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07/04/2012

L’idiot de Shanghai, nouvelle de Pierre Péju

 

 

C’est une histoire à la chinoise, incompréhensible et impossible, mais qui est belle à lire et à méditer. Un homme de lettres est envoyé enlittérature,nouvelle,culture,civilisation Chine pour donner aux lecteurs d’un journal ses premières impressions sur l’évolution de la Chine. Tout est prévu à l’avance et il est accompagné d’une jeune fille, dénommé Lala, accompagnatrice qui le noie d’explications et l’emmène dans tous les lieux importants. Et toujours, toujours : « Avez-vous commencé à écrire vos impressions ? » Traversant un musée consacré à la peinture chinoise traditionnelle, il remarque une feuille de papier de riz représentant un paysage à peine esquissé, peint à l’encre de Chine. Il est magnifique et l’un des deux personnages représentés le ravit, huit virgules noires, tel un idiot poursuivi par une averse d’idéogrammes. Il était l’idiot de la montagne et l’auteur l’idiot de Shanghai.

Il ne souhaite plus qu’une chose avant son départ, rencontrer la dame de Shanghai, promesse faite à une douanière, qui doit lui donner un cadeau à ramener à Paris. Celle-ci, belle, élégante, sort pour lui remettre ce cadeau lorsqu’une immense bousculade les oblige à fuir la maison. Un jeune enfant lui remet une robe noire, couverte d’idéogrammes.

Voulant lire une adresse sur une carte de visite, il s’aperçoit qu’il ne sait plus lire. Il arrive à grand peine à sortir de Chine en utilisant des stratagèmes pour se faire expliquer pancartes et papiers à remplir. Arrivé en France, la douanière l’intercepte et prend la robe qui devait contenir des informations importantes sur les trafics entre l’Europe et la Chine. L’interprète éclate de rire, elle ne contient qu’un vieux conte chinois racontant l’histoire d’un lettré et d’un enfant inculte qui grimpent sur une montagne. Arrivé en haut, le lettré jette un à un les livres dans le vide au grand désespoir du tout jeune homme : « Tous ces classiques ! La parole des sages ! Jetés dans le vide ! » Le vieux lettré se met à rire. L’enfant tremble comme une feuille. Alors le vieillard prend un livre au hasard dans le lourd fardeau de son jeune compagnon. Toutes les pages sont vierges… Blancheur et silence…

 

L’histoire en elle-même semble assez creuse. Elle l’est. Peu d’intrigues, encore moins de dialogues, oui, des descriptions tout de même, mais pas quoi faire une véritable histoire digne d’être écrite. Et pourtant, tel un conte chinois, derrière l’apparente sobriété de l’écriture, on soupçonne, on devine la grandeur, l’immensité et le mystère de la ville de Shanghai. Cette nouvelle est belle par ce qui n’est pas dit : toute la psychologie de la Chine perçue dans l’absence de lettres et de mots et qui n’est décrite qu’au travers d’événements minuscules qui arrive à un européen perdu dans ce monde étrange de l’Extrême-Orient.

 

 

04/04/2012

C’était un monde nouveau

 

C’était un monde nouveau
Après une absence de deux semaines

Ce jardin connu de l’hiver
Est devenu un inconnu
C’est une entité épanouie
Presque délurée
Qui donne à l’homme
L'image de sa renaissance

Tout s’accomplit intérieurement
Comme une métamorphose
Subtile et créatrice
Qui courre entre les pierres
Et leur donne la brillance
Des jours de fête

Pourtant lorsque je touche
Les feuilles entassées
Par un vent turbulent
Et qu’elles s’égouttent
De pure moiteur sordide
Je respire encore
L’odeur de l’hiver
Noble, mais désuète

Mais aujourd’hui,
Dans la chaleur alanguie
D’un premier jour de printemps
Tout ceci n’est plus qu’un rêve
Un passé achevé et raide
Qui pend au bout d’un fil
Au fond du jardin
Sous les arbres de l’enceinte

Réjouissance, illumination,
Comme un bol d’air miraculeux
Qui courre au sommet du crâne
Et parcourt la tête
En frissons bienveillants
Grisés d’inconsistance

Je laisse s’échapper les cris
D’enfants heureux et sans souci
Jouons au retour de l’année
Qui reprend sa danse effrénée
Qui emplit la sève de tremblements
Et fait naître aux branches
Les festons gris, puis verts
De plumets encanaillés

Alors reposé et reconnaissant
Je vais dans ce jardin nouveau
A la rencontre du temps
Pour reconnaître encore
Ce cycle indéfini
De la naissance de la vie

 

 

30/03/2012

Silence. Rien d’autre que le silence…

 

Silence. Rien d’autre que le silence…
Il est sans fin, il vous prend à la gorge
C’est vrai, il y a la nuit, indivisible
Et pourtant dans cet instant qui se prolonge
Il y a des pauses, des phases, des élans
Et là, nous sommes entre deux
La nuit des noctambules s’achève
La fatigue en venant à bout
La nuit des travailleurs matinaux
N’a pas encore commencé sa ronde absurde
Le temps est suspendu, inerte
Et j’erre dans ce silence magnifique
Comme dans un palais de glace
Regardant les miroirs étincelants
Qui cliquettent d’épanouissants pincements

Je flâne entre ces murs symétriques
De la mémoire des bruits oubliés
Entre deux, coupure du son
Abaissement de la tension
Je flotte dans l’absence
J’ouvre les yeux sur le vide
Je goûte l’insaisissable déficience
De sensations habituelles :
Le grattement de la peau sur le drap
La toux d’un voisin endormi
L’égrainage des heures à l’horloge
Le craquement d’un meuble fatigué
L’imperceptible ronronnement
Du frigidaire, repu et obèse
Le cri d’un enfant dans la nuit
Oui, ce silence devient pesant
Est-il possible qu’il n’y ait rien
Que tous ces bruits du souvenir
Ne soient qu’invention diserte ?
Quel sommeil dans cette aphasie
Je ne peux fermer l’œil
A défaut de fermer les oreilles

Tout à coup, retournement
Elle se réveille, me regarde
M’adresse une parole aimable
Comment ? Que dis-tu ?
Toujours ce silence éternel
Ah, oui ! bien sûr,
Retire ses boules chatoyantes
Que tu portes aux oreilles
Et moi qui croyais
A l’éternel silence
D’une nuit blafarde
Au fin fond de l’océan

Mais, non…
Tu n’entends pas cette absence
Rien n’obture ton ouïe
Cette syncope est bien réelle
Ne viens pas troubler l’écoute des yeux
Dans le noir impalpable
Je respire l’ombre endolorie
Des mémoires revenues
De nuits sans lune
Et de jour sans amour

 

 

26/03/2012

Délectation, tel est le mot, ambiguë

 

Délectation, tel est le mot, ambiguë
Et tu ries de ce vocable imaginaire
Qui court dans ta tête et tes pieds
Retour sur toi-même, en creux
Là où rien ne t’atteint, sans faiblesse
Tu attends l’horizon vide des étendues d’eau
Tu baigne dans la fange de leurs pourtours
Et pourtant, que dis-tu du dialogue
Entre l’inconnue, charmante et vive
Et le jeune homme altier et disert ?
Ils dégagent l’impression d’un passé
Révolu, sans concession, mal défini
Et courent ensemble vers les fontaines
De l’innocence et de la pompe
Rien ne sera jamais comme avant
Nous avons perdu la consistance
D’impressions diverses et subtiles
Voici ce qu’il reste d’un après-midi
Où les volets fragiles et fermés
Sur le passé ressasse le présent
Boite immesurable et pauvre
De sensations promises, vite effacées.
L’avenir a-t-il une raison d’être ?

 

24/03/2012

Les amants du Spoutnik, roman d’Haruki Murakami

 

Au printemps de sa vingt-deuxième année, Sumire tomba amoureuse pour la première fois de sa vie. Cet amour aussi dévastateur qu’une tornade dans une vaste plaine ravagea tout sur12-03-24 Couv Amants_spoutnik.jpg son passage, lançant des choses dans les airs, les réduisant en menus morceaux, les écrabouillant sans ménagement. (…) L’objet de cet amour absolument mémorable était marié, avait dix-sept ans de plus que Sumire et, surtout, était une femme. C’est de là que partit toute cette histoire, et là aussi qu’elle s’acheva (ou presque).

Ainsi commence l’histoire de Sumire, une jeune fille indécrottablement romantique, doublée d’une cynique et d’une têtue. Mais c’est aussi l’histoire du narrateur qui est amoureux de Sumire. Et c’est également, forcément, l’histoire de Miu, la femme fatale, toujours vêtue avec une rare élégance et conduisant une jaguar bleu marine de douze cylindres.

Sumire avait décidé d’écrire et s’était installée dans un petit appartement où elle s’efforçait de réaliser une œuvre complète en y mettant sa passion intérieure. Mais elle n’était pas prête. Il lui manquait l’alliance entre la fiction et le monde, que seule une cérémonie magique peut apporter, par exemple, comme le lui suggéra son ami, asperger sa porte du sang d’un chien. Alors elle décide, sur la demande de Miu, de travailler pour elle. Elles deviennent amies et Miu l’emmène en Grèce pour lui servir de secrétaire. Quelques temps plus tard, le narrateur reçoit un coup de téléphone de Miu : Sumire a disparu, pouvez-vous venir ?

