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30/06/2013

La dernière traque

L’art de la guerre est l’utilisation du vide. Ne voir que le plein des armées conduit à l’affrontement avec ses risques d’échec ou au moins de blocage. La manœuvre consiste à utiliser le vide pour s’emparer du plein.  Celui-ci tombe comme un fruit mûr.

Le même constat est fait dans "Le rire de l’ogre", ce roman de Pierre Péju dans lequel Dodds dit : « Une sculpture, bien lourde, bien dure, c’est aussi à ça que ça sert : à révéler du vide. Tu vois l’espace entre les formes, c’est aussi une forme ».

De même encore, on ne se sent vivant que lorsqu’on se débarrasse de ses propres richesses. La difficulté de tout être vivant est de trouver cet équilibre entre la connaissance par l’expérience que donnent les années et l’amour ou la confiance qu’apporte une virginité à entretenir. Le noir et le blanc. Le blanc seul n’a pas de sens, il n’est que vide. Le noir seul est également vide. L’harmonie naît de cet équilibre entre le blanc et le noir, la marque d’une vie sous le regard de Dieu.

Selon les âges il appartient à l’homme de mettre l’accent sur un ou l’autre aspect. Il appartient à l’homme jeune de construire sa personnalité. Mais il lui faudra un jour ou l’autre la remettre en question sous peine de ne plus avancer. Il lui faudra se déconstruire pour poursuivre son enrichissement. Il devra abandonner certaines richesses physiques ou psychologiques (ses passions ?) pour progresser sur le chemin de la vie, et cela jusqu’à son dernier jour. Mais comment atteindre cette virginité d’esprit lorsque ces richesses sont grandes ? Plus l’on a reçu, plus il est difficile de ne pas s'enfler.

Méditer, c’est l’art de redécouvrir sa virginité, de redécouvrir le vide entre les pleins, c’est un art de guerrier. La dernière traque : celle de son propre fantôme fabriqué de toute pièce, qui n’est qu’apparence et fumée.

29/06/2013

Le mot

Un poème, c’est avant tout un mot...
On peut ne pas se le dire
Mais ce mot qui enclenche les autres
Tourne en vrille dans la tête
Et fait fuir toute autre considération

Table rase, l’orage s’accumule
Et naît le tourbillon devenant tornade
Les mots jaillissent en vagues
Un vocable en attire un autre
Ils montent à la diction
Et s’échappe par bulles

Ferme tes écoutilles !
Soigne ton extinction !
Attend que jaillisse à nouveau
De l’obscurité le trait vivant…
Retour sur soi-même
Carré noir sur fond noir

Dans cette boite magique, je pêche
Ils prennent forme en sortant
Et chaque fantôme devient vrai
Mais ce ne sont bien que des spectres
Qui torturent la nuit de l’esprit
Ils dansent jusqu’à la fin
Mais peuvent s’arrêter instantanément

Panne sèche, train fantôme
La vapeur ne l’alimente plus
Et vous restez en équilibre
Sur un pied ou un pas
En attente d’une suite
Yeux fermés, bouche close
Vous répandez le noir
Autour de la vrille perdue
Plus rien ne jaillit de cette obsolescence

Relire, corriger un mot, une phrase
Mais rien ne vous fera changer
Ce que l’orage vous a dicté

Le mot s’est envolé
Il est temps de laisser le lecteur
Et de retomber lourdement
Le nez dans l’herbe du diable

28/06/2013

Oublier le temps

Il est des moments où le vide s’installe en soi. La machine ne tourne plus rond. Elle se laisse gagner par l’indolence, l’inertie, le désaveu. Se lever pour penser non pas « A quoi bon », mais plutôt pour se dire « Plus rien ne me monte à l’esprit ». La grande platitude s’empare de vous. La plaine rase jusqu’à l’horizon. Vous êtes réduit à ce morceau de chair affaissé qui regarde autour de lui sans rien voir. Le monde a perdu sa brillance ou la connexion ne se fait plus avec votre cerveau. Vous zappez sans cesse entre vos pensées sans parvenir à vous fixer. Les images défilent puis s’estompent, remplacées par d’autres. Rien n’arrête cette ronde insensée.

Et peu à peu vous êtes gagné par un mal être indéfinissable, une sorte de mal de cœur qui vous monte dans la gorge et vous dit : « Vois cet être démantelé, comment vit-il encore ? » Vous fermez les yeux et la nuit vous envahit. Le trou, large, béat, vous entraîne dans les profondeurs de cet être las que vous n’imaginez pas comme étant vous-même.

Votre seul refuge : être là, présent, ici. Ne rien laisser surgir de votre esprit. Oublier toute pensée (si c’est possible !), s’enfouir dans ce lit immense de l’abandon de soi et reposer en oubliant le temps.

Oh, et puis pourquoi pas ? Ecoutez dans votre errance la pavane de Gabriel Fauré :

http://www.youtube.com/watch?feature=fvwp&v=sWW7pfXlYLY&NR=1

27/06/2013

Le rire de l’ogre, roman de Pierre Péju

Beaucoup y ont vu un roman sur la guerre, d’autres un roman d’amour impossible entre Paul Marleau et Clara, d’autres enfin une méditation sur le mal à travers ses différentes formes. Histoire d’un siècle au travers de la vie13-06-28 Le rire de l'orgre.jpg d’un homme et de ceux qu’il côtoie. Comme dans La petite chartreuse, on entre difficilement dans le récit et l’on s’ennuie. Mais progressivement on prend conscience de l’intérêt du livre. Pour ma part, je n’en retiens que l’aspect lié à Paul Marleau en tant que sculpteur et à la sculpture. De très belles pages sur cet art difficile, physique et sensuel :

Dodds glisse ses mains dans les fentes qu’il a pratiquées dans le ventre et le torse de ses statuts. – Tu vois, mon truc, ça consiste à saisir la réalité par ses trous ! (…) Je m’écarte, je prends du recul, et ce que je vois, c’est l’espace que ça fait apparaître autour… Une sculpture, bien lourde, bien dure, c’est aussi à ça que ça sert : à révéler du vide. Tu vois l’espace entre les formes, c’est aussi une forme.  (...)

Je comprends comment on peut sculpter une ombre, l’ombre du soir, la nudité, la souffrance et même… la pensée. Je comprends que ce n’est pas l’artiste fiévreux qui fabrique une femme de pierre. C’est une femme accroupie, une femme en pleurs, une femme damnée ou une femme-cuiller qui s’arrache elle-même à la matière, qui s’accouche elle-même à l’aide des mains du type qui se prend pour le maître des formes.   (...)

