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07/03/2018

Sable

Les sables sont le plus souvent mouvants
La confiance n’est pas de mise avec eux
Qu’un papillon passe, la tempête se produit
Vous étiez au sommet et vous voici à terre

Les vents sont contraires, vous dit-on
Le Sahara apporte les fantômes d’une nuit
Une neige jaune et gluante recouvre cet été
La campagne habituée au blanc hivernal

Chaque grain de sable n’est rien
Qu’un pet dans la symphonie de l’univers
Mais quel bruit effroyable se produirait
Si venait le vent du doute irrationnel

Bâtie sur le sable, votre vie s’affole
Vous avancez un foulard sur le nez
Et même vos yeux sont fermés. Seul
Le bruit de l’innocence vous fait avancer

Et pourtant, le sable peut servir de moule
Mais il ne sert qu’une fois et meurt
C’est la beauté du provisoire et de l’unique
Où l’on se moule pour la vie, seul au monde

 Certains échouent et proclament haut et fort
Je suis sur le sable, sur un banc en pleine mer
Aucun fou ne vient les voir. Personne n’ose
Affronter l’infini des mers et du sable réunis

D’autres ont les yeux qui piquent
Le marchand de sable est toujours présent pour eux
Ils ne voient pas plus loin que le bout de leur nez
Et se contentent de leur myopie reposante

Il arrive cependant que d’autres s’élèvent
En une rage incompressible et fugace
En statue de sable érigée sur la notoriété
Qui, un jour, fondra au soleil de la vérité

Les psychologues bâtissent des jeux de sable
Où l’inconscient s’ébat lourdement dans les grains
Jusqu’au moment où jaillit la guérison
Alors le patient s’étale au soleil et pleure

Dans le sablier s’écoule votre destin…
Se perdre dans les sables
Et ne plus voir l’horizon
Est bien une souffrance humaine...

©  Loup Francart

06/03/2018

Pourquoi ne nous parle-t-on plus de l'âme ?

L’âme n’est plus un mystère. Elle n’existe plus. En avez-vous entendu parler ? Même au catéchisme, elle est ignorée le plus souvent. C’est vrai qu’il est difficile de parler de ce qui vous est le plus intime et dont on ignore tout au départ de la vie.

Mais, est-ce d’abord si sûr ? En réfléchissant les premières années de la vie sont un réservoir de l’approche de l’âme par les sensations et les quelques images qui nous restent de certains moments dont on se souvient encore, souvenirs qui viennent dont ne sait où, mais qui vous marquent au fer rouge. Puis en vieillissant, on ne perçoit plus cette aide. On se fait confiance à soi-même, c’est-à-dire à tout ce qui nous sollicite, attire nos sens et notre intelligence si peu que nous en ayons un peu (et tous nous en avons, Dieu soit loué). Il y a cependant des sursauts épisodiques qui nous ramènent à une réflexion irraisonnée. Souvenir d’adolescent : j’emmène une cousine une journée. Elle est jeune, belle, douce, amusante parfois. Nous avions déjà tenté de nous rapprocher par des contacts de mains, par des regards sensibles, par mille détails qui nous font dire qu’il faut aller plus loin dans l’aventure. J’étais heureux, comme elle je pense, de pouvoir le faire au cours de cette journée. Nous partons en voiture, parlons de choses et d’autres, chacun pensant à ce rapprochement des aimants qui s’attirent à une certaine distance. Nous étions proches de cette zone d’influence qui obligatoirement nous projette l’un vers l’autre. Après avoir laissé nos mains errer autour du changement de vitesse, elles finirent par se toucher, d’abord de manière occasionnelle, puis volontairement, jusqu’à se caresser, puis se serrer avec bonheur. Nos regards se croisent, nos yeux se disent des paroles qu’on ne peut proclamer, nous nous enflammons et nous rapprochons. Tout à coup, du fond de moi-même, au plus intime, monte cet interdit : « Non, tu ne peux trahir la confiance que t’a faite ton oncle en l’autorisant à venir avec toi. » Je doute de cette contre-pensée qui m’enlève une occasion d’expérience de la vie. Je poursuis nos serrements de mains, mais peu à peu le doute s’installe. « Tu ne peux trahir. On te regarde d’en haut et on sait ce que tu fais. » Idiot, me direz-vous ! Peut-être, mais efficace. Nous ne sommes jamais allés plus loin, un interdit était tombé venant du plus profond de moi et je n’ai pu que le suivre, finalement pour mon plus grand bien.

Mais l’âme est bien autre chose. Dans l’adolescence, elle se manifeste d’autres manières, dans ces bouffées de chaleur dont parlent les femmes et qui sont des trous d’air devant la beauté du monde et de la vie. Un souvenir : premier séjour en montagne, j’avais vingt ans. On montait en voiture sur des routes enneigées et la nuit tombait. Peu à peu, les lumières de chaque maison se sont allumées. Comme nous n’étions plus en plaine, elles s’accrochaient en hauteur, de manière féérique, comme des âmes dans le noir luisantes d’espoir. J’en ai conservé un souvenir merveilleux, comme une sortie de l’être ordinaire pour s’emplir d’évanescence. Sans doute d’ailleurs est-ce la présence des femmes qui me fit le plus prendre conscience de cette présence intime en nous qui nous dépasse et nous guide. Les femmes sont la mémoire de l’humanité pour ce qui concerne l’expérience de l’intimité personnelle. Elles ne disent rien, mais étendent leur filet de grâce sur vous et vous transforment en profondeur sans qu’on s’en rende compte, jusqu’au jour où l’on rencontre la femme. Elle devient votre modèle, vous modèle, vous projette hors de vous-même et vous fait entrer dans ce monde de l’âme où rien n’est écrit, mais où tout est légèreté palpitante qui ouvre au monde. Vous savez alors que vous avez une âme, qu’elle est plus qu’un guide ou qu’une morale. Elle est la vie même, au plus intime, plus vous-même que vous-même. Vous découvrez votre âme et vous la sentez. Elle est là, elle vous appartient et vous êtes heureux d’en posséder une.

