanique quantique. Elle s’applique autant à la physique des molécules qu’à la cosmologie à ses états premiers quand l’univers se réduisait à une particule élémentaire. Il ne s’agissait pas d’entrer dans les considérations des savants, mais de voir quelles analogies ces découvertes pouvaient contenir.

– Comment pourrais-je comprendre quelque chose à ces considérations qui dépassent même la physique et sont issues de concepts purement mathématiques ? me disait Claire.

– Ce qui nous intéresse, c’est en quoi cela pourrait changer notre approche du monde quotidien et nous dévoiler les interactions entre le monde des physiciens et le monde des philosophes, voire des mystiques, répondais-je. Il doit bien y avoir une explication permettant le passage du monde expérimental au monde spéculatif, plus flou, mais s’appuyant également sur une certaine logique.

– Mais pourquoi ce terme d’antimatière ?

– En fait les antiparticules ressemblent assez aux particules usuelles, sauf que lorsqu’une particule rencontre une antiparticule correspondante, cela provoque une réaction qui les annihile et fait apparaître d’autres particules. Ainsi, il n’y a pas seulement attirance ou aversion, mais il peut y avoir une troisième hypothèse, celle d’un changement d’état des particules par leur mise en relation. De la conjonction ou de l’opposition naît une autre chose qui est différente.

– C’est bien l’objet de nos recherches, me semble-t-il ? S’interrogea Claire.

– Oui, même si nous ne l’avions pas formulé ainsi jusqu’à présent.

– Ainsi, le zéro ne serait pas seulement un séparateur entre le positif et le négatif, mais pourrait être à l’origine d’explications différentes et pourrait donner lieu à des découvertes qu’on n’avait pas soupçonnées.

– Oui, pourquoi pas.

De manière imperceptible, Claire avait tracé une voie nouvelle dans nos recherches : y avait-il un antizéro, pendant du zéro connu et utilisé ? Ce ne pouvait être l’infini qui, en fait, n’a pas de fin et est plus un point d’interrogation qu’une réalité concrète. Je fis part de mes réflexions à la jeune femme et celle-ci s’exclama aussitôt :

– Mais alors l’antimatière du zéro, c’est Dieu !

27/05/2016

Guerre des mots

Ahiyaoua ! Ahiyaoua !
Ils se défient en onomatopées
Les unes sont connues, tellement
Qu’il est vrai, elles ne sont plus entendues
D’autres sont des inventions
Germées tout droit de l’exaltation
En réplique à une interjection

L’enfance rêve de nouveaux mots
Pour paver la marche vers la gloire
Ils sortent du chapeau envoûté
En cris d’apprenti sorcier

Hikedonk, hikedonk, le héros
Courant aux bords de l’univers
S’en est allé et s’est perdu
Dans la mer des lettres
Un plouf retentissant, mais muet
Visible à mille lieux comme un feu

Aussi le plus souvent possible
Les apocopes deviennent légions
Ils colocent dans la bizarrerie
Tels les paons en majesté
Sous la surveillance des profs

L’acronyme fait la sourde oreille
Les garçons sont sensibles à la Nasa
Les filles se voient dans une belle auto
Mais tous devant le Manneken-Pis
sont mdr quoi qu’il arrive

Quant aux sigles, réservés aux adultes
Ils commencent à fleurir à la cité U
Ils s’épanouissent dans les NTIC
Et les BD regorgent de lettres sans suite
Que l’enfant attentif et studieux
Cherche en vain dans le dictionnaire

Oui, c’est la foire du trône des mots
Une gélatine odorante aux oreilles
Que l’on brasse à pleines mains
Et que l’on s’envoie à la figure
Pour le plus grand plaisir des sourds 

©  Loup Francart

26/05/2016

Maxime

La vérité n’est pas toujours bonne à dire,

mais combien nous nous réjouissons de l'énoncer

pour le seul désir de paraître vrai.

 

25/05/2016

Haïku

"Composer des haïkus, c'est déchirer la surface du quotidien d'un coup de fouet, en faisant claquer la cravache des mots." (Alain Kervern)

 

Horizon barré
Le tonnerre gronde au loin
Un coup de poignard

 

haïku,poésie,japon,présent

 

24/05/2016

Le nombre manquant (18)

Je remplis les cases du tableau et me dit que cela représentait beaucoup de possibilités. Je séparai également les pays dominants des pays émergents en ajoutant pour ces derniers la connaissance dont ils ne disposent pas en comparaison avec les pays dominants.

Catégorie

Sous-catégorie

Motivation

But

Lieu

Petits groupes, voire  Individus

 

Argent

Domination

Connaissance

 

 

Organisations

Églises et sectes

Religion, idéologie

 

 

 

Mafias

Argent

 

 

 

Scientistes

connaissance

 

 

États

Dominants

Domination, argent

 

 

 

Pays émergents :

Brésil, Inde

pouvoir

connaissance

 

 

 

Paradis fiscaux

argent

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Le retour dans la salle de notre groupe marqua la déception de tous. Cela ne nous avançait pas à grand-chose ; Le champ de recherche était si large qu’il devenait impossible à mettre en œuvre avec nos faibles moyens.

– Alors, qu’est-ce qu’on fait maintenant ? demanda Vincent qui exprimait le scepticisme de tous.

– Eh bien, on réfléchit ! répondis-je, un peu agacé par son scepticisme permanent.

– J’ai une idée, dit Claire. Tout d’abord, nous pouvons laisser tomber la colonne but et la remplacer par indice. Avons-nous des indices qui peuvent nous faire pencher plus sur une motivation que sur une autre ? Nous pourrions même noter ces indices de 1 à 3 en termes de probabilité. Ainsi en est-il de l’argent ! Nous nous sommes un peu obnubilés sur celui-ci parce qu’il est le nerf de la guerre. Mais au stade où nous en sommes de nos recherches, est-il véritablement une motivation ? Je ne crois pas. De plus, pourquoi se manifester en remplaçant un mot par un autre. Dans ce cas, ils resteraient discrets et ne se feraient pas connaître de cette manière.

– Pour l’argent, ajouta Mathias, je ne mettrai même pas 1, disons 0,5 pour ne pas laisser tomber cette hypothèse. Tu as raison, elle est peu probable au stade où nous en sommes.

– Si nous poursuivons notre réflexion, fit remarquer Vincent, on peut raisonnablement penser qu’il en est de même pour le pouvoir. Les États ou organisations intéressés par la domination que pourrait donner une recherche comme la nôtre doivent bien rire en regardant, s’ils y ont accès, ce que nous avons produit. Allez, mettons 1 dans la colonne indice en face du pouvoir.

– en dehors des indices de probabilité de telle ou telle motivation, le changement de nom constitue également un multiplicateur de cette probabilité. Ainsi, ce changement, sans autre modification, me semble un indice plus fort dans le cas de la religion et de l’idéologie que dans le cas de la connaissance. On pourrait mettre 2 ou 2,5 pour ce cas particulier, non ?

– Je suis d’accord. Et nous avons bien avancé déjà ! constata Mathias. Avez-vous d’autres idées ou suggestions à faire.