… je ne peux alors que cogner, trouer, dégrossir et faire éclater de gros morceaux de matière, priant en même temps cette matière de me résister le plus possible. Car je ne désire ni victoire ni défaite. Les éclats giclent dans mes lunettes de protection, m’écorchent le front. Mes reins me brûlent. Mes omoplates vont se briser, comme mon coude, comme ma mâchoire. Mon pouce et mon poignet me font mal à gueuler. Je deviens à la fois la force et la roche. Je deviens le point d’impact et le vide ricaneur. Je gueule, mais au moins, tant que je cogne, je disparais !

Il est rare de lire des romans qui entrent dans le processus de création d'une œuvre. Pourtant quoi de plus beau de décortiquer ce travail, d’en saisir les subtilités, les hésitations, les joies et les douleurs. Et lorsque cette création est un acte physique autant que conceptuel, l’homme s’accomplit de lui-même dans l’effort et l’ignorance du résultat.

26/06/2013

Urbanisation

Entrelacée avec les autres, chaque partie s'oriente cependant de manière propre à partir du centre. Celui-ci est le noeud des relations à la fois de dépendance et d'opposition. Symbole de la vie urbaine moderne où chaque quartier semblable aux autres se distingue par une entité psychologique propre et une réalité physique homogène.

13-06-20 diagonalcubes2.jpg

25/06/2013

Matin ensoleillé

Réjouis-toi, le soleil est entré dans ta maison
Il a envahi les recoins les plus sombres
Les fleurs ont perdu leur tristesse
Pour ne plus montrer que leur sourire
Au monde qui se perd dans les couleurs
Et toi, tu es là, assise au coin de la fenêtre
A regarder passer les oiseaux un à un
Vers les grands haubans des pins de la forêt
Qui restent sombres sur leurs tapis d’aiguilles
Les pas qui y courent ne parlent pas
Comme ceux de la fillette qui te regarde
As-tu cherché à voir où courait le monde
Celui des aveugles, des malades, des mourants
Vers un carré de lueur d’or et de verre
A travers une petite lucarne percée dans le grenier
Sens-tu que le soleil à pourtant perdu
Les longues journées d’hiver
Où il montrait un rayon conquérant, mais chétif
Ces journées que nous passions dans l’espoir
De l’apparition de la flèche d’or
Qui courait sur la blancheur des champs
Ouvre la fenêtre, ouvre ta porte
Sors dehors et ris aux oiseaux
Pour leur montrer que tu as compris
Que la lumière est revenue
Toute puissante et divine
Pour nous montrer le chemin à suivre
Cours dans la forêt pour surprendre
Un rayon qui l’aurait transpercé
Cours le long des rues de la ville
Toujours tristes, mais aujourd’hui gaies
L'étincelle cherche la couleur des femmes
Et l’impudence des hommes
Pour faire entendre leurs bruits
Si éclatants lorsque le jour s’épanouit

24/06/2013

La zone urbaine et sa modélisation

En 1800, 2% seulement de la population mondiale vivait dans une ville. Il y a encore 50 ans, la grande majorité de cette population était rurale. en 2007, le nombre de citadins est devenu supérieur à celui des ruraux, selon le Fonds des Nations unies pour la population (FNUAP). Plus de 3,3 milliards d’êtres humains sur les 6,5 milliards d’habitants que compte notre monde, sont regroupés dans des zones urbaines et les démographes prévoient qu’en 2030 cette proportion devrait dépasser 60%. Actuellement, on compte 24 mégapoles de plus de dix millions d’habitants, alors qu’il n’en existait que 4 en 1975. Les pays latino-américains sont actuellement les plus urbanisés. Mais l’Asie de l’Est et du Sud va probablement prendre la première place en raison de son fort taux de croissance prévisible durant les 30 prochaines années. La plus grande mégapole sur notre planète est Tokyo qui compte environ 30 millions d’habitants. New York ne se situe plus qu’en 4ème ou 7ème position, selon les auteurs, avec plus ou moins 20 millions. Entre ces deux villes ce sont les mégapoles d’Asie et d’Amérique du Sud qui prennent le pas (Séoul, Dacca, Bombay, Sao Paulo, Mexico). Ce classement n’est qu’approximatif puisqu’il n’existe pas de recensement au niveau mondiale au cours d’une même période. L’Union européenne fait piètre figure dans ce bilan puisqu’on ne trouve que trois villes de plus de dix millions : Essen, mégalopole regroupant plusieurs villes allemandes, l’agglomération parisienne et Londres avoisinant les dix millions.[1]

La notion de ville représente un concept propre, à l’opposé de la notion d’agglomération, beaucoup plus  vague. Mais, aujourd’hui, il est souvent plus approprié de parler de zone ou d’aire urbaine, notion géographique utilisée en urbanisme. Si l’on considère la zone urbaine comme un tout, on parlera de métropole, c’est-à-dire d’une ville concentrant une population importante, disposant de pouvoir de direction dans les domaines économiques et financier, coordonnant des activités industrielles et tertiaires, dotée d’un réseau urbain et accumulant des emplois stratégiques. Plusieurs zones urbaines peuvent se rejoindre pour former une conurbation, ensemble de villes unies par l’extension de leurs bâtis respectifs (développement de leurs banlieues) et entre lesquelles s'établit une complémentarité et une répartition des fonctions. En France, seule l'ensemble Lille-Roubaix-Tourcoing correspond à cette définition ; en Allemagne, la Ruhr en est un bon exemple. Généralement ces conurbations s’accompagnent de périurbanisation, voire de rurbanisation, terme inventé en France dans les années soixante-dix, qui désigne la progression de l'habitat des citadins dans les zones rurales autour des grandes villes.

Au-delà des métropoles, les très grandes agglomérations peuvent être qualifiées de mégapole, agglomération dont le seuil a été fixé par l’ONU à 8 millions d’habitants et qui abrite en son sein des centres de décision importants. Enfin, l’on trouve des mégalopoles (du grec megas, megalos, « grand » et polis, « ville ») qui sont des espaces urbanisés polynucléaires formés de plusieurs agglomérations dont les banlieues s'étendent tellement qu'elles finissent par se rejoindre, et cela sur de longues distances. Ce concept a été proposé par le géographe français Jean Gottmann[2], qui définit la "Mégalopolis" par la région urbaine s'étendant entre l'agglomération de Boston et la conurbation Baltimore-Washington, comprenant les agglomérations de Hartford, de New York, et de Philadelphie, ainsi qu'une multitude de villes de plus de 100 000 habitants, sur la côte est des États-Unis. On retrouve parfois l'expression BosWash (composée par la première syllabe du nom des deux villes situées aux extrémités). Cet ensemble urbain s'étale sur plus de 800 km du Nord au Sud, avec une population estimée à quelques 65/70 millions d'habitants.

