17/04/2011
Les cahiers d’André Walter, d’André Gide
André Walter, dont les cahiers ne sont pas seulement le journal de ses pensées, mais aussi de sa sensibilité, de ses souffrances et de ses joies, est ce personnage mythique que tout écrivain invente à ses débuts, imprégné de ses pensées et de sa sensibilité. Il est à la fois l’endroit et l’envers d’André Gide, adolescent ne sachant encore de quel côté pencher (il hésitera d’ailleurs longtemps), vers une complaisance envers lui-même ou un durcissement de lui-même.
Imparfait certainement dans le style et la pensée, le livre n’en décèle pas moins une surprenante sensibilité, certainement trop grande, car elle devient une obsession, pour un auteur qui n’a pas vingt ans. Ce n’est pas encore le style volontaire et dépouillé des nourritures terrestres, qui, bien qu’empreintes d’une même sensibilité, vibre plus dans sa simplicité.
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14/04/2011
Patchouli ou les désordres de l’amour, pièce d’Armand Salacrou (1899-1989)
« Ce n’est pas une pièce de jeunes, c’est la pièce de la jeunesse. », a dit Jean Giraudoux de Patchouli. Oui, le propre de la jeunesse est bien de se poser milles questions et d’essayer de réaliser le rêve qu’elle s’est faite de la vie. Ce n’est que lorsque le rêve n’exalte plus que l’on devient adulte, pensent certains, avec tous les soucis que cela comporte puisque l’espoir s’est assoupi.
Ecoutons comment l’auteur, Armand Salacrou, définit Patchouli. « Il ne sait rien, pas même exactement qu’il n’est pas heureux. Il va l’apprendre. Puis, il ira à la recherche de son bonheur. Il n’a vécu que dans un rêve. Un jour, il voudra vivre dans la vie, mais se sera pour réaliser son rêve. Il lui semble que choisir, que délibérément écarter un sentiment, c’est fausser le problème et qu’on a trop beau jeu. Il met tout en question. Il ne sait pas se contenter d’un sentiment. Il lui faut le rattacher à un autre, jusqu’au dernier qui est le sentiment de son existence, de sa vie. »
Le sujet est grave, c’est la recherche de l’amour véritable ; ce que Patchouli trouvera, non pas matériellement, mais par raisonnement de ses sentiments. Il cherche avant tout à en être maître et il va s’efforcer de faire naître en lui les sentiments de l’amour par la raison. Il n’y arrivera pas, il ne vivra pas l’amour, mais il arrivera à le comprendre en s’incarnant dans le personnage d’un prince qui s’est, paraît-il, tué d’amour pour une comtesse. Il comprendra qu’en réalité le prince ne l’aimait pas, qu’il n’avait pas assez peur des femmes pour les aimer. Car telle est la conclusion de la pièce : aimer, c’est avoir peur de que l’on aime.
Il ne s’agit pas ici d’engager une discussion pour donner une réponse à la question et décider si l’amour c’est la crainte. Il s’agit de vivre avec Patchouli sa vie, sa recherche et sa découverte. Les critiques n’ont pu le faire. « Le rôle d’un auteur est un rôle assez vain. C’est celui d’un homme qui se croit en état de donner des leçons au public. Et le rôle des critiques ? Il est bien plus vain encore. C’est celui d’un homme qui se croit en état de donner des leçons à celui qui se croit en état de donner les leçons au public. » Voilà ce que pense Salacrou des critiques. Un critique ne devrait avoir le droit que de juger de l’adaptation de la pièce et non de décider par lui-même si la pièce est bonne ou mauvaise. C’est à chacun d’écouter vibrer en lui celle-ci et ce n’est pas à un seul d’avoir un cœur pour tous. Peut-être cela vient-il du public lui-même qui est rarement capable d’écouter battre son cœur et qui veut entendre battre celui du critique pour aller écouter battre le sien au théâtre. C’est là un des torts de notre civilisation où tout fonctionne par l’information et la contre-information. Si l’on affirme assez haut les choses, la majorité vous croît, que vous ayez raison ou tort. Or les critiques ont la voix qui porte. Après l’échec de Patchouli, Dullin fait passer dans les journaux d’énormes placards de publicité avec une seule phrase : « Je crois à Patchouli. Charles Dullin. »
Ce qui fait le charme de la pièce, ce n’est pas tellement le thème en lui-même, c’est la façon de le présenter avec poésie, lyrisme, jeunesse. La lecture laisse rêveur et suggère mille questions. C’est bien là sa profondeur.