Alors il entreprend le voyage et débarque dans l’île où il fait connaissance de Miu. Au cours des jours suivants, elle lui raconte les journées avec Sumire et la nuit où Sumire tenta de lui dire son amour. Mais Miu la repousse et lui explique la raison de ses cheveux blancs comme neige. Sumire retourne dans sa chambre et, le lendemain matin, a disparu. Miu et le narrateur auront beau tout faire pour retrouver Sumire, elle s’est évanouie. Il finit par retourner au Japon, seul. Il retrouve ses habitudes, sa maîtresse, avec laquelle il rompt. Un jour, il croise Miu en voiture, qui passe telle une coquille vide, comme si la chaleur de la vie avait disparu de sa personne.

Cependant, un jour, le téléphone se mit à sonner :

– Je suis de retour, déclara la voix de Sumire, très sereine, très réelle. Je suis passée par des périodes difficiles, mais j’ai fini par rentrer. On pourrait dire ça aussi pour résumer l’Odyssée d’Homère en mois de cinquante caractères.

 – C’est bien, dis-je.

– C’et bien ? Qu’est-ce que çà veut dire ? J’ai sué sang et eau, traversé des milliers d’épreuves pour revenir jusqu’ici, et toi, tu ne trouves que ça à dire : c’est bien ? Pour un peu, j’en pleurerais ! (…)

–J’avais vraiment envie de te voir, tu sais.

– Moi aussi. C’est quand j’ai cessé de le faire que je l’ai compris. J’ai compris que j’avais besoin de toi. Tu fais parti de moi et moi de toi. Vois-tu, je crois que quelque part, dans un lieu très improbable, j’ai tranché la gorge de je ne sais quel animal. J’ai aiguisé mon couteau et je l’ai fait, avec un cœur de pierre. Symboliquement, comme pour bâtir une porte chinoise. Tu comprends ce que je dis ?

 

Comme d’habitude, l’auteur navigue entre un réel très concret, plein de détails de tous les jours, et des pensées, des sentiments, voire des faits, insolites, inexplicables et qu’il ne cherche pas à expliquer. Cet équilibre entre les deux aspects de la vie telle que la voit Murakami fait le charme discret du livre, sans que l’on sache exactement d’où il vient. On le ferme et l’on se demande si c’est beau. On se dit : c’est tout ? Mais lorsqu’on y repense, on découvre, sans pouvoir le comprendre, qu’une fois de plus Murakami, par une poésie qui ne dit pas son nom, a réussi à charmer ses lecteurs. Mais ils ne savent pas exactement pourquoi ils sont charmés.

 

21/03/2012

Elle est apparue, innocente et intègre

 

Elle est apparue, innocente et intègre
Au chevet de nos rêves mouvementés
Quand,  sur l’élégance des parvis
Tu récitais l’obsédante poésie des vers
Grouillants et pléthoriques, encombrée
De rappels exacerbés et mouvants
D’une glorieuse égérie immortelle

Oui je me souviens d’elle,
La belle et franche amazone
Qui, sur sa jument altière
Courre dans la campagne verte
Après les rêves endoloris et cruels
Des bourgeois frileux et indécis

Héraldique, elle se tient sur un pied
Au sommet de la colline odorante
Les bras écartés du corps, en suspension
Le regard comblé d’amour empanaché
Et elle sourit pour elle-même, frêle
L’autre jambe passée sur le fil
D’une clôture rêche et forte
Comme un oiseau envolé dans les cieux
D’un ciel d’orage zébré d’éclairs

Elégance du geste, de l’attitude valeureuse
D’une femme encore fille,
Qui court après sa révolte ombragée
Et gagne les rivages sublimes
D’une paix survenue au matin

Les yeux ouverts sur cette apparition
Franche et maladroite de maturité
Tu disais ton désarroi à cette image
La belle emportée dans l’air
Comme un drapeau en flottaison
Au sommet des mâts de navires
En partance vers des pays inexplorés
Et toujours enlacée aux désirs entiers

Ils courent les bras tendus, enrubannés
De honte mêlée à l’espoir irrésistible
D’une rencontre impossible
Avec celle qui n’a pas de nom
Qui n’est que caresse et égarement
Dans les chants puissants et magiques
D’un divertissement anodin

Oui, elle était la sirène dénotée
Le faune irrésolu et cruel
Elle empruntait les courants ascendants
Des fumeries d’opium envoûtant
Et montait vers l’azur, légère
Riante, inconsistante, immanente
Comme au cœur même de l’élan
De la vie et de la mort mêlées

Et lorsqu’au dernier jour
Le corps replié sur lui-même
Dans cet irrésistible effort
D’une respiration impossible
Tu vois ces vêtements de glace
Passer sur cette silhouette fine
Tu souris légèrement, extasié
A la merci de ce rêve définitif
Qui enchante ta mémoire

 

14/03/2012

Péplum, roman d’Amélie Nothomb

 

Amélie Nothomb, la surdouée des dialogues et de la joute verbale, s’en est donnée à cœur joie dans ce livre. Malheureusement, le résultat est12-03-14 Couv Péplum.jpg mitigé. D’abord, est-ce un roman ou une pièce ? Un roman puisqu’elle l’a choisi ainsi, le titre Péplum étant sous-titré roman. Mais c'est un dialogue sans explication, à prendre brut. D'ailleurs, pourquoi Péplum, qui est une tunique de femme dans l’antiquité ? Certes, la narratrice le porte dans cette aventure dans le futur.

La romancière se fait opérer et se réveille dans une salle bien différente de celle d’un hôpital. A son chevet, Celsius, scientifique énigmatique lui annonce qu’elle est en 2580. Et le dialogue commence, fait de petites phrases courtes, cinglantes, ironiques. Cela durera jusqu’à la fin du livre, que je n’ai pas lu en entier. A la page 90, j’ai déclaré forfait, lassé, voire écœuré au vrai sens du terme, par ces réparties permanentes, comme une partie de tennis dont les balles sont rapides, trompeuses, envoyées aux quatre coins du court et qui dure des heures, voire des jours. Ces échanges peuvent être drôles lorsqu’ils sont enrobés d’une situation et d’évènements, mais un livre complet d’anathèmes entre deux pèse trop lourd.

On y trouve cependant quelques détails intéressants. C’est ainsi que Celsius explique à A.N. :

– Moi qui vous parle, je suis oligarque.

– Compliments.

– Vous ne me demandez pas en quoi consistent ces tests ?

– Il est inutile de vous le demander. Quand un premier de la classe a eu une bonne note, il finit toujours par réciter les questions, les réponses et les félicitations.

– Nous sommes évalués sur trois plans : notre intelligence (en ce, compris notre culture), notre caractère (en ce, compris notre honnêteté) et notre santé (en ce, compris notre beauté).

– Votre beauté ?!

– Oui. Les laids ne sont pas admis.

– C’est d’une injustice flagrante !

– Pas plus que le reste. Être jugé sur son intelligence est aussi injuste que d’être jugé sur sa beauté.

 

On y trouve même quelques réflexions intéressantes :

– De toute éternité, le Beau est plus rentable que le Bien.

– Rentable !

–Réfléchissez. Le Bien ne laisse aucune trace matérielle – et donc aucune trace, car vous savez ce que vaut la gratitude des hommes. Rien ne s’oublie aussi vite que le Bien. Pire : rien ne passe aussi inaperçu que le Bien, puisque le Bien véritable ne dit pas son nom – s’il le dit, il cesse d’être le Bien, il devient de la propagande. Le Beau, lui, peut durer toujours : il est sa propre trace. On parle de lui et de ceux qui l’ont servi. Comme quoi le Beau et le Bien sont régis par des lois opposées : le Beau est d’autant plus beau qu’on parle de lui, le Bien est d’autant moins bien qu’il en est question. Bref, un être responsable qui se dévouerait à la cause du Bien ferait un mauvais placement.

Mais très vite on se lasse de ces affrontements permanents qui ne sont que des dialogues creux où seuls comptent le persiflage et le quolibet.

 

N’ayant pas tout lu, je n’ai pu m’empêcher d’aller voir à la fin ce qui se passait. Et, bien sûr, tout cela se termine par l’écriture d’un roman qui raconterait l’aventure : Quand j’eus fini de rédiger ce manuscrit, je l’ai apporté à mon éditeur. J’ai précisé qu’il s’agissait d’une histoire vraie. Personne n’a daigné me croire.

 

 

13/03/2012

Ecoute d’une fenêtre ouverte sur un piano

 

Ecoute d’une fenêtre ouverte sur un piano…

Cristallines, les notes tombent une à une,
En cascade, ralenties, comme gelées,
Et la pesanteur les laisse s’écraser
Sur la surface lisse et froide,
Entre les rochers de la solitude.
Emportées par le tourbillon des flots,
Elles forment un renflement
Et s’évasent entre les cailloux
Qui parsèment la main gauche
De coupures subtiles.
Certains passages, entre les pierres,
Entraînent un modelé accéléré
Dans lequel les notes se noient
Dans une harmonie prudente,
Avec une retenue évidente.
Enfin... La plaine luxuriante
Où la mélodie prend de l’ampleur,
Accompagnée de nombreux accords :
Septième dominante,
Neuvième parfois,
Toujours suggérés,
Susurrés à l’oreille.
Tout s’éteint,
Se dilue,
Se perd,
Dans le grand bleu turquoise.

Alors on se laisse endormir,
L’esprit libéré de ce tout
Qui nous empoisonne
L’existence de son obsession :
Penser = vivre.
Quelle erreur !