 ¨     La modélisation des zones urbaines

Chaque civilisation a produit un mode d’organisation urbain spécifique : largeur des axes de circulation, nature des matériaux de construction, hauteur des immeubles, habitat lâche ou resserré font que les facteurs de l’équation « ville » fluctuent ; de même, la culture des habitants, la nature des populations urbaines (homogènes, multiculturelles, en paix ou en confrontation perpétuelle) contribuent à donner à chaque ville son originalité.

Par ailleurs, la perception de la zone urbaine est complexe du fait de son caractère multidimensionnel. Le géographe, le sociologue, l’urbaniste, les pouvoirs publics et leurs services, les militaires ont chacun leur approche spécifique, qui, souvent indépendantes les unes des autres, ne rendent pas compte de la zone urbaine dans sa plénitude. Il est donc nécessaire de les croiser pour aboutir à une vision interdisciplinaire plus représentative de la réalité dans sa globalité.

Malgré leurs spécificités, les zones urbaines ont cependant certaines caractéristiques qui permettent de les regrouper en quelques grandes catégories et de mettre progressivement au point leur modélisation.

Cette modélisation a commencé avec l’école de Chicago qui qualifie les villes de « laboratoire social », en les étudiant sous l’angle de la répartition dans l’espace des communautés et des classes sociales. Elle met au point le concept d’aire naturelle, secteur ou quartier de la ville. Il « naît sans dessein préalable et remplit une fonction spécifique dans l’ensemble urbain ; c’est une aire naturelle parce qu’elle a une histoire naturelle ». Ces aires trient les populations en fonction de leur appartenance culturelles, sociales ou d’un statut propre. Puis apparaît le concept d’aires concentriques dont la théorie a été établie par Burgess qui insiste non pas sur la totalité de la ville, mais sur son homogénéité née de la complémentarité entre les différentes aires. Ainsi la ville est divisée en zones naturelles (unité territoriale dont les caractéristiques distinctes, physique, économique et culturelle, sont le résultat de processus sociaux non planifiés) résultant de processus de domination, d’invasion et de succession. Ils observent que les groupes communautaires passent des zones détériorées vers des zones résidentielles plus aisées au fur et à mesure de leur intégration et promotion sociale. Le processus déterminant est la compétition pour l’espace, si bien que l’organisation économique est une organisation écologique, une sous-structure naturelle et inévitable de la société.

Dans les années 90, les villes changent et il convient de revoir les modèles traditionnels de métropole unicentrée.  Ainsi les New Cities de R. Fishman (1990) sont-elles des régions urbaines déferlantes dont l’unité de mesure n’est plus le bloc, mais le « corridor de croissance » long de 50 à 100 miles.

Dans les années 2000, l’école de Los Angeles initie à la géographie postmoderne.  Il s’agit d’aller au-delà de la matérialité superficielle, des formes concrètes susceptibles seulement de mesure et de description, de la recherche de régularité qui réifie l’espace : « l’organisation spatiale de la société est présentée de telle sorte qu’elle apparaît socialement inerte, un produit de la friction de la distance, de la relativité de la localisation et des axiomes d’une géométrie dépolitisée. Le temps et l’espace, comme le marché ou la structure sociale, sont représentés comme des relations naturelles parmi les objets, explicables objectivement en termes de propriétés physiques »[4]. Le modèle de Los Angeles devient le modèle américain qui va finalement façonner l’ensemble des grandes villes du monde.


Alors quels sont ces grands modèles de zone urbaine ?

Suite prochainement.

23/06/2013

Danse au sommet du monde

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L'oeil toujours regarde le mouvement, même noyé dans la jungle urbaine. Quoi de plus commun qu'un tel immeuble ! En haut se joue la vie, la séduction et la continuité. Et l'oeil s'en repait : la tonicité de la danse submerge la verticalité du béton.

Encre de Chine et lavis, un beau moyen d'expression. 

22/06/2013

Frantz et Clara, roman de Philippe Labro

Chaque jour, elle vient prendre son déjeuner au bord du lac, sur un banc. Elle fait partie d’un orchestre. Elle tente d’oublier un amour qui a mal fini. Elle se sent seule, triste, presque déprimée. Elle est en attente, mais elle ne sait de quoi. Ce jour-là, le banc est occupé. Elle hésite, mais s’assied néanmoins.roman, littérature

Ça ne vous dérange pas, j’espère, si je partage votre espace. Je suis bien conscient d’être arrivé ici avant vous aujourd’hui, mais je sais parfaitement  que ce banc vous appartient.

Cette interpellation l’intrigue, venant d’un enfant de huit ans parlant comme un adulte. Ils parlent. Ils se retrouvent le lendemain, puis les jours suivants. Elle lui raconte en partie sa vie : la mort de son père, la découverte de l’amour avec un homme plus âgé, sa déconvenue lorsqu’il l’abandonne. Il lui parle du vide :

Moi, quand je vais mal, j’essaie de tout éliminer. Je concentre ma pensée sur une seule chose, pour tout nettoyer et pour arriver à un océan pacifié.

– un quoi ?

–Une eau calme. Moi, mon idée, c’est d’arrêter ma pensée sur une seule chose et de ne plus l’abandonner un instant : un oiseau, une fougère, une pierre, un visage aussi, mais une seule chose ! et on s’enfonce dans le calme. Pour parvenir au vide. C’est possible…

Un jour, il lui déclare son amour. Elle rit. Il est trop petit. Elle lui répond :

– Frantz, oui, je me suis prise d’affection pour toi et tu es précieux dans ma vie, tu es devenu un ami, nous sommes deux amis, sans aucun doute. Les amis s’aiment, il n’y a pas de grande différence entre l’amitié et l’amour. (…) Il existe entre toi et moi une barrière que tu n’as pas encore franchie. Ne m’en veut pas de te le dire. Je peux difficilement l’exprimer d’une autre manière. Ne m’y oblige pas.

Elle a repris des forces, plus ou moins oublié l’abandon de son amant et pense maintenant à se donner une carrière de soliste. Elle quitte Lucerne et dit adieu à Frantz.

