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16/05/2016

Le salon d'art contemporain de Montrouge

C’est la 61ème exposition, mais ma première visite. Sa particularité : être ouvert aux jeunes artistes qui sont parrainés en toute liberté et indépendance par les anciens artistes. Il serait, annonce-t-il, un accélérateur de carrière grâce à ses 27 000 visiteurs. En 2016, il fait appel à l’analyse esthétique rigoureuse d’Ami Barak, organisateur de nombreuses expositions emblématiques en France et à l’étranger et catalyseur des plus actifs de la scène artistique contemporaine. Tout ceci m’ayant alléché, je me rends samedi après-midi au salon.

Le site Internet nous dit : « Le visiteur sera entraîné dans une exploration de la création émergente. Quels sont les grands thèmes abordés par les artistes aujourd'hui, leurs techniques privilégiées... une exposition chapitrée qui ne pourra laisser le visiteur insensible. »

Il est dommage que l’on n’ait pas quelques photos de ce qui est présenté au salon. On réfléchirait sans doute avant de s’y rendre. On y trouve beaucoup de choses : piquet de bois, certes peints de couleurs uniformes ; photos de poubelles, déchets, tas d’ordures, murs démolis, bref une vision de notre société tout à fait tournée vers la beauté de notre monde contemporain.

J’avoue avoir eu du mal à trouver quelques œuvres dignes de cette appellation. En voici quelques-unes :

Standard, de Yassine Boussaadoun, 2016 :

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 Une installation murale présentant un enchevêtrement de tuyaux qui amèneraient l’eau et le gaz à l’étage, à ceci près que ce trompe-l’œil est en papier et se veut un regard sur la complexité de notre société en mutation permanente. Yassine Boussaadoun utilise une méthode plus détachée pour nous projeter dans la représentation d’un système social qui marche par codes.

L’espace du manque, de Paul Vergier, 2014 :

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Cette peinture témoigne d’une vie passée, abandonnée, donnant lieu à une autre forme d’occupation. La bâche, élément plastique récurrent dans l’œuvre de Paul Vergier, soutient ici l’incertitude que dépeint le paysage. L’artiste tente de capter une forme de manque pour le rendre visible. L’antagonisme qui caractérise ce travail suggère une narration tangible qui se situerait à la périphérie de la toile.

Même si quelques œuvres présentées valent un détour, l’ensemble laisse perplexe sur ce qu’on appelle de nos jours un artiste et, de manière plus générale, l’art. L’art contemporain se complaît plus en paroles qu’en actes. Il semble que l’on prenne les visiteurs pour des gogos. Heureusement qu’il faut expliquer pour convaincre, car autrement on passerait devant les œuvres sans les voir. Certains s’y laissent prendre.

Un exemple :

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Sans commentaires

(ou plutôt no comment, car l'anglais est la langue indispensable à ce genre de parodie)

23/06/2014

Exposition Raw Vision à la Halle Saint Pierre

Cette revue anglo-saxonne, Raw Vision, fondée en 1989 par John Maizels, fête cette année son 25ème anniversaire. Elle ne traite que d’art populaire contemporain : art brut, art visionnaire, Black Folk Art, Outsider Art, bâtisseurs de l’imaginaire. Vous y voyez cent exemples de la créativité du facteur Cheval ou des jardins de Tatin. C’est un foisonnement de formes et de couleurs qui donne une autre vision de l’art, complètement décalée, mais passionnante. On y trouve du meilleur au plus mauvais, tant dans les sujets que dans le style. Certains sont des peintres aguerris, d’autres sont d’horribles barbouilleurs, les troisième fabriquent des maquettes bizarres à l’imagination délirante.

Voici François Monchâtre, peintre et maquettiste : « Lorsqu’on le rencontre pour la première fois, il apparaît timide et réservé aux côtés de son exubérante épouse Danièle mais derrière ce personnage conventionnel se cache un véritable iconoclaste ennemi actif de tous les dictats.  Il saisit l’instant hilarant où le réel trébuche dans l’absurde. A défaut de le sauver, il faut changer le monde. En œuvrant contre la bêtise toujours renouvelée, François Monchâtre peintre-sculpteur s’y emploie : il nous fait partager sa vision acerbe de la société avec ses machines à broyer le vide, ses femmes aux bains dans l’œil avide de la caméra du voyeur, cette sculpture où la liberté coiffe toutes les dictatures d’un bonnet d’âne. Inexorablement avec une patience d’artiste, il rajoute quelques gouttes de liberté dans un océan de conformismes. »

