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19/06/2013

Foule

On est toujours un inconnu environné d’inconnus dans la foule. On croit encore exercer son esprit critique, voire son indépendance d’esprit. Mais en réalité on est déjà pris dans son mouvement, dans ses craintes et ses délires.

Retirez-vous ou cessez d’être ce que vous êtes, telle est la maxime !

 

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Dessin réalisé aux feutres

10/06/2013

Le voyage d'hiver, roman d'Amélie Nothomb

C’est une histoire abracadabranque. Un jeune homme, Zoïle, rencontre dans son travail deux femmes dont une écrivain. L’une, Aliénore, est attardée,13-06-10 Le voyage d'hiver.jpg l’autre, Astrolabe,  est jolie, si jolie qu’il en tombe amoureux. Il découvre que l’écrivain n’est pas celle qu’il croyait. Qu’à cela ne tienne, il fait des visites assidues, mais arrive tout juste à embrasser sa bien-aimée, rien au-delà. Pour la voir nue, il distribue en guise de repas des pilules. Celles-ci contiennent un gramme de psilocybes guatémaltèques. Peine perdue. Elle est de marbre. Alors, pour se venger, il décide de détourner un avion et de l'envoyer percuter la tour Eiffel.

Bien que le titre soit emprunté à des lieder de Schubert, son chant ne m’a pas séduit. L’histoire manque d’intérêt, ne comporte aucun rebondissement et traîne en longueur. Certes, Amélie Nothomb reste parfois acide, percutante et éventuellement drôle. Ainsi lorsqu'elle décrit les traductions de Zoïle :
Quand un vers me dérobait sa signification, je le scandais au rythme de mes pieds, de mes genoux et de la main gauche. Ne s’ensuivait aucun résultat. Je chantonnais alors et élevais la voix. Aucun résultat. De guerre lasse, j’allais soulager un besoin aux toilettes. De retour le vers se traduisait tout seul. La première fois, j’écarquillais les yeux. Fallait-il faire pipi pour comprendre ? Combien de litres d’eau devrais-je boire pour traduire de tels pavés ? Puis je réalisai que la miction n’y était pour rien. Ce qui avait fonctionné, c’était les quelques pas pour me rendre aux cabinets. J’avais appelé les jambes à la rescousse ; encore fallait-il les activer pour trouver la solution. L’expression « ça marche » n’a sans doute pas d’autres explications.

 Mais cela suffit-il ? Non, cette fois-ci, ça manque de chair, de finesse et de délicatesse. L’année 2009 est vraiment un mauvais cru pour Amélie Nothomb.

08/06/2013

Des hommes ou des femmes remarquables

Pendant longtemps j’ai pensé n’être entouré que de gens quelconques. Je comptais sur les doigts de la main les êtres qui m’avaient marqué et qui dénotaient de l’ordinaire. C’est après la lecture du livre de Gurdgieff, « Rencontre avec des hommes remarquables » que j’ai cherché ceux qui m’avaient semblé hors du commun pour des raisons diverses certes, mais qui tranchaient sur l’entourage habituel.

Je ne me posais pas la question de savoir dans quel camp je me rangeais, de même que je ne m’interrogeais pas sur les raisons de leur différence. Je comptais un oncle prêtre missionaire, un cavalier qui me donna confiance en compétition, un théologien orthodoxe, un musicien maître de chapelle et compositeur de chants sacrés, un capitaine qui manoeuvrait ces sections avec savoir et adresse et quelques autres, mais peu, qui me semblaient sortir de l’ordinaire. Certes je connaissais beaucoup de gens qui s’étaient fait des carrières en vue, qui étaient remarqués par leurs pairs et dont les articles de journaux parlaient avec éloge. Mais je constatais avec le recul qu’ils n’avaient rien d’extraordinaire et que seules les circonstances et leur habileté leur avaient permis d’obtenir la place qu’ils tenaient.

Ce n’est que récemment que j’ai découvert que la plupart des hommes sont remarquables, même s’ils ne sont pas remarqués. Faire le point de ses erreurs aide à faire un bilan de vie. J’ai vu mes erreurs, voire mon outrecuidance. Je n’ai jamais voulu être à la place où l’on me mettait. Mais dans le même temps, j’ai toujours cherché à obtenir la place que l’on voyait pour moi. En réalité, il y avait deux personnages en moi : celui qui se sentait libre de toutes contingence sociale ou sociétale et celui qui obéissait aux règles d’une société qui a besoin d’hommes précis à des postes précis. N’ayant jamais choisi vraiment, j’étais entre deux chaises, en équilibre instable.

Aujourd’hui je constate que la plupart des hommes sont remarquables ou, du moins, ont quelque chose de remarquable en eux. Pour certains c’est tout de même d’avoir été remarqués et d’avoir occupés des fonctions importantes en raisons de capacités réelles, professionnelles ou humaines. Pour d’autres, il s’agit de qualités plus personnelles, que l’on ne remarque pas de prime abord : égalité d’humeur, gentillesse, attention ou encore de qualités intellectuelles spécifiques telles que persévérance sur un but, capacités d’analyse, facultés d’écriture, etc. Pour d’autres encore ce ne sont que des dispositions en attente, non développées, qu’il convient d’aider à mettre en valeur. En fait chacun dispose de vertus qui font qu’il est un être unique parmi les milliards d’autres êtres uniques. Mais avons-nous le courage de chercher ce en quoi cet être se distingue ? La plupart du temps nous n’y pensons pas. Et même si l’on y pense, cela ne dure qu’un instant et nous sommes vite repris par l’habituelle cecité.

Ouvrons donc les yeux sur le monde et les êtres (hommes et même animaux qui sont eux aussi très différents les uns des autres, les chevaux me l’ont appris). Apprenons à distinguer en quoi cet être est unique et mérite d’être remarqué. Nous deviendrons remarquables à notre tour.

07/06/2013

La solitude collective

C’est un pique-nique au bord de l’eau. Il fait beau. L’air est pur bien qu’au loin la fumée d’une usine trouble cet instant magique. Deux grâces s’exhibent ou se détendent aux chauds rayons du soleil. Elles papotent ensemble. L’homme se demande :

– Dieu, où donc es-tu dans ce monde sans âme ?

Et celui-ci ne répond pas.

 

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14/05/2013

L’étudiant étranger, roman de Philippe Labro

Mais pourquoi ai-je éprouvé le besoin de commencer par Buck Kuschnik ?  se demande Philippe Labro au début de ce roman autobiographique. Qu’est-ce que ça voulait dire, ce corps de dix-huit ans, vêtu seulement d’un long plittérature,roman,société,femmeantalon de pyjama à rayures classiques, les chevilles attachés aux barres de métal des deux extrémités du lit de sa chambre dans le freshmen dorm, aile ouest du dortoir, rez-de-chaussée, à droite quand on entrait dans la cour ? 

Français, il découvre, grâce à une bourse, un collège américain très classique en même temps qu’il fait, adolescent, l'expérience de la vie. C’est un tourbillon d’incertitudes, d’affirmations de soi, d’épreuves nouvelles, d’apprentissage des « date ». C’est un verbe, c’est aussi un mot, ça veut dire un rendez-vous avec une fille, mais ça désigne la fille elle-même ; je vais boire un verre avec une date. Une fille vous accorde une date et elle devient votre date régulière si vous sortez plus d’une fois avec elle. (…) C’est un rite, et je me suis aperçu ici, sans le formuler de façon aussi claire, que tout est rite, tout est cérémonie, signe, étape d’un immense apprentissage. Il y a un Jeu et des jeux à l’intérieur de ce grand Jeu de la vie américaine et tout mon être aspire à les jouer.

Invité à Noël chez un ami américain, il fait connaissance avec une noire, April : Les Américains ont du mal à regarder une Noire en face, surtout si elle est belle, vous n’avez pas remarqué  cela ? Il se découvre sensuel. L’enfant ne redonnait pas tout simplement aux sens le rôle qui leur avait été partiellement confisqué, et se libérait donc et se délivrait et se révélait avec toute la violence d’une seconde venue au monde. Il fait l’amour avec elle, dans sa voiture. Elle avait ôté le pantalon de son survêtement, m’offrant la peau brune et velours de ses jambes et ce qu’elle m’avait offert m’avait paru plus beau que ce dont j’avais pu rêver.

Il tombe amoureux d’Elisabeth, d’abord entrevue dans toute sa splendeur attirante d’une héritière de Boston, puis découverte au travers de ses humeurs fantasques. Les conseils de Vieux Zach, doyen de son collège, le détourneront de cette merveille. Vieux Zach est dur, mais il lui enseigne que les choses n’arrivent pas comme ça, simplement parce qu’on les énonce. Agir ! L’Amérique lui avait enseigné qu’il est naturel et facile d’agir, alors que le continent d’où il était arrivé, lourd d’une éducation ancienne, privilégiait l’acte de compréhension. Et il avait appris ceci : que la compréhension et l’action ne doivent pas être posés comme irréductibles l’un à l’autre.

Un livre initiatique. Il met en évidence les joies, les difficultés, les erreurs et le bonheur d’être adolescent. Ce fut bien un passage rituel de l’enfance à l’âge adulte, période aléatoire où la personne se construit, heureusement protégée par un entourage attentif.

 

09/05/2013

Le beau

 Si l’on recherche la signification des termes « beau » et « beauté » dans un dictionnaire, on est surpris et attristé de constater que le beau et la beauté ne signifient rien de très concret et sont même des concepts indéfinis.