Dix ans plus tard, à Boston, elle retrouve, un grand jeune homme, fort et toujours aussi beau parleur. Ils se parlent, elle renonce à un diner avec les autres musiciens. Il la raccompagne à son hôtel. Ils entrent. Ils se sont trouvés.

– On ne peut pas savoir s’ils vont faire l’amour. Et s’ils le font, on ne pourra dire si cela se renouvellera plusieurs fois dans la nuit. Il se pourrait qu’il ne se passe rien entre eux. Mais il est permis d’en douter.

 

Oui, c’est vrai, l’histoire est un peu fleur bleu et même un peu simplette. Mais l’histoire seule compte-t-elle dans un livre ? La manière dont elle est comptée, les réflexions qui l’accompagnent sont en réalité le vrai sel du récit. C’est donc un livre plaisant, bien écrit, parfois amusant, pourvu de réflexions intéressantes. Il ne faut cependant rien en attendre de plus.

21/06/2013

Abondance

Abondance…
La nature s’avance, indéfectible…
Elle se pare d’ornements
Telle une princesse orientale
Et, comble de modernité,
Elle abandonne derrière elle
Des gouttelettes de perles
Suintantes au bout de chaque tige
Du plus grand arbre
A la plus petite feuille…
Ses pas marquent le temps
Avec la précaution d’un instant
Et chaque goutte bat les secondes
Dans la précision d’un métronome…
Lueur blafarde du jour qui s’engage
Dans sa course épuisante d’une journée
Aujourd’hui, huile de vidange
Et parapluie retourné…
Mettre son imperméable
Se doter d’un chapeau couvrant
Et faire valser ses pas entre les flaques
Ballet ineffable des hommes
Soumis à la dictature de l’abondance…

Quand reviendra la lueur attendue
De l’étincelle divine qui baigne nos pensées
Et encourage nos squelettes ?

20/06/2013

Shokuzai (Celles qui voulaient oublier), de Kiyoshi Kurosawa (deuxième partie)

C'est la suite du film évoqué le 16 juin 2013, que beaucoup de critiques ont trouvé moins génial. Pour ma part, je l’ai trouvé aussi bon que le premier, sinon meilleur.

J’ai avant tout été frappé par la justesse du jeu de la mère d’Emili, Asako, en13-06-20 Shokuzai 2.jpg réalité l’actrice Kyoko Koizumi. Elle est belle, non pas au sens physique du terme (mais elle l’est également), mais au sens moral. Elle a une dignité indéracinable, même lorsqu’à la fin du film son monde s’écroule. Cette dignité est exprimée principalement par sa manière de se déplacer. Elle marche comme très peu d’actrices peuvent le faire, avec une lenteur et un basculement des hanches imperceptibles, regardant au-delà du présent, dans un passé toujours là, derrière elle, à fleur de peau. Elle est à la fois la femme fatale et la mère courage qui va jusqu’au bout de ses intentions : retrouver et tuer l’auteur du meurtre de sa fille. Dans la troisième et dernière partie de ce deuxième film, elle sera renvoyé à son passé trouble avec le meurtrier qu’elle a d’abord aimé lorsqu’elle était à l’université.

Auparavant on suit le destin des deux dernières jeunes femmes victimes du traumatisme du meurtre d’Emili : Akiko (épisode 3) et Yuka (épisode 4). Akiko tente de respecter le pacte de pénitence imposé par la mère d’Emili, mais sa vie est détruite par le meurtre et la condamnation d’Asako. Elle est perturbée et se prend pour un ours. Elle tente de réconcilier son avenir par un dialogue avec Asako, sans succès. Yuka, elle, a oublié, mais est étrangement perturbée. Elle manipule les hommes pour réussir sa vie et finit par détruire le couple de sa sœur.

 

Shokusai constitue un excellent regard sur la société nippone, très guindée, organisée, inflexible. Les femmes sont des femmes-objets et les hommes n’ont aucune consistance psychologique. Et pourtant, tous ont quelque chose d’inconscient à exprimer en raison justement de cette prédominance de la société. Shokusai est un très beau film dans lequel l’actrice Kyoko Koizumi est sublime.

19/06/2013

Foule

On est toujours un inconnu environné d’inconnus dans la foule. On croit encore exercer son esprit critique, voire son indépendance d’esprit. Mais en réalité on est déjà pris dans son mouvement, dans ses craintes et ses délires.

Retirez-vous ou cessez d’être ce que vous êtes, telle est la maxime !

 

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Dessin réalisé aux feutres

18/06/2013

Fratres, d'Arvo Part pour douze violons

http://www.youtube.com/watch?v=U20qOk8yORU

 

 

Une pièce mystérieuse, tout en secret. On a l’impression qu’elle a du mal à sortir des instruments, que cela demande un effort inextinguible.

Le son vient du lointain, derrière la tête, d’un double de soi-même. Peu à peu, il envahit tout l’être, fait entrer un froid tendre dans le cerveau. En 04:30, le son se réveille, il prend de la puissance tout en conservant la même mélodie. En 05:45 tout s’achève, la source s’épuise. On respire difficilement, on se croit soulagé, mais la pièce repart, avec le même rythme. Même effet en 07:15, puis en 08:45, enfin en 10:15.

Toute la souffrance de l’humanité semble ici concentrée, dans la fine pointe de l’âme dont l’oreille est attentive à suivre cette mélopée lente et processionnelle. Si l’on voulait être méchant, on pourrait appeler cela la procession des limaces. Mais ce n’est qu’une plaisanterie en réaction à la gravité de la mélodie.

Lorsque la pièce se finit, c’est un soulagement comme si l’on respirait normalement après une crise d’asthme. Pourtant on la réécoute, pris par cet ensorcellement du son et du silence. L'empreinte indélébile de l'humanité a façonné notre âme, une grande langueur s'en empare. Arvo Part a atteint son but :  Qui sommes-nous, frères ?

17/06/2013

Un matin d'orage

Plus rien ne sera comme avant
Un voile s’est épaissi et hante l'horizon
Dédoublé, où se trouve l’ancien monde
Celui auréolé de blancheur
Qui dansait encore hier
De petits pas menus ?
Danse toujours ma jolie
Souris de tes yeux de verre
Fais claquer tes doigts légers
Et monter dans les nuages
Tes vœux pieux de petite fille
Le tonnerre a rompu les digues
Et l’eau se déverse des cieux
En ce matin d’un jour nouveau
Dissociation intérieure
Où se trouve l’image rêvée
Choisie, dorlotée, mémorisée
Qui tient chaud au cœur
Et refroidit le manque de raison
Oui… Danse dans la vallée
Chante la vie et l’espoir
Dénude tes pensées sauvages
Et répands sur ton visage
L’ombre même du bonheur
Alpha ou Omega, qui es-tu
Toi qui toujours donne la paix ?