François Cheng a écrit un livre merveilleux qui s’intitule De l’âme (Albin Michel, 2016). C’est une suite de sept lettres en réponse aux lettres d’une femme qu’il a connue autrefois quand elle était jeune et qu’elle osa, un jour dans le métro, alors qu’elle était assise en face de lui, s’assoir à son côté et lui parler de ses livres. Il lui dit : « Comment faites-vous pour assumer votre beauté ? » Et il s’interroge : « D’où vient que cette beauté soit ? » Sa réponse : « Il y a l’âme du monde qui aspire à la beauté, et il y a l’âme humaine qui y répond, par la création artistique, par la beauté intérieure propre à une âme aimante et aimantante – beauté du regard, du geste, de la donation, qui porte le beau nom de sainteté ». Vingt ans plus tard, elle lui écrit : « Je me découvre une âme. Non que j’ignorais son existence, mais je ne sentais pas sa réalité. Acceptez-vous de me parler de l’âme ? »

Lire et relire ce livre poétique et formateur à un mysticisme quotidien et naturel : la merveilleuse sensation d’avoir une âme et d’en vivre au plus intime de soi-même.

Nos contemporains balancent sans cesse entre le corps et l’esprit (ou l’intelligence ou la conscience ou le système nerveux ou… bien d’autres choses encore). C’est un équilibre instable qu’ils forment entre eux et ils sont tantôt d’un côté, tantôt de l’autre. François Cheng nous dit, comme Pascal, que l’homme est constitué de trois parties : le corps, l’esprit et l’âme. Alors vient l’équilibre et l’homme devient adulte. Il sait où il va, ce qu’il fait, même si ce qu’il fait ou ce qu’il pense va à l’encontre des pensées du moment.

Dorénavant, non seulement cultivons notre âme, mais parlons-en. Elle nous enchantera et enchantera les autres.

05/03/2018

Le nombre manquant (43)

– Au fait que désirez-vous savoir ? me demanda l’artiste.

– Eh bien, je vous avoue que cela fait maintenant deux jours que le professeur et sa secrétaire sont absents et peut-être pourriez-vous me renseigner sur leur emploi du temps ou les raisons de leur absence.

– Je vous avoue que les pensionnaires ne sont pas mieux placés pour connaître l’emploi du temps du professeur. Peut-être devriez-vous vous adresser à la secrétaire générale, elle sera plus à même de vous indiquer où se trouvent le professeur et son assistante. Je vais la prévenir de façon à ce que vous n’attendiez pas.

Je rencontrais la secrétaire générale, une femme efficace, semblait-il, mais qui ne savait rien sur l’absence du professeur et encore moins sur celle de son assistante.

– Nos responsables ont besoin de nombreux contacts extérieurs et pour cela sont très libres dans leur emploi du temps, me dit-elle.

L’heure avançait, je devais rentrer à l’hôtel pour la réunion programmée. Aussi quittais-je la villa Médicis, sans avoir pu véritablement progresser sur la disparition de Claire et du professeur.

 

– Voilà. J’ai repris le tableau que nous avions fait à Paris. Que nous apprend-il ? s’interrogea Vincent.

– Plus je réfléchis, remarqua Mathias, sur les auteurs de ces actes encore non identifiés, plus je penche vers trois catégories de personnes : en premier lieu les religions toujours poussées par la protection des dogmes et de la morale ; en second lieu, les organisations à visée dominantes stimulées par la connaissance et l’influence ; enfin, les États dont l’objectif est la conquête ou le maintien à la fois au plus haut niveau géopolitique et en même temps réservé à la caste des politiques. Il me paraît évident que la première catégorie est la plus susceptible d’avoir un rôle dans nos difficultés. Juste un mot encore. On pourrait ajouter à ces trois possibilités certains scientifiques, individuellement, dont l’objectif pourrait être la reconnaissance de la communauté savante. Il y a et il y aura toujours des savants fous !

– Gardons cette hypothèse à 3% de possibilités, mais les recherches dans ce cas seront très difficiles, voire quasiment impossibles sauf erreur de sa ou de leur part, remarqua Vincent.

– Pourquoi ? Je te fais remarquer que nous avions mis un indice de 2 pour cette catégorie de personnes.

– Oui, c’est exact. Mais autant je vois la possibilité d’une intervention de scientifiques pour connaître nos recherches, autant je ne les vois pas organisant un kidnapping ou une action de force.

– Je le concède, cet élément nouveau, une éventuelle action contre Claire ou même le professeur change la donne des possibilités.

– En fait, remarquais-je, tout ceci ne nous apprend rien de plus que ce que nous savions déjà.

04/03/2018

Vivant

 

Futilité de la bonne chair.
Quand le ventre se remplit, l’esprit se vide.
La densité du ventre est en relation avec la légèreté de l’esprit.
Certes, l’homme est plus gai,
Mais sa gaité est celle de l’homme repu et non de l’homme contenté.
Il y a une gaité du corps et une gaité de l’esprit.
La seconde est rare, mais elle a plus de prix.
Nous ne voulons pas d’hommes bons vivants,
Mais des hommes bien vivants.

 

03/03/2018

Missa sine nomine, d’Ernst Wiechert

Missa sine nomine, c’est le livre de l’amour, amour plus fort que la solitude, plus fort que le mal, plus fort que la haine.

Le baron Amédée de Liljécrona, qui ne croyait plus à rien, pour qui l’homme n’a pas de pire en18-03-03 Missa-Sine-Nomine.jpgnemi que son semblable, renaît lentement à la vie et redécouvre la pitié, la compassion et l’amour véritable. Déchiré par quatre ans dans les camps nazis, il aspire d’abord à la solitude, et fuit le commerce des hommes et même de la nature. Mais d’autres lui feront retrouver le fond de l’âme, ce lieu éclairé d’une petite flamme fragile et  vacillante, qui ne s’éteint que rarement. Le pasteur Wittkopf et le vieux cocher Christophe, gens simples et bons, sont des personnages d’autrefois, grandes figures de l’âme humaine dans ce qu’elle a de meilleur.