« Est beau ce qui suscite un sentiment admiratif par sa supériorité intellectuelles, morale ou physique, ou encore, qui suscite un plaisir esthétique d’ordre visuel ou auditif. » (Larousse). La beauté n’est que « le caractère ou la qualité de ce qui est beau ou conforme à un idéal esthétique » (CNRTL)

Bref, est beau ce qui nous donne une impression de beauté et la beauté est la qualité du beau et nous ramène à l’esthétisme. Or l’esthétisme est le culte du beau (CNRTL) ou encore l’art de penser le beau, science de la connaissance sensitive (A. G. Baumgarten, philosophe allemand). Tout tourne donc autour du beau sans que l’on sache ce qu’est le beau.

 

Mais qu’est-ce qu'est le beau pour moi ? Comment je le définis ?

On peut commencer la réflexion en se demandant s’il y a un beau absolu, un idéal atteint que l’on pourrait prendre en référence. Ce beau absolu pourrait équivaloir à la notion de bonheur absolu. Et l’on pense immédiatement au paradis qui est notre représentation du bonheur absolu. Mais comment invoquer le paradis ? Chacun le voit ou tente plutôt de l’imaginer à sa manière. Et la notion de paradis disparaît en termes de connaissance commune ou de concept universel. Ceci ne nous dit toujours pas ce qu’est le beau.

Alors, plutôt que de tenter de définir ce qu’est le beau, essayons donc d’en trouver les caractéristiques.

Première caractéristique : L’impression de beau ressentie est propre à chaque personne. Je ne trouve pas forcément beau ce qui semble beau à mon voisin et inversement. C’est bien pourquoi le terme est si difficile à définir. Le beau implique une adhésion personnelle dans l’instant, adhésion non réfléchie, mais très prégnante.

Deuxième caractéristique : Si certes le beau est une impression personnelle, elle n’en est pas moins partagée par un grand nombre. Il y a donc bien une notion commune dans cette impression qui la fait reconnaître parmi les autres.

Troisième caractéristique : Le beau n’est pas fréquent. Il est exceptionnel. C’est la perle rare à contempler et dont on jouit parce qu’elle est différente. Certains paysages sont beaux parce que peu habituels. Cependant l’exception ne fait pas le beau. De nombreuses choses ou êtres sont exceptionnellement laids.

Quatrième caractéristique : Le beau est éphémère. Il s’agit certes de la notion de temps qui dénature progressivement le beau, mais également du sentiment ressenti face à quelque chose de beau. A trop contempler quelque chose ou quelqu’un de beau, on n’en mesure plus la beauté. On s’habitue à la beauté. Elle devient banale, donc sans la consistance du merveilleux qu’elle procure au premier abord. C’est bien en cela que le beau est une impression, voire un sentiment. Il s’envole dès lors qu’on en abuse.

philosophie,esthétisme,art,société

Cinquième caractéristique : La notion de beau s’acquiert. Elle est le fruit d’une éducation et c’est en cela qu’elle est partagée. En conséquence, elle est liée à des conventions et à des modes. Mais jusqu’à un certain point. Le sentiment de beau se forme dans la jeunesse. On peut ensuite le développer. Cependant ce sentiment spécifique reste celui de notre enfance. C’est cette impression inoubliable de nos jeunes années qui est à la naissance de notre sentiment de beauté. On pourra ensuite se former culturellement à la beauté et notre adhésion sera liée à la raison et la culture. Il n’empêche que notre réel sens de la beauté est l’adhésion que nous avons rencontrée lorsque nous étions enfant.

Sixième caractéristique : Le beau ne s’exprime que sous une forme concrète. Son concept n’existe que parce qu'il est devant moi. On peut disserter sur le beau, mais on ne l’éprouve que devant une forme réelle, qu’elle soit visuelle, sonore, olfactile ou même intellectuelle.

Septième caractéristique : On pense souvent que le beau est lié à l’harmonie, voire à l’ordre. Mais est-ce si sûr ? Bien souvent le beau survient d’un dérèglement de l’ordre, comme dans le cas des éclairs lors d'un orage. Le beau de la peinture abstraite n’a pas d’ordre. Certes il peut avoir l’harmonie. Mais cette harmonie est subtile et ne se remarque pas de prime abord.

Huitième caractéristique : Le beau est balancement entre les formes, les couleurs, les sons, tout ce qui est qualité d’une chose. Et ce balancement est plus ou moins prévisible parce qu’il implique des répétitions. C’est particulièrement vrai dans la musique et dans la symétrie. On trouve belle une musique parce que ses phrases mélodiques peuvent être imaginées par l’auditeur avant même qu’elles ne soient jouées. Mais, dans le même temps, l’agencement inconnu des variations est nécessaire pour en faire la beauté. La chanson ordinaire est tellement prévisible qu’elle en devient rengaine.

Neuvième caractéristique : Le beau suscite la curiosité, l’attirance et, in fine, la satisfaction. Pour Emmanuel Kant, le beau est l'objet de la satisfaction désintéressée. On aime le beau parce qu’il nous satisfait sans que l’on puisse dire généralement pourquoi. Le beau rend heureux.

Dixième caractéristique : Le beau est ce qui résonne en moi et augmente, magnifie, exalte mon être. Dans le même temps, il procure un sentiment de communion intime avec l’univers.

Onzième caractéristique : Le beau est une communication, un échange sans parole entre ce qui m’émeut et mon être ému. Et cette émotion renforce sa beauté parce qu’elle nous transforme. Contempler le beau, c’est se laisser transformer.

Douzième caractéristique : Cette transformation est visible pour les autres. La beauté irradie et donne à celui qui la perçoit le privilège d’irradier à son tour la beauté.

Treizième caractéristique : La beauté est une clé de la compréhension intime du monde. « La beauté est la clé du mystère et elle renvoie à la transcendance. » (Jean-Paul II). La beauté est la présence manifestée de l’invisible dans l’univers.

07/05/2013

Le marché aux puces de Saint Ouen

Les puciers de Saint Ouen accueillent les chineurs dans de bien étranges demeures. Certains stands font moins de deux mètres carrés. L’homme y tenait debout, mais ne pouvait bouger qu’en sortant sur le trottoir. On peut presque se perdre dans ces marchés multiples. En 1920, Robert Vernaison, concessionnaire de droit de stationnement aux Halles de Paris, puis loueur de chaises des jardins publics parisiens, et propriétaire d’un terrain à Saint-Ouen, installe des baraques en bois préfabriquées sur ce morceau de zone appelé lieu dit "les 26 arpents". Devenu le marché Vernaison, il reste l’empreinte et l’enseigne de la chine de Paris et est le plus attrayant.

 Un stand au coin d’une de ses minuscules rues. Il est fermé. C’est normal. Il est habité de squelettes. Le stand est propre cependant et ses locataires sont bien tenus, même s’ils datent d’un siècle écoulé. Ils surgissent de ce décor maladroit et font la fête avec entrain. Regardez ce couple élégant qui tourne avec aisance et dignité. N’est-il pas racé ?

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Et cette femme au regard d’acier qui vous appelle : « Venez dans mon monde, entrez dans la boutique, participez à notre fête ! » Vêtue de plumes, elle rit de toutes ses dents en attirant le client.

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Et si vous vous laissez tenter, vous vous retrouvez exposé en habit à la curiosité des passants qui admirent votre solennité. Alors vous buvez un verre de cognac pour vous consoler de ne pouvoir bouger. La cigarette reste autorisée dans ce lieu d’avant la loi anti-tabac.

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Attention. la boutique est gardée par une femme de tête, chauve et tenace, qui vous barre le chemin. Cela vaut peut-être mieux !

 

 

Quel séjour ! Heureusement, je croise quelques mètres plus loin des moines bouddhistes qui marchent en procession, graves, portant la lumière du monde. Ils viennent de loin et de deux monastères différents. Merci, petits frères, d’accompagner au royaume des morts le vivant que je suis !

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27/02/2013

Qu’ai-je donc fait, de Jean d’Ormesson

J'ai tenté de lire d’Ormesson il y a longtemps, si longtemps que je ne me souviens plus de quel ouvrage il s’agissait. Je m’étais ennuyé, le trouvant pédant. J’ai acheté ce livre dans un vide grenier et en ai commencé la lecture.littérature, roman, société, écrivain, philosophie Miracle, les 70 premières pages m’ont passionné. Je l’ai trouvé drôle, cultivé, au fait des questions éternelles sur l’homme, sur ce que chacun d’entre nous est et sur ce qu’il est lui-même. « C’est moi » est son leitmotiv des premiers chapitres : Bonjour. Bonsoir. C’est encore moi. Ne me dites pas que j’exagère... C’est vrai, j’ai du mal à me quitter.

Mais immédiatement après, il constate que moi, c’est vous : Chacune des créatures conquérantes et voués au néant qui sont passées sur cette planète a le droit de se lever et de dire : « Moi » comme moi. Je suis moi. Chacun de vous est un moi comme moi. Je – mon Dieu – est un autre. Aussi finit-il ce chapitre par cette supplique : Ne m’accusez pas, je vous prie, de ne m’occuper que de moi ; En parlant de moi, je parle de vous. Quel beau pied-de-nez !