16/06/2013

Shokuzai (Celles qui voulaient se souvenir), de Kiyoshi Kurosawa (Première partie)

Le film se contente de rapporter l’histoire d’un fait divers, le meurtre d’une petite fille dans une école. Il fait vivre l’événement, puis montre ce que sont devenues les quatre camarades de l’écolière quinze ans après. Toutes sont13-06-15 Shokuzaï.jpg marquées, en partie parce que la mère d’Emilie, la victime, les a menacées (elles ne se souviennent pas de la tête du meurtrier) : « « Je ne vous pardonnerai jamais. Trouvez-le ou donnez-moi une compensation. Sinon vous n’échapperez pas à la pénitence. »

Ce premier film évoque celles qui se souviennent de l’affaire et qui ont pris au sérieux l’avertissement de la mère d’Emilie, Osako. Sae habite Tokio et rencontre un jeune homme qui veut l’épouser. Il est lié à l’affaire. Après quelques rencontres, elle consent à convoler. Mais leur relation tourne au drame, car l’homme est pervers ou, au moins, détraqué. Nous vivrons leur drame jusqu’au meurtre du mari par Sae. Elle n’en pouvait plus.

Maki est institutrice. Les parents la juge trop sévère. Elle est sauvée de l’opprobre par le professeur de gymnastique. Peu après, elle fait face à un homme armé d’un couteau pendant un cours de natation. D’abord saluée comme un héros, elle est ensuite à nouveau attaquée par les parents.

Pourquoi ce film est si prégnant ? Il ne comporte aucun effet de caméra spécifique, aucune recherche cinématographique, aucun artifice psychologique, pas d’émotion excessive, rien qui ne permet de le remarquer particulièrement. Un film de juste milieu, qui semble ordinaire. Et pourtant, il est remarquable. Pourquoi ? C’est difficile à définir de manière nette. L’atmosphère que dégage chaque histoire en fait la beauté. La manière simple de raconter l’événement et sa suite nous conduit à y adhérer. Enfin, admirons le jeu des acteurs sans artifice, sans recherche, qui semblent nus devant la réalité de la vie.

http://www.youtube.com/watch?v=GpuU93k6g08 

Allons voir la seconde partie avant de poursuivre.

 

15/06/2013

Monde parallèle

Entourés de halo, ils sont nombreux ces mondes parallèles qui envahissent l’esprit à certains moments. Si l’on regarde la littérature abondante concernant ce concept, on a tendance à penser qu’il s’agit de fumisterie. Et pourtant, les physiciens s’interrogent sur l’idée.

Alors laissons libre notre imagination. Pour moi les mondes parallèles sont des constructions inachevées de notre monde, comme une maquette abandonnée par manque de perfection. Dieu ne se laisse pas tenter par la moindre invention au rabais. Comment dans notre monde un plan pourrait être à la fois plat et gondolé ? C’est pourtant le cas si vous regardez le plan des cubes à fond jaune. Il est plat, mais à droite, il monte. Il induit l'illusion que le carré parfait dans lequel cet objet se déplace est aplati alors qu'il n'en est rien. C'est une figure impossible !

 

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14/06/2013

Un après-midi à Bagatelle

Le paradis aux portes de Paris. Je ne connaissais pas. J’ai été conquis13-06-06 Bagatelle (1).JPG. J’en suis reparti charmé, renouvelé, apaisé. Je n’y ai pourtant vu que de vieilles dames et vieux messieurs ou des jeunes femmes avec quelques enfants.

Entrée du côté Seine sous un soleil bienfaisant. Quelques mètres et déjà le comble de la beauté animale, un paon reposant dans une herbe fraiche, alignant sa traîne de plumes légères et colorées. Proche du pavillon chi-nois, pas plus incongru que cela dans cette mer de 13-06-06 Bagatelle (5).JPGverdure, il se laisse photographier, indifférent. Les enfants l’admirent et le respectent. Il n’est pas si souvent possible de voir s’ouvrir sa palette lumineuse. Ce ne sera pas le cas avec lui.

Passage auprès d’un petit étang, disons une mare ou même un bassin. Une famille s’est installée à proximité, au frais sous les couverts. Encore quelques pas entre les frondaisons et l’on arrive à l’orangerie.

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Versaillaise est-elle, pleine de majesté et d’équilibre. On voudrait être à la place 13-06-06 Bagatelle (13).JPGdes orangers et autres espèces qui y passent l’hiver. Quelques vieilles personnes, assises sur des bancs, devisent petitement, entre elles. Elles se chauffent au soleil, souriantes de cette aubaine. Elles sont presqu’au paradis, leur prochaine destination. Jardin à la Française oblige et plus loin, la roseraie surmontée d’une gloriette dans laquelle, à l’abri du soleil, devisent trois personnes. Elle a 13-06-06 Bagatelle (16).JPGle charme des accessoires de ville d’eau et domine la plaine jusqu’à la Seine qui n’est pas visible. Après bien des détours, je me dirige vers un pavillon, une fermette de briques, près du mur de clôture. C’est le 13-06-06 Bagatelle (17).JPGpotager, conservé au frais, pourvu de nombreuses espèces insolites ou communes. Certes, elles sont peu nombreuses. Quelques pieds par ci par là, mais si joliment plantés qu’ils font un parterre de reine.

Sortir des légumes, se retrouver dans le jardin mi- français, mi- anglais et tomber sur un paon en majesté. Quel éblouissement ! Le plus drôle se trouve derrière où il agite ses ailes à la manière d’un ventilateur. Vision inhabituelle qui enchante. Oui, le paradis…

 

 

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Poursuivant vers l’autre partie du parc, je traverse l’image de la France telle 13-06-06 Bagatelle (35).JPGqu’on l’imagine et qu’on ne voit qu’exceptionnellement. De vastes prairies rafraichies par les arbres immenses, des couverts de verdure léchée, des pièces d’eau qui humanisent ces étendues verdoyantes. Et mes pas tombent sur des bernaches du Canada, expatriées si loin de leur pays originel, se dandinant plaisamment au bord d’une pièce d’eau (une de plus).