Cet amour que retrouve Amédée, c’est l’amour du Christ pour les hommes, un amour pur, désintéressé, fait de multiples renoncements de soi, un miracle difficile à cerner, mais d’une incroyable puissance sur les autres.

02/03/2018

Dédoublement

Il est quatre heures du matin, une heure humaine…
Je rentre en moi-même, ne sachant où je vais…
Soudain, un bouton déclenche le dédoublement
Comme si l’aile d’un oiseau l’avait enfoncé…
La vue se dédouble, comme une brisure
Je louche dans mon être et me sens bien
Je prends de la distance et me regarde
Je sens la fragilité de mon enveloppe corporelle
Comme une membrane déchirable
Qu’il faut protéger des meurtrissures…
La rendre transparente est mon premier devoir…
Je reviens à moi en suspension interne
Au lieu où rien ne peut m’atteindre
Là où se creuse le dédoublement
Et où se bâtit la réunion des contraires…
Descente en soi-même et montée hors de soi
D’un même mouvement instantané…
L’autre, l’ancien, reste à sa place
Ou plutôt s’efface dans le brouhaha
Des tableaux temporels quotidiens…
Je deviens ballon d’air chaud, libre
Tranquillisé, l’œil ouvert, le cerveau vide…
Plus de pensée, plus d’être non plus ?
Non, j’ai simplement changé de véhicule
Montée en flèche dans le noir protecteur
J’erre dans la mousse vaporeuse
D’une réalité nouvelle, enveloppante
Sur un nuage de brume chaude
Où le cœur fond et le corps repose
Ah ! Se tenir là toujours et...
S’ouvrir à la réunification…

©  Loup Francart

01/03/2018

Le nombre manquant (42)

Je souhaitais revoir les artistes avec lesquels nous avions conversé lors de notre visite à la villa Médicis. Vous vous souvenez que j’avais pris le rôle de directeur d’une agence de communication pour nous introduire auprès des artistes résidents. Cela restait une bonne introduction pour aller prendre le pouls. Je pris le temps tout d’abord pour me promener dans les jardins, puis pour admirer la vue sur Rome et enfin pour visiter ce magnifique palais qui est bien plus qu’une simple villa. Je me laissais aller à regarder les pièces d’exposition et les tableaux qui ornaient les murs et  me présentais vers seize heures à l’académie. Rappelant mon rôle, je demandais à voir le jeune artiste qui travaillait sur les chiffres en verre. Après quelques minutes d’attente, je fus introduit dans son atelier.

– Je me souviens très bien de vous, me dit Pierre Englebert, et du jour auquel nous nous sommes vus. C’était il y a peu quand le professeur vous faisait visiter les logements de quelques pensionnaires et leurs travaux. Plus particulièrement de votre tête lorsque le professeur se fâcha à propos du nombre qui devait achever  le lustre en verre que j’étais en train de faire.

– Cela s’est donc tant vu ?

– Oui, nous nous sommes habitués à de telles sorties. Mais vous, quelle tête !

– J’avoue avoir été un peu surpris, sinon décontenancé.

– Oui, le professeur est parfois abrupt, décalé et surprend les visiteurs par des remarques originales traitant tantôt de cosmologie, tantôt de philosophie et tantôt de religion et même de mystique. C’est un être assez étonnant qui ne s’arrête pas à ce qu’il connaît et qui tente d’élargir en permanence sa vision du monde sur des sujets à l’extrême pointe de la recherche. C’est pour cela que les pensionnaires l’apprécient malgré ses sorties parfois scabreuses.

– À ce propos, savez-vous pourquoi celui-ci vous a dit « Non, pas zéro, orez ! » Est-ce habituel chez lui ou cette injonction est-elle nouvelle ?

– Vous devez vous souvenir qu’il l’a en partie explicité. Mais je ne l’avais jamais auparavant entendu dire quelque chose de cet ordre. Cela doit dater de trois à six mois au plus.

– Cet orez dont il parle a à voir avec l’infini, mais j’avoue que pour l’instant, je ne vois pas.

– Il parle assez souvent d’infini potentiel ou en puissance et d’infini en acte. Je concède que je ne suis pas capable de bien distinguer les deux notions. Il a repris une fois la définition d’Aristote, « l’infini est ce qui est tel que lorsqu’on en prend une quantité, c’est-à-dire quelque grande que soit la quantité qu’on prend, il reste toujours quelque chose à prendre »[1]. Je pense que c’est ce qu’il appelle l’infini en puissance : il est toujours possible de l’augmenter dès l’instant où l’on découvre quelque chose de plus.

– C’est sans doute ainsi, tentais-je d’expliquer, que Jean Duns Scot prétend que l’infini n’est pas ce qui laisse toujours quelque chose derrière, mais bien ce qui excède le fini selon toute proportion déterminée ou déterminable[2]. Mais ce qui me semble le plus intéressant chez Scot, c’est la transposition qu’il fait de la physique à la métaphysique. Il parle d’ « être infini actuel, indépassable en entité », qui serait « véritablement un tout, et un tout parfait ».

Mon interlocuteur resta coi. Il semblait avoir du mal à me suivre. Peut-être me trompais-je et le professeur n’avait jamais parlé de ces comparaisons possibles entre le monde physique et le monde spirituel.

 

[1] Aristote, Physique, III, 6, 206 b 32-207 a 15[207 a 7-8], dans Sondag 2005, p.119 

[2] Quolibet V (Olms, p. 118) dans Sondag, Duns Scot : la métaphysique de la singularité, p. 107        

28/02/2018

Lumière

 

L’œil qui ne s’est pas ouvert
Voit la lumière divine comme obscurité.
Ce voile noir qui la cache
N’est rien d’autre que le moi.