Bien qu’il ne parle que de lui – et du temps – il reste primesautier. Progressivement, il commence à faire étalage de sa culture.  Pris sous l’angle de l’humour, cela passe. Il parle de sa paresse : Tout m’amusait. Rien ne me retenait. Tout me plaisait. Rien ne m’attirait. Il avoue même qu’il écrit toujours la même chose. Il aimait apprendre. Il était curieux. Puis il entre dans son côté plus « Regarde-moi » alors qu’il dit dans le même temps « Je ne cherche pas à plaire… Je vise à mieux : à me plaire. Le succès me paraît être un résultat et non un but. » C’est sûrement vrai, mais faut-il le dire ? Tous le proclament un fois le but atteint. Le livre change donc de portée. Il parle de sa famille, de ses ancêtres, de ses châteaux, de leurs rapports avec Dieu, de leur manière de table. Et cela perd le livre qui jusqu’ici nous charmait malgré certains dérapages. Il parle également de son Ecole, de ses professeurs, des trotskistes. C’est long et ennuyeux, malgré quelques beaux effets de style. Ce contraste entre la rue d’Ulm et sa famille lui permet de constater que tout s’écroule, sauf l’argent : l’argent hier, était, sinon une force de l’ombre, elle ne l’a jamais été, du moins un outil subalterne, un instrument au service du pouvoir. Tout, désormais, tourne autour de lui. Il est devenu le pouvoir.

Il reprend alors sa méditation sur Dieu et ses liens avec les hommes dans la troisième partie du livre, mais de manière indirecte. L’homme est le seul être capable de penser le tout. Il est remonté au big bang, il peut prédire comment les étoiles finiront. La vie et, au-delà de la vie, l’univers sont des machines à transformer l’avenir en passé. L’avenir ne se transforme pas directement en passé : il passe par le présent. Le monde est un paradoxe et un mystère parce que l’homme est dans le temps. Jean d’Ormesson  tente alors de faire coïncider la physique et la métaphysique dans des évocations brèves de l’espace, de la lumière, de l’eau, de la pensée, de la parole. Et toujours, il revient au temps. Il me semble que le temps n’est pas fermé sur lui-même et qu’il renvoie à autre chose. A quoi ? A l’éternité. (…) Dans ce monde, le temps est tout, mais, au regard de l’idée que nous sommes capables de nous faire de l’infini, il est une limite, une servitude, une imperfection. Il est la marque de notre condition misérable. A l’origine de l’univers, il naît avec le tout qu’il accompagne de bout en bout. Il est signe d’autre chose, vers quoi nous nous précipitons. De quoi est-il donc le signe ?

Dieu est caché, nous dit l’auteur. On ne peut ni prouver son existence, ni son inexistence. La science s’arrête à l’existence de l’univers, au-delà qu’y a-t-il ? La science est là. Dieu est ailleurs. Hors de ce monde. Hors du temps. A l’écart de nos lois que déchiffre la science. La science parle. Dieu se tait. La science est présente sur tous nos fronts. Dieu est absence.

Qu’a-t-il donc fait, finalement ?

Il a essayé d’être libre. Et ce qui l’intéresse, c’est l’avenir. Il s’obstine à lui faire confiance. Qu’ai-je donc fait ? Rien, bien entendu. Je le dis sans affectation et avec un peu d’orgueil. Rien, dans ce monde et dans le temps, ce n’est déjà pas si mal. Je suis entré dans le temps. J’ai fait partie de ce monde. C’est une chance inouïe, un bonheur et un triomphe. (…) Je me retourne encore une fois sur ce temps perdu et gagné et je me dis, je me trompe peut-être, qu’il m’a donné – comme ça, pour rien, avec beaucoup de grâce et de bonne volonté – ce qu’il y a eu de meilleur de toute éternité : la vie d’un homme parmi les autres.

Oui, on peut le dire, à côté de ses fièvres aristocratiques agaçantes, en dépit de son côté satisfait d’être ce qu’il est, Jean d’Ormesson sait nous faire lire l’histoire d’une autre manière, englobant ce qui préoccupe les hommes depuis des temps immémoriaux : d’où je viens et où vais-je ? Et celui qui dit moi, c’est nous.

19/02/2013

Les êtres aimés n’ont pas d’âge

Dans le livre d’Alexandre Jardin, « Bille en tête », on trouve cette très belle phrase que dit Virgile à Clara : « Tu peux devenir vieille, folle ou malade, tu seras toujours Clara. Je verrais toujours ta vraie figure, tes cheveux superbes, ta peau blanche, tes hanches pour les enfants et tes seins pour l’amour. »  Miracle de l’amour.

On voit vieillir ses parents ou ses amis. On ne voit pas vieillir celui ou celle qu’on aime (sauf si bien sûr on ne l’aime plus). Il ou elle est toujours mon ou ma fiancé(e), auréolé(e) du visage aimé(e), du corps que l’on tient délicatement dans ses bras.

Le soir, lorsqu’on se retrouve seuls, on s’approche de la tendresse et de la chaleur de l’autre, qu’elle se manifeste par la douceur pour elle ou la force pour lui, et on monte au paradis, dans une bulle de sensations maintes fois éprouvées, mais toujours nouvelles. Alors les jours n’existent plus, l’éternité est commencée sur terre. Nous sommes enfermés dans notre bulle et le monde habituel nous paraît lointain. Ses bruits sont estompés comme si l’on plongeait la tête sous l’eau, légèrement. Il ou elle est présent(e). Nous sommes seuls sur terre et cette seule présence nous suffit pour vivre dans l’éternité.

Oui, nous sommes dans notre bulle, prison rêvée, entretenue, encouragée, dans laquelle toi et moi ne font que nous comme un seul soi. Cet être à deux, devenu un et unique, flotte au-dessus des contingences. Je ou tu regarde(s) le visage aimé(e) et l’histoire s’arrête, l’osmose s’effectue. Tu es ma ou mon fiancé(e) pour toujours. Et cet engagement dure, dure, comme une promesse d’immortalité, au-delà du temps qui coule.

Nous le savons, la durée nous rejoindra, mais nous aurons vécu notre rêve jusqu’au bout, jusqu’à cet instant où l’un de nous partira en disant : « Je t’attends de l’autre côté ». Et même s’il ne pouvait le dire, nous le savons, il ou elle y sera.

 

18/02/2013

Le grand exterminateur, roman de Virgil Gheorghiu

Bucarest signifie « ville de la joie ». C’est un nom prétentieux. Une ville où la joie est permanente n’existe pas sur terre. Ainsi commence ce roman dans un monde fou, celui de la dictature roumaine. Son objet est une chasse à l’homme. Celui-ci, Trajan Roman, est sauvé par une enfant de douze ans, Dragomirna,roman, livre, société fille du directeur de la police. Trajan n’arrive pas à situer et à comprendre la fillette qui est devant lui. Quelquefois, Dragomirna parle et agit comme une toute petite fille. Comme les enfants. Une minute après, elle s’exprime comme les adultes. Dans la personne de Dragomirna tous les âges sont mélangés. Elle est semblable au grenadier. Lui, n’est qu’un paysan, fils d’un curé de campagne, mort d’épuisement provoqué par l’archevêque Isidor, à la solde du pouvoir. Il eut la chance de rencontrer le professeur Cicérone Trifan qui dirigeait la commission pour la préparation du saint et grand concile, et surtout sa fille qu’il finit par épouser. Mais des documents ont été subtilisés et sont recherchés par la police.

Le cœur du subtil complot est expliqué au chapitre VI. Staline découvre que l’énergie dépensée par l’eau bénite n’est pas moindre que l’énergie atomique. (…) Les soviets, sans l’arme atomique, ne pourront jamais réaliser le communisme. Staline n’oublia pas, non plus, qu’il y a quelque chose qui est aussi minuscule que l’atome et que la société communiste ignorait jusqu’à cette date. C’est l’individu. Dans un Etat communiste, l’individu est nul. Il n’a aucune valeur. La personne humaine équivaut à zéro. (…) Staline découvrit de la sorte que l’individu est aussi important que l’atome. Ces deux découvertes durent presque simultanées. L’individu, l’être humain est une plante qui a ses racines dans le ciel. (…) En matière sociale, on a découvert l’énergie de l’insignifiant, du tout petit, et l’individu. Il possède une énergie égale à celle de l’atome : voilà la base de la nouvelle sociologie.

Alors Staline tente d’utiliser cette énergie spirituelle que l’église détient par l’intermédiaire d’un Concile. Pour gagner le ciel, il faut d’abord détruire la société capitaliste et instaurer la fraternité communiste sur la terre. L’Eglise est comme un bateau. Au lieu de diriger le navire de l’Eglise vers le ciel, on le dirigera vers le paradis communiste. C’est quelque chose de plus certain et de plus concret que l’éternité.

La découverte des documents volés compromet la géniale idée de l’organisation d’un Concile destiné à affirmer cette nouvelle orientation de l’Eglise. Alors toutes les ressources de l’Etat sont mises en branle pour retrouver ces documents.

La candeur de Trajan sera la source de son malheur. Il se lie d’amitié avec Taky Tsèp, un espion envoyé par le président de Roumanie pour lui faire dire le nom de celui qui a livré le document signé de sa main. Ce que Trajan se refuse à dire, jusqu’au jour où il apprend la mort de Dragomirna.

Une véritable machination est ensuite montée pour mettre à mort Trajan. Un exterminateur, Baxan, est nommé. Il finit par gagner. Trajan « se suicide » au jour et à l’heure prévus. L’Etat gagne contre l’individu. L’énergie collective a été plus forte que l’énergie spirituelle. Le paradis communiste peut continuer à exister.

Et pourtant il est tombé tout seul, se prenant les pieds dans le tapis !