Redescendant des grilles de l’entrée principale, j’arrive près des deux pavillons. Le premier, tout volet fermé, est13-06-06 Bagatelle (43).JPG dans son écrin de verdure. Le second, plus majestueux, plus noble, presque un décor immortel, étale son rose éternel sur les jardins qui l’entourent, gardé de lions à tête de femme, impassible dans la chaleur de l’après-midi. A l’arrière, sur le jardin pourvu de magnifiques pivoines de toutes les couleurs, il étale sa panse arrondie de bon petit bourgeois.

Et je repars, les yeux en arrière, comme si un film me faisait remonter le temps d’une entrée 13-06-06 Bagatelle (52).JPGdans cette merveille, gardée par des arbres centenaires. Je me retrouve sur le pavé parisien, ébloui. Paris réserve des surprises permanentes. Comme il est étonnant que je n’ai pas connu plus tôt ce coin de paradis.

13/06/2013

Abandon

Il est appelé et il ne répond pas
Quel est donc cette attention subtile
Qui le retient dans sa boule de verre
Vit-il dans ce monde ou un autre ?

A peine assis, à l’endroit désigné
Il laisse aussitôt errer sa pensée
Tout se referme et il s’enferme
Parti en fumée, il s’espace*

Ce voyage aux frontières de l’inconnu
Dans ce lieu du rêve et de l’ignorance
L’a-t-il voulu ou non ?

C’est un moment d’absence
Une descente dans les prés
Jusqu’au ruisseau de l’abandon

 

* Ce verbe détourné de son sens met en avant la dissolution du moi. Le monde devient sans mesure.

12/06/2013

La grande Bellezza, film de Paolo Sorrentino

« Quand je suis arrivé à Rome, à 26 ans, je ne voulais pas être simplement un mondain, je voulais devenir le roi des mondains. » Il l’est devenu. On l’écoute, on l'imite, on recherche sa compagnie. Jep Gambardella est un séducteur, mais ilcinéma, Cannes, Italie, Rome, réalisateur atteint 65 ans. C'est un vieux beau, blasé de ces soirées romaines, toujours les mêmes, dans lesquels chacun rivalise de paroles fantasques, d’attitudes effrontées, de comportements scandaleux. Il a écrit un livre dans sa jeunesse, « l’appareil humain », et il joue la comédie du néant, même s’il rêve qu’il recommence à écrire. Il est le número uno. « Je ne voulais pas seulement participer aux soirées, je voulais avoir le pouvoir de les gâcher. », fanfaronne-t-il. Il fait des rencontres : celui pour qui «  le seul jazz intéressant est le jazz éthiopien » ; l’invité à qui il confie, en regardant certains convives faire le petit train « C’est le plus beau train d’Italie. Tu sais pourquoi ? Parce qu’il ne va nulle part. » ; l’homme qui a pris chaque jour de sa vie une photo de lui-même et en a fait un mausolée ; le cardinal dont la méditation est plus portée vers la cuisine que vers la spiritualité.

Il parcourt Rome, traversant des images magnifiques filmées de main de maître par Paolo Sorrentino : des fontaines, des jardins, des couvents, des palais, des chapelles, des ruines dans lesquelles on fait disparaître les girafes. Et ces paysages dans lesquels il marche, philosophe (presque), médite, sont rythmés par de la musique classique et des tubes contemporains. Oui, la cité de Rome est belle et il semble y chercher un sens. Progressivement, le film passe du sordide ou, au moins, de la luxure, à la recherche d’une certaine spiritualité… Oh, très faible et parfois grotesque. Mais l’on sent le vieil homme sous le mondain, l’interpelé sous la vanité des paroles. La scène de la sainte est fabuleuse, même si cette dernière est caricaturale.

Il faut aller voir ce film. Son réalisateur, Paolo Sorrentino, atteint le génie de Fellini. Il y a des concordances entre les deux : Rome d’abord, bien sûr ; la société romaine et sa dépravation noble. Mais au contraire de Fellini, c’est avec tendresse que Paolo Sorrentino dépeint le personnage de Jep. Celui-ci devient finalement serein, s’interrogeant toujours, encore passionné par la vie. D’ailleurs, ne dit-il pas à la fin du film : « Il nous reste encore de belles choses à faire. L’avenir est merveilleux. »

Un regret. Le dédain du festival de Cannes pour le grand cinéma et ses choix pour des films à thème propagandiste au goût politique du jour. Ce film, c’est du vrai cinéma, une œuvre d’art, un chef d’œuvre ! Juste un reproche, sa longueur. Mais qui aime ne comptabilise pas son temps.

11/06/2013

Accident

La nuit. Un instant d’inattention. Un choc bruyant et traumatisant. Puis le silence et l’absence de mouvement…

dessin,encre de chine,réalisme,traumatisme

 

Dessin à l’encre de Chine fait une nuit de cafard.

 

10/06/2013

Le voyage d'hiver, roman d'Amélie Nothomb

C’est une histoire abracadabranque. Un jeune homme, Zoïle, rencontre dans son travail deux femmes dont une écrivain. L’une, Aliénore, est attardée,13-06-10 Le voyage d'hiver.jpg l’autre, Astrolabe,  est jolie, si jolie qu’il en tombe amoureux. Il découvre que l’écrivain n’est pas celle qu’il croyait. Qu’à cela ne tienne, il fait des visites assidues, mais arrive tout juste à embrasser sa bien-aimée, rien au-delà. Pour la voir nue, il distribue en guise de repas des pilules. Celles-ci contiennent un gramme de psilocybes guatémaltèques. Peine perdue. Elle est de marbre. Alors, pour se venger, il décide de détourner un avion et de l'envoyer percuter la tour Eiffel.

Bien que le titre soit emprunté à des lieder de Schubert, son chant ne m’a pas séduit. L’histoire manque d’intérêt, ne comporte aucun rebondissement et traîne en longueur. Certes, Amélie Nothomb reste parfois acide, percutante et éventuellement drôle. Ainsi lorsqu'elle décrit les traductions de Zoïle :
Quand un vers me dérobait sa signification, je le scandais au rythme de mes pieds, de mes genoux et de la main gauche. Ne s’ensuivait aucun résultat. Je chantonnais alors et élevais la voix. Aucun résultat. De guerre lasse, j’allais soulager un besoin aux toilettes. De retour le vers se traduisait tout seul. La première fois, j’écarquillais les yeux. Fallait-il faire pipi pour comprendre ? Combien de litres d’eau devrais-je boire pour traduire de tels pavés ? Puis je réalisai que la miction n’y était pour rien. Ce qui avait fonctionné, c’était les quelques pas pour me rendre aux cabinets. J’avais appelé les jambes à la rescousse ; encore fallait-il les activer pour trouver la solution. L’expression « ça marche » n’a sans doute pas d’autres explications.