Salacrou sait nous montrer l’homme à la recherche de sa vie. Comme le dit Patchouli : « Je veux tenter ma vie ! »
09:03 Publié dans 41. Impressions littéraires | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : théâtre, pièce, littérature, amour | Imprimer
09/04/2011
Je suis la préhistoire
Je suis la préhistoire, l’histoire des histoires
On m’écrit sans majuscule
Mais je possède la tendresse des renoncules
Je ne vis pourtant que le soir
Lorsque la lune montre ses quartiers
Aux yeux effrayés du hibou malchanceux
Qui se branche sur les oliviers
Je n’ai pas plus de raison d’ailleurs
Que la taupe au cri caverneux
05:05 Publié dans 42. Créations poèmes | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : poésie, poème, littérature | Imprimer
06/04/2011
Il rêvait de paysages sublimes
Il rêvait de paysages sublimes,
De grottes sonores et vierges,
De sommets aux émotions douloureuses,
De vallées apaisantes et fragiles,
De canyons rupestres et désertiques,
D’oasis endolories et charmeuses,
De collines chaleureuses et tièdes,
De plages alanguies et iodées,
De ruisseaux débordants et glacés,
De cratères cuisant et soupirant,
De forêts brumeuses et assourdies,
De plaines ouvertes, attendrissantes,
Où se noie le regard hébété
Des vieux et des plus jeunes,
Jusqu’au moment ignoré
Où tout ceci s’éteindra
Pour se concentrer sur le rien
Qui deviendra le tout
L’unique, la fin,
Le commencement,
L’incommensurable délire
De jours sans fin
Et de nuit sans sommeil.
Repose maintenant
Dans l’aurore qui se lève,
Etends tes membres endoloris
Dans le souffle du matin,
Trouve l’herbe odorante,
Pose ta joue sur la pierre ronde,
Et, les yeux ouverts,
Le cœur à vif,
Les doigts de pied croisés,
Endors-toi dans tes rêves d’enfant,
Jusqu’à l’anti-instant
Où la vie bascule,
Et se perd dans l’infini.
07:51 Publié dans 42. Créations poèmes | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : poésie, poème, littérature | Imprimer
02/04/2011
Merci à vous, passants d’un jour
Merci à vous, passants d’un jour,
Pour votre indifférence fébrile
Et vos pensées perdues.
Je peux marcher sans peine,
Sans arrachement difficile
Dans la cité virtuelle
Des avatars déjantés, mais sereins,
Courant au devant d’un autre lui-même
Pour finir le soir endormi sur la table
Des images luisantes d’un moniteur.
Merci à ceux qui passent
Sans voir la lente remontée
Des hébergeurs échevelés
Au lendemain des heures
Où dorment les malins dodus.
Merci aussi à toi,
Initiateur irréel et magique,
D’excursions abruptes et échevelées,
Dans les chambres fermées
Où d’étranges silhouettes
S’épanchent sans vergogne.
Adieu, vous qui m’avez donné
Idée de ces mondes délirants
Où l’homme redevient,
A l’égal des rois au pouvoir estimé,
Le seul propriétaire de rêves indolores.
Mes voyages s’arrêtent faute de courant.
Ce matin le maître de l’électricité
A coupé l’énergie qui m’alimente
En visions fantasmagoriques.
Plus rien ne me conduit
Vers les cieux glorieux de l’imagination.
« Dors », me dit-on, ou encore, « réveille-toi ».
02:40 Publié dans 42. Créations poèmes | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : poèmz, poésie, littérature | Imprimer
31/03/2011
Paludes, d’André Gide, publié en 1895
Paludes, c’est l’histoire du terrain neutre, celui qui est à tout le monde, l’histoire de la troisième personne, celle dont on parle, qui vit en chacun de nous, l’histoire de l’homme couché (dans Virgile, il s’appelle Tityre), homme ordinaire qui s’accommode de son petit domaine.