 

27/02/2018

Ta vie, ma fille

Ne te fais pas prendre ta vie, ma fille
Ne te laisse pas enjôler par les courants d’air
Par un regard subtil ou l’attrait du rêve
Traverse au large sur le trait pâle et vertueux
De l’insensible qui court en flèche, éperdu
D’étirement et d’enroulement sur lui-même

Seules celles éprouvant le feu intérieur
Qui entraîne l’être au-delà du néant
Et qui donne au visage l’étincelle vitale
Sont les vestales ignorées des égarés
Elles contemplent la foule immense et béate
D’un œil expert. Alors elles pleurent, en solitaires 

Poursuis encore, seule, ton chemin scabreux
Dédaigne les temples d’une douceur douteuse
Enjambe l’ombre des vertiges attirants
Et daigne offrir ton corps d’espérance
A la face lunaire des nuits sans sommeil
Qui portent en elles-mêmes leur accomplissement

Enfin, ne laisse pas disperser par les chants
De ceux qui n’ont que leur solitude à mettre
Aux côtés du chœur envié des déracinés
Pleine de toi-même et de désir de vivre
Ouvre-toi à ce long chemin dépouillé
Qui part devant toi jusqu’à la ligne

L’étincelle de ta rencontre avec la droiture
Qui se courbe dans l’espace vivifiant
Et qui se déroule dans le temps des amours
Te procurera l’apaisante délivrance
Tu te retourneras et admireras cette tangente
Qui te mène à toi-même en pleine conscience

 ©  Loup Francart

26/02/2018

Michel Portal et Vincent Peirani au Festival Jazzdor en 2013

https://www.youtube.com/watch?v=q_coyjKDz_s

 

 

Septième édition du Festival Jazzdor Strasbourg-Berlin, direction Philippe Ochem. Michel Portal aux anches (saxophone soprano, clarinette et clarinette basse) et Vincent Peirani à l'accordéon.

La plainte de l’homme contemporain… Un marasme absolu, et pourtant, beau, entraînant. Un chant, issu de l’être profond, qui passe, qui revient et s’envole au loin. Cela crée une rêverie insolite, loin du romantisme, un bourdonnement intérieur qui contraint à poursuivre, inlassablement.

25/02/2018

Le nombre manquant (41)

– Bon, revenons à nos moutons, dit Vincent. Mais si tel était le cas que nous venons d’évoquer, il est probable que le professeur n’est pas concerné et qu’il s’est absenté pour une autre raison. Donc deux hypothèses : une agression ou un enlèvement qui d’ailleurs est qualifié d’agression par la police.

– Dans le fond, est-il possible qu’il n’y ait eu en premier lieu une agression ou un enlèvement et que celui-ci se soit transformé en accord avec Claire ou le professeur pour des raisons d’informations qu’ils jugeaient très intéressantes.

– Ce n’est pas impossible. Mais tout de même quelque peu invraisemblable. Disons une chance  sur dix.

– Bon, dis-je. Nous avons à peu près fait le tour des possibilités en ce qui concerne l’incident qui a provoqué leur disparition. Mais finalement cela ne nous avance guère. Nous n’en savons pas plus. Où peuvent-ils être ? Pourquoi si l’incident est voulu par eux ou par qui autrement ? Posons-nous donc la question des causes. Pourquoi cette absence non explicitée ?

 – Très sérieusement, je ne crois pas à un vol de valeurs. C’est donc pour des documents ou encore pour leur soutirer une information qu’ils auraient disparu. Ou également pour qu’ils donnent volontairement une information  à quelqu’un.

– Toutes ces suppositions me paraissent intéressantes. En effet que peuvent avoir à cacher Claire ou le professeur : le fruit de leurs investigations et travaux. Rien d’autre. C’est donc bien à notre recherche que l’on s’en prend et à l’avancée de nos travaux.

– Alors, qui peut chercher à percer notre secret ? Il me semble que nous avons déjà abordé cette question et que l’on a identifié des personnes ou organisations qui pourraient être intéressées.

– Oui, c’est vrai. Tu te souviens, c’était au début de notre recherche sur qui remplaçait le zéro par orez. On avait même fait un tableau. Il faut le reprendre et essayer d’aller plus loin. Nous nous sommes peut-être trompés et creuser plus avant notre analyse.

–  Ne poursuivons pas, dis-je. Attendons de disposer du tableau que Vincent va extraire de la base de données et puis nous réfléchirons à nouveau. Rendez-vous ce soir vers 19 heures pour reprendre le brainstorming. Pendant ce temps, je vais aller faire un tour à la villa Médicis. Mathias, que feras-tu ?

– Je vais faire le tour de l’actualité des chercheurs en cosmologie ainsi que celle des recherches théologiques et spirituelles.

 – Bon. Alors, à tout à l’heure !

24/02/2018

L'acquisition de la transparence

Lettre d’un maîre soufi, le sheikh Al-‘Arabï Ad-darqäwï, traduites de l’arabe par Titus Burckhardt, Archè Milano, 1978 :

« Ne se souvient pas Dieu qui ne s’oublie pas lui-même. Vous ne pouvez donc pas concevoir que c’est l’existence du monde qui nous fait oublier notre Seigneur ; ce qui nous le fait oublier, c’est l’existence de nous-mêmes, de notre égo. »

 

L’acquisition de la transparence suppose l’effacement de l’égo (du moi) qui n’est possible que par le contrôle des actes, puis de la pensée. Mais encore faut-il pouvoir distinguer le soi du moi. Le moi ne peut se contrôler lui-même. Seul la découverte du soi et l’attrait qu’il exerce sur le moi peut y arriver.