Chacun se regarda, mais personne ne dit mot. Le brainstorming était terminé, on n'en tirerait plus rien aujourd’hui. Je retirai juste le 2,5 dans la case correspondant à la religion et l’idéologie pour inscrire 3 et mis 2 en face des cases connaissance. Tous semblèrent approuver ce petit changement, cela mettait en évidence l’indice le plus probable. Mathias s’empressa de recopier sur son ordinateur le tableau qui se présentait maintenant comme suit :

Catégorie

Sous-catégorie

Motivation

Indice

Lieu

Individuels 

Individus

 

argent

pouvoir

connaissance

 

0,5

2

 

Petits groupes

argent

pouvoir

connaissance

0,5

1

2

 

Organisations

Églises et sectes

religion, idéologie

3

 

Mafias

argent

0,5

 

Scientistes

connaissance

2

 

États

Dominants

pouvoir

argent

1

0,5

 

Pays émergents :

Brésil, Inde

pouvoir

connaissance

1

2

 

Paradis fiscaux

argent

0,5

 

– Arrêtons-nous donc là pour le brainstorming, dit Mathias, mais distribuons-nous les tâches ! Comment allez plus avant ? Je vois deux solutions. La première, c’est de recherche d’autres indices, informations, questions sur Internet en rapport avec ce qui est inscrit dans le tableau. La seconde, mais je dis tout de suite que je ne sais pas comment, serait de tendre un piège aux intrus pour en savoir plus sur leurs motivations.

– Excellente idée, m’exclamai-je, mais il faut trouver comment. De plus, cela suppose qu’ils sauront que nous connaissons leur existence. Est-ce bien le moment ?

– A mon avis, ils le savent déjà. Nous leur avons donné des signes : changement d’organisation de notre base de données, arrêt brusque d’entrée de données au changement de nom. C’est plus que suffisant me semble-t-il !

– Tout ceci ne nous dit pas quel genre de piège nous pouvons installer, ajouta Claire.

– Oui, c’est vrai. Que proposes-tu ?

– J’avoue que pour l’instant, rien. Il faut y réfléchir. Le piège doit être simple, non ambigu ; il doit permettre d’identifier clairement le ou les auteurs et, si possible, de les empêcher de refaire la même chose. Je propose que la moitié d’entre nous réfléchisse au piège à tendre et l’autre moitié continue de rechercher des éléments de réflexion sur notre sujet. Personnellement je prends la réflexion, je ne suis pas très forte en stratégie. Qu’en pensez-vous ?

Nous nous quittâmes sur ces paroles après nous être partagés les rôles et donnés rendez-vous deux jours plus tard. C’était court, mais cela nous permettrait de faire un premier point de situation.

PS. Pardonnez-moi, je n'ai pas trouvé dans le système Hautetfort comment tracer les lignes d'un tableau.

23/05/2016

L'espace, le temps et la matière

Longtemps on parla de l’espace d’un côté et du temps de l’autre. On n’y mêla jamais la matière qui semblait un concept différent. Einstein fut le premier à intégrer ces trois concepts ensemble. L’univers serait-il un tout indissociable ou un rêve qui cache une autre réalité ?

On sait depuis Einstein que la structure de l’espace-temps dépend de la répartition de la matière dans cette structure et du mouvement donné à cette matière. L’univers ne serait-il qu’une répartition de la matière dans l’espace et son mouvement qui crée le temps. L’espace n’est que par le temps, c’est-à-dire le mouvement, et le temps n’est que parce que la matière se meut dans l’espace. Espace et temps sont indissociables. Supprimons la matière, il n’y a plus d’espace et de temps. Supprimons l’espace, le temps cesse de s’écouler. Supprimons le temps, l’espace s’écroule par ce qu’il n’y a plus de mouvement.

Dans un espace-temps à l’échelle corpusculaire, c’est-à-dire dans une vision quantique, la position des électrons dans l’espace-temps est imprévisible. Ils peuvent même être détectés dans deux lieux à la fois et l’on ne peut définir précisément leur position dans le temps et l’espace. On a l’impression qu’à cette échelle l’univers se décompose et se met à danser une sarabande incompréhensible. Est-ce la limite entre le monde physique et un monde autre, celui de la pensée et/ou celui du divin ? Un monde empli d’informations qui finissent par engendrer une intention à l’origine du Big Bang. Et l’homme pourrait participer de ces deux mondes par le mystère de la pensée et sa puissance créatrice. Alors on pourrait réconcilier les deux appréhensions du monde, l’appréhension scientifique, qui base ses fondements sur le physique et l’expérience, et l’appréhension mystique dont l’objectif est la fusion en Dieu, autre sorte d’expérience, intime et pratiquement intransmissible. Derrière la seconde du Big Bang, une appréhension complètement différente de l’univers apparaît, probablement sans matière, faite d’informations circulant comme les électrons circulent dans le monde quantique jusqu’au moment où elles se condensent pour atteindre un processus de création. Alors sont engendrés ensemble la matière, le temps et l’espace qui créent l’univers que nous connaissons.

Peut-être alors peut-on s’interroger : Dieu ne serait-il qu’information ? Très certainement non, ce monde informationnel n’étant qu’un monde intermédiaire derrière lequel le concept de Dieu n’apparaît qu’en filigrane. De lui naît la pensée, mais cette pensée n’est pas le divin. Celui-ci se trouve au-delà. Ajoutons que ce monde informationnel n’a rien à voir avec ce qu’on appelle vulgairement l’information dans notre monde moderne. On peut le concevoir comme la noosphère décrite par Vladimir Vernadsky et Teilhard de Chardin : une enveloppe pensante qui crée l’unité de plus en plus consciente des âmes.

22/05/2016

silence

 

L’ombre dédoublée
Naissance du silence
Vivre malgré tout

 

1-IMG_3349 bis.JPG

 

 

21/05/2016

Le temps

Elle prit le temps d’avoir le temps
Ce ne fut pas sans peine ni courage
Elle avait tant de choses à faire, à dire
Et toujours elle n’avait pas le temps

Jamais elle n’aurait pu abandonner
Elle n’avait que deux mains et pieds
Ils étaient constamment en mouvement
Remuant jour et nuit, bien huilés

Etait-elle hagarde ou épuisée ?
Elle avait les paupières closes
Sans pleurs ni regard mêlés
Elle reposait à terre, en tas

Aurait-elle perdue la tête, cette enfant ?
Pourra-t-elle à nouveau s’adonner
A la souffrance du repos et de l’errance
Et se laisser glisser dans l’inconscience ?

Elle erre dans le désert de son esprit
N’y rencontre aucun être connu
Quelques cailloux et plantes sauvages
Pas une âme qui vive ou meurt

Dans ce refuge improvisé et stérile
Elle n’a rien à opposer au spleen
Qui l’a pris de vive force, sans un mot
Et projeté dans le vide sans parole

Ainsi elle perdit son temps
Pour prendre le temps
D’avoir le temps
Tant qu’il était encore temps

©  Loup Francart

20/05/2016

La saison des femmes

Elle est vendue et toutes se réjouissent. Elle va être mariée à un inconnu. Elle ne dit rien, a un16-05-20 La saison des femmes.jpg regard effarouché et attend. Elle est femme, c’est-à-dire soumise à sa famille. Elle se retrouve dans un nouveau foyer, entre un jeune homme, Gulab, difficile à marier parce qu’alcoolique et amateur de prostituées, et sa mère, veuve, belle et soumise aux traditions. Elle s’appelle Janaki, elle a quinze ans, elle a honte et ne peut rien faire ni dire.

C’est une description sans complaisance de la société indienne, patriarcale et  misogyne. Le film est violent, les femmes s’accommodent de ces brutalités tant bien que mal, les hommes sont odieux et la vie continue, vaille que vaille. Que faire : subir, sans mot dire. Chacun joue son rôle traditionnel : le mari, Gulab, un freluquet tout puissant à l'image des autres hommes ; la belle-mère, Rani, qui le protège et est méprisante envers sa bru ; la prostituée, Bijli, qui est détrônée par une nouvelle plus jeune ; la femme stérile, Lajjo, qui se fait faire un enfant et que son mari bat parce qu’il la disait stérile alors qu’il se savait impuissant. Seuls deux hommes mettent en évidence les changements possibles : une sorte de gourou qui montre que l’on peut s’aimer divinement et un homme moderne qui chercher à changer la société et qui doit fuir le village, laissé pour mort, battu par les autres hommes.

