Le nombre manquant (19) (28/05/2016)
J’avais choisi de poursuivre nos recherches avec Claire. Je commençais à apprécier cette jeune femme décidée. Elle était opiniâtre, ne craignait pas les affrontements, savait prendre des chemins détournés pour arriver à ses fins, mais restait modeste et ne se mettait pas en avant. De plus, elle était jolie lorsqu’elle s’enflammait pour son sujet, lorsqu’elle levait un doigt de certitude avec une flamme dans les yeux et qu’elle cherchait à convaincre, le corps emporté par son élan intellectuel. Elle me rappelait deux sculptures de Camille Claudel, Le Dieu envolé, un bronze datant de 1894, et L’implorante (1898, aussi dénommée La Jeunesse ou L’imploration ou La Suppliante). Elle y mettait une telle ardeur qu’on adhérait à ses idées avant même d’être de les avoir comprises.
Nous avions décidé de nous intéresser à l’antimatière, forme miroir de la matière. Elle a été découverte en 1931 par Paul Dirac qui cherchait une forme relativiste pour l'équation de Schrödinger, équation de base de la mécanique quantique. Elle s’applique autant à la physique des molécules qu’à la cosmologie à ses états premiers quand l’univers se réduisait à une particule élémentaire. Il ne s’agissait pas d’entrer dans les considérations des savants, mais de voir quelles analogies ces découvertes pouvaient contenir.
– Comment pourrais-je comprendre quelque chose à ces considérations qui dépassent même la physique et sont issues de concepts purement mathématiques ? me disait Claire.
– Ce qui nous intéresse, c’est en quoi cela pourrait changer notre approche du monde quotidien et nous dévoiler les interactions entre le monde des physiciens et le monde des philosophes, voire des mystiques, répondais-je. Il doit bien y avoir une explication permettant le passage du monde expérimental au monde spéculatif, plus flou, mais s’appuyant également sur une certaine logique.
– Mais pourquoi ce terme d’antimatière ?
– En fait les antiparticules ressemblent assez aux particules usuelles, sauf que lorsqu’une particule rencontre une antiparticule correspondante, cela provoque une réaction qui les annihile et fait apparaître d’autres particules. Ainsi, il n’y a pas seulement attirance ou aversion, mais il peut y avoir une troisième hypothèse, celle d’un changement d’état des particules par leur mise en relation. De la conjonction ou de l’opposition naît une autre chose qui est différente.
– C’est bien l’objet de nos recherches, me semble-t-il ? S’interrogea Claire.
– Oui, même si nous ne l’avions pas formulé ainsi jusqu’à présent.
– Ainsi, le zéro ne serait pas seulement un séparateur entre le positif et le négatif, mais pourrait être à l’origine d’explications différentes et pourrait donner lieu à des découvertes qu’on n’avait pas soupçonnées.
– Oui, pourquoi pas.
De manière imperceptible, Claire avait tracé une voie nouvelle dans nos recherches : y avait-il un antizéro, pendant du zéro connu et utilisé ? Ce ne pouvait être l’infini qui, en fait, n’a pas de fin et est plus un point d’interrogation qu’une réalité concrète. Je fis part de mes réflexions à la jeune femme et celle-ci s’exclama aussitôt :
– Mais alors l’antimatière du zéro, c’est Dieu !
07:36 | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : nombre, numérotation, langage, universalisme, ésotérisme, science, spiritualité | Imprimer