Un de ses prédécesseurs, Augustin Lesage, né en 1876, se rattache au mouvement spirite. « En 1911, alors qu’il travaillait au fond de la mine, il entendit une voix qui lui disait : « Un jour, tu seras peintre. » Après avoir commencé ses premiers dessins automatiques, l’esprit lui dicte : « Aujourd’hui il n’est plus question de dessin, mais de peintures. Sois sans crainte, et suis bien nos conseils. » 

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La toile achetée est une pièce de 3 m sur 3 m en 1912 que le peintre aborde dans le coin supérieur droit, et sans aucun plan préconçu de ce qu’il adviendrait ensuite. « L’esprit m’a tenu dans ce petit carré pendant trois semaines consécutives. Je ne faisais rien et c’en était un travail… Après, tout s’est développé, le pinceau a marché de gauche à droite, il y a eu de la symétrie… »

 

 

 

Vous rencontrerez aussi Dalton Ghetti, un brésilien qui sculpte les mines de plomb des crayons. Depuis 25 ans, il exerce avec minutie sa passion. Vu la taille d’une mine de crayon en graphite, on peut dire que cet homme a une patience et une habileté impressionnante.

 (A suivre)

07/09/2012

Robert Tatin : la Frénouse (voir les 6 et 18 août)

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"Ainsi que tous les jeunes gens de mon âge je m'inquiète de la Religion, de la Mort, de la maladie, de la santé, de la guerre, de la misère... Je m'inquiète surtout du bonheur du malheur - mais considère toutes ces choses très loin - pour plus tard - pour demain ?... J'ai même besoin d'oublier toute cette agitation du monde afin de me faire, premièrement, un corps sain, un esprit clair et un Cœur Humain. J'ai même Peur de ce trop grand Idéal que d'aucune philosophie m'apporte avec l'intention de m'Eclairer. Pourtant une LUMIÈRE insolite me visite, me visite et me laisse une lueur... Véritable "Conscience" Véritable responsabilité d'où répondre... la réponse... l'écho... D'où faire ART... afin de communier avec tous les enfants du monde..."   (Robert TATIN)

 

Papin avait l’âme d’un créateur. Il aimait tout faire et n’était pas comme ces artistes qui donnent des directives à une poignée de petites mains qui sont ses exécuteurs de « chefs-d’œuvre ».

 

Il a été architecte :

Tatin architecte.jpg"Nous sommes en présence d'un module architectural imaginé en fonction de la Nature environnante, par essence non finie. Une initiative, comme celle entreprise par cet Artiste, peut entraîner une continuité architecturale. L'esprit de cet ensemble comporte d'ailleurs en lui-même un exemple à suivre quant à l'Adaptation de la Nature, apportant un élément nouveau pour les Urbanistes et les Architectes, recherchant depuis le début de ce siècle, la forme, le volume et les caractéristiques d'édifices pouvant s'allier avec l'environnement Naturel..."  (Lise TATIN)

 

 

 

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Il a été céramiste :

TATIN qui était depuis longtemps sur la piste d'un matériau nouveau est arrivé à constituer ce matériau avec de la terre mêlée de colorants qu'il "tape" sur des poteries et qu'il travaille alors comme une vraie peinture au pinceau, au couteau, au doigt. La cuisson rend la peinture inaltérable. TATIN s'enorgueillit d'être à présent, non seulement "sculpteur de terre" mais "peintre de terre". Il y a là, en effet, une vraie révolution dans la céramique.  (Pierre GUÉGUEN, 1954)

 

 

 

 Mais il a surtout été peintre :

"...Il n'y aurait qu'à regarder et à voir, si tu peux regarder et voir tes propres yeux: tu sais peindre. Il n'y a pas à savoir dessiner, tu vois bien, alors tu trouves les moyens de dessiner à ta mode. Il s'agit de trouver par toi-même tes propres signes, il s'agit encore de signifier tes propres signes, avec foi, avec violence, avec la paix, avec tendresse et autres et autres. Il s'agit de peinturer en se souvenant de la parole de Chesterson : "tout enchaînement d'idées peut conduire à l'extase, tous les chemins mènent au royaume des fées". "Le progrès en peinture n'a rien à voir avec ce que la T.S.F. appelle progrès, trop de traités de peinture tous emplis de grandes bonnes volontés se montrent trop épris d'un art X ou Y et pas assez de l'art sans adjectif sauf celui de RÉEL. Voir c'est être présent, opter c'est voir, voir serait confortable avec choisir ou opter, optimisme alors...Peut-être". (Robert TATIN)