C’est un beau film, dur, impitoyable, tendre aussi parfois, dans lequel la prostituée à le meilleur rôle jusqu’à son déclin, la belle-mère devient mère tout à coup, la jeune femme découvre l’amitié féminine, toutes femmes qui finissent par fuir cet univers lourd de menaces et de violence masculine. Les hommes n’y ont pas le beau rôle, contrairement à ce qu’ils continuent à penser.

19/05/2016

Le nombre manquant (17)

Pendant cette discussion, Mathias avait utilisé un tableau de papier qui traînait par là. Il avait créé un tableau avec quatre lignes et plusieurs colonnes dénommées au niveau de la première ligne : catégories, sous-catégories, motivation, but, lieu, conséquences, et d’autres colonnes non encore remplies. Dans la première conne, il inscrivit individu, puis, sur la ligne du dessous, organisation et enfin État. Il inscrivit les cinq motivations dans la case de la ligne deux.

– Et maintenant, si nous passions aux organisations, et d’abord aux types d’organisation qui pourraient être intéressées par nos travaux.

– Pourquoi pas les églises ? Cela fait des siècles que l’église catholique s’intéresse aux découvertes scientifiques et surveille tout ce qui se rapporte à l’univers, à son origine et à sa fin, à l’infini et beaucoup d’autres choses encore. Mais ce n’est surement pas la seule église qui pourrait être intéressée. Le calife al-Mansour a été le premier occidental à reprendre la numération de position indienne  et à utiliser le zéro malgré les énormes résistances qu’il a rencontré. Elle s’imposa au Xe siècle, mais mit encore plusieurs siècles avant de devenir la référence. L’Islam, en ces temps curieux de retour aux rivalités moyenâgeuses, pourrait chercher à reprendre la main sur une cosmologie de plus en plus scientifique et éloignée de la métaphysique.

– Je rappelle, ajouta Claire, que ce sont les indiens au Ve siècle qui ont inventé le zéro. Pourquoi l’Inde, devenue une nation puissante malgré sa population très nombreuse et diversifiée, ne chercherait pas non plus une piste en cosmologie, à l’instar du physicien Raman.

– Si je comprends bien, remarquais-je, la plupart des religions et sagesses du monde pourraient être séduites par nos recherches, ce qui me semble normal puisque Dieu dans la plupart des religions est le créateur du monde. N’oublions pas que les églises disposent d’argent, de volonté et de moyens assez considérables.

– Passons à d’autres organisations, par exemple les sectes, incita Mathias.

– Mais c’est la même chose que les religions !

– Oui, mais elles sont plus individualistes, plus entières et plus dangereuses parce que cachées.

– Je pense malgré tout, dit Vincent, que nous pouvons les intégrer dans les églises, cela nous évitera des doublons.

– Alors passons aux mafias. Pourraient-elles être concernées et quel serait leur intérêt ? Avec elles, il n’y a qu’un seul mobile l’argent…

– et le pouvoir.

– mais seulement pour accumuler plus d’argent.

– Il y a de nombreuses organisations mafieuses dans tous les coins du monde.

– Sérieusement, croyez-vous que les gangs, mafias ou cartels puissent s’intéresser à nos recherches. Cela ne les intéressera que si nous découvrons quelque chose qui pourrait rapporter beaucoup d’argent ou leur donner le pouvoir d’en rapporter beaucoup. Ce n’est pas encore le cas, et ce ne sera très probablement jamais le cas.

– Alors, on raye les mafias ?

– Non, mais ne nous attardons pas. Gardons-les seulement en mémoire. On ne peut les écarter, mais pas non plus les prendre trop en considération pour l’instant.

– Reste alors les organisations scientifiques, remarqua Vincent.

– Pourquoi ? Les cosmologistes sont nettement en avance sur nous. Nous recherchons même ce qu’ils produisent pour enrichir nos bases de données. C’est absurde.

– Peut-être pas autant que tu le crois. N’oublie pas que faisons nos recherches dans des domaines  qui ne se côtoient pas. Toute explication théologique est rejeté par les savants, y compris celle de Teilhard de Chardin, et toute explication scientifique est mal vu des religieux et spirituels. Nous avons pris la résolution de rechercher dans toutes les disciplines, quelles qu’elles soient. Cela nous donne un avantage et un but, faire rejoindre la science et la mystique par l’expérience vécue et non la spéculation. Cela met sur le même pied l’expérience spirituelle et les expériences scientifiques. Connais-tu beaucoup de personnes qui se posent le problème de cette manière ?

– Non, je le reconnais. C’est même notre spécificité et notre passion.

– Alors pourquoi n’y aurait-il pas d'autres organismes qui se poseraient les mêmes questions et chercheraient des réponses ?

– C’est vrai, c’est possible. Cela m’étonnerait, mais c’est possible. C’est ce qu’on appelle la convergence des questions et des recherches. Plusieurs personnes se posent le même problème et, tout d’un coup, ils arrivent quasiment en même temps à des solutions. Elles peuvent d’ailleurs être différentes les unes des autres.

– D’accord. On l’inscrit !

– Reste les États, dit Vincent. J’en vois en priorité trois : les États-Unis, la Russie, la Chine ; trois États marqués par la recherche et en avance sur les autres.

– Je pense que l’on peut rajouter l’Inde et, pourquoi pas, le Brésil.

– L’Inde, oui. Le Brésil, j’y crois beaucoup moins, mais gardons-le.

– Je rajouterais également, dit Claire, quelques États disposant d’argent sale, compromis entre des individus plus ou moins organisés et un État y voyant une autre manière de gagner de l’argent ou de le blanchir.

– Bon ! conclus-je. On fait une petite pose et on voit ce que cela donne.

18/05/2016

Vacances

Les vacances de l’enfance sont douces.
Elles exhalent le foin et les marais,
Ont la nostalgie du dictionnaire Larousse
Et des petites filles courant en mollets.

Nous avons tous rêvé de ces moments lointains
Où, ensemble, attablés dans la cuisine,
Nous attendions la sortie du four de ces pains
Que nous nous disputions avec nos cousines.

Souviens-toi de ces poulets hirsutes et mi-fous,
Poursuivis de bâtons maladroits mais mortels,
Puis déposés en trophée au pied de l’autel.

Et ces orages lointains de fin du mois d’août,
Quand nous nous réfugions dans les bras des parents,
D’où nous pouvions crier « j’ai pas peur », bravement…

L’enfance est belle parce que sans soucis.
Elle a l’arrière-goût des prunes cueillies sur l’arbre,
Des baignades défendues au retour transi
Et des adieux émus au mois de septembre.

Depuis, les cousins et cousines dispersés,
Nous avons vécu notre vie vaille que vaille,
Toujours en souvenance de ces jours d’été
Où nous étions indifféremment la marmaille…

©  Loup Francart

17/05/2016

Il est sorti de presse : Le souffle des jours

C'est un souffle léger qui ne décoiffe pas, mais qui fait frissonner l'âme et donne à chaque chose sa juste pesanteur.

16-04-01 1°Couv3.jpg

 

Le temps te presse… Et tu résistes
À l’appel de la fin des temps
Le temps te presse… Ne te presse pas...

Le poète n’est pas un être à part. Modestement, il dépeint ce qu’il ressent et tente de le partager avec les autres. Cet échange établit un pont entre deux êtres au-delà du langage rationnel. La poésie, ensorceleuse et généreuse, en est le véhicule, contraignant le poète à sortir de lui-même pour découvrir la vie, l’amour, la mort. Elle dévoile l’invisible qui se cache derrière le monde visible.

 200 pages
Prix du livre avec envoi par la poste compris : 15 €
A commander directement auprès de Loup Francart sur galavent@gmail.com

Il n'est pour l'instant pas diffusé dans le commerce, car il a été publié en autoédition.