09/02/2013

Imaginaire et réel

Victor Segalen dans Equipée (p.11) pose une drôle de question : « L’imaginaire déchoit-il ou se renforce-t-il quand il se confronte au réel ? »

J’ai d’abord cru à une galéjade devant cette proposition. L’imaginaire et le réel sont différents et n'ont pas de rapport entre eux. Mais, en réfléchissant, il m’apparut qu’il n’était pas inintéressant de se poser la question. Mais elle peut se poser de deux manières : soit l’imaginaire mène au réel, soit le réel est le point de départ de l’imaginaire.

En réalité, chaque jour, l’homme élabore son avenir en l’imaginant. C’est même pourrait-on dire le propre de l’homme : voir loin, imaginer et agir dans le sens de son intérêt ou de ses valeurs. Il dispose maintenant d’outils spécialisés pour affiner sa réflexion : statistiques, méthode des scénarii, et même, depuis longtemps, voyance.

Mais l’inverse est également vrai : on ne peut commencer à imaginer un avenir qu’à partir du présent, c’est-à-dire du réel. La boucle est bouclée, les deux hypothèses sont vraies.

Ce n’est cependant pas exactement ce que dit Victor Segalen : « L’imaginaire déchoit-il ou se renforce-t-il quand il se confronte au réel ? » On peut déjà supposer que l’imaginaire dont il parle n’est pas la capacité d’imaginer un avenir, mais celle de créer un monde nouveau, déconnecté de la réalité, réellement né de son imagination. Il ne s’agit donc plus d’utiliser l’imaginaire pour se rapprocher du réel en le confrontant aux exigences des contraintes. Il s’agit de savoir si l’utilisation de la réalité dans l’imaginaire affaiblit celui-ci ou, au contraire, le renforce.

Disons d’emblée et tout net : l’imaginaire s’inspire toujours de la réalité, sinon il serait incompréhensible et non porteur de valeurs. La réalité est obligatoirement un point de départ de l’imaginaire. En effet, il faut bien utiliser les images, les sons, le langage, qui représentent la réalité quotidienne, pour commencer à imaginer quelque chose qui en dérive. Au-delà même de ces matériaux communs au réel et à l’imaginaire, il y a l’utilisation d’un contexte ou simplement d’un objet ou même d’un sentiment qui permet de passer du réel au fictif. On peut penser que l’imaginaire s’inspirant du réel pour ensuite bifurquer vers la fiction, renforce nettement l’intérêt du spectateur, lecteur, auditeur ou autre pour l’imaginaire né de cette réalité. La bonne science-fiction est proche d’une réalité qui peu à peu bifurque. Les extraterrestres n’intéressent le lecteur que dans la mesure où ils sont confrontés aux humains. Rien ne sert de les décrire si aucun homme n’est présent, ou, au moins, des créatures proches de l’humain.

Mais en est-il de même de l’imaginaire pictural ? Il semble bien que non, tout au moins au premier degré. La peinture abstraite est totalement imaginaire, sans référence au réel, au moins une partie. Cependant, est-ce si vrai ? Les tachistes, sans véritablement s’inspirer du réel, rejoignent le réel dans leur peinture, réel naturel et minéral, réel quasi artificielle, dû au grossissement du microscope électronique, ou encore réel conceptuel de la géométrie, qui rend compte d’une réalité abstraite, tels l’art cinétique ou l’art optique. Là aussi, in fine, et contre parfois l’avis des artistes, l’imaginaire se renforce du réel.

Enfin, l’imaginaire mathématique se renforce-t-il du réel ou au contraire s’appauvrit-il ? On peut tout de suite dire que le but des mathématiques est de conceptualiser le réel, de le rendre compréhensible, de le réduire en équations simples qui explique de manière claire la complexité du monde. Le réel renforce bien l’imaginaire pour l’aider à tendre vers une compréhension du monde.

In fine, on peut sans doute conclure que c’est l’imaginaire qui permet non pas de construire le réel, mais de l’aménager dans un sens favorable. Il se renforce dans sa confrontation au réel. Mieux même, il renforce lui-même le réel, le rend plus humain (pas forcément plus juste). L’imaginaire est l’énergie de l’évolution.

29/01/2013

Manuella, roman de Philippe Labro (Gallimard, 1999)

Une collégienne, sympathique, qui ne sait si elle va avoir son bac. Quoi de plus classique ! Mais, j’ai revu la libellule de mon rêve et je me suis dit qu’une fille qui commençait la matinée la plus horrible de sa vie avec une libellule dans un carré d’espace bleu ne pouvait pas être entièrement foutue.

Pourtant, elle est vierge et la plupart de ces amies ne le sont plus. Lorsqu’un13-01-31 Manuella.jpg garçon veut coucher avec elle, elle répond : « Je t’aime bien, mais je ne t’aime pas. » Quand une fille dans le train, assise en face d’elle, lui demande : « Est-ce que vous êtes vierge ? » Elle la regarde, stupéfaite : « Ça va pas bien, non ? Ça te regarde ? »

En fait l’intérêt du livre n’est pas dans l’histoire, mais dans les réflexions et les anecdotes concernant la vie d’une adolescente qui se dit ratée.

Ainsi l’auteur consacre un chapitre à la mode du noir : Dehors dans la rue, j’ai l’impression que tout est en noir, que tout le monde s’habille de noir. Le deuil de qui ? Ils portent le deuil de quoi, les gens ? Ils vont à l’enterrement de quoi ? C’est une cérémonie, c’est une manif ou c’est un film ? (…) Oh ! Les mecs, les filles, vous affichez quoi exactement, là ? Vous avez peur de quoi ? Parce que si vous vous ressemblez tous autant les uns les autres, c’est que vous avez peur de quelque chose ? La couleur du jour, pour vous, c’est ça ? C’est la couleur de la nuit ?

Sa mère lui fait remarquer qu’elle utilise le terme pur très souvent : un pur film, un pur chanteur, une pure note de classe, une pure soirée, un pur plat de spaghettis, un pur CD. _ Qu’est-ce que tu préfères, lui ai-je répondu, que je dise pur ou putain ?

Et, malgré ses impressions, elle est reçue au bac : une profonde sensation de plénitude, jouissance, gaité, plaisir sensuel qui ne s’affaiblissait pas et qui allait, au contraire, grandir, grandir, pousser toute la journée dans mon corps (…) Question : Peut-être que l’amour, ça ressemble à ça, la légèreté totale du corps et de l’esprit ?

Mais elle revient souvent sur l’amour tel qu’elle le conçoit : On sait tout ça, maman. On a tout lu, on a tout vu, on a tout entendu. Du cul, du cul, du cul, au cinéma, sur les affiches, dans les bouquins qui se vendent bien, les magazines, à la télé, c’était incroyable ce que les gens pouvait parler de cul et montrer du cul. Ils préféraient utiliser le mot sexe, ça faisait plus noble et plus technique, d’ailleurs, sexe, en soi, il faut bien le dire, c’est un mot irrésistible. C’est pas vulgaire. (…) Je voulais bien être comme les autres, Yami, Daph, Nade, je voulais bien connaître l’amour au moins une fois, mais j’aurai souhaité que ce ne soit pas… banal. Plus la société avait trivialisé l’amour, plus j’attendais autre chose que du trivial.

Elle le rencontre ce garçon qui la fait frissonner. Il est frimeur, mondain, une machine à sortir des aphorismes (cette salade est incongrue, mais digne d’intérêt), à citer des auteurs (on peut rêver qu’un jour la vérité soit à la mode. C’est du Raymond Queneau). Mais,  au loin, le grand bateau bleu et blanc prenait le large, et moi, Manuella, j’étais gagnée par une sorte de gaité rêveuse, une petite joie intérieure, comme en attente d’un événement.

Et, à la fin du livre : j’avais toujours souhaité que la première fois me change, que ça se passe de façon telle que j’en sorte différente, transformée. Le suis-je ? Quand j’y pense, ce n’est pas une courte nuit avec un garçon en été qui a modifié ma vision des choses. Je m’étais donnée à lui parce que c’était plus qu’un geste, mais ce n’était aussi que cela, une série de gestes. Aimer sans amour n’est pas aimer.

28/01/2013

Dieu(x), modes d’emploi, au Petit Palais (2ème partie et fin)

L’exposition est partagée en plusieurs sections :

Section 1 : les divinités

Elles sont représentées par leur image ou absence d’image :

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Bouddhisme : Le Bouddha, suprême Vajradhara, Tibet, XIVe siècle – bronze doré.



 

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Hindouisme : Siva, "Roi de la danse", Tamil Nâdu, Inde du sud, XIe siècle – bronze.

 


 

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Christianisme : Christ en croix, Le Puy-en-Velay, XIIe siècle – bois polychrome.

 

  

Section 2 : les cultes

Cette section expose une variété d’objets cultuels destinés à « la communication » avec le divin. Mais la plupart de ces objets sont exhibés à la manière d’un cabinet de curiosités.

Section 3 : Passages

Evocation des rites de passage tout au long de la vie au travers les cérémonies des différentes religions. C’est plus une évocation de la société que la découverte des rapports entre l’homme et le divin : entrée dans la communauté avec la naissance, passage à l’âge adulte, mariage et rites mortuaires.

Section 4 : les intercesseurs, c’est-à-dire les prêtres, prophètes, chamanes, etc. Je ne m’en souviens pas !

Section 5 : le corps

De l’ascèse aux interdits alimentaires et à l’habillement, jusqu’à la possession. Est-ce attrayant ?