 

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Le sculpteur :

dessin_1_encre_chine_face_valadonutrillo.jpgRobert Tatin a utilisé deux manières : la statue et le bas-relief. Il travaillait d’abord l’idée, puis la technique. L’idée, c’était sa conception du monde, des relations entre l’homme et l’univers, entre l’homme et l’image que l’homme se fait de lui-même, entre les hommes eux-mêmes et plus profondément entre l’homme et Dieu. La sculpture n’avait rien de représentative des attitudes ou expressions. Elle s’efforçait de donner sur un bloc l’essentiel de ce qu’avait été celui qui était représenté. Les bas-reliefsDragon.jpg sont encore plus symboliques, il ne représente que des idées. Ils sont l’expression de la conception du monde de Robert Tatin. Ses voyages lui ont permis de progressivement atteindre une connaissance des cultures et d’en faire une synthèse personnelle. Ses bas-reliefs en donnent des flashs. Comment définir ce personnage à cheval, à la fois chevalier, roi mage, prince hindou ou sorcier africain ? Le rêve et la réalité confondus dans des scènes multiples et oniriques.

 

 

Robert Tatin mérite notre respect. Il a vécu sa vie comme il l’entendait, se moquant des racontars et du qu’en dira-t-on. Il a bâti son jardin secret qu’il partage maintenant avec nous et cela fait du bien de savoir que des hommes vivent leur rêve dans la réalité quotidienne.

 

18/08/2012

Robert Tatin (2ème partie, voir la première le 6 août)

Entrons maintenant dans le musée.

 

Le musée vu de l'extérieur.jpg

 

Mais est-ce un musée, cette bâtisse étrange qui ne semble tenir debout que grâce aux mille sculptures qui l’ornent : colonnes de personnages, chapiteaux de bas-reliefs, langue rouge du dragon avec ses dents en étoile surmonté d’une famille pour laquelle l’enfant est le plus grand et uni les parents. Quelle profusion d’idées, de symboles, d’aspirations !

 

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La porte des géants de la peinture : Rembrandt, Van Gogh, Léonard de Vinci, Goya et Delacroix (pourquoi eux et pas Picasso, par exemple ?). Elle n’ouvre sur rien, mais elle impressionne par ses personnages hiératiques, protégés par leur femme qui semblent prier pour eux. Leurs yeux de voyants regardent l’univers, environnés des songes  en bas-relief en creux.

 

L'entré du musée, de l'intérieur.jpg

Alors on se laisse guider, absorber à l’intérieur. C’est petit, cela ne fait pas musée, mais cour intimiste pour illuminés qui méditent sur le monde et l’homme. Les portes se reflètent dans l’eau du bassin, vertes, immobiles, immortelles. On entre dans le jardin des méditations. Disons qu’il s’agit plutôt d’un jardin de la rêverie et de l’imagination. Il faut se laisser guider par les images de pierre, les volumes enchantés de personnages ubuesques. C’est une sorte de cloître : « Au nord s'élève une statue haute de 6 m 50, appelée "Notre-Dame-Tout-Le-Monde", lien entre le ciel et la terre. Son socle plonge ses racines dans l'eau du bassin source de vie »  (guide du musée)

 

La porte du soleil.jpg

 

A l’est, la "Porte du Soleil", se reflétant dans le bassin, est formée de deux statues-colonnes, qui évoquent l'union de l'homme et de la femme selon le Tao : le Yin et le Yang. « Les deux géants Yin et Yang (Féminin et Masculin) supportent le ciel où tourne la roue du destin, entre les cornes de l'Imagination et de la Raison. Yang, à droite, porte la fille du Monde sur ses genoux, tandis qu'à gauche, un garçon est assis sur ceux de Yin ». Le pilier central représente l'unité Adam-Eve, Eve-Adam. « Ici, il n'y a plus de dualisme entre la femme d'un côté, l'homme de l'autre (...) On est dans l'unité. » Sur le tympan, « le disque solaire se partage et se donne en rayons brillants et dispense son énergie de Yang pur en pleines noces de Yin-Yang. »

 

La porte de la lune.jpg

 

La « Porte de la lune » représente la Muse de l’Unité "mèrant" le Monde, qui appuie le pied droit sur le cube de la Raison et le gauche sur le croissant de l'Imagination. Assis sur les genoux de la Muse, un garçon et une fille se nourrissent aux sources de la vitalité créatrice. Robert Tatin dit : « J'essaie de retrouver les racines de la langue... Là, nous sommes dans les racines, pas dans les composantes. Les racines, c'est comme nourrir l'arbre, c'est comme nourrir l'Homme... mais les latins, à force de tirer sur la mamelle, un jour ils l'ont vidée. Alors il faudrait retrouver la Femme, il faudrait retrouver la Muse, la Mère mèrante ... ».