Vous y retrouverez certains poèmes publiés dans ce blog. Alors... Bonne lecture...

16/05/2016

Le salon d'art contemporain de Montrouge

C’est la 61ème exposition, mais ma première visite. Sa particularité : être ouvert aux jeunes artistes qui sont parrainés en toute liberté et indépendance par les anciens artistes. Il serait, annonce-t-il, un accélérateur de carrière grâce à ses 27 000 visiteurs. En 2016, il fait appel à l’analyse esthétique rigoureuse d’Ami Barak, organisateur de nombreuses expositions emblématiques en France et à l’étranger et catalyseur des plus actifs de la scène artistique contemporaine. Tout ceci m’ayant alléché, je me rends samedi après-midi au salon.

Le site Internet nous dit : « Le visiteur sera entraîné dans une exploration de la création émergente. Quels sont les grands thèmes abordés par les artistes aujourd'hui, leurs techniques privilégiées... une exposition chapitrée qui ne pourra laisser le visiteur insensible. »

Il est dommage que l’on n’ait pas quelques photos de ce qui est présenté au salon. On réfléchirait sans doute avant de s’y rendre. On y trouve beaucoup de choses : piquet de bois, certes peints de couleurs uniformes ; photos de poubelles, déchets, tas d’ordures, murs démolis, bref une vision de notre société tout à fait tournée vers la beauté de notre monde contemporain.

J’avoue avoir eu du mal à trouver quelques œuvres dignes de cette appellation. En voici quelques-unes :

Standard, de Yassine Boussaadoun, 2016 :

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 Une installation murale présentant un enchevêtrement de tuyaux qui amèneraient l’eau et le gaz à l’étage, à ceci près que ce trompe-l’œil est en papier et se veut un regard sur la complexité de notre société en mutation permanente. Yassine Boussaadoun utilise une méthode plus détachée pour nous projeter dans la représentation d’un système social qui marche par codes.

L’espace du manque, de Paul Vergier, 2014 :

1-IMG_3385.JPG

Cette peinture témoigne d’une vie passée, abandonnée, donnant lieu à une autre forme d’occupation. La bâche, élément plastique récurrent dans l’œuvre de Paul Vergier, soutient ici l’incertitude que dépeint le paysage. L’artiste tente de capter une forme de manque pour le rendre visible. L’antagonisme qui caractérise ce travail suggère une narration tangible qui se situerait à la périphérie de la toile.

Même si quelques œuvres présentées valent un détour, l’ensemble laisse perplexe sur ce qu’on appelle de nos jours un artiste et, de manière plus générale, l’art. L’art contemporain se complaît plus en paroles qu’en actes. Il semble que l’on prenne les visiteurs pour des gogos. Heureusement qu’il faut expliquer pour convaincre, car autrement on passerait devant les œuvres sans les voir. Certains s’y laissent prendre.

Un exemple :

art contemporain, art brut, création artistique,

Sans commentaires

(ou plutôt no comment, car l'anglais est la langue indispensable à ce genre de parodie)

15/05/2016

Printemps

 

Les bras grands ouverts
Il a vécu. Il est mort
Paix à son âme

 

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14/05/2016

Le nombre manquant (16)

– Il me semble que la première question est : qui est derrière tout cela, dis-je. Tant que nous n’aurons aucune information, nous ne pourrons rien faire et surtout pas contrer ses actions. Pour cela, il faut rechercher dans le contexte dans lequel nous sommes immergés : la fac, tout d’abord, puis les lieux où nous avons effectué des recherches, puis nos connaissances et familles. Aurions-nous laissé s’échapper quelques mots qui auraient pu déclencher des interrogations parmi nos proches dont certains ne sont pas sûrs ? Qu’en pensez-vous ?

– Cela nécessite que l’on recherche de nombreuses informations, sur Internet et ailleurs. Avons-nous le temps de le faire ?

– C’est le seul moyen. Tant que l’on ne saura pas de qui il s’agit et pourquoi, nous n’avancerons pas.

– Oui, nous sommes d’accord. Mais, et après ?

– Après nous analyserons la situation. Est-elle contrôlable ? Peut-on avoir des alliés qui pourraient nous aider ? Quelle est notre part de responsabilité dans tout cela ? Nous nous interrogerons alors pour décider si nous avons réellement une crise ou non, c’est-à-dire en quoi la situation est insatisfaisante.

– Cela ne résoudra rien.

– Certes, mais nous verrons plus clair. Nous saurons ce qui se passe et cela nous permettra, dans un deuxième temps, de comprendre ce qui se passe. Nous pourrons alors envisager vers quelle situation nous comptons aller, c’est-à-dire quelle situation future rechercher. Enfin, dans un troisième temps, nous envisagerons les stratégies possibles pour passer de cette situation présente insatisfaisante à la situation future recherchée.

– Toute cette démarche est nécessaire ? demanda Claire. Cela me semble long.

– Oui, sans doute, mais c’est le seul moyen d’avoir en main toutes les données du problème et les solutions envisageables. Savoir, puis connaître, puis anticiper, puis décider et enfin mettre en œuvre.

– Alors, mettons-nous au travail, proposa Mathias. Un peu de brainstorming nous réveillera les méninges ! Vous connaissez la règle : on ne discute pas chaque proposition, on émet des idées, puis, ensuite, on les trie rationnellement. Qui est derrière tout cela ?

– Dans tous les cas, dit Claire, on a trois catégories : un individu seul, une organisation et enfin un Etat, voire plusieurs Etats.

– Commençons par les individus seuls, dis-je.

– Eh bien, dit Mathias, il peut y avoir un plaisantin qui nous fait faire des nœuds au cerveau, un malin qui cherche à se faire connaître et qui prépare une sortie vers les médias avec un truc sensationnelle. Alors il cherche à nous piéger et il attend une information intéressante. Le mobile : la renommée.

– Il peut également y avoir, répondit Vincent, un maître-chanteur qui a flairé la bonne affaire : nous contraindre à payer pour qu’il garde secrète les informations qu’il nous a subtilisées. Le mobile : l’argent.

– Cela peut également être un individu qui s’intéresse à l’ésotérisme de manière maladive, un passionné de l’inédit. Le mobile : la passion.

– ou encore quelqu’un qui cherche à approfondir le sujet parce qu’il s’y intéresse lui-même et qu’il a trouvé là une infinité de détails et d’études qu’il ne peut trouver ailleurs. Le mobile : la connaissance.

– cela peut aussi être l’inverse. Quelqu’un qui voit qu’on est plus avancé que lui dans nos recherches et qui tient absolument à découvrir le premier ce chiffre qu’il ne sait définir. Le mobile : connaissance, renommée, voire pouvoir.

– On peut aussi penser à quelqu’un qui recherche une emprise sur les autres car sa découverte peut lui permettre d’accéder à une forme de domination. Son mobile : le pouvoir psychologique pouvant aller jusqu’au pouvoir physique.

– N’oublions pas non plus la crainte de la découverte d’une nouveauté qui modifierait nos rapports avec la vie et la mort. Le mobile : la peur.

– La folie ne semble pas être un mobile à retenir. Ce n’est le cas que pour un crime. Eliminons-la. Mais rappelons-nous que certains sont prêts à tout pour être cités dans les médias. Le mobile reste alors la renommée.

Très vite, il y eut de nombreux mobiles possibles. Claire proposa de faire une synthèse de ce que nous avions trouvé sans entrer dans les détails du pourquoi et ou du comment. Il y avait en premier lieu l’argent, puis le pouvoir, la connaissance, la renommée. L’un de nous fit remarquer que tous ces mobiles étaient négatifs, personnels, intéressés. Peut-il y avoir des mobiles désintéressés ?