Section 6 : conflits et coexistence

Seul intérêt, anecdotique, une « œuvre musicale » de Cédric Damfrain, intitulée Tempora 2006, qui n’est pas réellement de la musique, mais une synthèse sonore de musiques, chants et bruits religieux de toute nature. Bref, un syncrétisme musical.

Section 7 : les lieux

Quelques maquettes de lieux de culte modernes, innovants, curieux, hors souvent des conceptions classiques de l’architecture religieuse.

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Chapelle de Villéaceron, Espagne

 

 

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Eglise San Paola, Foligno, Italie

 

  Section 8 : Cycles

(sans intérêt)

Section 9 : Au-delà

« Que croyez-vous qu’il va advenir de vous après votre mort ? » Dans cette salle, la dernière, huit personnes sont interrogées et proposent leur réponse à cette question selon leur religion ou leur absence de croyances dans le cas de l’athéisme. Ce n’est pas forcément la meilleure section. Disons qu’une ou deux des personnes interrogées ont de véritables réponses et non des clichés.

 

Mais cette exposition reste plate, muséologique. Bref, une soupe sans sel ni poivre, ni même ingrédients qui font de la nourriture un vrai plat cuisiné, voire un enchantement des sens et de l’être.

Deux aspects essentiels des religions manquent :

L’évocation de la musique religieuse, voire sacrée, et en particulier le chant. Cet aspect n’est nullement abordé alors qu’il ouvre l’être à l'inconnaissance (voir les articles consacrés à la musique sacrée sur ce blog).

Enfin et surtout : Où se trouve la seule vraie dimension de toutes les religions, l’intériorité, l’expérience du divin et la réalisation mystique ? Bref, comment l’homme répond-il à la question : « Où vais-je ? Que fais-je de ma vie ? »

26/01/2013

Ils ont perdu la boule !

Des extra-terrestres à la mode, quelle aubaine !

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N’est-ce pas nos attitudes habituelles ? Bien mis, en conversation, mais chacun dans son monde. La face blindée dans ce lieu magnifique, les jardins du Palais Royal. Ils ne savent pas qu’ils sont là, les yeux fermés sur leur complétude. Et pourtant ils reflètent ces jardins, ces arbres, les jets d’eau, mais à leur manière, en rond, laissant leurs pensées errer en boucle.

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Et ceux-ci, que sont-ils, jeunes hommes ou femmes déjà ? Un délicieux mélange pour vendre, encore, vêtements et colifichets. Ils réfléchissent la nature dans leur magnificence pour mieux attirer le client dans ce monde clos des achats frénétiques. Mais tout ceci avec élégance.

 

En ces jours de solde, nous sommes conviés à une évasion hors du temps. Se perdre dans les rêves les plus fous, les atours les plus séduisants, et marcher sur la tête, les yeux dans les nuages de la cupidité.

25/01/2013

Dieu(x), modes d’emploi, au Petit Palais (1ère partie)

Ainsi est présentée l’exposition "Dieu(x), modes d’emploi", au Petit Palais jusqu’au 3 février : « Croyants, agnostiques ou athées, chacun a pris en France l’habitude de vivre dans une société largement laïque. Ce n’est pas le cas ailleurs. Or nous voici tous confrontés à un phénomène nouveau : à la faveur des échanges migratoires et de la mondialisation des communications, les villes d’Europe sont devenues le creuset des religions du monde. Cette rencontre n’est pas facile. Les croyants connaissent leur propre religion, très peu celle des autres ; les non-croyants appréhendent mal le fait religieux. Beaucoup ont tendance à ne voir dans la résurgence du fait religieux que ses aspects les plus révoltants. Aussi est-il urgent de comprendre ce phénomène, qui risque d’être la grande affaire du XXIe siècle. »

Soyons sérieux ! C’est tout de même un peu agaçant de nous faire croire que les religions ne sont plus que des cas d’études anthropologiques. Cette présentation des religions, malgré la beauté des œuvres présentés, laisse pantois. L’ambiance est celle des trésors du Louvre : bien présentés, attrayants, emmitouflés de commentaires trop souvent banals, mais faisant savants. Bref, c’est tout sauf vivant alors que les religions sont l’essence même de la vie humaine, ce qui distingue celle-ci de la vie animale. Pour les organisateurs, ce n’est qu’un « phénomène », comme ils le disent dans cette présentation. Certes, ils retiennent le mot attribué à Malraux : « Le XXIème siècle sera religieux ou ne sera pas ! », mais plus pour dire l’importance politique et sociétale des religion,exposition,société,culturereligions que pour penser à une évolution spirituelle de l’homme.

Donc le Petit Palais propose un voyage au travers des religions d’aujourd’hui, telles que pratiquées aux quatre coins du globe et de Paris. On y croise les quatre religions monothéistes (judaïsme, christianisme, Islam et sikhisme), les religions polythéistes comme le bouddhisme, l’hindouisme, le taoïsme, mais également l’animisme, le culte des ancêtres, le vaudou, jusqu’au syncrétisme et même l’athéisme ( ? ). Mais l'on commence par cette magnifique stèle de Hasor prêtée par le musée d'Israël, à l'entrée de l'exposition.

Œuvres d’art, objets ethnographiques, maquettes côtoieront photos, films et bornes interactives pour tenter d’éclairer la variété de la foi et témoigner de la richesse des cultes pratiqués ici et là sur la planète.

09/01/2013

Au fil des boutiques : JB Guanti, gantier

Nous avons déjà eu l’occasion d’admirer certaines boutiques de gants (voir au fil des boutiques : la maison Fabre, du 18 mai 2011, http://regardssurunevissansfin.hautetfort.com/archives/category/decouvertes/index-1.html). Ne méritent-ils pas notre admiration ces boutiquiers qui s’efforcent de transformer en œuvre d’art leur devanture et de nous faire rêver devant les fantasmes qu’ils proposent.

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La boutique est colorée, vivante, et les gens s’arrêtent pour y jeter un œil curieux avant de continuer leur chemin. Elle ne désemplit pas de personnes aux mains nues qui regardent tristement leurs doigts refroidis et bleutés et qui ressortent revêtus de cuir ou de laine de toutes les couleurs.

 

P1080074.JPGNous assistons à un ballet bien réglé de mains ordonnées, strictes, qui serrent dans l’une l’autre échevelée, comme le font les BCBG qui ne peuvent mettre ensemble leurs deux gants, prêts à baiser la main d’une beauté survenant sur le trottoir. Cette fois il s’agit d’un bataillon de jeunes gens attentifs, fiers de mettre en évidence leur attention aux jolies filles de la rue Tronchet. Un environnement tel que la séduction devient jeu d’enfant.

Les messieurs plus sérieux sont à l’écart et mettent en évidenceP1080075.JPG leur magnificence inégalée. Certes, même comportement, même attitude, mais avec quelle grâce et lenteur. Le sérieux devient jeu de séduction d’un autre âge, mais les gants restent la qualification des séducteurs quadragénaires du quartier. Quartier chic, donc soumis aux pressions du paraître et de l’élégance visible. Raideur des articulations, mais souplesse et tenue du cuir !

 

Mais les dP1080076.JPGames ne sont pas en reste ! 

 

Certaines restent sportives, aériennes, et se chaussent de gants à trous ou de peaux de gibiers coûteux.

 

 

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D’autres se veulent plus féminines et classiques, et s’affublent de gants à pois. Quel effet au bout des doigts !

 

 

 

P1080073.JPGEnfin, certaines n’hésitent pas à paraître sérieuses, femmes d’affaires, mais strictes jusqu’au bout des ongles, revêtues de noir assaisonné de bleu ou rose fuchsia se dissimulant derrière l’élégance classique.

 

Et chacun, homme ou femme, repart fièrement, ganté de neuf, sortant de la boutique comme un prince du siècle dernier, remerciant les vendeurs de leur attention charmante.

04/01/2013

Les heures souterraines, roman de Delphine de Vigan

La journée du 20 mai pour deux êtres, homme et femme, à qui l’on veut faire croire, par l’intermédiaire du lecteur, qu’ils sont faits pour s’entendre. Et pourtant, leurs situations sont tellement différentes. L’un, Thibault, ne sait s’il aime ou non sa compagne qui, elle-même, ne littérature,roman,société,psychologiesemble pas l’aimer. L’autre, Mathilde, veuve, deux enfants, est en butte au harcèlement moral de son patron qui, pour une faute insignifiante, l’écarte progressivement de toute activité. Si la situation paraît convaincante pour la seconde, elle frise le ridicule pour le premier. Quel remplissage.

Il est néanmoins intéressant de suivre la lente décomposition de cette femme qui avait tout pour réussir et qui se trouve, d’abord de manière insignifiante, puis outrancière, écartée de tout pouvoir et même de toute relation dans l’entreprise. La démarche est bien décrite, ses doutes, ses interrogations, ses craintes, sa torpeur et, finalement, son impuissance. Elle résiste pourtant, elle tient envers et contre tout. Mais elle finit par donner sa démission, sans aucune contrepartie.

En parallèle, on vit avec Thibault, ou plutôt, on erre avec Thibault de patient en patient, car il est médecin. Ses réflexions sont maigres, ses maladresses fréquentes, rien qui ne vaille la peine de s’y attarder.