 

23/02/2018

Homme ou Dieu

 

Vivre le présent

Tirer parti du passé

Créer l’avenir

 

22/02/2018

Le sacre final

Tu vas bientôt recevoir le sacre final
Quand ? Tu ne sais…
L’attends-tu ?
Sûrement pas, bien trop occupé…
La découverte à tâtons du monde
Reste un job très prenant
Et les voies sont multiples
Aucune n’échappe à ton regard
Mais tes mains sont insuffisantes
Pour entreprendre le périple
De l’extérieur vers l’intérieur
De l’homme vers l’univers
Il est cependant probable
Que cette connaissance viendra d’elle-même
Le saut élégant du solitaire
Remplacera les multiples essais
Couronnés sans succès ni bonheur
La tête ne peut tout contenir
Ni, non plus, le corps ou le cœur
Alors attends patiemment le sacre
Cet instant indéfini et impalpable
Où tu souriras à tous et à toutes
A bientôt, direz-vous, sur l’autre face !
Là-bas, sans corps ni intellect
Avec juste ce souffle qui coule seul
Dans tes veines désormais désertées
Du sang de tes ancêtres humains
Tu contempleras ton passé
Tu t’assiéras sur ton présent
Et n’aura pour avenir
Que la beauté des poètes
Et l’amour des anges
Les yeux retournés, tu proclameras :
C’était comment le monde ?
L’univers est si vaste…

 ©  Loup Francart

21/02/2018

Le nombre manquant (40)

– oui, au lieu d’un homme à suivre, ils pourraient avoir découvert un endroit où le téléphone ne passe pas et ils ne peuvent s’en éloigner parce qu’il a trop d’importance pour eux et qu’il faut le surveiller.

– Oui, une sorte de cave ou de tunnel. Mais pourquoi ?

– il est aussi possible qu’ils ne puissent communiquer parce qu’ils risquent d’être écoutés.

– c’est aussi une possibilité effectivement. Mais cela me semble peu probable, car ils peuvent mettre le téléphone sans le son et envoyer un SMS.

– Bon, arrêtons nos spéculations sur une disparition volontaire. Il me semble qu’il serait intéressant de se poser la question d’une disparition involontaire, c’est-à-dire provoquée par quelqu’un, telle qu’un enlèvement, un accident ou autre.

– Au fait, nous n’avons pas interrogé la police. Ils se pourraient qu’ils aient été arrêtés sous un prétexte quelconque ou que quelqu’un est signalé une agression.

– C’est une hypothèse, mais tellement peu probable. Disons, moins de 3% de chance.

– Je parle italien couramment, dit le hacker Vincent. Je vais les appeler.

Il sort, cherche le numéro de la police et leur pose la question. Toutes les informations étant centralisées il devrait avoir une réponse assez vite. Trois minutes plus tard, Vincent revient et nous fait un signe de négation. Rien auprès de la police.

– Nous pouvons donc écarter l’hypothèse d’un accident ? suggéra Mathias.

– En principe oui, sauf si cet accident n’a pas été signalé ou a été camouflé.

– Dans ce cas, il s’agit très probablement d’une agression volontaire, n’est-ce pas ? Alors, passons à cette autre hypothèse, ajouta Mathias.

– C’est-à-dire ? Un enlèvement ?

– cela est possible, mais pourquoi ?

– Nous verrons le pourquoi plus tard. En dehors de l’enlèvement, il y a en effet ce qui a été évoqué tout à l’heure, une attaque pour leur voler quelque chose : argent, bijoux, biens ou même documents.

– Pourquoi pas ? Claire nous a souvent dit qu’elle accompagnait le professeur à des réunions et qu’ils emportaient toujours une serviette pleine de documents. Cela est tout à fait plausible.

– Oui, mais pas au moment du coucher. Souvenez-vous que nous n’avions rien de prévu hier soir. Je l’ai laissé devant sa porte après le diner, dis-je en me rappelant ce qui s’était passé.

– Mais peut-être quelqu’un est passé ensuite avant qu’elle ne se couche.

– C’est possible, mais dans ce cas le veilleur de nuit l’aurait vu sortir. Il m’a dit qu’il n’avait vu personne ni entrer ni sortir.

– Il s’est peut-être absenter ne serait-ce qu’un bref temps, ne serait-ce qu’une envie pressante.

– Eh bien! Nous pourrons l’interroger ce soir puisqu’il est là à partir de neuf heures.

– N’oublions pas non plus qu’on a écarté une agression puisque la police n’a eu aucun compte-rendu de ses agents sur le terrain.

20/02/2018

Musique

La musique permet d'atteindre le silence de l'âme

Mais la cacophonie nous rend sourd à jamais

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19/02/2018

Maxime

 

Faire de soi une grotte retentissant des échos de l'univers

 

17/02/2018

Corps et âme

Il y a quelques jours, il s’est dédoublé
Quel frémissement !
La tête dans les nuages
Et les chaussettes dans la boue
Entre les deux, rien… Le vide…
Il ne s’en aperçut pas immédiatement
Il vivait des jours intenses dans la clarté
Puis des nuits noires comme l’encre
Entre les deux, l’enfouissement…
Un sommeil de plomb, lourd comme l’absence…
Il fermait les yeux
Devant lesquels les étoiles dansaient
Son corps n’était plus qu’un voile transparent
Quatre poteaux de bois revêtus de plastique
Qui claquent au gré d’une brise fraîche
Et il comprit le don du corps
A la terre ferme, dans l’odeur des feuilles mortes
Toutes portes ouvertes, les narines frémissantes
Il entre dans l’univers, nu et prudent
Cette bulle d’infini qui gratte parfois
La plante des pieds ou le crâne chauve
Il baigne entre deux eaux, épanoui
Son esprit est ailleurs… Loin, très loin
Dans son autre moi, ce soi
Qui se tient coi et joue les rois…
Mais il sait que tout cela
N’est que passager
Comme la traîne d’un avion dans le ciel
Et que bientôt il faudra revenir
A plus de réalité…
Mais que doit-il abandonner ?
La tente translucide
Ou l’immatériel sans mesure
Il sait cependant que les deux ne font qu’un
Quand d’un revers  de main
Il balaye l’espace et rompt l’écoulement du temps
Cette unité finale ne dure qu’un instant
Et est le fruit de toute une vie
La danse sur le fil de la vérité


Ferme l’œil
Ouvre ton corps
Libère ton esprit
L’âme est là
Sans pensées ni sensations
Dans son éternité dévoilée
Nage jusqu’à elle
Et… Envole-toi !