 

09/03/2012

Se voir, regarder, et puis, partir

 

Se voir, regarder, et puis, partir,
Au loin, vers un horizon insoluble,
Au plus près des navires noirs,
En volant avec la mouette blanche.
Salée comme le goût de l’eau,
Elle dit adieu aux terres connues
Pour se tourner vers l’exponentiel,
Le grand mirage des flots déchainés,
L’étendue grisâtre et vert de gris,
Comme le chat espiègle et riant,
Pour compenser les jours de peine
Et les nuits d’outrage.
Elle a mis son manteau de loutre,
Elle a regardé son appartement,
Petit, malhabile, encombré,
Et a décidé de s’enfuir, loin de tout,
Dans une agitation inquiète.
Regardant les magazines colorés,
Elle a choisi cet au-delà des mers,
Derrière les soucis et les joies,
Là où plus rien n’effacera
Ses souvenirs d’une vie remplie
D’un petit air charmant et triste.
Où seras-tu dans quelques heures ?
Partie à bord, dans sa cabine minuscule,
Regardant par le hublot l’onde
Secouée de rires et de pleurs,
Et constatant sans peine le désert
Des eaux agitées, mais impavides,
Que feras-tu lorsque tu seras loin
De tout souvenir et de tout sentiment,
Avec pour seul horizon, plat, cette ligne au loin,
Qui se rapproche lentement, inexorablement ?
Mais derrière cette ligne qui fuit sans cesse
Qu’y a-t-il de si attrayant ?
L’envers d’un décor de rêve,
Le charme discret et respectable
D’un épisode fermé et désespéré.
Une comédie burlesque,
Un grand rire ébouriffant,
Un sourire de petite fille,
Une grimace de singe velu,
Le coup de queue d’un poisson
Volant par-dessus les rêves,
La chanson aigrelette et vaine
Des oiseaux prisonniers de l’air.

Départ vers la liberté de conclure
D’une pirouette mal assurée
Allez donc, partez si vous le voulez !
Que restera-t-il de votre personnage,
Juste un peu d’ombre le matin
Lorsque, réveillés, les passants attentifs
Regarderons ces fenêtres ouvertes
Et verront le rideau se soulever,
Légèrement, prudemment,
Pour qu’un visage exsangue
Leur fasse un dernier bonjour :
Ah, quelle farce que ce départ !

 

06/03/2012

La femme au miroir, roman d’Eric-Emmanuel Schmitt

 

 

Trois femmes, vivant à des époques différentes, l’une, Anne, à Bruges pendant la Renaissance, la seconde, Hanna, à Vienne au temps de Freud et la troisième, Anny, à Hollywood de nos jours. L’auteur fait tout pour nous suggérer une réelle ressemblance entre elles, voire faire penser qu’il s’agit de la même.  Toutes les trois se disent différentes des autres femmes, celles qui obéissent aux conventions sociales, se marient, ont des enfants. Elles refusent chacune le rôle que la société et les hommes veulent leur faire jouer.

Anne refuse le mariage, erre dans les bois, trouve un moine qui lui explique qu’elle cherche Dieu sans le savoir. Après quelques hésitations sur sa vocation, elle devient béguine. Elle passe l’examen de passage avec la Grande Mademoiselle qui, après une demi-heure de silence, lui dit :

– L’âme ne sait voir la beauté que si elle est belle elle-même. Il faut être divin pour obtenir la vue du divin.

Elle finit sur le bucher, en innocente, opposé à l’archiprêtre, accusé par sa cousine qui l’a toujours haï.

Hanna, mariée à un homme riche, charmant, finit par divorcer, lassée de la course à l’enfant où l’entraînent les autres femmes. Elle devient médecin de l’âme et, un jour, passe le pont du béguinage.  Elle s’installe sous le tilleul cher à Anne et ressent la même chose.

Soudain, il me sembla que tout l’univers s’était concentré là. Les battements des ailes légères paraissaient la respiration de la plante. Le monde s’organisait en un décor panoramique qui enchâssait cette rencontre précieuse de l’animal et du végétal, me montrant l’essentiel, la continuité de la vie innocente, tenace.

Quant à Anny, elle se complaît dans l’alcool, la drogue et le sexe. Elle n’en sortira pas vraiment, mais son métier d’actrice, où elle excelle, la sauve. Après bien des péripéties, sans intérêt, elle trouve le rôle d’Anne et en fait son chef d’œuvre en montant sur l’échafaud comme une reine ou une sainte.

 

Curieux comme au fur et à mesure du temps, les femmes qui sont présentés semble plus creuses, moins structurées, moins belles dans leur âme. Anne, la visionnaire, est pure et communie avec la nature et Dieu. Hanna tombe dans la psychologie, Anny ne réussit qu’un coup, qui ne répare pas une vie égarée.

Cela reflète-t-il la réalité ? Non sûrement pas ! Mais Anne, la pure, a marqué au-delà de sa vie l’existence d’autres femmes, aspirant elles aussi, à cette soif d’absolu au-delà du devoir social.

 

 

05/03/2012

Sensation, impression, émotion

 

Sensation, impression, émotion,
Comment qualifier cet état de court-circuit ?
Plongé dans le noir rougeoyant,
Les yeux fermés sur l’ostracisme
Naturel, stérile, mais palpable
Entre hommes et femmes,
Entre riches et pauvres,
Entre blancs et noirs,
Entre blonds et bruns,
Entre hommes et entre femmes,
Encore plus, entre enfants.
Rien, le vide de l’espoir, sans amertume,
Enrobé du chocolat tiède
De sentiments indélicats.
Revenir à la primauté des sons,
A la couleur de l’illumination,
Au goût ouaté du pain d’épice
Un soir d’enfance, dans son lit.
Assis, je contemple l’effondrement
De mon personnage en quête de componction.
Plus rien ne sera comme avant !
Le bleu divin, le noir de l’évasion,
Le blanc du mirage imaginaire,
Le rouge de l’illusion perdue,
Le jaune des nuits d’été, chaud,
Le vert envahissant de l’âme
Qui courre de la tête aux pieds
Et brûle la gorge au passage.
Je peux encore toucher, extasié,
La main fine et délicate,
De la chance souriante
Ou encore celle, plus rude,
De l’éclat de fer des séparations.
Et ton regard me transperce,
M’étrangle dans le jour malhabile,
Etonné, anxieux, interrogateur.
Qu’as-tu fait de ta destinée ?
Je suis resté sur le chemin
A regarder passer, courageux,
Les groupes combattants et vigoureux
Qui se poussaient les uns les autres
Pour cheminer ensemble vers une mort
Annoncée, inexorable, meurtrissante.
Oui, je te regarde et souris
A ta beauté retrouvée et pleine
Car ensemble nous naviguons
Toutes voiles dehors, au vent du large,
Vers l’horizon désert, mais tentant,
Dont on ne voit plus le fil.
Donne-moi tes doigts de fée
Prends mon visage entre tes mains
Et contemple celui qui est
Avec toi, pour toi, en toi.

 

29/02/2012

L’art et le beau

 

« On prouve tout ce qu’on veut, et la vrai difficulté est de savoir ce que l’on veut prouver. » Ainsi parle Alain dans son « Avant-propos du Système des beaux-arts », écrit en 1926 et qui n’a pas perdu de pertinence. Il poursuit : « Le choix est tout fait, et inébranlable, et ce qu’on voudrait prouver, à savoir que l’œuvre est belle, est affirmé sans aucun doute par l’œuvre elle-même. »

C’est pourquoi l’art, à l’inverse des mathématiques, n’a pas de point de vue universel et les appréciations que l’on y porte, ne sont que le reflet de la pensée d’un seul, parfois partagées par un certain nombre d’autres humains.

Cependant, ne l’oublions pas, le goût pour l’art, et donc l’intérêt que l’on y porte, est également affaire d’éducation. Mais jusqu’à un certain point seulement. Apprendre à apprécier une œuvre et l’apprécier réellement est différent. Disons plutôt que l’on apprend pourquoi l’on apprécie telle œuvre plutôt que telle autre, on apprend à en goûter la vision d’ensemble et chacun des détails, mais au fond de nous, en dehors des modes et de l’influence des autres, on sent instinctivement ce qui nous plaît ou ne nous plaît pas. On baptisera chef d’œuvre ce que d’autres considèrent comme sans valeur esthétique, voire médiocre. Alors l’art serait-il simplement affaire de goût ?

Eh bien, là aussi, nous sommes sur la corde raide des sommets, avec, à droite et à gauche, la pente qui conduit à deux lieux opposés. Mais c’est bien cette fine limite, qui est le juste milieu, qui détient la vérité. Rien n’est blanc ou noir, tout est nuance et non pas gris. Et ces nuances sont la couleur de la vie et du monde.

On rejoint là un autre auteur, Maurice Nédoncelle, avec son livre « Introduction à l’esthétique », aux presses universitaires de France en 1963. Que nous dit-il ? L’esthéticien est le philosophe de l’art : il cherche à en éclairer la nature, à en décrire l’origine, les espèces, la finalité ; il essaie d’en discerner les rapports avec le beau, il analyse le mystère de la beauté même. Mais il ajoute aussitôt après : On peut se demander, il est vrai, si une telle réflexion est utile et ne se résout pas en verbiage… Nous pouvons nous familiariser avec le beau, nous ne pouvons le définir, il est aussi réel et indéfinissable qu’une personne vivante. Et c’est bien en cela que telle œuvre d’art fascine certains et pas d’autres, parce qu’elle ne correspond pas à sa façon d’appréhender la vie.