Ils se rencontrent à la fin du livre. On est impatient de savoir ce qui va se passer. Mais la fin est sans relief, comme un œuf au plat mangé sur la table de la cuisine au retour du travail. Que deviendront-ils ? On ne le sait. Ils errent dans ce désert d’une vie urbaine où les sentiments, espoirs et raisons de vivre se sont évaporés. Quelle vision de la vie, plus proche de la mort que de la résistance.

Face au harcèlement moral d’une personne, son supérieur bien sûr, le seul moyen est de tenir sur un projet que l’on sait valable et de démontrer son intérêt en contournant l’objecteur, c’est-à-dire en le faisant approuver par une entité supérieure. Lorsqu’il est reconnu et approuvé par des gens très variés, alors il est possible d’affronter le harceleur qui, même s’il ne veut pas reconnaître ses torts, est bien contraint d’accepter votre projet. Cela demande persévérance, aucun découragement, des vérifications permanentes (il ne s’agit pas de se tromper) et l’entretien de relations avec vos anciens subordonnés.

Ne comptez pas sur les autres pour prendre votre défense et protester contre votre harceleur. Ils se retrouveraient dans votre cas. Dans tous les cas, vous serez éjecté. Mais vous trouverez autre chose, gagnant. In fine, il croira avoir eu votre peau, mais vous en sortirez grandi.

Donnez-vous un projet, croyez-y, travaillez, établissez de nouveaux réseaux qui contournent l’obstacle. Vous en trouverez un bien, immanquablement.

 

03/01/2013

Notre idéal de vie

En lisant « Le Petit Sauvage », roman d’Alexandre Jardin (nous en reparlerons), on en vient immanquablement à s’interroger sur sa vie d’adulte. Ai-je bien réalisé la vie dont j’ai rêvé enfant, ou plutôt l’idéal de vie qui constitue le plus profond de ce que j’ai rêvé d’être ? Alexandre choisit le retour à l’enfance de ses huit ou de ses treize ans. Mais il échoue, rattrapé par l’écoulement des ans. Le retour à l’enfance ne peut être un idéal de vie. Ce serait se rogner les ailes. La seule vraie enfance est celle qui reste devant nous. Mais encore faut-il ne pas la perdre de vue.

Ne jamais oublier l’idéal que nous nous sommes fixé. Mais d’abord quel est-il ? En y réfléchissant, il m’apparaît que l’important est de conduire au maximum de leurs possibilités chacune des parties de mon être, même si ce maximum n’atteint pas le niveau d’un prix Nobel. Tout le monde ne peut prétendre à cette récompense, ni même à une renommée internationale ou même nationale. Au fond, peu importe la reconnaissance que peuvent avoir les autres de ce que vous avez fait. L’essentiel est de l’avoir fait et de sentir que vous vous êtes épanoui à développer cette partie de vous-même.

La quête du graal, c’est la quête de soi-même. Vous courrez derrière jusqu’au jour où vous comprenez que l’important n’est pas de se trouver, mais de parcourir le chemin qui vous permettra de vous trouver. Epuiser toutes les possibilités de chacune des parties de son être, les amener à leur maximum, partie après partie, jusqu’à faire le tour de soi-même. Et si vous avez bien compris cet idéal de vie, vous n'atteindrez jamais ce tour de vous-même. Vous mourrez en cherchant encore et encore à améliorer telle ou telle partie de votre personnalité que vous n’avez pas encore développée.

En chemin, c’est-à-dire tout au long de la vie, ne pas se laisser attirer par ce qu’attendent les autres de vous. Ils vous voient à telle place, ou à telle autre, dans telle ou telle position sociale, professionnelle, familiale, etc. Non, être soi-même, c’est ne jamais déroger à la règle principale : se donner à fond pour toujours découvrir, embrasser le monde, lui apporter notre contribution, sans jamais chercher à en recueillir des intérêts. Et pour cela toujours s’améliorer, innover, s’enrichir sans esprit de patrimoine. Il suffit que chaque étape corresponde à une possibilité d’épanouissement pour vous-même.

Alors vous approchez du bonheur, sans jamais le saisir totalement. Vous avez sur vos lèvres cet avant-goût de paradis, vous buvez le lait de la félicité, mais sans jamais en profiter. Simplement, le laisser s’écouler et vous y baigner.

La vie est un apprentissage. Le jour où l’on n’a plus rien à apprendre, on meurt, même si l’on se croit toujours vivant.

23/12/2012

L'odeur personnelle

Chaque humain, homme ou femme, possède une odeur personnelle. Je ne parle pas des odeurs que d’autres produits, touchés ou projetés, laissent sur la peau, tels le savon, les liquides de vaisselle ou même les parfums. Non, il s’agit de cette odeur indéfinissable qui irise chaque personne et qu’elle cache sans s’en rendre compte, dans ses recoins, ses plis, ses cheveux et j’en passe. Vous ne la percevez pas, même lorsque vous êtes près de cette personne. Mais si déjà vous lui faites un baiser, vous la discernez, infinie et légère. Et si vous épanchez encore plus, si vous l’embrassez réellement, alors vous entrez dans son intimité et faites connaissance avec son odeur. Désormais, vous la reconnaîtrez à son odeur et plus seulement à sa vue. Et si bien sûr vous l’aimez, cette odeur restera pour vous ce lieu de repos et de bien-être qui vous berce tout au long de la vie. Vous vous en enivrez, bien au-delà de la vue et du toucher.

 Peut-être est-ce pour cela que depuis une trentaine d’années, et même plus, les gens ont pris l’habitude de s’embrasser au lieu de se tendre la main : les hommes embrassent les femmes, les femmes embrassent les hommes et les femmes. Auparavant, à certaines heures de la journée et selon les lieux, les hommes baisaient la main des femmes et, parfois, arrivaient à percevoir leurs phéronomes. Désormais, ils sont conviés à faire mieux, sous des prétextes de camaraderie ou d’amitié ou parce qu’ils ont le même âge. En est-il de même pour les femmes ? Elles embrassent des personnes des deux sexes. C’est sans doute parce que les femmes se lient d’amitié plus facilement que les hommes. Les amitiés de jeunes filles se marquent également d’une autre manière que les amitiés masculines.

L’odeur, plus encore que le toucher, vous fait entrer dans le monde intime de la personne. Vous ne formez plus qu’un, seuls dans votre bulle commune, ne voyant le monde qu’au travers de cette membrane déformante de l’amour ou de l'amitié. Et vous y êtes bien.

Mais est-ce seulement réservé aux êtres vivants (l’on connaît bien sûr l’importance des odeurs pour les animaux) ? Chaque maison a également une odeur. Lorsque vous entrez, vous la respirez sans vous en rendre compte. Mais elle est là. Lors d’un déménagement, il faut du temps pour que votre maison dégage l’odeur de la famille. Ce n’est que lorsque vous croyez ne rien sentir des effluves antérieurs que votre maison a pris votre exhalaison.

16/12/2012

La délicatesse, roman de David Foenkinos (Gallimard, 2009)

Ce n’est pas un roman de haute tenue intellectuelle, mais, ne serait-ce que par son titre, il se laisse facilement lire et s'émaille de quelques bons mots.

Nathalie était plutôt discrète (une sorte de féminité suisse). Elle avait traversé l’adolescenceroman,littérature,société sans heurt, respectant les passages piétons. Elle aimait rire, elle aimait lire. Elle rencontre François dans la rue et ce fut comme dans un roman. Un soir, il construit un puzzle devant elle. Elle y lit : « Veux-tu devenir ma femme ? »

C’est l’amour parfait. Mais François se fait écrasé en courant dans la rue. Errance de l’esprit et du cœur, pendant plusieurs mois avant de reprendre le travail.

Son patron, Charles est amoureux d’elle, mais elle ne le supporte qu'en tant que patron. Markus, un suédois engagé par la société, entre dans sa vie par la petite porte, sans effraction, imperceptiblement. Il était doté d’un physique plutôt désagréable, mais on ne pouvait pas dire non plus qu’il était laid. Il avait toujours une façon de s’habiller un peu particulière : on ne savait pas s’il avait récupéré ses affaires chez son grand-père, à Emmaüs, ou dans une friperie à la mode. (…) Elle décida alors de marcher vers lui, de marcher lentement, vraiment lentement. On aurait presque eu le temps de lire un roman pendant cette avancée. Elle ne semblait pas vouloir s’arrêter, si bien qu’elle se retrouva tout près du visage de Markus, si proche que leurs nez se touchèrent. Le Suédois ne respirait plus. Que lui voulait-elle ? Il n’eut pas le temps de formuler plus longuement cette question dans sa tête, car elle se mit à l’embrasser vigoureusement. Un  long baiser intense, de cette intensité adolescente.

Malgré ce baiser, c’est un lent apprivoisement qu’ils devront faire tous les deux, l’un envers l’autre, avant de se découvrir. L’insolite est la délicatesse de ces rencontres, l’étonnement de Nathalie devant la maladresse de Markus. Il est hésitant, gauche, mais délicat. Et cette délicatesse devient pour lui un atout. Progressivement Nathalie se laisse enfermer dans ce charme discret.  Elle comprenait qu’elle avait voulu cela plus que tout, retrouver les hommes par un homme qui ne soit pas forcément un habitué des femmes. Qu’ils redécouvrent ensemble le mode d’emploi de la tendresse. Il y a avait quelque chose de très reposant dans l’idée d’être avec lui. (…) Elle savait juste que c’était le moment, et que dans ces situations, c’est toujours le corps qui décide. Il était sur elle maintenant. Elle s’agrippait.