– Oui, pourquoi pas ! répondit aussitôt Mathias. Imaginons quelqu’un qui en sait plus que nous et qui, au courant de notre recherche, tente de nous aider. Il pourrait prendre contact avec nous plus tard après avoir vu comment nous nous débrouillons avec l’élément qu’il nous a donné.

– Ce serait donc un mobile parfaitement altruiste, mais pourquoi ?

– Faire avancer la recherche ou faciliter la mise en place d’une nouvelle société, ou encore révéler une nouvelle forme de connaissance.

– On va se perdre dans toutes ces possibilités. Disons simplement que le mobile serait désintéressé. Est-ce possible ? Oui, je crois, même si les chances sont minces que cela existe.

13/05/2016

Délire

J’ai deux cornes, il en a trois
Qu’ai-je à faire de cet homme
Qui pirouette chaque jour
Au spectacle des éléphants

La nouvelle bohème arrive
Elle est pleine de sarcasmes
Et survole habilement les trous
Où s’épanchent les petits noirs

Partie un matin d’avril sans un fil
Elle découvrit son fils dans la rue
Pêchant une sardine aux pieds
Des touristes ébahis et gogos

Lui resta de marbre, solitaire
Pris dans la glaise chaude
Les mains ruisselantes de baisers
Et le cœur large comme un camion

Où donc courraient-ils tous deux ?
Restez avec nous pour rire encore
Des vers mirifiques mangés de papier
Qui tombent  des échafaudages

Nuit… La poubelle passe devant nous
Où va-t-elle donc, cette chérie ?
Court-elle après l’azur et la paille
Qui encombrent les pas de porte ?

Jour… L’orage est passé, vert
Comme le gnome du divan
Qui décide de rompre ses fiançailles
Et de boire la ciguë au goût de fraises

Midi… Rien ne nous oblige
A prédire la vertu et la pétulance
Court au plus profond de toi-même
Regarde l’obscure dans ton giron

Minuit… tout est là, immobile
Au sein de la ville perdue
Dans le grain de sable
Et l’immensité des tours

Le fini n’a plus la force
De saisir sa chance
L’infini est là, hirsute
Et prend la main

Le vide ne remplit pas les pleins
L’absence ne remplace pas la vie
Qui s’en va au creux de l’ignorance
Et poursuit sa quête fatale

Est-il possible qu’un plus un
Ne soit pas un résultat
Mais une question essentielle
Pour atteindre la connaissance ?

Je ne sais plus rien, ni le vent
Ni la mer, ni les verts pâturages
Mes yeux sont tombés, mûrs
A côté de mes chausses fermées

Merci mon Dieu pour cette détente
Qui ne signifie rien que la joie
De parler pour ne rien dire
Et de chanter l’ivresse du pouvoir

©  Loup Francart

12/05/2016

Paris, gare Montparnasse

Paris, gare Montparnasse ! Vous débarquez du train qui est envahi de saucissonneurs. La route est longue du lointain du quai à l’autre bout. Vous parvenez à vous frayer un chemin entre les hommes à canne, les femmes à valises et les enfants en caddie. La sortie de la gare est devenue rouge, mouvante et gueulante. Le syndicat hurle dans des mégaphones ses slogans, la foule hurle encore plus puissamment et vous tentez de vous échapper de cet enfer en fonçant tête baissée vers le feu qui laisse éternellement passer un flot continu de voitures.

 Enfin vous parvenez à franchir la rue et à vous extraire de cette glu collante et braillarde. Vous tentez de respirer un peu lorsque vous sursautez et vous bouchez les oreilles : une ambulance fonce en hurlant, anéantissant votre tranquillité. Quinze secondes d’affolement ; puis, de nouveau, le calme… Non, nouvelle voiture, cette fois-ci de policiers, toujours hurlante et vindicative. Vous heurtez avec votre valise une autre valise qui roule en sens inverse, vous regardez celle qui la tire, vous souriez, elle vous sourit, tout va bien !

Vous descendez dans la ville souterraine pour prendre une voiture métropolitaine qui vous conduira dans votre havre de paix. Bien sûr, le passage est étroit et la valise importante, ce qui vous contraint à une gymnastique complexe : faire passer celle-ci de gauche à droite, puis de droite à gauche, en la faisant passer par derrière ou par-devant. Vous tournez sur vous-même et ne savez plus où aller. Ah! Mon billet, où est-il dans tout cela ? Vous l’introduisez dans la fente, tirant votre valise, vous le reprenez et passez votre corps et une moitié de valise. La porte se referme brutalement sur l’autre moitié. Vous ne pouvez tout de même pas laisser vos impédimentas dans le tunnel de billetterie. Quelqu’un écarte les deux battants, délivrant votre valise. Il n’a pas le temps d’écouter vos remerciements ; on  est à Paris, la ville des gens pressés, des automates au bon cœur si cela ne prend pas trop de temps.

Le métro arrive. Vos voisins se précipitent avant même que les sortants aient pu s’extraire de la pression des corps entassés. Vous n’avez plus qu’à pousser, tirer votre valise, lui trouver une place sur les pieds des voyageurs, vous éponger le front, et regarder dans le vide comme savent si bien le faire les habitués. On est bien seul dans le métro, on contemple un horizon inexistant, faisant semblant de s’intéresser à un paysage imaginaire, laissant le brouhaha envahir l’esprit sans toutefois l’entendre. Plus on avance en multipliant les stations, plus votre place vitale se rétrécit. Vous arrivez à planquer vos pieds derrière la valise, là, ils ne risquent rien, Dieu soit loué ! Pour le haut, vous êtes le nez dans la chevelure d’une dame dont le parfum vous fait éternuer, les mains collées au corps sans même pouvoir vous gratter l’oreille qui vous démange, la vue obscurcie par un géant qui, à chaque ralentissement, vous transforme en sandwich. Enfin, vous arrivez à votre station. Vous sortez de l’essoreuse, heureux d’être vivant et entier. Vous montez péniblement les dernières marches, prenez l’escalier roulant en vous faisant tout petit sur la droite de façon à laisser les Parisiens travailleurs courir vers leur esclavage et vous débouchez à l’air pur (hum, pas si pur que cela !). Vous retrouvez les autobus qui sont arrêtés sur le passage clouté, les klaxons tonitruants, les vendeurs de journaux, les mendiants la main tendue, les écoliers propriétaires de la rue, les enfants en crise dans leurs poussettes.

C’est Paris, la plus belle ville du monde, si agréable qu’on y vient de partout ! Quinze jours à la campagne ont déformé vos habitudes. Il faudrait disposer de sas de compression pour être prêt à affronter ce chantier indescriptible et périlleux des rues de la capitale. Vivement la décompression dans deux semaines. Tiendrez-vous jusque-là ?

11/05/2016

Labyrinthe

 

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10/05/2016

Le nombre manquant (15)

– Il me semble que la première question est : qui est derrière tout cela, dis-je. Tant que nous n’aurons aucune information, nous ne pourrons rien faire et surtout pas contrer ses actions. Pour cela, il faut rechercher dans le contexte dans lequel nous sommes immergés : la fac, tout d’abord, puis les lieux où nous avons effectué des recherches, puis nos connaissances et familles. Aurions-nous laissé s’échapper quelques mots qui auraient pu déclencher des interrogations parmi nos proches dont certains ne sont pas sûrs ? Qu’en pensez-vous ?

– Cela nécessite que l’on recherche de nombreuses informations, sur Internet et ailleurs. Avons-nous le temps de le faire ?

– C’est le seul moyen. Tant que l’on ne saura pas de qui il s’agit et pourquoi, nous n’avancerons pas.

– Oui, nous sommes d’accord. Mais, et après ?