 ©  Loup Francart

16/02/2018

Le nombre manquant (39)

Mathias et Vincent débarquèrent à l’hôtel vers onze heures du matin. J’avais retenu deux chambres la veille au soir et je leur laissai une demi-heure pour se rafraîchir et se changer. Puis nous nous réunîmes dans un petit salon que j’avais retenu.

– Alors, où en est-on ? demanda Mathias d’emblée de jeu.

– Je n’ai rien d’autre à vous annoncer que vous ne savez déjà : Claire n’était pas là hier au petit déjeuner, sa chambre n’avait pas été utilisée au cours de la nuit et le professeur n’a été au bureau ni hier, ni ce matin.

– Pensez-vous que les deux disparitions sont liées ou non ?

– Il m’est difficile de choisir. Certes, Claire était l'assistante du professeur, particulièrement dévouée et au courant de ses affaires, y compris de sa confrérie dont les recherches sont proches de nous. Mais d’une autre côté, je sais que le professeur avait assez souvent l’habitude  de disparaître quelques jours sans dire où il allait et pendant combien de temps. Au fond ce qu’il faudrait arriver à savoir, c’est principalement pourquoi ils ont disparu et non dans quelles circonstances.

– Il serait également indispensable de savoir si ces deux absences sont volontaires ou non, c’est-à-dire si elles viennent d’eux-mêmes, ou si on les a forcés à partir.

– Exact, mais comment le savoir ?

– Alors, allons-y ! Considérons tout d’abord que s’ils sont ensemble ou non importe peu. Ce n’est peut-être pas vrai, mais il faut bien commencer par un bout. Si cette disparition est volontaire, pourquoi ? Qu’est-ce qui aurait poussé l’un et l’autre ou l’un ou l’autre à disparaître sans laisser ne serait-ce qu’un message ?

– Je vois en premier une piste à suivre, annonça aussitôt le hacker. Disons un homme à ne pas perdre de vue parce qu’on a eu la chance de tomber dessus au bon moment. Bref, faire une filature en improvisant parce qu’elle est extrêmement importante pour connaître le lieu où il se rend ou les gens qu’il rencontre.

– Il se peut aussi que son ou leurs téléphones portables n’aient plus de batterie, dit tranquillement Mathias.

– peut-être, mais depuis une journée ils auraient trouvé une prise pour recharger.  

– Oui, mais quand on suit quelqu’un on ne peut s’arrêter.

– Bon, ne nous égarons pas. Y a-t-il d’autres causes pour un manque de nouvelles volontaires ?

15/02/2018

L'exode, de Georges Rouault

18-02-15 L'exode de Rouault.jpg

Les couleurs sont tristes, mais elles prennent parfois des  teintes très claires. Mariage du vert et du bleu, mais le blanc l'emporte, colorant les personnages d'une pointe de spiritualité. Le dessin des personnages est renforcé par un trait de peinture noire qui accentue la tristesse de l'expression.

sous la lune, un rond de couleur jaune, sans autres rayons, vont le père, penché sur ses enfants, et la mère, portant  un sac. L'enfant, à la tête ronde et le corps vêtu d'une draperie, ne comprend pas la tristesse du père. Celui-ci, dont l'amertume se  lit sur le visage à l'oeil rond accroché en haut du nez, erre dans le paysage et cette posture fléchie sur les genoux et penché sur l'enfant, le rend plus décharné encore. La mère et l'ainée des enfants suivent, accablés.

C'est bien un exode, empli de tristesse, mais malgré tout lumineux et plein d'espoir de temps meilleurs.

 

14/02/2018

Découvertes

Le soir. Moiteur froide des couvertures. Cataplasmes des pensées du jour…

Pour se réchauffer des découvertes, il faut déjà s’en rappeler. Comme on oublie vite. Il importe justement d’apprendre à se souvenir de soi. Ce sont ces souvenirs qui nous forgent et nous modèlent.

Qu’ai-je fais aujourd’hui ? Qu’ai-je vu ? Qu’en ai-je retenu ? Chacun de ses souvenirs devient un trésor insoupçonné qui donne goût à la vie.

13/02/2018

L'araignée

L’araignée serait-elle bonne mathématicienne
Ou même peut-être est-elle créatrice intemporelle ?
La durée d’une nuit, elle crée son espace-temps
Où s’englue chaque grain de matière vivante
Courbant davantage les fils ténus et accrocheurs
Et là, l’être prisonnier, pris dans la nasse élastique
Regarde désespéré approcher le dieu vengeur
Plus rien ne peut le cacher et le sauver
Sur le plan souple et huilé de la toile
Il apparaît comme une proie indéfendable
Et sera gobé en un instant par le pillard…
Pourtant qu’elle est belle cette toile symétrique
Épanouie aux rayons de l’aube, vêtue de rosée
Cachée entre deux brins d’herbe inoffensifs
La rigueur mathématique de sa construction
Ne laisse pas place à l’improvisation
La chasse devient chose aisée et ludique
Tendez vos filets et observez !
Il arrive, l’innocent sifflotant
Il se heurte à la barrière qui colle
Plus il tente de se dégager, plus il est pris
Il ne lui reste qu’à attendre et voir
La mort approcher, souriante et légère
Il contemple l’indécence et la force
L’inévitable et l’insouciance
L’araignée dévorante à la panse gonflée
Qui conduit à la fin, sans échappatoire

©  Loup Francart

12/02/2018

Le nombre manquant (38)

En fin d’après-midi, je décidai d’appeler notre informaticien à Paris. Il devait être rentré du travail et pourrait peut-être me donner de bons conseils. Celui-ci décrocha tellement rapidement qu’il en fut surpris. « Oui, un pressentiment », confirma-t-il. Je le mis au courant de l’absence de Claire et du professeur, sans que les deux défections soient forcément liées.