En réalité, l’œuvre d’art nous plaît parce qu’elle rencontre en nous une aspiration, une élévation de l’âme dont nous avons besoin pour vivre. Or, parce que chaque homme est unique, nous avons tous des voies différentes pour arriver à notre réalisation. L’œuvre d’art reflète plus ou moins ces voies et nous entraîne vers le haut selon que la beauté que l’on y trouve correspond à la voie qui nous permettra de nous élever. Mais alors, me direz-vous, l’œuvre d’art n’a pas de valeur universelle ? Si, elle en a bien, car cette élévation, cette aspiration se rejoint bien en un point, que certains appellent Dieu, quel que soit celui-ci, que d’autres appellent principe universel, et qui possède mille noms selon la pensée de chacun. Au-delà du Big bang, cette lumière qui éclaire le Tout, constitue notre ultime réalisation. Elle est sans nom  et l’on comprend que dans certaines religions on ne nomme pas Dieu (le judaïsme n’accorde que des attributs à YHWH), on ne représente pas Dieu (l’Islam a ainsi développé un art géométrique fascinant et impressionnant faute de pouvoir développer des images), voire même l’idée d’un dieu supérieur n’existe pas (le bouddhisme est une religion sans Dieu).

Pour revenir à notre vision de l’art, et donc à notre idée du beau, il semble que celui-ci a donc un rôle très particulier. Par l’attirance irrévocable que certaines œuvres possèdent, et qui est différente selon les personnes, l’art est une aide précieuse et un moyen sûr pour conduire à sa propre découverte, au-delà d’un moi imprégné de contexte, environnement, histoire, géographie, société et même mathématique, la science la plus universelle.

 

 

28/02/2012

Tricorne de doute et de pompe

 

Tricorne de doute et de pompe
Sans l’arrêt du cœur de Germain
Je gagnais la bataille du flambeau
Arrondi au ventre de l’inquiétude
Et mêlé à l’inconsistance de l’eau
Je navigue aux porphyres des côtes
A l’ombre du phare à quatre têtes
Auprès de la blonde délicatesse
Des lumières de nos corps

Sous la pluie de notre déraison
Les regards abrités de tes paupières
Abordaient la venue des saisons
Du métal de leurs facettes altières

L’image vide,
Les mains à la pesanteur de l’âme
Je rêve, parfois

 

25/02/2012

La plaisanterie, roman de Milan Kundera

 

Le roman laisse successivement la parole à Ludvik, Helena, à nouveau Ludvik, Jaroslav, de nouveau Ludvil, Kpska, enfin ludvik-Helena-Jaroslav. Il est vrai que l’on s’embrouille un peu à chaque nouvelle partie, car on ne sait qui dit je, même si son nom est indiqué sous le numéro de la partie.

Helena raconte comment elle a aimé Pavel, son mari, lors d’un meeting où elle découvre la vie : Nous nous fréquentions depuis près de deux ans et jelittérature,écriture,roman commençais à ressentir une pointe d’impatience, rien d’étonnant, nulle femme n’entend se satisfaire d’une simple amourette d’étudiant… Le Parti contraint Pavel à épouser helena. On a chanté, on a dansé et je répétais à Pavel, si nous devions nous deux nous trahir, nous trahirions tous ceux qui célèbrent ces noces avec nous…J’ai envie de rire aujourd’hui quand je pense à tout ce que nous avons finalement trahi par la suite. Helena cherche l’amour, elle le cherchera toute sa vie et finira par le trouver, sans pouvoir l’éprouver. Elle parait aux autres une sainte Nitouche : Je savais pourtant bien combien il serait simple d’oublier bel et bien mon juvénile rêve d’amour, franchir la frontière pour me retrouver sur les terres de cette étrange liberté où n’existe ni honte, ni retenue, ni morale, dans le domaine de cette bizarre liberté ignoble où tout est permis, car il suffit d’entendre, au-dedans de soi, la pulsation du sexe, cette bête.

Pendant ce temps, Ludvik vit le premier naufrage de sa vie, à cause de Marketa, jolie jeune fille de dix-neuf ans, qui ne comprend pas les blagues. Ils étaient en faculté, dans ces années du communisme où tous épient tout le monde, où la moindre parole est analysée, le moindre sourire suspecté. Aussi lorsqu’elle part en stage et lui écrit qu’elle est contente tandis que lui était mal d’elle, il lui envoit une carte portant les mots : L’optimisme est l’opium du genre humain ! L’esprit sain pue la connerie. Vive Trotski ! Ludvik. Marketa ne répond pas. A la rentrée il est convoqué devant le comité des étudiants du Parti. Il est rejeté de toute sa vie d’étudiant et se retrouve incorporé. Je commençais à comprendre qu’il n’existait aucun moyen de rectifier l’image de ma personne, déposée dans une superbe chambre d’instance des destins humains ; je compris que cette image  (si peu ressemblante dut-elle) était infiniment plus réelle que moi-même ; qu’elle n’était en aucun façon mon ombre, mais que j’étais, moi, l’ombre de mon image ; qu’il n’était nullement possible de l’accuser de ne pas me ressembler, mais que c’était moi le coupable de cette dissemblance ; et que cette dissemblance, enfin, était ma croix, dont je ne pouvais me décharger sur personne et que j’étais condamné à porter. Mais Ludvik refuse de capituler, bien que sa dissemblance n’est visible que pour lui seul. Et graduellement, sa vie perd sa continuité, sa vue s’accommode à cette pénombre de dépersonnalisation et il commence à distinguer des gens autour de lui. Il raconte ses errances avec ses camarades. Il rencontre Lucie, une ouvrière qui vit dans un foyer, qui lui redonne la vie. Le temps recommence à s’articuler et à se décompter. Il connait le bonheur. Puis, il passe de la tendresse à une nouvelle Lucie, sensuelle lorsqu’elle essaye une robe qui lui dévoile les proportions de son corps balancées avec grâce. Après bien des péripéties, il obtient un rendez-vous dans une chambre. Mais elle se refuse à lui. Et il continue à la désirer derrière le grillage de la caserne. Il finit par la perdre de vouloir la prendre contre son gré.

Jaroslav, lui, raconte sa passion pour les chants et la musique de Moravie, qui se caractérise par une tonalité à la septième mineure, qu’elle appartienne au mode éolien, dorien ou mixolidien, d’après les tons d’église. Kundera écrit de très belles pages sur cette musique si particulière. Il raconte l’amitié d’adolescents entre Jaroslav et Ludvik qui s’est renforcée grâce à leur amour de la musique.

Ludvik reprend la parole pour raconter sa rencontre avec Helena, journaliste, dans un hôtel. Et très vite, il la discerne non plus en tant que professionnelle, mais en tant que femme, apte à fonctionner en tant que femme. Mais helena est mariée avec Pavel Zemanek, une personnalité du parti. Il l’emmène dans une chambre empruntée et la fait parler de son mari qui lui rappelle ses heures sombres. Il voit cette femme assise en face de lui, ivre, les joues en feu, la jupe roulée jusqu’à la ceinture. « Déshabillez-vous, Helena », dit-il. Il est extrêmement rare que l’amour physique se confonde avec l’amour de l’âme. Que fait-elle au juste, l’âme, pendant que le corps s’unit (de mouvement immémorial, universel et invariable) à l’autre corps… Que deux corps l’un à l’autre étrangers se confondent, ce n’est pas rare. Même l’union des âmes peut se produire quelquefois. Mais il est mille fois plus rare qu’un corps s’unisse avec son âme et s’entende avec elle pour partager une passion. Qu’à donc fait mon âme pendant que mon corps faisait l’amour avec Helena ? Et helena devient amoureuse de Ludvik, ce qui ne plaît pas du tout à celui-ci. Elle finit, plus tard, par tenter de se suicider. La fin du livre est quelque peu confuse : l’orchestre, le clarinettiste instituteur, l’infarctus de Jaroslav.

Qu’en retenir ? Ce n’est pas l’histoire en elle-même, qui reste malgré tout difficile à suivre et manque de continuité. L’art de Kundera ne passe pas par un scénario bien conçu, mais par des retours sur lui-même, sur ses réflexions à propos de tout, comme un livre de philosophie ouvert sur la vie, sans encombrement de volonté d’enseigner. On y trouve de magnifiques envolées sur l’amour, autant physique que platonique, sur la solitude, sur le temps, sur la musique, sur l’embrigadement idéologique.

 

Le résumé du livre se trouve dans ces quelques lignes :

Oui, j’y voyais clair soudain : la plupart des gens s’adonnent au mirage d’une double croyance : ils croient à la pérennité de la mémoire – des hommes, des choses, des actes, des nations) et à la possibilité de réparer (des actes, des erreurs, des péchés, des tords). L’une est aussi fausse que l’autre. La vérité se situe juste à l’opposé : tout sera oublié et rien ne sera réparé. Le rôle de la réparation (et par là la vengeance et le pardon) sera tenu par l’oubli. Personne ne réparera les tords commis, mais tous les torts seront oubliés.