– Après nous analyserons la situation. Est-elle contrôlable ? Peut-on avoir des alliés qui pourraient nous aider ? Quelle est notre part de responsabilité dans tout cela ? Nous nous interrogerons alors pour décider si nous avons réellement une crise ou non, c’est-à-dire en quoi la situation est insatisfaisante.

– Cela ne résoudra rien.

– Certes, mais nous verrons plus clair. Nous saurons ce qui se passe et cela nous permettra, dans un deuxième temps, de comprendre ce qui se passe. Nous pourrons alors envisager vers quelle situation nous comptons aller, c’est-à-dire quelle situation future rechercher. Enfin, dans un troisième temps, nous envisagerons les stratégies possibles pour passer de cette situation présente insatisfaisante à la situation future recherchée.

– Toute cette démarche est nécessaire ? demanda Claire. Cela me semble long.

– Oui, sans doute, mais c’est le seul moyen d’avoir en main toutes les données du problème et les solutions envisageables. Savoir, puis connaître, puis anticiper, puis décider et enfin mettre en œuvre.

– Alors, mettons-nous au travail, proposa Mathias. Un peu de brainstorming nous réveillera les méninges ! Vous connaissez la règle : on ne discute pas chaque proposition, on émet des idées, puis, ensuite, on les trie rationnellement. Qui est derrière tout cela ?

– Dans tous les cas, dit Claire, on a trois catégories : un individu seul, une organisation et enfin un État, voire plusieurs États.

– Commençons par les individus seuls, dis-je.

– Eh bien, dit Mathias, il peut y avoir un plaisantin qui nous fait faire des nœuds au cerveau, un malin qui cherche à se faire connaître et qui prépare une sortie vers les médias avec un truc sensationnelle. Alors il cherche à nous piéger et il attend une information intéressante. Le mobile : la renommée.

– Il peut également y avoir, répondit Vincent, un maître-chanteur qui a flairé la bonne affaire : nous contraindre à payer pour qu’il garde secrète les informations qu’il nous a subtilisées. Le mobile : l’argent.

– Cela peut également être un individu qui s’intéresse à l’ésotérisme de manière maladive, un passionné de l’inédit. Le mobile : la passion.

– ou encore quelqu’un qui cherche à approfondir le sujet parce qu’il s’y intéresse lui-même et qu’il a trouvé là une infinité de détails et d’études qu’il ne peut trouver ailleurs. Le mobile : la connaissance.

– cela peut aussi être l’inverse. Quelqu’un qui voit qu’on est plus avancé que lui dans nos recherches et qui tient absolument à découvrir le premier ce chiffre qu’il ne sait définir. Le mobile : connaissance, renommée, voire pouvoir.

– On peut aussi penser à quelqu’un qui recherche une emprise sur les autres car sa découverte peut lui permettre d’accéder à une forme de domination. Son mobile : le pouvoir psychologique pouvant aller jusqu’au pouvoir physique.

– N’oublions pas non plus la crainte de la découverte d’une nouveauté qui modifierait nos rapports avec la vie et la mort. Le mobile : la peur.

– La folie ne semble pas être un mobile à retenir. Ce n’est le cas que pour un crime. Éliminons-la. Mais rappelons-nous que certains sont prêts à tout pour être cités dans les médias. Le mobile reste alors la renommée.

Très vite, il y eut de nombreux mobiles possibles. Claire proposa de faire une synthèse de ce que nous avions trouvé sans entrer dans les détails du pourquoi et ou du comment. Il y avait en premier lieu l’argent, puis le pouvoir, la connaissance, la renommée. L’un de nous fit remarquer que tous ces mobiles étaient négatifs, personnels, intéressés. Peut-il y avoir des mobiles désintéressés ?

09/05/2016

Domitille

Elle est vive comme une truite dans le ruisseau
Elle rit aux éclats ou s’affaisse en pleurant
Sa fossette vous fait du charme et vous étreint

Fraiche d’exaltation, elle vient vous embrasser
Le sourire aux lèvres et l’œil lumineux
Et sa joue fraîche rafraîchie votre inspiration

C’est Domitille, dont l’entrain vous submerge
Et dont le corps danse de mille feux endiablés
Dans un scintillement de paillettes dorées

L’ange au regard clair et joyeux, parfois buté,
Toujours prête à courir ou s’arrêter, méditative
Et vous dispenser une goutte de rosée telle une vérité

Domitille, c’est une source ardente et innocente
Qui vient poser son enfance contre votre cœur
Et vous dire son bonheur de vivre et d’aimer

©  Loup Francart

08/05/2016

Adagio du concerto pour Hautbois en Ré mineur, d’Alessandro Marcello -1684-1750)

https://www.youtube.com/watch?v=aYnU-CaH0bM

 

L’adagio (en 3 :00) est un long chant qui se déroule avec continuité, bercé par la cadence des violons. C’est un chant d’espoir devant la vie, un vol dans le vide de l’âme qui contemple, nue, la beauté d’un matin, la douceur d’un soir, le souffle chaud d’un jour d’été.

Et si vous en avez le courage, vous vous envolez par la fenêtre, abandonnant vos soucis et vos intérêts. Vous reviendrez vous poser plus tard.

 

https://www.youtube.com/watch?v=tjLoOmDddgk

 

Voici une version beaucoup plus romantique que l’interprétation précédente. Bien qu’un peu lente, elle a son charme lascif et endort l’esprit. Elle est sans doute plus intérieure et moins brillante.

Pourquoi ne pas écouter les deux, avec des sensations différentes. N’est-ce par le charme de la musique.

07/05/2016

Vieillesse

Peu de gens savent être vieux.

(La Rochefoucauld, Maximes, 423)

 

C’est une belle maxime. Mais est-elle vrai ou non ?

Considérons tout d’abord qu’une maxime n’est pas conçue pour représenter la vérité, mais pour mettre en évidence des vérités qui font mal. Donc peu importe si elle est vraie ou non : est-elle révélatrice de beaucoup d’êtres humains en mal de vivre ou… de mourir ?

Considérons également le fait que certaines personnes ne s’imaginent pas vieux. Elles trainent une jeunesse éternelle comme un poids mort et s’en porte bien, ou, au moins, mieux que ceux qui s’en vont libres comme l’air, vers les derniers instants. Ces derniers sont les plus chanceux. Ils ne se posent pas la question. Peu leur importe, cela viendra le moment venu, subitement et ils n’y prêteront qu’un intérêt curieux : qui a-t-il ensuite ? Pour les premiers, le moment viendra d’une déchéance subite qui leur fera grincer les dents. Ils n’auront pas accompli ce pourquoi ils étaient nés.

Mais, au fond, qu’appelle-t-on savoir être vieux ? Ne dit-on pas que rester jeune est avoir des projets ? Si tel est le cas, pas mal de vieux ne sont pas vieux. Il y a ceux qui ont toujours des projets en tête et qui, de plus, les réalisent. Il y a également ceux qui ne peuvent plus ou n’ont plus le courage de les réaliser. Il y a enfin ceux qui, toute leur vie, ont eu des projets, mais n’en ont jamais réalisé un seul. Ah oui, il y a quelques intermédiaires qui ont réalisé un projet et qui, épuisés, se sont arrêtés, par fatigue ou fierté.

Alors être vieux est-ce ne plus avoir de projet, sachant en toute connaissance de cause, que ce n’est plus raisonnable à leur âge ? On est alors bon pour l’hospice où la vie s’écoule sans secousse ni intérêt, sauf pour une visite où l’on se rappellera quelques épisodes de la vie passée sans pouvoir vivre un épisode présent.

