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03/05/2016

Pour un sourire


23/01/2015

Timbuktu, un film d’Abderrahmane Sissako

C’est un film africain où tout se passe au ralenti. Le temps prend son temps, malgré les téléphones portables dont chacun est doté. Le réseau est fluctuant. Il couvre à certain moment et n’apporte aucune mauvaise ou bonne nouvelle à d’autres. C’est l’image d’une Afrique immémoriale qui n’a pas la même densité d’appréhension des événements. Mektoub…

Des paysages magnifiques, du sable dans lequel les pas s’enfoncent et se perdent, une vie familiale discrète, pleine de sérénité, qui, un jour, échappe à ceux qui la vivent. Le meurtre du pêcheur conduit cette famille à sa perte dans un enchaînement inéluctable où les djihadistes jouent leur rôle de censeurs moraux. Ils sont violents, mais ce sont en même temps des hommes indécis, des enfants sérieux qui obéissent à des règles qu’ils ne comprennent pas.

Le film est une succession de petites histoires dont le seul rapport entre elles est cette présence inquiétante des hommes portant une kalachnikov. Ainsi la poissonnière qui tend ses mains à la machette, ainsi la partie de foot sans ballon devant les djihadistes qui tournent en rond sur leur motos, ainsi encore le petit groupe de villageois qui chante le soir pour se distraire. Chaque conte a sa propre logique et met en évidence cette lutte entre la peur sourde que finissent par s’avouer Kidane et sa belle femme et l’indolence africaine faite d’acceptation devant la fatalité. Peu à peu on comprend où le réalisateur veut nous conduire : la fin d’une existence réglée par le soleil et la temporisation, remplacée par l’illogisme d’une idéologie religieuse qui enserre le quotidien sans cependant arriver à détruire les traditions et le bon sens des populations.

Certes, il y a des longueurs, des moments d’impatience, des instants de révolte de la part du spectateur. Mais nous n’avons pas la même appréhension de l’écoulement du temps. L’Afrique a sa logique que l’Europe ne peut comprendre.

03/11/2013

La sieste

La sieste, obligation enfantine qui, chaque jour, entraîne des protestations, légitimes ou non, de la part des enfants. Mais comment ravir à leurs parents cette heure qui leur permet d’échapper à l’esclavage de leur progéniture ? De ces heures de repos forcé pendant les vacances d’été, il ne retient que le vol des mouches dans la pièce. Non, n’allez pas croire que cette pièce était un taudis attirant les mouches et autres prédateurs de viande fraîche. Elle leur offrait un havre de paix qu’eux-mêmes n’appréciaient guère, mais qui était réel. Il faisait chaud en cette saison, lorsque le soleil tapait sur les tuiles. Ils étaient découverts, une simple chemise et un drap était leur seule protection.

Il ferme les yeux et se revoit, étendu sur un lit cage, l’esprit embrumé, dans le silence de l’après-midi qui permettait d’entendre les rares voitures prendre le tournant à angle droit au bout du pré. Les vaches se tenaient souvent sous un des seuls arbres à deux pas de leur fenêtre. On les entendait ruminer, faire mille bruits, discrets ou non, parfois même meugler pour on ne savait quelle raison. Il attendait que le sommeil, libérateur de son ennui, le prenne dans ses bras et le conduise au pays des rêves. Il rêvait de fraîcheur, d’eau claire, de forêt profonde, de cave froide, jusqu’au moment où il se réveillait transpirant de chaud, une soif inextinguible au fond de la gorge.

Mais ce dont il se souvient le mieux, souvenir corporel et vivant, c’est le bourdonnement des mouches qui avaient élu domicile dans la pièce. C’était supportable lorsqu’elles se contentaient de tourner en rond au dessus de leurs têtes avant de se poser sur le plafond, en défi à toute gravité. Mais il leur arrivait trop souvent d’explorer leurs propres personnes, en particulier leurs visages encore enfantins qui devaient être doux à leurs pattes velues. Alors ils faisaient un geste de la main vers la joue ou le nez pour l’obliger à reprendre son envol ou, simplement, ils bougeaient la tête d’un geste décidé et rapide, comme le font les bêtes qui savent déclencher des ondulations de la peau propres à décourager tout animal à ailes. Le bourdonnement reprenait jusqu’à une nouvelle escale qui pouvait parfois être une main sortie du drap ou un pied en quête de fraîcheur.

Il leur essociété,enfance,famille,mouche,petit tailleurt arrivé, sachant leurs parents au rez-de-chaussée, loin des cris extasiés des trois frères, de jouer au petit tailleur. « Sept d’un coup », était-ce possible ? Les mouches tourbillonnaient en une ronde inlassable et ne se posaient qu’épisodiquement sur eux. La malheureuse mouche qui s’y essayait, était alors prise immédiatement pour cible. Il s’agissait d’approcher la main en utilisant des stratagèmes dignes de Sun Zu, par derrière, au dessus ou sur le côté. Le plus souvent, c’était peine perdue. L’insecte disposait de ressources insoupçonnées dans l’accélération, décollant comme une balle de fusil, pour ensuite tourner en rond au dessus du bras impuissant. Parfois, une d’entre elles se laissaient sacrifier, comme un suicide volontaire, pour prolonger le jeu. Ils poussaient alors des cris aigus et faisaient un bâton sur une feuille de papier qui servait à compter les points. « J’en ai trois ! » Cela, bien sûr, donnait lieu à des disputes sans fin sur le nombre réel de victoires, chacun ajoutant un bâton supplémentaire lorsque les autres avaient le dos tourné. Aussi en étaient-ils venus à faire des tas, maigres il est vrai, de mouches tuées au champ d’honneur. Ce n’était jamais que trois ou quatre cadavres les pattes en l’air, les ailes défraîchies, qu’ils jetaient ensuite par la fenêtre avant l’arrivée de leur mère pour le réveil. En entendant ses pas, ils se précipitaient dans le lit et faisaient semblant de dormir, ouvrant un œil fatigué à son appel. Certes, le soir la fatigue se faisait plus lourde que d’habitude, mais peu importe, la guerre déclarée était un événement important de la journée à laquelle il était difficile de renoncer.

18/12/2010

Prêtresse

 

Tu es, par ta nature, vivante en toutes choses

Inscrite dans le rythme des saisons et des jours

Vibrante au regard de la vie et de la mort

Image de l’univers, attachée à son souffle

 

Tu es des éléments la terre et l’eau

Prêtresse du feu que tu entretiens

Nécessaire à la vie comme l’air

Centre de l’humain, indissociable du divin

 

Tu es l’essence des réalités ambigües

Plus élevée et, de toi-même, t'abaissant

Sainte et pécheresse, ange et démon

Vouée à l’état de ta féminité

 

Tu es l’inspiratrice et la compassion

Étrangère à l’histoire qui ne serait pas sans toi

Héroïque dans la peine de tous les jours

Modèle du repos et de l’immobilité

 

Tu es l’ordonnatrice des mystères familiaux

Régnant sur les enfants et les vieillards

Occupée sans cesse de ce lieu de l’être

Où tu est chez toi, où je ne suis que par toi

 

Tu es l’attente et la réponse

L’habitante des profondeurs

Celle qui est et qui n’apparaît pas

La souffrance, le silence et la joie

 

Tu es la plante fragile, mais éternelle

Calme et fraiche, enracinée et mortelle

Présence de l’éternité dans le temps

Immobile dans l’inévitable mouvement cosmique

 

Je suis ce que tu n’es pas, l’histoire

Attentif à l’existence dynamique des objets

Utilisateur du temps sans pouvoir en jouir

Je suis l’acte, tu es la nature