 Mais cela suffit-il ? Non, cette fois-ci, ça manque de chair, de finesse et de délicatesse. L’année 2009 est vraiment un mauvais cru pour Amélie Nothomb.

09/06/2013

L'occasion

Rien ne nous y amenait, mais cela se fit…
C’était la femme nue de la mythologie
Rasoir d’une main et voile tendue de l’autre
Occasion se manifestait à nouveau…

C’est une circonstance inconstante
Un instant à saisir, fragile et à propos
Que l’on ne retrouvera plus avant longtemps
Presque toujours favorable. C’est un courant d’air
Mais parfois se perd l’occasion de se taire
On regrette alors non pas de n’avoir point agi
Mais d’avoir céder aux charmes du verbiage

Plus généralement, une occasion
Est une statue de Vishnou
Elle passe entre les mains, y reste peu
Repart vers un nouvel acquéreur
Occasion aux mille mains ouvertes
Qui caresse l’objet avant de l’abandonner
La divinité est chauve, son pied en l’air
Où va-t-il retomber, où vont aller ses pas ?

L’occasion n’existe plus.
L’opportunité la remplace.
Elle est plus volontaire
Il faut l’exploiter
Ce n’est plus l’expédience
Mais la pertinence de l’individu
Qui fait du hasard
Une rencontre voulue

L’attente est l’attitude
La réactivité est son comportement
Tel le rapace, l’homme moderne
A la communication crochue

08/06/2013

Des hommes ou des femmes remarquables

Pendant longtemps j’ai pensé n’être entouré que de gens quelconques. Je comptais sur les doigts de la main les êtres qui m’avaient marqué et qui dénotaient de l’ordinaire. C’est après la lecture du livre de Gurdgieff, « Rencontre avec des hommes remarquables » que j’ai cherché ceux qui m’avaient semblé hors du commun pour des raisons diverses certes, mais qui tranchaient sur l’entourage habituel.

Je ne me posais pas la question de savoir dans quel camp je me rangeais, de même que je ne m’interrogeais pas sur les raisons de leur différence. Je comptais un oncle prêtre missionaire, un cavalier qui me donna confiance en compétition, un théologien orthodoxe, un musicien maître de chapelle et compositeur de chants sacrés, un capitaine qui manoeuvrait ces sections avec savoir et adresse et quelques autres, mais peu, qui me semblaient sortir de l’ordinaire. Certes je connaissais beaucoup de gens qui s’étaient fait des carrières en vue, qui étaient remarqués par leurs pairs et dont les articles de journaux parlaient avec éloge. Mais je constatais avec le recul qu’ils n’avaient rien d’extraordinaire et que seules les circonstances et leur habileté leur avaient permis d’obtenir la place qu’ils tenaient.

Ce n’est que récemment que j’ai découvert que la plupart des hommes sont remarquables, même s’ils ne sont pas remarqués. Faire le point de ses erreurs aide à faire un bilan de vie. J’ai vu mes erreurs, voire mon outrecuidance. Je n’ai jamais voulu être à la place où l’on me mettait. Mais dans le même temps, j’ai toujours cherché à obtenir la place que l’on voyait pour moi. En réalité, il y avait deux personnages en moi : celui qui se sentait libre de toutes contingence sociale ou sociétale et celui qui obéissait aux règles d’une société qui a besoin d’hommes précis à des postes précis. N’ayant jamais choisi vraiment, j’étais entre deux chaises, en équilibre instable.

Aujourd’hui je constate que la plupart des hommes sont remarquables ou, du moins, ont quelque chose de remarquable en eux. Pour certains c’est tout de même d’avoir été remarqués et d’avoir occupés des fonctions importantes en raisons de capacités réelles, professionnelles ou humaines. Pour d’autres, il s’agit de qualités plus personnelles, que l’on ne remarque pas de prime abord : égalité d’humeur, gentillesse, attention ou encore de qualités intellectuelles spécifiques telles que persévérance sur un but, capacités d’analyse, facultés d’écriture, etc. Pour d’autres encore ce ne sont que des dispositions en attente, non développées, qu’il convient d’aider à mettre en valeur. En fait chacun dispose de vertus qui font qu’il est un être unique parmi les milliards d’autres êtres uniques. Mais avons-nous le courage de chercher ce en quoi cet être se distingue ? La plupart du temps nous n’y pensons pas. Et même si l’on y pense, cela ne dure qu’un instant et nous sommes vite repris par l’habituelle cecité.

Ouvrons donc les yeux sur le monde et les êtres (hommes et même animaux qui sont eux aussi très différents les uns des autres, les chevaux me l’ont appris). Apprenons à distinguer en quoi cet être est unique et mérite d’être remarqué. Nous deviendrons remarquables à notre tour.

07/06/2013

La solitude collective

C’est un pique-nique au bord de l’eau. Il fait beau. L’air est pur bien qu’au loin la fumée d’une usine trouble cet instant magique. Deux grâces s’exhibent ou se détendent aux chauds rayons du soleil. Elles papotent ensemble. L’homme se demande :

– Dieu, où donc es-tu dans ce monde sans âme ?

Et celui-ci ne répond pas.

 

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06/06/2013

Tomás Luis de Victoria - O Magnum Mysterium

http://www.youtube.com/watch?v=zeKvNxYMDxE


 Chanteur, organiste, maître de chapelle, compositeur, Tomas Luis de Victoria est avant tout prêtre. Aveugle, simple organiste, il termine sa vie humblement, de manière totalement anonyme, n’ayant jamais recherché des fonctions dignes de son talent. Elève de Palestrina, il ne compose que de la musique religieuse. Par le chant polyphonique, il cherche à faire entrer les fidèles dans la contemplation des saints mystères.

« Seul un mystique de l'envergure de Victoria ­ si proche, par bien des points, des délires visuels du Greco et toujours guidé par le génie de la race ­ pouvait réussir cette transposition visionnaire de la vie intérieure et rendre les élans sacrés de l'âme espagnole, naturellement portée vers l'adoration, la compassion et la ferveur brûlante. » (Dictionnaire de la musique, Larousse)

Texte latin :
O magnum mysterium,
et admirabile sacramentum,
ut animalia viderent Dominum natum,
jacentem in praesepio!
Beata Virgo, cujus viscera
meruerunt portare
Dominum Christum.
Alleluia.