Il y a de ces vieux dont la seule préoccupation est de s’inquiéter sur son voisin et même ses proches (sur et non de, car cela n’est plus de mise pour lui). Ils se focalisent sur les qualités ou les défauts des autres, plus souvent d’ailleurs sur les seconds, et ratiocinent sur ce que ceux-ci ont fait, font ou feront. Ils vivent de la vie des autres, à défaut de vivre leur vie jusqu’au bout.

Il y a également ceux qui ne se préoccupent que d’eux, c’est-à-dire de leur santé. Ils ont mal partout, sont morts tous les deux jours, mais vivent jusqu’à cent ans pour ennuyer ceux qui les entourent.

Ainsi donc, nombreux sont les vieux qui ont l’âge ou non d’être vieux ou qui l’ont même dépassé. La vieillesse n’est pas liée au temps universel et mathématique. Elle s’accommode du temps psychologique, un temps élastique possédant des nœuds et des trous que fait le récipiendaire au gré de son humeur. Viens le moment où le trou existe seul : il est passé de l’autre côté.

Alors, qu’est-ce que savoir être vieux ?

C’est voir les choses de haut, comme le gardien de phare dans la tempête. Les vagues s’écrasent à ses pieds, ébranlent le phare, mais sans l’inquiéter un instant. Il en a vu d’autres !

Mais cela suffit-il ? Sûrement pas. Ce serait l’indifférence plutôt que la vieillesse heureuse. Cette hauteur ne lui permet plus de se confondre dans l’arène. Il regarde ses actes avec recul, comme s’il disposait de jumelles à l’envers. Et il juge sans toutefois regretter. Il est trop tard. Il est présent pleinement, encore dans le futur, toujours dans le passé, mais comme enseignement du présent et de l’avenir. Le regret n’a pas lieu d’être.

Enfin, et c’est là l’essentiel, il a oublié les tracas, les querelles, les peines et les haines, il ne conserve que ces instants inoubliables d’oubli de soi, quand le cœur et le corps sont ouverts à l’infini et respirent un air céleste, enchantant ses voisins. Ces instants de pur bonheur où l’absence du moi fait du monde ce soi qu’il a cherché toute sa vie.

Alors il peut laisser la vie partir. Il lui fait un clin d’œil et se retrouve de l’autre côté sans avoir le temps de dire ouf.

06/05/2016

Le nombre manquant (14)

Sans doute, ceux qui suivent ce blog depuis un certain temps, se souviennent-ils d'un récit commencé mais jamais fini. Il s'est arrêté le 6 septembre 2015, au 13e épisode et s'appelait "Le nombre manquant". Il n'y eut pas de suite.... en attente d'inspiration, je l'avoue... J'étais à court d'idées et ne savais comment poursuivre un récit commencé sans en posséder la fin. Eh oui, il faut faire son apprentissage d'écrivain et avouer ses erreurs et insuffisances.

Le sujet me tient à cœur, mais il est difficile et me cause bien du souci. En voici la suite, qui poursuit l'aventure entre science et mystique à la recherche d'un nombre à découvrir qui n'est ni le Zéro, ni le Un, ni l'Infini et qui résume tous les nombres.

Alors, si le cœur vous en dit, poursuivons l'aventure, retrouvons les élèves du professeur Foiras et tâchons de la mener à son terme que j'ignore encore, ou presque, et dont je ne connais pas les péripéties.

 

 

Cinq jours plus tard, nous nous retrouvions chez Mathias. Un simple coup de fil nous avait prévenus. Pas de mail, pas de rencontre. Nous avions convenu d’arriver à cinq minutes d’intervalle pour ne pas donner la puce à l’oreille de nos poursuivants éventuels. Peut-être nous surveillaient-ils ?

Une fois tous réunis, Mathias prit la parole.

– Résumons-nous. Nous avions trouvé le moyen de cacher aux autres nos recherches, par pure précaution. Bien nous en a pris. Quelqu’un, au moins une personne, connait maintenant l’existence de notre base de données. On en a la preuve par le changement de nom du zéro en orez. Pourquoi ce changement de nom ? On ne le sait. Quelles sont les motivations de celui ou ceux qui l’ont fait ? Quelles sont les conséquences pour nous, pour nos recherches ? Cela va-t-il nous contraindre à abandonner ? Et derrière ces interrogations de premier degré, on peut se demander si nous sommes tous fiables. Cela pourrait-être l’un d’entre nous qui est à l’origine de cette farce. Comment en être sûr ? Deuxième question, que signifie ce mot : orez. Je pense que chacun d’entre vous avez remarqué que c’est le mot zéro écrit à l’envers. Cela a-t-il une signification ? Est-ce un message que l’on tenterait de nous faire passer. Il est tout de même bizarre qu’ayant réussi une première fois ce tour de passe-passe, l’auteur recommence de la même manière sans même se cacher. On peut croire qu’il le fait exprès. J’avoue que toutes ces questions sans réponse me laissent perplexe et vous aussi, sans doute. Va-t-on devoir abandonner nos recherches pour d’abord tenter de savoir de quoi il s’agit ?

Mathias nous regardait d’un œil inquisiteur et nous sentions une tension intérieure en chacun de nous. Nous en vînmes à nous regarder bizarrement. Heureusement, Claire intervint.

– Tout d’abord, je veux dire qui si nous poursuivons comme cela, c’est la fin de notre groupe. Nous avons réussi à créer une certaine confiance entre nous, à nous soutenir dans nos recherches, à même réfléchir ensemble, chacun apportant sa pierre ne fonction de ses compétences. Aujourd’hui notre dispositif craque. C’est une véritable crise qui détruit notre unité et nous conduit à la faillite de nos recherches. Est-ce ce que nous voulons ? Pour ma part, je prône la plus grande clairvoyance là-dessus. Ou nous restons unis, ou nous nous séparons. Peut-être est-ce ce que cherche celui ou ceux qui jouent avec nos nerfs ? Ne nous laissons pas faire. Tout d’abord, disons-nous tout ce que nous avons sur le cœur en termes d’interrogations, voire de reproches.

– Parlons-en justement, répondit Vincent. Tu es bien la première à être soupçonnable. Nous avions déjà constitué notre groupe et tu débarques comme un cheveu sur la soupe, sans que l’on sache exactement pourquoi. Certes tu nous a aidé à faire de notre SGBD une réalité, mais ne serait-ce pas ton intérêt si tu voulais te joindre à nous ?

Je me crus obligé d’intervenir :

– Quelle supposition injurieuse. Claire s’est donnée pleinement à nos recherches et nous a permis de constituer une base solide. Certes, celle-ci est à nouveau dévoilée. Mais pourquoi l’accuser d’en être la cause ? Rien ne te permet de le penser.

Mathias prit la parole. Il était jusqu’à présent resté muet.

– Si nous commençons comme cela, nous allons nous détruire nous-mêmes, sans l’aide de personne. Il nous faut des questions claires, sans rapport avec votre prénom et votre personne, puis nous pourrons commencer à tenter d’y répondre. Je vous propose en premier lieu la recherche d’une méthodologie. Comment allons-nous organiser nos interrogations, quelles questions se posent, dans quel contexte et quelles solutions sont possibles, quelles qu’elles soient ?  Bref, quelles méthode de raisonnement devons-nous employer pour faire face à nos interrogations ?

Nous étions passés près d’une autre crise, plus sévère, celle de la dissolution de notre groupe. Ces quelques paroles eurent l’effet souhaité. Vincent demanda même pardon à Claire qui lui accorda volontiers celui-ci. Chacun semblait reparti sur ses rails, regardant la même perspective, un point à horizon où se rejoignaient nos interrogations. Premier temps, construire la méthodologie nous permettant de découvrir les bonnes questions à se poser.