Seule la délicatesse sauve le livre, naïf et même banal. Mais il est plus que sauvé, il est délicat comme peut l’être un amour incongru. Et ils se sentaient bien...

12/12/2012

Les deux cages

Ainsi s’intitule ce très bref récit, cette fable ou parabole, de Khalil Gibran, publié dans l’opuscule "Le fou" :

Dans le jardin de mon père, il y a deux cages. Dans l’une, il y a un lion que les esclaves de mon père avaient apporté du désert de Ninive ; dans l’autre, il y a un moineau silencieux.

Chaque jour, à l’aube, le moineau s’adresse ainsi au lion : "Bonjour, frère prisonnier !"

 

A quoi tient donc notre égalité entre les hommes ? Elle n’est due ni à notre corps, qui marque des différences importantes avec ceux de nos voisins, ni à notre intelligence, ni à nos dons multiples. Chaque homme est homme par les différences qu’il a par rapport aux autres hommes. Alors, où est l’égalité ?

Nous sommes tous prisonniers du monde dans lequel nous vivons et chacun fait de cette prison un royaume ou un enfer. Qu’êtes-vous, vous qui dormez dans votre cellule ou qui rugissez entre les barreaux ou encore qui rêvez à ces paysages du dehors, inaccessibles ? Vous êtes le lion, puissant et fier, mais prisonnier.

Et ce moineau, qu’a-t-il de plus ? Il est silencieux, c’est-à-dire qu’il ne parle pas pour ne rien dire. Chaque matin, il apporte sa goutte de rosée à la journée : « Bonjour, frère prisonnier ! » Il est conscient de ce qu’il vit, de cette prison imposée à lui-même. Mais il la dépasse par cette adresse à son frère. Et cette adresse est un rayon de soleil pour tous : que le jour soit bon malgré notre prison. Nous sommes frères devant la vie et nous serons frères devant la mort. Puis, plus de prison.

04/12/2012

La guerre du sens, de Loup Francart

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Préfacé par le professeur Jean-Léon Beauvois, socio-psychologue,  « La guerre du sens » est éditée chez  Economica, dans la collection Stratèges et Stratégie.

Depuis dix ans les nations occidentales sont confrontées à des conflits dans lesquelles le sens de la guerre et la recherche de légitimité par les belligérants entraîne une véritable guerre du sens par médias et opinions interposés. L’art de persuader par le verbe prend le pas sur l’art de l’affrontement physique. La guerre du sens ne peut être évitée. Ne pas vouloir y participer revient à laisser aux autres le soin d’expliquer ce que nous voulons et ce que nous faisons. 

Le général (2S)Loup Francart en décrit les raisons et les modes d’action : communication, persuasion, désinformation, intoxication, propagande. Il en définit les règles pour que la démocratie n’y perde pas son âme. 

 

02/12/2012

Signatures (Street art 3ème et dernière partie)

La signature ne remplace pas l’image. Elle en crée parfois une parallèle, pâle copie de la réalité. Mais lorsque signature et portrait devienne fruit de l’imagination, quel méli-mélo :

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A tel point que certains s’insurgent devant tant de fantaisie. A quoi sert la beauté des formes si derrière se cache la fureur de vivre ?

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Et ricanent ceux qui volent dans les flots en contemplateurs de ces luttes entre artistes :

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Alors laissons parler la poésie, échevelée, extasiée, aux cheveux entremêlés, qui regarde passer le papillon des rêves, alors qu’en vis-à-vis la passion se repose, entourée de ses ardeurs apparemment innocentes :

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Retour à la bande dessinée, où l’opératrice de charme se prépare à faire sauter votre propre image, celle qui la regarde, concupiscente :

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Enfin trois regards sur notre société, très différents, mais qui met en évidence la diversité des artistes :

L’irréel éclaboussant

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La fureur s’en prenant à l’écriture

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L’argent qui n’a plus besoin de signatures 

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Au-delà de l’enfer, au bout des lettres entrechoquées, se cache la mort, les yeux sur l’éternité, bien sûr le visage à moitié dissimulé par une capuche qui est la signature des dieux de la rue et des rois de la peinture en bombe.

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28/11/2012

La chambre à remonter le temps, roman de Benjamin Berton

L’histoire pourrait être passionnante. Une chambre qui, lorsqu’on y reste suffisamment longtemps, vous fait sortir deux ou trois jours plus tard ou, parfois, plus tôt. Benjamin a découvert cette propriétélittérature,roman,société,couple de la chambre après l’achat d’une maison au Mans. Le prologue du livre reprend sa fin, comme un retour sur le temps, un éternel recommencement. Mais quel recommencement ? La vie de Benjamin n’est ni drôle, ni passionnante. Celle d’un Français moyen qui côtoie des Français moyens. C’est long et ennuyeux de voir à quel point ces vies sont sans aucun idéal, aucune passion, ni même joie d’instants partagés. Céline, sa femme, n’arrange rien, elle est égale à lui-même et autoritaire : métro (mais on est au Mans), boulot (il le sèche de plus en plus souvent), dodo (ils ne dorment que rarement ensemble).

L’auteur est prolixe. On se demande comment il fait pour trouver tant de choses à dire pour traduire l’ennui et la grisaille. De toutes petites aventures avec des gens sans intérêt. Alors pourquoi poursuivre ce livre ? Parce que, malgré tout, l’histoire pourrait être passionnante. Ces allers et retours du temps sur l’échelle métrique ! Alors, on espère, on devance le moment où le quotidien sera dépassé par l’insolite, le fantastique, l’irrationnel. Mais on traîne ainsi jusqu’aux dernières pages qui vous ramène aux premières. Si l’on n’y prend pas garde, on recommence la lecture sans même s’en rendre compte. Le temps est circulaire pensent certains peuples. Oui, c’est vrai, ici il tourne en rond et on ne sait quand va s’arrêter cette dissociation entre personnages vrais et ectoplasmes comme ils finissent par s’appeler.

Mais pour ne pas rester sur une note pessimiste, je vous fais part de la critique de Bernard Quiriny : « D’un côté, c’est un tableau doux-amer de la vie des trentenaires, confortable et mesquine, avec ses petits événements (faire un enfant), ses petits engagements (s’acheter une maison), ses petits rites (recevoir à dîner) et ses petits drames (se séparer). D’un autre, une peinture des frayeurs de la classe moyenne : l’insécurité, le fantasme de la barbarie à nos portes, la tentation de l’autodéfense. D’un autre côté encore, une chronique conjugale drôle et effrayante (Céline n’est pas commode, il finit par ne plus la supporter, la trompe et, sommet de comique macabre, recourt à un marabout africain pour l’empoisonner) et un autoportrait du trentenaire mâle (fier et plein de doutes, consommateur de porno en ligne). Et, pour finir, c’est un récit fantastique bien mené, qui recycle le thème du voyage dans le temps pour en faire l’échappatoire d’un garçon qui s’ennuie, comme si seul l’irrationnel pouvait encore troubler le flux prévisible de la vie moderne. »

25/11/2012

Signatures (Street art 2ème partie)

En poursuivant le chemin, j’entrai dans un monde de plus en plus bigarré, mais inquiétant, car l’imagination des signataires devenait chaotique :

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Les lettres parlaient d’autres langages, à voir beaucoup plus qu’à écouter :

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Certaines étaient prises de tremblements dans lequel on voyait la folie se glisser sous forme de vapeur :

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D’autres se dénudaient, en groupe compact, sous forme de protestation :

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D’autres enfin se cachaient en équipage, comme des fantômes, devant l’enchevêtrement de corps brisés d’une meute en délire :

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Cri d’effroi, cri de colère, peut-être cri d’amour, se cachent derrière cette mêlée de rugby :

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Plus loin encore, commence le monde dans lequel les lettres n’ont plus d’importance : l’impact de l’image est plus fort que le bruit des mots. Ce sera pour la troisième partie.

 

05/11/2012

Méditation en Périgord

 

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L’arbre, symbole de vie, enraciné dans la terre, la tête dans le ciel, les branches ouvertes à tout vent, et ses fruits tombés à terre, glands ou autres semences, source d’autre vie.

La croix, symbole de l’union des contraires dans le Christ, horizontale pour l'homme et verticale pour le divin, rencontre du temps et de l’espace, elle est également l’image de la passion.

Le lieu de paix, la chapelle en pierre, symbole de ressourcement, à la porte romane par laquelle l’homme entre en méditation.

Et tout cela au bord d’une route, sur la route de l'homme debout.

Belle image, n’est-ce pas ?

28/10/2012

Femme et homme

Les femmes ont un besoin naturel d’être désirables et désirées pour atteindre la sécurité. A cette fin, elles se donnent, puis se refusent. Elles passent par la séduction, jeu de contradiction qu’elles maîtrisent, mais que l’homme a du mal à comprendre.

Les hommes veulent être reconnus pour assoir leur sentiment d'exister. Le seul moyen qu’ils ont pour montrer ce qu’ils sont, passe par ce qu’ils font, dans tous les domaines, social, professionnel, familial, loisir, etc.

Dans le jeu de la conquête, l’homme et la femme cherchent à contrôler leur relation, soit de manière directe pour le premier, soit de manière indirecte pour la seconde. Une fois une véritable relation établie, les vrais couples n’ont plus besoin de ce type d’attitudes, mais certains couples le poursuivent après le mariage.