 

 

23/02/2012

Rien, l’errance conceptuelle

 

Rien, l’errance conceptuelle
Les idées filent comme météorite
Elles traversent l’espace
Et pompent l’énergie créatrice
La nuit berce cette agitation
La rendant ronronnante
Sur quoi se fixer ?
J’ai erré dans les lieux de la géométrie
J’ai observé les lois de la nature
Je suis tombé dans les imprécations
Des diverses cellules irisées
Qui courent dans la tête
Et agitent les pieds au soleil
Et je reviens ensuite à cette satiété
Ou cette inappétence pour la réflexion
Quand l’un vient, l’autre s’en va
Sans suite logique, sans pont
Sans symétrie de pensée
Une errance immature et diffuse
Qui couvre les heures de l’insomnie
Cela dure et s’étire comme des filaments
Jusqu’au moment où je me réfugie
Dans le monde secret et inexplorable
Derrière les yeux clos, impavides
Dans la trouble obscurité colorée
De noir, de rouge, puis de blanc
Une blancheur inédite, nouvelle
Qui apaise l’esprit et le corps
Qui oblige la machine galopante
A laisser tomber la pression
Jusqu’au moment où le rien
Devient réalité vivante
Où l’araignée tisse sa toile extensible
Derrière laquelle s’expose la tache
Claire et lumineuse, choquante
Des eaux troubles et verdâtres
 D’un cerveau en décomposition

Eh bien, contrairement aux impressions
Cette écriture sordide et personnelle
M’a ragaillardi et a chassé
Les fantômes d’un passé trop présent
Les spectres d’un futur inatteignable
L’absence d’appréhension d’un maintenant
Qui se noie dans le vide cosmique
J’ai repris pied, j’ai fermé mes écouteurs
Je me lance à l’assaut de mon lit
Saute dans sa pâleur et m’endort
Heureux de cet intermède indéfinissable

 

19/02/2012

Ni d'Eve, ni d'Adam, roman d'Amélie Nothomb

 

"Le moyen le plus efficace d’apprendre le japonais me parut d’enseigner le français". C’est sur cette pirouette que commence le roman d’Amélie Nothomb, moins désopilant que d’autres, mais néanmoins agréable.

Celui à qui elle va apprendre le français est un japonais sympathique, sans doute moins japonais que la plupart. Il aime « jouer » et présente Amélie comme sa maîtresse, en tant qu’enseignante bien sûr et non en tant que compagne. C’est pourtant ce qu’elle deviendra plus tard après avoir été promenée en Mercedes immaculée, avoir pénétrée dans la maison des parents japonais, puis l’avoir laissé pénétrer dans la sienne. Ils finissent par passer trois semaines dans l’appartement de Christine, une belge travaillant à l’ambassade.

"Il me rendait heureuse. J’étais toujours joyeuse de le voir. J’avais pour lui de l’amitié, de la tendresse. Quand il n’était pas là, il ne me manquait pas. Telle était l’équation de mon sentiment pour lui… Ce que j’éprouvais pour ce garçon manquait de nom en français moderne, mais pas en japonais, où le terme de koi convenait. Koi, en français classique, peut se traduire par goût. J’avais du goût pour lui. Il était mon koibito, celui avec lequel je partageais le koi : sa compagnie était à mon goût."

Leurs conversations pouvaient être des plus élevées. Ainsi ils parlent de Marguerite Duras, dont Amélie dit : "Quand on achève un livre de Duras, on éprouve une frustration. C’est comme une enquête au terme de laquelle on a peu compris. On a entrevu des choses au travers d’une vitre dépolie. On sort de table en ayant faim". Mais elle portait également sur des différences culturelles plus terre à terre : "Rinri, respectueux de la tradition, se récurait entièrement avant d’entrer dans le bain : on ne souille pas l’eau de l’honorable baignoire. Je ne pouvais pas me plier à un usage que je trouvais si absurde. Autant mettre des assiettes propres dans un lave-vaisselle. – tu as peut-être raison, mais je suis incapable de me conduire autrement. Profaner l’eau du bain est au-dessus de mes forces."

Mais, un jour, son élève, après lui avoir fait manger des poulpes vivants au restaurant, lui fait un cadeau : une bague de platine incrustée d’une améthyste : « Veux-tu m’épouser ? » Ce ne fut pas la seule demande. Il y eut deux-cent quarante, d’après Amélie. Un soir fatiguée, alors qu’il la demande à nouveau en mariage, elle répondit non et s’endormit. Le lendemain, il lui laisse un mot : "Merci, je suis très heureux". Le soir, il l’emmène au restaurant, elle se dit tout à coup que si Rinri l’avait interrogé de façon négative, ce qui est courant dans ce pays compliqué, elle était cuite. Alors elle saisit la cruche de saké et demande : – "Ne veux-tu pas encore du saké ? Non, répondit courtoisement le jeune homme. Je reposai donc la cruche inutile. Rinri parut déconcerté et se servit lui-même."

Alors elle ne pense plus qu’à une chose, fuir. Juste avant Noël, elle prend un billet d’avion et quitte le Japon. Rinri l’accompagne à l’aérogare sans se douter que c’est la dernière fois.

Quelques années plus tard, elle retourne au Japon pour une dédicace, retrouve Rinri devant elle, qui lui dit : "– Je veux te donner l’étreinte fraternelle du samouraï ? (…)

Il avait trouvé les mots justes. Il avait mis plus de sept ans à les trouver, mais il n’était pas trop tard. (…) Tellement plus beau et plus noble qu’une bête histoire d’amour.

Ensuite, chaque samouraï lâcha le corps de l’autre samouraï. Rinri eut le bon goût de partir aussitôt sans se retourner. Je levai la tête vers le ciel afin que mes yeux ravalent leurs larmes."

 

Ni d’Eve ni d’Adam est un roman divertissant en raison des incompréhensions culturelles qui émaillent le récit. Néanmoins on n’y sent pas la verve du Sabotage amoureux ou de Métaphysique des tubes. Ce n’est ni un de ses meilleurs livres, ni un de ses plus mauvais. Il se lit plaisamment.

 

 

18/02/2012

Quatre heures, la nuit s’étire

 

Quatre heures, la nuit s’étire
Blanche de sérénité, sans désir
Dans le long filament des jours
Jusqu’à cet instant, unique

L’univers lui-même étale
Ses galaxies  qui s’éloignent
Et courent dans le vide
Elles ne savent où

Un vase clos de promesse
Dans la vacuité inimaginable
Sans tomber, ni faillir
Qui conquiert le rien

Et l’homme, ridicule
De petitesse et de présomption
Perdu dans ces espaces indéfinis
Contemple sa propre finitude

Il n’est rien qu’un point
Dans une multitude d’années-lumière
Les yeux ouverts sur l’infini
Submergé de cette immensité

Et pourtant, il le peut
Il le fait. Il découvre en lui
L’univers reconstitué
Un trou noir immergé

De l’intérieur vers l’extérieur
Sa vision habituelle, il se contemple
De l’extérieur vers l’intérieur
Par symétrie, progressivement

Cela passe par ce filet d’air
Qu’il laisse couler en lui
Comme un gaz hilarant
Et qui gonfle ses poumons

C’est un air sans odeur
Un air vierge et pur
Qui râpe ses muqueuses
Et lui ouvre la gorge

Et il se sent léger
Il ouvre ses ouïes volages
Et plane dans cette ouverture
Sans savoir où elle le conduit

Encore un effort, un étirement de plus
Encore une étincelle de vie
Qui l’aspire et l’étire
Et le réchauffe, amoureusement

Léger, il perd son poids
Il devient membrane
Fine pellicule de peau
Qui trace une frontière impalpable

De quel côté regarder
Il oscille entre les deux mondes
Rappelé par le moindre mouvement,
Qui le détourne de son but

Attiré également par cet espace
Sur lequel le temps n’a pas de prise
Un trou noir et voluptueux
Qui le comble de chaleur

Quel miroir du monde extérieur
Mais là pas de souvenirs
Pas de sentiments, ni même
De sensations palpables

Retour à l’évanescence
A l’inconsistante hébétude

Clac ! La cloche a sonné
La fin de l’évasion, mort ou vif

 

14/02/2012

Revenus des régions polaires

 

Revenus des régions polaires, le poil hérissé
Nous apprécions la délicatesse des gouttes d’eau
Qui coulent sur les cheveux mouillés
Et s’engagent dans le cou, dérangeantes

Pour tromper cet arrosage intempestif
Et s’enrober d’étanchéité inventive
Nous enfermons nos corps fondant
De papier d’emballage aux papillotes relevées

Affrontant joyeusement cet auto-nettoyage
Plutôt que débordant d’humeur malhabile
Nous trottinons sur les trottoirs imbibés
Qui servent de miroirs aux passants égarés

Et lorsqu’un rayon de chaleur bienfaisante
Emerge au-delà des cotons en boule
Nous découvrons nos corps ratatinés
Offrant nos cœurs à l'ardeur apaisante

Certes nous ne sommes pas maîtres
Des caprices d’un ciel mouvant et versatile
Mais nous scrutons le couvercle
Pour en extraire l’optimisme béat

Quand le soir s’engage à pas menus
Qu’il sort ses griffes aux joues de froideur
Nous nous réjouissons de ne plus divaguer
Dans la soupe d’orties qui grippe la gorge

Oui, nous sommes enhardis et soulagés
De laisser errer nos fantômes suintants
Pendant que nous rêvons, béatement
Devant la lucarne aux paysages d’été

 

10/02/2012

Cueillir les mots que l’on vous jette

 

Cueillir les mots que l’on vous jette
Les retourner, les tripoter
Jusqu’à n’en faire qu’une pâte lisse
Que l’on peut ensuite rouler en boule
Pour la renvoyer, durcie, aux interlocuteurs

Souvent s’étrangle dans la gorge
Ces mots aigris de toute puissance
qui ne sortent que lentement
En filets continus, mais maigres
Pour ne pas envenimer l’atmosphère

Mais derrière cette apparente douceur
Se cache le Vésuve enflammé
Comment évacuer cette pression
Qui se condense en moi, bouillonnante
Et m’éveille en pleine nuit, hagard

Alors je laisse entrer le vide
Je me mets en marche vers mon absence
J’entre en retraite dans le noir bienfaisant
Où rien ne me touche plus, que Toi
Rayon incandescent qui réchauffe mon âme

 

 

08/02/2012

Méditation sur le temps et la musique

(suite et fin de la première partie publiée le 6 février) 

 

Tentons d’analyser l’importance du temps dans la musique. S’il est évident que la musique se construit dans le temps, comment s’y prend-elle ?