 

05/05/2016

Femmes

Ces êtres aux cheveux longs²
S’en vont dans les couloirs
A la recherche de l’âme sœur
Qui les contemplent, attendrie

Leurs ondulations sont l’expression
De la fatalité de leurs suggestions
Un monde de courbes doucereuses
Qui enlacent l’esprit et le déposent
Dans un berceau de roses

Alors elles ouvrent leurs mains
Et humectent leurs lèvres rouges
Encourageant la folie passagère
D’une caresse frissonnante
Qui fait tomber les apparences

Le feu brûle ces êtres
Dont les longs cheveux
T’emportent au paradis
Et te condamnent à l’oubli

 

 ² Rémy de Gourmont, « Les petits ennuis et les difficultés du démarquage », Epilogues 1895-1898.

©  Loup Francart

04/05/2016

L'infini

Le silence éternel de ces espaces infinis me terrifie. (Pascal)

 

Un simple mot, infini, qui ouvre toutes grandes les portes de l’inconnaissance. Le mot existe, mais qu’est-il, comment le définir, que représente-t-il ? C’est une énigme, un mystère même qui reste éternel, même pour ceux qui travaillent sur le concept. Ce n’est plus un nombre, car chaque nombre correspond à une suite de nombres, mais il est utilisé dans de nombreux calculs. Il est plus qu’un concept scientifique. Il a également une signification mystique et religieuse. Mais qu’englobe-t-il ?

Il est possible que je me trompe, mais je pense qu’il englobe l’ensemble du monde visible et invisible envisageable par l’homme. Il s’agit en premier lieu du monde matériel, du plus petit morceau d’atome à l’univers dans sa totalité qui est encore inconnu, mais que l’on commence à cerner puisqu’on en connait la date de naissance, 13,8 milliards d'années.

Le mathématicien Georg Cantor, créateur de la théorie des ensembles, a démontré ce qui apparaît aujourd’hui comme une évidence (hum !), à savoir que le tout est plus grand que la somme de ses parties ou encore que les nombres algébriques peuvent être numérotés, ce qui n’est pas le cas des nombres réels. Ce que montre Cantor, c’est que, une fois franchie la barrière conceptuelle qui rendait l’infini inaccessible, alors rien ne s’oppose à développer une arithmétique des nombres infinis — ou, plutôt, transfinis, c’est-à-dire au-delà du fini, ou encore ordinaux.

Mais il s’agit également de ce que Pierre Teilhard de Chardin appelait la noosphère, qui englobe la terre ou même probablement l’univers, c’est-à-dire le monde de la pensée, immatériel, mais qui existe bien sûr et ne peut être nié. C’est certes une production de notre cerveau matériel, mais elle s’est créée en cours de route du devenir de l’univers et a pris son indépendance. La noosphère serait-elle cette partie du tout qui dépasse la somme des parties ?

Autre bizarrerie. On peut concevoir l’infini de deux manières. La première le voit comme un point qui s’éloigne en permanence quand on avance vers lui. C’est le paradoxe d’Achille et de la tortue. La seconde l’imagine comme une ouverture toujours plus grande qui ne peut avoir de fin, car plus on approche, plus elle s’ouvre. On retrouve le même constat dans la noosphère et le monde conceptuel. On peut imaginer un infiniment concevable. L’aventure de la pensée ne cesse de progresser et progressera en permanence parce que ce qu’il y a à découvrir est infini. Mais il est également possible de le voir comme un infiniment inconcevable parce que les concepts ne sont que des choses finies et que ceux-ci ne sont que des constructions à partir du non fini. Plus le concevable s’enrichit, plus l’inconcevable augmente.

Enfin, la notion d’infini s’entend également de manière théologique. Tout infini n’est qu’une réalité potentielle puisque, dit Aristote, « l’infini est ce qui est tel que lorsqu’on en prend une quantité, c’est-à-dire quelque grande que soit la quantité qu’on prend, il reste toujours quelque chose à prendre ». Jean Duns Scot transforme cet axiome en énonçant que l’infini n’est pas ce qui laisse toujours quelque chose derrière, mais bien ce qui excède le fini selon toute proportion déterminée ou déterminable. Pour lui, seul Dieu est infini.

Le monde divin reste une énigme, c’est-à-dire une certitude pour les uns ou une chimère pour les autres. De nos jours, le concept d’infini ne semble pas inclure ce monde qui, pour l’instant, reste indémontrable. Mais, est-ce vrai ? Tous les mathématiciens et cosmologues qui se sont penchés sur ce problème incluent plus ou moins ouvertement la notion de Dieu comme étant le seul véritable infini. Certes, il ne s’agit plus du Dieu des religions, mais d’un au-delà de la création, existant à côté de celle-ci ou au sein de celle-ci.

Dieu… transcendant et/ou immanent… ou autre encore…

Mais peut-on parler de Dieu tel que l’imaginent les hommes ?

03/05/2016

Pour un sourire


02/05/2016

La fin de l'histoire (36 et fin)

Le président du Comité Nobel norvégien se leva brusquement et clama : « Taisez-vous Monsieur. Nous ne vous avons pas nommé pour dire des insanités et des mensonges éhontés. Nous sommes une institution séculaire et n’admettons pas cette parodie de discours. Descendez de cette tribune et sortez ! Soyez heureux encore que je ne vous fasse pas arrêter. » À ces mots, la salle s’enflamma, tous se mirent à parler en même temps, certains sifflèrent Nicéphore, mais quelques autres crièrent " Vive Nicéphore ! " Ce fut très vite une confusion totale. Une bonne partie des invités au discours de réception quittèrent la salle. Mais leur surprise fut grande lorsque, ressortant dans le hall de réception de l’hôtel de ville d’Oslo, ils découvrirent les milliers de livres sur des présentoirs et une voix off qui disait : « Servez-vous, servez-vous ! Prenez le livre de Nicéphore, lisez-le, donnez-le à vos voisins. Il explique l’esclavage dans lequel vous êtes tenu. Retournez-vous et devenez libres, ne cherchez que votre propre réalisation, libérez-vous de ce joug insupportable ! »

Au même moment dans les grandes capitales, aux endroits stratégiques des villes, d’autres organisaient la même promotion du Retournement, le livre de Nicéphore. En une heure le monde entier fut submergé, les médias ne surent plus où donner de la tête et les gens commencèrent à se rassembler dans les rues. Les assemblées de chaque pays furent convoquées, les gouvernements ne savaient que faire, la dP ne bougeait pas, terrassée par la pression publique et l’inertie des politiques.

Nicéphore s’échappa de la salle de réception, s’enfuit au loin et put passer la frontière grâce au plan préparé trois semaines auparavant. Charles le suivit quelques jours plus tard. Par chance, il passa au travers des mailles du filet de la dP qui le recherchait. Car, quelques heures à peine après ces événements, tout redevint calme. Les quelques livres qui restaient à disposition du public furent récupérés et brûlés sur place par des " Volontaires de l’Ordre Établi ". Néanmoins, une bonne partie de la population put lire l’essentiel de l’ouvrage et comprendre les manipulations imposées par la classe politique et médiatique.

Huit jours plus tard, débarquèrent à l’aéroport de Tombouctou deux hommes barbus. Ils ne portaient qu’un petit sac à dos, quasiment vide. Ils faisaient comme s’ils ne se connaissaient pas. Grâce aux faux papiers établis lorsqu’ils étaient encore bien en vue, ils passèrent la douane sans difficulté. Nicéphore chercha Mohamed et finit par le trouver sur le mur où il avait l’habitude de se tenir. "Allons-y ", lui dit-il. Mohamed alla chercher les trois dromadaires qui attendaient un peu plus loin et ils s’enfoncèrent dans le désert, vers les montagnes où aucune eau ne coule, mais où la liberté flotte dans l’air comme un parfum subtil.

Et pendant ce temps, couvait sous les crânes du monde entier un vent de tempête qui explosera quelques années plus tard, enterrant la fin de l’histoire.