– Ce que tu me dis me paraît grave. Certes, les deux absences ne sont pas forcément liées, mais il y a cependant de grandes chances que ce soit le cas. Mais pourquoi ? Elle n’aurait pas laissé quelque chose dans sa chambre, un papier, un signe discret, quoi que ce soit qui indique qu’elle partait et éventuellement pourquoi.

– Je n’ose pas trop retourner dans sa chambre, car s’il y a une enquête de police, on pourrait m’objecter que je cherchais à cacher des preuves. Mais ce matin, je n’ai rien vu.

– Je te propose d’attendre pour aller à la police. Elle ou ils vont peut-être rentrer ce soir ou cette nuit. Je crois cependant qu’il serait bon que nous venions, moi et Vincent, à Rome pour t’aider. Il me semble difficile pour toi d’assumer seul cette absence et les recherches nécessaires. Nous prenons le premier vol demain matin et serons auprès de toi en fin de matinée. Cela te convient-il ?

– Oui, cela me paraît plus sage. Nous ne serons pas trop de trois pour effectuer nos recherches et poursuivre notre mission, car très probablement les deux sont liées.

L’après-midi fut longue et la soirée encore plus. Aucune nouvelle, ni de Claire, ni du professeur. Je pris soin de téléphoner à la villa Médicis en demandant que l’on me joigne si l’un de deux se manifestait au bureau. Mais je ne reçus aucun appel.

11/02/2018

Concerto pour piano en La mineur, Op.16, d’August Winding

https://www.youtube.com/watch?v=0fyFRKKDZbg


 

August Winding (1835-1899) est un compositeur suédois qui dut abandonner une carrière de concertiste suite à un accident. Il s’est alors tourné vers la composition et la pédagogie. Voici probablement son plus beau concerto pour piano, composé en 1868.

Très romantique dans le second mouvement, ce concerto rappelle la musique de Schumann ou de Mendelssohn.

Cependant, l’enregistrement manque de contraste et l’interprétation reste un peu neutre dans la partie orchestrale.  

 

10/02/2018

Retrouver la stabilité dans le mouvement

Le monde moderne se définit par le mouvement. Il est la cause de l’anxiété de l’homme face à la vie quotidienne. Ce mouvement peut se dissocier en temps et déplacement, chacun de ces deux facteurs du mouvement étant psychologiquement contradictoire puisqu’un déplacement implique une perte de temps et une perte de temps demande une accélération du rythme.

Ce mouvement a bien sûr des conséquences sur la société. L’homme d’aujourd’hui se meurt hors de la société et il n’a jamais été aussi seul dans la société. L’apprentissage de la solitude volontaire est l’apprentissage de la connaissance de soi, alors que la solitude dans la société entraîne la révolte ou l’inaction. Le monde d’aujourd’hui est un monde de solitaires par obligation, aussi n’y a-t-il jamais autant eu de révoltés ou d’inactifs.

Le seul moyen de lutter contre la révolte ou l’inaction est de résister à la solitude involontaire. Elle est plus souvent morale que matérielle et est due au mouvement. Il faudrait redonner à la vie matérielle et spirituelle la stabilité qu’elle a perdue, retrouver les valeurs immuables.

 

09/02/2018

Maxime

 

S'oublier complètement

est le seul moyen d'être heureux

partout et toujours

 

08/02/2018

Le nombre manquant (37)

Je décidais d’attendre jusqu’à l’heure du déjeuner avant d’alerter. Mais qui ? Je ne savais. Autant l’avouer, j’étais décontenancé, quasiment perdu dans cette ville que je connaissais peu et dans un milieu qui, cette fois-ci, me semblait hostile. Je décidais de sortir plutôt que de tourner en rond dans ma chambre et de me ronger les sangs. Mais sitôt dehors je me dis que peut-être Claire pourrait me faire parvenir un message à l’hôtel. J’avais cependant pris la précaution de me munir de mon téléphone portable, au cas où. Je déambulais le long du Tibre, contemplant ses eaux noires, en me demandant ce qu’elle avait bien pu faire. Soudain, je me rendis compte que la première chose à faire était de téléphoner au professeur Mariani pour savoir si elle avait rejoint son lieu de travail ce matin. Je m’assis sur une grosse pierre et composai le numéro de son bureau. La seule personne que je réussis à joindre était une femme de ménage de la villa Médicis. J’eus beaucoup de mal à lui expliquer que je voulais parler au professeur Mariani ou à sa secrétaire particulière, mais elle ne les avait vu ni l’un ni l’autre ce matin. Diable, comment cela se faisait-il ? Je commençais à m’inquiéter réellement. Non seulement Claire avait disparu, mais également le professeur. Cela aurait-il un lien avec sa confrérie ? Cependant, je savais qu’il arrivait assez fréquemment au maître de ne se rendre au bureau qu’en début d’après-midi. Donc, ne pas paniquer et attendre jusque vers trois heures pour retéléphoner. Je rentrai à l’hôtel pour déjeuner et demandai au portier si l’on avait laissé un message à mon intention. Rien. Attendons encore un peu. Je passais le repas à envisager diverses circonstances qui auraient pu amener une telle situation. Mais je dus avouer que rien d’intéressant ne sortit de ce soliloque, mes pensées étaient trop embrouillées et manquaient totalement de cohérence. À deux heures trente, je retéléphonai à la villa Médicis, mais ni le professeur ni Claire n’était apparu. La personne que j’eus au bout du fil me dit qu’il était assez fréquent que Monsieur Mariani s’absente une journée et que cela n’avait rien d’anormal. « Peut-être a-t-il eu besoin de son assistante », ajouta-t-il en pensant à notre collègue. Je ne pus rien en tirer de plus et n’étais pas plus avancé. Je remontai dans ma chambre, inquiet, ne sachant que faire. Inutile d’aller à la police. Tout d’abord je ne parlais pas suffisamment bien italien et de toute façon, ce que mon correspondant de la villa Médicis m’avait dit ne m’inclinait pas une telle démarche. La police m’aurait simplement dit d’attendre, qu’il n’y avait aucune raison de s’angoisser. Et pourtant, j’étais inquiet.