Ce constat n’est pas nouveau. Ces relations existent depuis le début des temps. Ce qui est nouveau, c’est, avec l’apparition de la publicité et des médias, l’exaltation de ces caractéristiques. Utilisant ces variations psychologiques, ceux-ci les utilisent à d’autres fins, pour les reporter sur d’autres sujets. Ainsi la publicité utilise le corps féminin pour vendre des produits. Ainsi également, le sportif de haut niveau, l’artiste médiatique, le politique charismatique sont magnifiés et détruits en cas de faux pas. Aucun regard, ni pour l’homme de tous les jours ou même le chercheur ou le philosophe qui font avancer le monde, ni pour la femme qui est au centre de la vie sociale et familiale. Les médias et la communication consolident ces stéréotypes : pour vivre et être, la femme doit séduire, l’homme doit maîtriser.

Ne nous laissons pas imposer ces stéréotypes par des professionnels des médias et du marketing  qui les amplifient et les utilisent à des fins différentes. Et si je parle de stéréotype, c'est bien qu'au delà de ces attitudes générales, chaque femme et chaque homme a des attitudes personnelles qui font que c'est cette personne spécifique qu'on aime et non le stéréotype. Alors, cultivons nos trésors personnels et réalisons-nous à travers eux.

25/10/2012

Le ridicule ne tue plus : condamnation de J. Kerviel

La condamnation a été confirmée en appel : 5 ans de prison dont 3 ferme et 4,9 milliards d'euros de dommages et intérêts. Mais qu’a donc fait cet homme ? A-t-il tué des familles entières, a-t-il volé des milliards ? Non, il était employé d’une banque. Certes, pas un employé lambda. Il faisait gagner de l’argent à ses employeurs. L’histoire ne dit pas ce qu’il a fait gagner, mais ce qu’il a perdu, en une fois.

Certes, il est fautif. C’est vrai, il a fait preuve d’ « abus de confiance, faux et usage de faux, introduction frauduleuse de données dans un système informatique ». Il a largement dépassé le quota qu’on lui accordait pour spéculer. Il avait eu beaucoup de chance jusqu’à ce jour où lui est tombé le ciel sur la tête. Mais notre société est impitoyable. La responsabilité est exclusivement de son côté, sans aucune faute de la banque. Quel scandale ! Et ce n’est pas seulement la banque qui est fautive. Ce sont également les politiques et derrière la justice. Les médias ont-il également une part de responsabilité ? Pour une fois il ne semble pas. Mais s’indignent-ils contre ce jugement ?

Tout d’abord ce n’et pas la société générale qui porte plainte, mais un dénommé Ernest, actionnaire, au nom des actionnaires qui voient leurs dividendes baisser (voir le jugement sur http://prdchroniques.blog.lemonde.fr/files/2010/10/kerviel-delibere-pressewpd.1286270254.pdf ). Passons.

Le jugement dit que "le dossier ne permet pas de déduire que la Société générale connaissait les activités de Kerviel ou a pu les suspecter". La défense a largement contredit cette affirmation. Et même si cela était le cas, est-il normal que dans une banque, il n’y ait pas un mécanisme de surveillance sérieux interdisant de telles pratiques ? Le jugement explicite bien le système de surveillance des activités des traders. C’est compliqué. Tellement, que cela ne marche pas. En tient-on rigueur à la banque ? Nullement.

Est-il normal que la banque puisse engager des sommes faramineuses sur les marchés, somme appartenant en fait à ses clients ? Oui selon notre système, même si la banque avait édicté la règle d’aucun engagement de la part des traders au-delà de 125 millions d’euros. Elle n’a elle-même aucune réglementation concernant cette activité. En fait, la banque, et derrière la société, autorise et encourage ces spéculations. Les clients seront-ils indemnisés en cas de casse, on ne sait pas. C’est là qu’intervient la responsabilité des politiques. Ceux-ci sont coupables de ne pas faire leur métier régalien : la protection des citoyens contre les risques de toute nature, donc y compris financiers. S’agit-il réellement de risque d’ailleurs ? Certes les mathématiques ont apporté des éléments importants de calcul du risque. Mais in fine c’est bien toujours d’incertitudes que l’on traite, et ces éléments ne permettent que de chiffrer le risque de ces incertitudes qui restent des incertitudes. Comment se fait-il qu’aucun politique n’ose s’élever contre un jugement qui accable un concitoyen par l’énormité des peines ? Ceux-ci considèrent que ce n’est pas leur affaire, aloos qu’il s’agit bien de protection des citoyens devant l’incurie des banques qui s’autorisent tout sans contrôle de la part de la société.

Alors ce serait l’affaire de la justice ? Peut-être, à condition que celle-ci ne soit pas liée par la façon dont sont rédigées les lois. L’accusation est juste, mais le résultat est hors de proportion. Il vaut donc mieux voler ou tuer que de mal faire son travail et de déroger aux règles que celui-ci impose. Les juges ne sont même plus conscients du ridicule, non du scandaleux, de leur jugement.

Est-il normal que les dirigeants de cette banque continuent d’exercer, qu’aucune étude n’ait été faite pour mettre en place de véritable moyen de contrôle, que les banques fassent ce qu’elles veulent de notre argent sans aucune sanction ?

Notre société marche sur la tête. On peut se demander si les indignés n’ont pas raison !

 

21/10/2012

FIAC

« La FIAC 2012 rassemblera au Grand Palais près de 180 galeries venues de 24 pays. La France compte 61 galeries, soit 34% des exposants, puis viennent les Etats-Unis avec 30 galeries, l'Allemagne avec 24 galeries, l'Italie avec 12 galeries, la Belgique avec 14 galeries, le Royaume-Uni avec 9 galeries, et la Suisse avec 6 galeries. Les pays nouvellement représentés sont le Danemark, la Pologne, la Roumanie et les Emirats Arabes Unis. 41 galeries participent pour la première fois ou sont de retour à la FIAC. » (www.fiac.com)

 

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Qu’en est-il ?

C’est vrai, il y a du monde. Des gens de toutes sortes : hommes et femmes, snobs et passionnés, jeunes ou vieux, qui s’esbaudissent ou qui passent avec un œil mort ou encore qui s’interrogent. Oui, on peut s’interroger sur ce qu’est l’art contemporain. Les deux mots ne seraient-ils pas antinomiques ? Peut-on parler d’art lorsqu’on l’associe au contemporain ? 

D’une manière très générale, l’art est « un ensemble de moyens, de procédés conscients par lesquels l’homme tend à une certaine fin, cherche à atteindre un certain résultat. » (http://www.cnrtl.fr/definition/art). L’ennui est qu'une définition aussi vaste ne dit pas quelle est la fin recherchée. L’art ne serait qu’une technique parmi les autres techniques. D'ailleurs, l’artisan était jusqu’à peu un artiste à part entière et l’on parle des arts mécaniques ou de l’art militaire.

Les Grecs avec Platon ont associé à la notion d’art celle de beau. Mais ce n’est qu’au siècle des Lumières que la notion d’art prend son acception actuelle. Kant y adjoint la notion d’esthétisme et les romantiques celle d’émotion et de sentiment. L’époque moderne ne voit pas ces rapprochements comme obligatoires. L’art a été utilisé par les politiques pour la propagande, d’autres en ont fait un domaine permettant d’exprimer une certaine dérision, d’autre encore combattent certaines formes d’art au nom de la religion. Et si l’on tente de rester dans la notion de l’esthétique, c’est-à-dire la science du sensible, celui-ci est-il lié obligatoirement à la beauté ? L’art peut aussi être une métaphysique de la vérité et cette vérité n’est pas forcément belle, mais peut être dite par l’art.

Alors oui, c’est bien d’art dont on parle, mais contemporain, c’est-à-dire d’art actuel, du moment. Chaque période se crée sa propre conception de l’art. Elle est toujours en avance sur  la conception de la majorité. L’évolution prend en compte le passé et l’utilise en réaction pour construire de nouvelles visions. Mais ces recherches d’évolution ne produisent pas que de la qualité. Celle-ci est même l’exception.

Alors tant pis, ne protestons pas contre les horreurs que nous y voyons, mais au contraire cherchons ce qui est signe d’une évolution vers un art toujours nouveau et toujours merveilleux. La quête devient alors une recherche exaltante, comme celle du mouton à cinq pattes ou du trèfle à quatre feuilles. Et lorsqu’en un instant, vous êtes dépassé, devenu autre, renouvelé devant une œuvre qui vous parle intimement, alors vous savez que cette quête n’a pas été vaine.

 

20/10/2012

Faire ou être ?

Faire, faire, faire… On a tellement à faire qu’on n’a plus le temps d’être. Etre là, sans rien faire : est-ce possible ?

Ce matin, je ferme mon ordinateur. Il est cinq heures. Mais au moment de me recoucher, je me rends compte que je n’ai aucunement sommeil. Que faire ? Rien ! Et ce rien devient quelque chose d’important. En un instant je suis. C’est une autre sensation. Je suis là, maintenant et je prends un poids différent. Je ne suis pas hors de moi comme lorsque je réfléchis. Non, je n’ai rien en tête, je suis léger comme l’air et pourtant lourd de richesses cachées, mais impalpables. Passage du connu à l’inconnu. Entrée dans le nuage d’inconnaissance où tout n’est rien et où le rien est tout. La vie suspendue sous le lampadaire parce qu’il fait nuit, qu’il n’y a aucun bruit, et que rien ne me mobilise, ni sentiment, ni pensée.

Certes, cela ne dure pas. La preuve, je l’écris et déjà je fais. Je suis revenu au point de départ. Et pourtant, quel bel intermède !