 

S’ouvre dans cet enchevêtrement les portes donnant accès au musée de peintures, céramiques et autres créations de Robert Tatin. Nous en parlerons une autre fois.

 

 

 

06/08/2012

Robert Tatin, le pape du paradoxe (1ère partie)

 http://www.musee-robert-tatin.fr/

 Robert Tatin, le pape du paradoxe. Oui, je pense qu’on peut le définir ainsi. Qu’est-ce qu’un paradoxe ? Un raisonnement dont la conclusion contredit les prémisses, ou qui justifie deux conclusions contradictoires, et qui est le plus souvent porteur de vérité (Encyclopédie Philosophique Universelle, PUF, Paris, 1990, p.1848). Ce n’est ni un véritable artiste, ni un véritable artisan. Il se moque des catégories et voit le monde à son image, échevelé et créatif.

Son art : nous révéler la complexité inattendue de la réalité. Il met en évidence la fonction paradoxale du sculpteur : celui-ci détache-t-il au ciseau tout ce qui ne ressemble pas à son sujet ou s’attache-t-il à faire apparaître ce qui sera son sujet ? Il ne s’agit pas de sophisme, Robert Tatin n’est pas un manipulateur, il n’a pas de raisonnement trompeur. Il raisonne comme il l’entend, que cela plaise ou non à ceux qui l’écoute et regarde ses œuvres. Sous des dehors enfantins parfois, toujours prolixes, il met en évidence la singularité du monde, à la fois palpable dans sa réalité physique et gonflé d’une vérité mystique qu’il faut toujours deviner sans jamais la trouver.

Je ne vous raconterai pas sa vie, ni toute son œuvre, considérable. Ce qui est intéressant, c’est le cadre, l’espace de sa réflexion concentrée sur son lieu de travail pendant ses vingt dernières années. L’entrée de ce lieu est la grille qui donne sur la route et que l’on n’emprunte pas, malheureusement, puisqu’il faut « passer par la caisse ». Elle ouvre sur un chemin pavée bordée de statues prolifiques. Comme l’explique le site Internet consacré au musée de Cossé-le-Viven : « Ces premiers géants de ciment coloré nous plongent dans l'aventure humaine des premiers temps de l'Histoire, avec Vercingétorix, jusqu'aux héros légendaires dépassant les limites terrestres imaginés par Jules Verne. De nombreux artistes y sont également représentés, non seulement pour leur engagement déterminant dans l'Histoire de l'art, mais également comme les représentants de l'extraordinaire génie des hommes toujours en quête d'un idéal de perfection. »

 

Ces statues représentent les différentes époques de la vie de l'artiste. Devant les statues de Jeanne d'Arc et de Vercingétorix, on entre dans l'univers d'un enfant de 10 ans qui fait connaissance avec l'histoire de France.

  Vercingétorix.jpgJeanne d'Arc.jpg

 

 

 

 

 

 

 

 

Puis, sont représentés les questionnements de l’adolescence au travers des verbes Etre et Avoir.

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Suivent alors Ste Anne et la Vierge de l'Epine, références à la mystique et à la métaphysique qui prolongent cette période de l'adolescence avec les trois interrogations : d'où venons-nous? Que faisons-nous? Où allons-nous ?

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Le regard du visiteur sur la statue suivante, le Maître Compagnon, évoque la voie empruntée par Robert Tatin : celle des constructeurs de cathédrales symbolisant l’initiation et la quête de perfection.

 

 

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C’est ensuite l’hommage au monde de l’art des XIX et XXème siècles. André Breton, Le Douanier Rousseau, Gauguin, Seurat, Auguste Rodin, Léonor Fini, Alfred Jarry, Ubu Roi, Toulouse Lautrec, Valadon-Utrillo, Pablo Picasso et Jules Verne sont autant de points de repère pour "l'oeuvrier" Robert Tatin, partagé entre les créations artistiques et artisanales.

 

 

Alors devant le visiteur ébahi, s’élève le musée, vision onirique de Robert Tain qui exprime sa compréhension paradoxale de la vie et du monde.

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 Nous en reparlerons.