07/02/2018

Clore l'écriture

Il existe de nombreuses manières d’achever l’écriture d’un livre pour l’améliorer et le rendre lisible et présentable. C’est une étape indispensable, périlleuse et… bénéfique.

La première manière est celle de l’écolier. Je relie mon texte et corrige les fautes d’orthographe évidentes, les fautes de français et les quelques coquilles de langage qui sautent aux yeux. Nous le faisons tous chaque jour dès l’instant où l’on s’adresse par écrit à quelqu’un. Mais cela ne fait pas de vous un écrivain, ni même un bon correspondant. Vous n’êtes qu’un informateur sur toutes sortes de sujets qui tente d’influencer maladroitement les autres.

La deuxième manière est plus professionnelle. Elle procède en deux temps, voire trois, séparant les corrections orthographiques des corrections de style, voire des corrections d’expression française. Cela demande une attention plus soutenue, une connaissance supérieure de la langue et une volonté très nette de s’améliorer. Malheureusement, tout cela certes est utile, indispensable même, mais n’améliore que la forme du texte sans en modifier, sinon à la marge, le fond.

Pour aller plus loin, il faut pour beaucoup d’auteurs, demander l’aide de quelqu’un qui sera capable de lire, d’analyser ce que vous avez voulu exprimer, puis de se poser la question d’une amélioration de la manière de présenter le récit. Il vous donnera ou non des pistes ; mais dans tous les cas, vous saurez ce qu’il faut corriger, ajouter ou retirer. Là, vous avez franchi une étape importante qui vous amène à une nouvelle version qui s’avère assez différente du texte initial.

Pour poursuivre avec assiduité votre amélioration de vos écrits, il faut changer de règles. Jusqu’à présent, vous êtes resté dans votre rôle d’auteur qui améliore sa composition pour la rendre la plus lisse possible. Maintenant, il faut vous mettre dans la peau d’un lecteur. Non pas de quelqu’un qui est un clone de vous-même, mais d’un liseur qui s’imagine ce qu’il lit et crée sa propre vision de votre récit au fur et à mesure de son avancée. Cela suppose que vous vous détachiez de vous-même, que vous preniez de la hauteur, que vous vous fassiez autre, l’inconnu qui lit votre texte pour la première fois. Et cela, ce n’est pas facile. Pendant quelques instants, vous arrivez à prendre de la distance, vous vous trouvez transporté dans votre imagination, donnant une coloration nouvelle à vos formules, voyant des scènes différentes de celles que vous avez-vous-même imaginées. Et puis un mot, une tournure de phrases habituelles, vous ramène à l’auteur que vous êtes. Vous perdez le charme de la nouveauté et retombez dans la lourdeur d’un texte écrit, réécrit, modifié, remodifié, transformé. Les pieds redeviennent lourds, le cerveau embué, la main moins leste. Alors, il faut refaire le chemin inverse, respirer lentement, jusqu’à sentir à nouveau le souffle de la nouveauté des paysages et des personnages. Vous mesurez l’éloignement de cette scène par rapport à ce que vous avez écrit et cette distance est la garantie d’un bon travail de correction. Vous laissez votre deuxième personnalité s’infiltrer dans la première et vous flottez dans un nuage d’impressions totalement différentes qui vous révèlent une autre vision du monde. Ah, si chaque jour nous pouvions créer notre environnement et notre comportement, combien la vie serait encore plus passionnante : finies les dépressions, finie la morosité sans fin, fini le coup de cafard en hiver, fini le blues des matins d’été.

Mais revenons à notre texte. Vous avez corrigé quelques phrases, voire des paragraphes entiers en vous coulant dans la peau d’un lecteur. Mais, au fond, qu’est-ce qu’un vrai lecteur en pense ? Eh bien, il suffit de le lui demander et ce dernier passage auprès de vos aides est indispensable. Oui, il retarde le moment de la proposition aux éditeurs, instant important que vous avez attendu en peinant. C’est une assurance, c’est la corde de rappel que vous utilisez pour descendre de votre enchantement afin de tendre la main aux vrais lecteurs, ceux de tous les jours. Si vous avez bien fait le travail déjà décrit, vous ne devriez pas avoir de grosses surprises. Mais sait-on jamais ?

Enfin, les professionnels de la littérature ou les mordus de l’écriture destinée à ravir les lecteurs réécrivent complètement leur roman d’une autre manière. Certes, c’est plus simple que la première fois puisque vous connaissez déjà l’intrigue et vous la maîtrisez. Néanmoins, cela demande un certain courage que bien peu ont. Car ensuite, il faudra comparer les deux textes, emprunter les meilleurs passages à l’un ou à l’autre, ré-articuler le fond de l’intrigue pour concilier les deux versions et, enfin, reprendre toutes les étapes décrites précédemment. Mais qui est assez fou pour s’infliger un tel calvaire !

06/02/2018

Haïku

 

N’y a-t-il plus de lois ?

Le rire devient stérile

Les pédants odieux

05/02/2018

Échafaud

Il est des jours où tout se brouille
Il ne reconnaît pas le chameau du dromadaire
Lequel passe par le chas d’une aiguille ?

Il est des jours où tout s’emmêle
Il laisse le chat jouer avec la pelote
Mais jamais il ne lui donne sa langue !

Il est des jours où tout s’enchevêtre
Il ignore la tromperie du politiquement correct
Mais prend-il des vessies pour des lanternes ?

Il est des jours où rien ne va plus
Il a tout perdu, sauf l’honneur
Alors il marche, rasséréné, vers l’échafaud

©  Loup Francart