Le fondement de la musique est la mélodie, ce que vous sifflez lorsque vous êtes heureux (ou malheureux). C’est une phrase musicale, faite de successions de notes à intervalles, hauteurs et durées variables, tournant généralement autour d’une dominante et se terminant sur une finale. La mélodie utilise la diachronie, soit le temps en tant que succession d’instants, construction équilibrée avec un commencement, un développement et une fin. Cette mélodie peut ensuite constituer une pièce en étant réutilisée par imitation (rétrograde, inversée, etc.) ou encore mise en opposition avec une autre pièce constituant, par exemple, un refrain et des couplets.

Deux autres fondements furent ajoutés à la mélodie. Au Moyen-âge, fut inventée l’harmonie. Celle-ci fait appel à la synchronie, c’est-à-dire à la juxtaposition des notes en un même instant. Elle commença par l’accord de quinte ou de quarte, puis de trois sons et se densifia par des accords de quatre notes et même beaucoup plus dans les pièces d’orchestre. Des règles d’harmonie furent édifiées, évolutives elle-même dans le temps, selon l’oreille musicale de l’époque. Enfin, le contrepoint est la superposition, en synchronie et diachronie, de plusieurs mélodies.

Cependant, à ces trois fondements s’ajoute un impératif également fondamental, la manière de décliner le déroulement du temps, c’est-à-dire :

.   La mesure : C’est la dimension mathématique et intelligible.

.   Le tempo : C’est l’allure d’exécution d’une œuvre musicale. Le tempo peut varier au cours d'un même morceau. Il lui arrive parfois même d'être purement et simplement suspendu (point d'orgue, récitatif, etc.).

.   Le rythme : C’est l’ordre du temps, fait d’élan et de repos, de temps forts et de temps faibles, de tensions et de détentes. Dans le rythme, comme dans la mélodie et comme dans la conscience, continuité et discontinuité se combinent.

Mesure et rythme sont nécessaires l'un et l'autre et l'un à l'autre, mais la musique ne devient vivante que grâce au rythme. A la rigidité de la mesure métronomique s'oppose le jeu du rythme qui varie, contredit les prédictions, suscite une activité toujours neuve. Comme l’explique Gisèle Brelet (Le temps musical ; P.U.F. 1952) : "Et précisément le devoir de l'exécutant est de retrouver le rythme par delà la mesure, l'être par delà le phénomène et la réalité vivante par delà l'intelligibilité schématique. »

 

Mais si l’on regarde l’expérience concrète et personnelle de la musique, on constate qu’elle est avant tout mémoire. C’est la répétition de la mélodie, l’agencement de l’harmonie et ses variations, l’entrée en jeu d’un contrepoint varié, le rythme donné, qui fait que cette pièce nous plaît. La mémoire n’est pas seulement liée au passé. Elle s’invente dans le futur, elle anticipe ce qui n’a pas encore été joué. Grâce à la construction intelligente et organisée de la musique dans un temps psychologique tel que Saint Augustin l’a décrit, naît une autre temporalité, une conception du temps réversible, basé sur le souvenir et l'anticipation.

 

 

06/02/2012

Méditation sur le temps (et la musique), première partie

 

 

Voici ce que dit Saint Augustin sur le temps, dans ses Confessions :

 « Ce mot, quand nous le prononçons, nous en avons, à coup sûr, l’intelligence et de même quand nous l’entendons prononcer par d’autres. Qu'est-ce donc que le temps ?   Si personne ne m'interroge, je le sais ; si je veux répondre à cette demande, je l'ignore. »

On ne peut décrire le temps que par analogie, en particulier avec le mouvement, donc l’espace. D’après Aristote, le temps est le nombre du mouvement selon l’antérieur et le postérieur. A contrario, le temps semble ne plus faire sens quand l’idée de mouvement disparaît, car le temps suppose la variation. Ainsi, la perception du temps est liée à la mémoire. Saint Augustin dit que le temps n’est que dans la mesure où il est présent. Le présent du passé, c’est la mémoire ; le présent de l’avenir, c’est l’attente (ou l’action en vue de…) ; le présent du présent, c’est la perception.

Lisons ce très beau passage de Milan Kundera dans La plaisanterie (1967, début du chap.6) lorsque le héros du livre est rejeté du parti communiste et envoyé en dépersonnalisation : « … brisé, en un mot, tout le cours, chargé de sens, de la vie. Il ne me restait plus que le temps. Celui-ci, en revanche, j’appris à le connaître intimement comme jamais auparavant. Ce n’était plus ce temps qui naguère m’était familier, métamorphosé en travail, en amour, en toutes sortes d’efforts possibles, un temps que j’acceptais distraitement, car il était lui-même discret, s’effaçant avec délicatesse derrière mes activités. Maintenant il venait à moi dévêtu, tel quel, sous son apparence originelle et vraie, et il me forçait à le désigner de son véritable nom (puisque à présent je vivais le temps pur, un temps purement vide), pour que je n’oublie pas un seul instant, pour que je pense perpétuellement à lui, pour que j’éprouve sans cesse son poids.

Lorsqu’une musique se fait entendre, nous enregistrons la mélodie, oubliant  que ce n’est là qu’un des modes du temps; l’orchestre se tait-il, nous entendons le temps; le temps en lui-même. »

 

Cette dernière remarque est intéressante. Le temps est en effet au musicien ce que l’espace est au peintre. Stravinsky ne disait-il pas : « La musique est un art du temps. Elle naît d’une organisation du temps. » Michel Cornu, philosophe explique : « Loin donc de partir d'une théorie du temps et d'essayer d'y faire entrer la musique, il faut partir de la musique, car c'est elle qui a le plus de chance de nous faire comprendre ce qu'est le temps. »

Et Stravinsky d’ajouter (Chronique de ma vie) : « La musique est le seul domaine où l'homme réalise son présent. Par l'imperfection de sa nature, l'homme est voué à subir l'écoulement du temps - de ses catégories de passé et d'avenir- sans jamais pouvoir rendre réelle donc stable, celle de présent... Le phénomène de la musique nous est donné à la seule fin d'instituer un ordre dans les choses, y compris et surtout un ordre entre l'homme et le temps. Pour être réalisé, il exige donc nécessairement et uniquement une construction. La construction faite, l'ordre atteint, tout est dit... »

 

05/02/2012

Hier, j’ai volé dans les courants d’air

 

Hier, j’ai volé dans les courants d’air
Un froid glacial m’accompagnait
Et imposait une carapace de glaçons 
Sur un cerveau aux caténaires neuronales
En alimentation discontinue

Pourtant je courais, l’esprit léger
Nu comme un ver, au figuré
Et cet air gelé pénétrait au cœur
De ma carapace, ouvrant la chair
Opérant son retournement
Reconstruisant l’être par soustraction

Et j’émergeais au soleil de Montmartre
Par ces escaliers contournant la fontaine
Réchauffant ce corps hérissé
Mais souriant gravement à l’éclat
D’acier d’un matin de grand froid

Tout paraissait lavé, propre, reluisant
Même les touristes emmitouflés
Regardaient ce Paris congelé
Je pris une photo d’une femme
Qui tenait à conserver cette heure
Au fond d’un appareil à images
Pour, rentrée chez elle, au Japon,
Qu’elle puisse rêver encore
A ce mont dominant la ville
Et veillant sur le sommeil
Elle me dit même merci en français
Avec un sourire emprunté

Je poursuivis ma course,
Passant entre les peintres
Dont les toiles gelées
Transfiguraient le silence

Je naviguais sur la place des Abbesses
Survolant les passants refroidis
Glissant sur les plaques de gel
D’un robinet mal fermé ou explosé
Me rattrapant au bras d’une égérie
Parisienne et déesse des sources
Avant de redescendre, apaisé
Vers les boulevards pétaradant
D’engins à moteur fumant
Patiemment alignés sur la chaussée
Comme pour une revue mécanique
Et fiévreuse d’un prince auréolé

J’arrive, je monte les escaliers
J’ouvre la porte épaisse et raide
Et me plonge dans la chaleur bouffante
Qui me monte à la tête
Et endort le cerveau,  si gelé
Qu’il résonne comme le battant
D’une cloche de bronze campaniforme

Revigoré, apaisé, alangui, ravi
Je plonge dans l’extase d’une journée
Comme les autres, enchanteresse

 

28/01/2012

Vous vous envolez...