Traduction Française :
O grand mystère,
et admirable sacrement,
que des animaux voient leur Seigneur nouveau-né,
couché dans une mangeoire!
Heureuse Vierge, dont le sein
a mérité de porter
Le Christ Seigneur.
Alleluia!

Une magnifique pièce très unifiée dans son rythme et sa sonorité bien qu’il n’y ait aucune reprise mélodique comme dans de nombreuses constructions postérieures. A la mesure 40, un apparent changement de rythme (O beata virgo). Mais seul en fait l’alléluia (mesure 58) amène une véritable conclusion, très différente du reste de la pièce, même si dans son final elle en rejoint la quiétude initiale.

Cette pièce personnifie la confiance sereine. Elle peut paraître un peu morne à nos oreilles qui ont besoin de changement, d’insolite et de renouvellement permanent des sonorités pour sortir d’une passivité due à l’accumulation des bruits. Si l’on se laisse entraîner dans son rythme égal, on s’élève dans un autre monde. C’est un instant de paradis que nous apporte la musique de Tomas Luis de Victoria.

05/06/2013

Le bonheur

Ce peut n'être qu’un instant, insaisissable
Une fraction de seconde où tout chavire…
L’extase absolue et un retournement de la vue
Tu suffoques de ce poids en toi tel un caillou
Qui pèse sur ton cœur et lui donne existence
Tu t’incarnes et rien ne t’en fera démordre

Mais quelle en est la cause, pourquoi ?
Cet éclair impulsif vient-il de ton imagination ?
Est-il né d’un manque d’air ou d’un coup de poing
Au creux de tes vagabondages nocturnes ?
Un moment d’attention parmi les minutes vécues
Ou de distraction au sein de la morosité ?
Rien ne peut te le dire. Ce n’est qu’un tremblement
Entre deux feuillets d’habitudes sans faconde
Qui bouleverse tes sens et les exacerbe
Jusqu’à terrasser en toi ce personnage
Que tu traines sans cesse depuis ta naissance

Nu(e) devant ta destinée, tu frémis d’aise
Et de surprise intime… Touché(e)...
La lance du glaçon te transperce d’ignorance
Et tu bous de vertige et d’inaction
Jusqu’au volcan qui se réveille en toi
Le silence, les yeux ouverts, dans l’attitude
Incroyablement banale d’un enfant
Plongeant ses doigts dans la confiture
Arrêt du cœur, explosion de cellules
Te voici renouvelé, repu, rassasié
D’une seconde de ta vie qui t’entraîne
Derrière l’apparence…

C’est fini, le glaçon est fondu
Il ne reste qu’un peu d’eau
Une goutte de regret
Que tu essuies de ton mouchoir
Comme une tache rebelle
Tu gardes celui-ci dans ta poche
Empli du parfum de l’invisible

04/06/2013

Arvo Pärt, Für Alina

http://www.youtube.com/watch?v=CNbuIh_1q1c 

 

Un conte fantastique ! Pas besoin de commentaires. Et comme l’homme, nous en tombons sur... le cul.

La descente est longue jusqu’au moment où il se décide à frapper au-delà des trois marches. Prise de connaissance… par les pieds et les mains, dans la fumée de l’ignorance… jusqu’à l’harmonie ou la folie.

03/06/2013

"Marie ou la voix", dans « Des persiennes vert perroquet », récits de Jacques Tournier

Tu disposes de deux armes ; la mimique et la diction. La mimique, c’est un vocabulaire rituel pour la vue. Tu dois l’apprendre, geste à geste, et les enchaîner avec élégance. La diction s’adresse à l’oreille. Elle est au service d’un texte. Lorsque le public ne distingue plus ce qu’il entend de ce qu’il voit, tu asnouvelle,récit historique,tragédie rempli ton rôle et le spectacle existe. Maintenant travaillons.

Ainsi s’adresse à la future Champmeslé, comédienne et amante de théâtre de Jean Racine, son premier professeur, La Roque. Brève histoire de moins de vingt pages racontée de main de maître par Jacques Tournier. Elle a vingt-huit ans, lui trente et un. Il est prince des poètes. Elle sera bientôt reine sur le théâtre. A partir de là, ils vont tout partager : les coulisses et les chambres, les combats et la gloire, les influences et les rejets, et aller de triomphe en triomphe jusqu’à la rupture de Phèdre.

Il raconte son apprentissage, leur amour commun. Ils s’aimaient au théâtre. Il avait le génie. Elle avait la voix et la passion des rôles. C’est par elle et pour elle qu’il écrivait, à travers elle qu’il se faisait entendre et qu’il imposait sa révolution. (…) La Nature, Marie. Rapproche-toi de la Nature. Chaque sentiment exprimé a un ton bien à lui. La déclamation que je veux repose sur le naturel. C’est dans l’âme que le comédien trouve le feu de son talent.

 Ils se couvrent de gloire jusqu’au rôle de Phèdre. Et là, cela ne va plus. Elle a peur. Elle ne triomphe pas et abandonne. Elle revient pourtant, mais entre elle et lui tout est mort. Pourquoi ? Ni l’un ni l’autre ne le savent :

Mais je n’ai plus senti qu’un horrible mélange
D’os et de chair meurtrie et traînée dans la fange
De lambeaux pleins de sang et de membres affreux
Que des chiens dévorants se disputaient entre eux.
 

Un magnifique récit, émouvant de connaissance de la tragédie, d’équilibre entre noblesse et naturel, de simplicité dans la reconstitution.

02/06/2013

La Loire

La Loire toujours nouvelle, jamais la même, renouvelée chaque jour…

Aujourd’hui mélancolique, elle se prête au mystère de l’eau et de l’air mêlés. Le brouillard environne son image et trouble la perception. Seuls les bancs de sable gardent leur ardeur colorée.

 

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01/06/2013

La photo

Une photo… Un coup de pistolet dans la vie…
Prise sur le vif, elle éclaire l’instant
Sans dire cependant d’où tu viens
Où tu vas et quelle est ta destinée

Pour l’autre, tu es figé dans le sel
Expression d’un temps à jamais perdu
Et l’œil éperdu qui te contemple
Ne voit rien d’autre qu’un fantôme

Ce rectangle de papier glacé
Dans lequel tu as mis ton espoir
Devient lentement un cimetière
Dans lequel jaunit ton ardeur

Un jour, se fanera même cet instant
Ce sourire aisé que tu donnes au monde
Et ne resteront que ces images vieillies
Qui se gondolent dans une boîte de fer blanc