 

C’est le matin, après un réveil ordinaire
Et l’ingestion d’un café ou d’un thé
Lorsque vous vous fixez sur une activité
Et descendez en vous-mêmes
Que la grâce vous frappe, comme un coup de poing

Brutalement, en un instant, vous sentez en vous
Comme une porte qui s’ouvre subrepticement
Et un air frais vous envahit, exaltant

Si vous n’y prenez pas garde
La porte se referme, sans plus
Et vous avez perdu cet instant de grâce
Que vous vous efforcez depuis longtemps
De faire naître en vous naturellement
A volonté, sans grand succès

Si cependant vous prenez conscience
De ce joyau qui vous est donné
Que vous devez conserver en vous-même
Alors vous vivez des minutes inimaginables
Aucun souvenir n’y est mêlé
Un vide bienfaisant vous submerge
Et vous flottez dans une obscurité
Nourricière, impalpable et sensible

Regardant en vous-même
Vous découvrez ce vide attirant
Cette caverne de beauté assoiffante
Qui vous retourne complètement
Et s’emplit de lumière palpable

Attentif toujours à ne pas perdre
Cet élan vital et bénéfique
Vous vous sentez allongé et allégé
Votre corps perd sa consistance
Devient un fil ténu et lumineux
Qui monte vers les cieux
Et descend sur la matière
Elle-même devenue vide

Distendu entre ces deux extrêmes
Vous laissez une chaleur tendre
Envahir votre corps
Se concentrer en vous
S’épancher dans ce globe transparent
Que vous vous efforcez de nettoyer
Pour voir au-delà de cette inexistence
Un monde merveilleux et inconnu
Que vous ne pouvez définir

Il est, vous êtes
Il est lié à vous,
Mais il est autre
Il vous contente
Vous vous envolez…

 

 

25/01/2012

La sorcière de Portobello, roman de Paulo Coelho (Flammarion, 2007)

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« Personne n’allume une lampe pour la cacher derrière la porte : le but de la lumière, c’est d’apporter davantage de clarté autour de vous, de vous ouvrir les yeux, de vous montrer les merveilles qui vous entourent. Personne n’offre en sacrifice son bien le plus précieux : l’amour. Personne ne confie ses rêves à des individus destructeurs. Sauf Athéna. »

Athéna est la fille adoptive d’un couple libanais qui l’a recueillie dans un orphelinat en Roumanie et qui est tzigane. Son histoire n’est racontée qu’au travers des récits faits par les gens qui la connaissaient et qui parle à tour de rôle. Certains en disent : « Elle voulait vivre, danser, faire l’amour, voyager, réunir des gens autour d’elle pour montrer qu’elle était savante, exhiber ses dons, provoquer les voisins, profiter de tout ce que nous avons de plus profane – même si elle cherchait à donner un vernis spirituel à sa quête. »

Une autre en dit que : « Athéna a mis au jour le monde richissime que nous tous portons dans l’âme, sans se rendre compte que les gens n’étaient pas prêts à accepter leurs pouvoirs. Nous, les femmes, quand nous cherchons un sens à note vie, ou le chemin de la connaissance, nous nous identifions toujours à l’un des quatre archétypes classiques. La Vierge (…), la Martyre (…), la Sainte (…), enfin la Sorcière qui recherche le plaisir total et illimité – donnant ainsi une justification à son existence. Athéna a été les quatre à la fois… »

L’âme religieuse, Athéna se tourne d’abord vers la musique, et celui qui l’écoute dit : « J’étais là tout entier, sans passé, sans avenir, vivant uniquement cette matinée, cette musique, cette douceur, ma prière inattendue. Je suis entré dans une sorte d’adoration, d’extase, reconnaissant l’être en ce monde… Mais très vite Athéna se fixe une seconde mission : « Cette mission, c’est la maternité. Je dois l’accomplir ou je deviendrai folle. Si je ne vois pas la vie se développer en moi, je ne pourrai plus accepter la vie qui est à l’extérieur. » Elle se marie, a un enfant, divorce et quitte l’église parce qu’on lui refuse la communion.

Alors elle se consacre à la danse. « Quand je danse, je suis une femme libre. Plus exactement, je suis un esprit libre, qui peut voyager dans l’univers, regarder le présent, deviner l’avenir, se transformer en énergie pure. » Un voisin l’initie à la danse et à la recherche du Sommet qui est caché en chacun de nous. Elle entre en extase, c’est-à-dire est capable de sortir d’elle-même. Elle prend un emploi dans une banque, et, peu à peu, la banque change d’état d’esprit. Tout devient plus coulant, plus naturel.

Son directeur de banque l’envoie dans les pays arabes pour faire des affaires. Elle fait connaissance avec Nabil Alaihi, un bédouin, qui l’initie à la calligraphie et lui révèle le sens du mot maître : un maître n’est pas celui qui enseigne quelque chose, mais celui qui pousse son élève à donner le meilleur de lui-même afin de découvrir ce qu’il sait déjà.

Ayant reçu l’aval de son maître, elle part en Transylvanie à la rencontre de sa véritable mère qui lui explique ses convictions : Nous en possédons pas la terre, c’est elle qui nous possède. (…) Nous ne croyons pas que Dieu ait fait l’univers ; Dieu est l’univers, nous sommes en lui, et il est en nous. (…) Nous n’adorons rien, nous communions seulement avec la création. – Et pourquoi faites-vous cela en groupe, puisque nous pouvons célébrer seul notre contact avec l’univers ? – Parce que les autres sont moi. Et moi, je suis les autres.

Athéna repart à Londres et s’intéresse au culte de la Mère, de l’Unité divine. Son amie Edda lui dit alors : J’adorerais pouvoir te voir donner des leçons sur ce que tu apprends ; c’est çà l’objectif de la vie – la révélation. (…) Maintenant, rentre et va à la rencontre de tous ces gens qui pensent  que tu sais tout. Convaincs-toi qu’ils ont raison, parce que nous tous savons tout, il s’agit seulement d’y croire.

Et Athéna commence à enseigner et se laisse guider par la voix : Va à l’encontre de tout ce que tu as appris jusqu’à présent – toi qui es maîtresse du rythme, laisse le passer par ton corps, mais ne lui obéit pas. (…) Et soudain, j’ai senti un vide immense, qui a été rempli par une présence chaleureuse, aimante, amicale. Autour de moi tout était différent. (…) Au bout d’un certain temps, l’âme s’est détachée du corps, un espace s’est ouvert, et la Mère a enfin pu entrer. (…) Je suis contente que, à  ce moment, la Mère ait gagné la bataille. Un homme a été sauvé du cancer, un autre a accepté sa sexualité, un troisième a cessé de prendre des pilules pour dormir.

Athéna rassemble les foules, elle fait des disciples, mais dans le même temps se fait des ennemis. Alors elle disparaît.

L’épilogue est assez équivoque. On la retrouve dans un quartier de Londres, assassinée. Mais le dernier chapitre met en scène un policier qui aurait organisé son départ en maquillant un crime. Elle est vivante et poursuit sa mission : préparer le chemin de la Mère, poursuivre une tradition qui a été abolie pendant des siècles, mais qui à présent commence à resurgir. Et l’on revient au commencement du livre, à sa première phrase : Personne n’allume une lampe pour la cacher derrière la porte : le but de la lumière, c’est d’apporter davantage de clarté autour de vous, de vous ouvrir les yeux, de vous montrer les merveilles qui vous entourent.

 

 La construction du livre est assez intéressante. Les chapitres sont constitués des écrits de chaque personne qui a connu Athéna à un moment de sa vie. Ainsi l’on ne connait d’elle que ce que l’on en a dit ou que ce que ces intimes en ont vu : Heron Ryan, journaliste ; Edda, son amie, médecin ; sa mère adoptive ; le directeur de la banque ; le bédouin et bien d’autres encore. Sorcière, elle ne s’exprime pas elle-même. Mais est-elle vraiment sorcière ?

Cependant l’objet même du livre est ambigu : l’auteur a-t-il développé cette histoire sans pour autant croire aux propos qu’il tient sur ses aspects spirituels, ou, au contraire, pense-t-il réellement à cette connaissance immanente qui conduit à la réalisation personnelle ? Paulo Cuelho s’est-il laissé entraîner par sa célébrité qui le contraint à écrire toujours plus de livres qui traitent de spiritualité ?

On pourrait le penser lorsqu’on ouvre un autre livre écrit par celui-ci en 2008 qui se nomme « La solitude du vainqueur » et qui m’a rappelé le livre de Houellebecq « La carte et le territoire » par ses descriptions d’une société du paraître et de la célébrité, qui seule compte de nos jours. Et les deux auteurs semblent s’y complaire, malgré le maquillage nécessaire à ce genre de propos.

 

 

24/01/2012

Nos ancêtres, un peu bornés ou mathématiciens

 

Nos ancêtres, un peu bornés ou mathématiciens
Ont tenté d’établir en quelques mots pesants
En quelques faits que la loi semble soutenir
Une rationnelle limite à l’écoulement du temps
Cette frontière, jour de fête pour son aboutissement logique
Leur échappait comme l’eau entre les doigts
Que l’on tente vainement de retenir pour sa fraicheur
Le passé n’avait pas fini de mourir à petits feux
Que déjà l’avenir dans ses espérances contradictoires
Avait façonné le paysage de nouvelles perspectives
Plus nobles, plus harmonieuses, plus imaginaires aussi
Qui semblaient l’annonce des temps nouveaux
Et comme ils avançaient dans ce palais promis
Au-delà des colonnes et des chapiteaux grandioses
Apparaissaient encore les mêmes faubourgs bancals
Qu’ils avaient traversés des jours durant
Et nous persévérons aussi car le mirage du palais
S’édifie des mêmes pierres que les faubourgs traversés

 

20/01/2012

La carte et le territoire, roman de Michel Houellebecq

 

On lit l’introduction ou le prélude avec circonspection : où va-t-on ? Le problème du chauffe-eau ne peut constituer un roman, même de Michel Houellebecq. Alors on poursuit sur la première partie : les dessins de Jed, puis la photographie, tout cela à travers son enfance, son adolescence et le début de sa vie adulte. J’avoue que je n’ai rien saisi d’intéressant avant la page 62 (1ère partie, chapitre 3), car là : Jed acheta une carte routière « Michelin Départements » de la Creuse, Haute-Vienne. C’est là, en dépliant sa carte, à deux pas des sandwiches pain de mie sous cellophane, qu’il connut sa seconde grande révélation esthétique. Cette carte était sublime. Bouleversé, il se mit à trembler devant le présentoir. Jamais il n’avait contemplé d’objet aussi magnifique, aussi riche d’émotion et de sens que cette carte Michelin au 1/150 000 de la Creuse, Haute-Vienne. L’essence de la modernité, de l’appréhension scientifique et technique du monde, s’y trouvait mêlée avec l’essence de la vie animale. Le dessin était complexe et beau, d’une clarté absolue, n’utilisant qu’un code restreint de couleurs. Mais dans chacun des hameaux, des villages représentés suivant leur importance, on sentait la palpitation, l’appel, de dizaine de vies humaines, de dizaines ou de centaines d’âmes – les  unes promises à la damnation, les autres à la vie éternelle. (p.54)

Jed fait connaissance avec Olga, une russe travaillant en France chez Michelin, pour le guide. On commence à entrevoir le sujet d’un roman qui jusque là se résumait au chauffe-eau et à toutes sortes d’évènements sans beaucoup de cohésion. Très vite, on tombe dans le milieu dit artistique : romanciers, peintres, photographes. Le voilà lancé par Olga qui organise sa deuxième exposition : Jed avait affiché côte à côte une photo satellite prise aux alentours du ballon de Guebwiller et l’agrandissement d’ne carte Michelin « départements » de la même zone. Le contraste était frappant : alors que la photo satellite ne laissait apparaître qu’n soupe de vers plus ou moins uniformes parsemée de vagues taches bleues, la carte développait un fascinant lacis  de départementales, de routes pittoresques, de points de vue, de forêts, de lacs et de cols. Au dessus des deux agrandissements, en capitales noires, figurait le titre de l’exposition « la carte est plus intéressante que le territoire ».

Et l’on retombe dans les aventures d’un artiste contemporain dans son milieu branché, jusqu’au départ d’Olga qui est envoyée par Michelin en Russie. Alors il abandonne la photo et se lance dans la peinture. Il peint les métiers simples pendant sept ans, telle sa toile « Claude Vorilhon, gérant de bar-tabac », puis élargit ses travaux : « Aimée, escorte-girl », « Bill Gates et Steve Job s’entretenant du futur de l’informatique ». Il lui manque bientôt le portrait d’un écrivain.

 

C’est l’objet de la deuxième partie du roman, qui concerne sa rencontre avec Michel Houellebecq, romancier. Houellebecq décrit Houellebecq. Il fallait avoir l’idée de ce jeu de miroir. On trouve dans cette partie des réflexions intéressantes :

Quelques mots drôles et caricaturaux : « C’est l’inconvénient avec les polytechniciens, ils reviennent un peu moins cher que les énarques à l’embauche, mais ils mettent d’avantage de temps à trouver leurs mots. » (p.91)

Quelques affirmations qui ne manquent pas de clairvoyance : Etre artiste, à ses yeux (de Jed, le peintre) c’était avant tout être quelqu’un de soumis. Soumis à des messages mystérieux, imprévisibles, qu’on devait donc faute de mieux et en l’absence de toute croyance religieuse qualifier d’intuitions ; messages qui n’en commandaient pas moins de manière impérieuse, catégorique, sans laisser la moindre possibilité de s’y soustraire – sauf à perdre toute notion d’intégrité et tout respect de soi-même.

Quelques analyses intéressantes comme celle sur l’architecture du milieu du XXème siècle : Le courant dominant quand j’étais jeune était le fonctionnalisme. Il ne s’était rien passé depuis Le Corbusier et Van der Rohe. (…) Comme les marxistes, comme les libéraux, Le Corbusier était un productiviste. Ce qu’il imaginait pour l’homme, c’était des immeubles de bureaux, carrés, utilitaires, sans décoration d’aucune sorte ; et des immeubles d’habitation à peu près identiques, avec quelques fonctions supplémentaires – garderies, gymnase, piscine ; entre les deux, des voies rapides. Dans sa cellule d’habitation, l’homme devait bénéficier d’air pur et de lumière, c’était très important à ses yeux ; et entre les structures de travail et les structures d’habitation, l’espace libre était réservé à la nature sauvage. (…) C’était une sorte d’écologiste avant la lettre, pour lui l’humanité devait se limiter à des modules d’habitation circonscrits au milieu de la nature, mais qui ne devait en aucun cas la modifier.

Mais inversement, l’auteur a tendance à décrire avec force détails des choses sans intérêt, telle la description d’un appareil de photo (p.161 à 164), l’histoire de Beauvais (p.180-181). Il meuble le chapitre par de longues discussions entre Jed et son père. Celui-ci peint le portrait de Houellebecq, son chef d’œuvre. Enfin, il retrouve Olga de retour de Russie. Nouvelles mondanités avec Jean-Pierre Pernaut, Patrick Le Lay, Claire Chazal. Il couche avec Olga, mais repart voir Houellebecq, parle longuement avec lui et le quitte en fin de nuit, marquant ainsi la fin de la 2ème partie.

 

La troisième partie est un roman policier avec pour personnage principal le commissaire Jasselin : Houellebecq a été assassiné dans des conditions atroces. Description du crime, des efforts de Jasselin, sa rencontre avec Jed, quelques réflexions sur la criminalité quand Jasselin cherche à briser la glace avec Jed : Ce type l’intriguait (…) Son travail à lui était de pister le gibier, puis de le rapporter afin de le déposer aux pieds des juges, et plus généralement du peuple français (…) Dans le cadre d’une enquête policière, le coupable était à peu près vivant – ce qui permettait à la France de demeurer bien notée dans les enquêtes sur les droits de l’homme régulièrement publiés par Amnesty International.

Le roman se poursuit avec la mort du père de Jed qui se fait euthanasié en Suisse, la résolution de l’affaire Houellebecq, sans intérêt, et la décision de Jed de s’installer dans l’ancienne maison de ses grands-parents, dans la Creuse. Puis, il meurt, dans une certaine sénilité.

 


 Que penser de ce livre ? J’avoue que je ne suis pas séduit par Houellebecq, bien qu’il soit encensé partout. Prix Goncourt 2010, l’écrivain est maintenant bien connu du grand public. Est-il pour autant réellement apprécié ?

Il faut reconnaître que la manière de raconter de Michel Houellebecq est surprenante. Il y a des digressions sans intérêt et très pointues sur tel ou tel sujet et l’on se demande ce qu’elles viennent faire dans le texte, n’apportant aucun élément au récit. Il y a également des descriptions éprouvantes sur, par exemple, la manière de faire cuire des spaghettis, mais sans aucun humour, brut de fonderie. Peu de sentiments : l’amour de Jed pour Olga est si brièvement évoqué qu’on se demande s’il y a réellement un amour entre eux. Tout reste froid et dépassionné. Bref, Houellebecq nous parle d’argent, d’art, de la vie mondaine qui contente les personnes médiatisées. Rien de bien encourageant pour en faire un souvenir de lecture enchanteresse. Quant à en faire un manuel de sociologie, ce serait exagéré.

 

 

19/01/2012

Les hommes, comme d’éternels esclaves

 

Les hommes, comme d’éternels esclaves,
Entraînent  chaque jour la roue du passé,
N’agissant que sur ce point de tangence
Qui imprègne dans le sol l’instant de sa présence.
Derrière ne restent que les traces du regret du passé
Et au devant l’espoir du futur dans un jardin sauvage.

 

15/01/2012

Je regardais passer les piquets noirs

 

Je regardais passer les piquets noirs comme des corps de garde
Qui fuyaient à mon approche comme de grande harde.
Les chemins ont l’odeur du cristal et du papier peint
Et s’écroulent au passage de mes yeux insolites et lointains.

Je laisse derrière des rivages de souffrance où la joie brille
De ne plus voir la chevelure déconfite des quadrilles.
Et les lumières perdues dansent une étrange sarabande
Sur les flancs grisâtres et pauvres d’une ignorante lande.

Plus rien ne retient mes pas au long de ce voyage
Si ce n’est la chaleur sans clarté de ce paysage.
Noirs et blancs, je brode ma chevauchée au fil des cailloux
Tout en gardant l’image de l’araignée qui se tord le cou.

La poussière écrase sa crinière d’or sur l’aubépine
Qui parle en clins d’œil aux vestiges de ces ruines.
Plus rien ne me retient si ce n’est ce crapaud
Qui bêle au fond des trompes comme au sortir de l’eau.

 

10/01/2012

Je ne sais plus que dire

 

Je ne sais plus que dire
Souvenir de ces chevauchées
Lorsque tendresse égale caresse

Je ne sais plus que dire
Image de ces voyages
Au lointain délire des ruines de Palmyre

Je ne sais plus que dire
Devant ton altière présence
Le matin, au réveil des sources enivrantes

Je ne sais plus que dire
Quand ton sourire s’épanouit
Et m’incite à partager ton émerveillement

Je ne sais plus que dire
Mais je sais toujours rêver
Devant ton visage illuminé par l’amour

 

05/01/2012

A force de patience et d’attention

 

A force de patience et d’attention
J’ai fait grandir le vide en moi
Et mon corps résonne étrangement
A tous les coups portés par la vie

Comme une grotte ouverte à tous les sons
L’écho des plaintes humaines m’envahit
Mêlé aux cris de joie de l’enfant nu
Qui s’éveille à la fragilité des choses

Et ce vide fut comblé de ton amour
De cet amour que tu détiens en toi
Comme une présence nouvelle
 Tournée vers la beauté du monde

Cet amour est devenu mon amour
Porté vers d’autres amours à venir
Comme une vague annonce une autre vague
Jusqu’au dernier jour de la vie