« La perception commence au changement de sensation, d’où la nécessité du voyage », dit André Gide. « On ne sort pas, c’est un tort. D’ailleurs on ne peut pas sortir. Mais c’est parce que l’on ne sort pas. On ne sort pas parce qu’on se croit déjà dehors. Si l’on se savait enfermé, on aurait du moins l’envie de sortir. »
Autre propos de l’homme qui ne peut pas voyager : « Il y a des choses que l’on recommence chaque jour simplement parce qu’on n’a rien de mieux à faire ; il n’ya là ni progrès, ni même entretien, mais on ne peut pas pourtant ne rien faire… C’est dans le temps le mouvement de l’espace des fauves prisonniers ou celui des marins sur les plages. »
« Etre aveugle pour se croire heureux. Croire qu’on y voit clair pour ne pas chercher à voir puisqu’on ne peut se voir que malheureux. »
Pourtant, il ne s’agit pas de voir ou d’être aveugle, mais bien d’ignorer la recherche de la lentille qui donnera la vue. On ne peut être que par rapport à quelque chose qui résonne en nous. « Je ne puis jamais arriver à me saisir moi-même sans une perception, dit Hume. Nous sommes seulement un faisceau ou une collection de différentes perceptions qui se succèdent avec une inconcevable rapidité, et qui sont dans un flux et un mouvement perpétuel. »
Paludes raconte la semaine d’un écrivain en mal de voyage. Y domine le personnage de Tityre, berger de tous les temps, habitant des marécages où fourmille une vie insolite. Qui est Tityre : Celui qui vit dans des marais, disposant d’un emploi du temps prédéfini dans un agenda et qui contraste avec le modèle de vie de son auteur qui fréquente les salons parisiens ? Hubert, qui chasse la panthère, imprégné de rationalité ? Richard, peut-être, l'orphelin qui épouse une femme sans amour ? Ou le narrateur qui voyage avec Angèle jusqu’à Montmorency ? Dans cette satire des salons littéraires de Paris, les descriptions sont ironiques. Gide qualifiait ce livre de sotie et réfutait le terme de roman. La caractéristique principale de cette œuvre de Gide est la modernité de son style et de son récit.
En juillet 1895, Camille Mauclair écrit à propos de Paludes dans le Mercure de France : « J’aime Paludes, comme tout ce qu'écrit M. André Gide, parce que cela vient d'une âme extrêmement fine, hautaine et souffrante, et qu'il y a éparses dans ses livres quelques unes des choses du cœur que nous aurions tous voulu dire aux grandes minutes passionnées de notre vie. C'est le caractère spécialement prenant de son œuvre, qu'elle naît du dedans, intensément. C'est très difficile, littérairement parlant, d'imaginer, de construire et d'écrire ce petit livre apologique, et il est fait avec un charme et une légèreté que peu d’entre nous ont connus. Mais on ne s'en aperçoit même pas, tant on va d’un bout à l'autre avec l'impression qu'il faut ici s'occuper non d'un talent, mais d'une âme. »
05:34 Publié dans 41. Impressions littéraires | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature, roman | Imprimer
30/03/2011
Un jour nous irons nus et libres
Un jour nous irons nus et libres
Contempler les fils d’araignée
Et leur danse au soleil de midi
L’air oubliera le poids des jours
À l’odeur des feuilles mortes
Et ton visage purifié s’ouvrira
À la caresse de l’herbe tendre
Nous irons dans les chemins de pierre
Reconstruire l’amour fragile
Et lui donner les forces vives
De l’arbre parmi les arbres
Le soir, couché sur la terre fumante
Je trouverai dans tes cheveux d’automne
L’odeur de nos joies du jour
06:38 Publié dans 42. Créations poèmes | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : poésie, poème, littérature, liberté | Imprimer
25/03/2011
Ce soir, dans le silence métallique
Ce soir, dans le silence métallique
De la ville endormie aux lueurs blafardes
J’ai saisi le halo arrondi de la rue
Sur ma pupille élargie d’obscurité.
La longue main de mon regard au poing fermé dans la nuit noire
S’est avancée derrière la vitre pour se fermer sur l’obscure froideur
De la rue ouatée et transparente. A l’abri de l’enceinte linéaire
Du verre mobile et ondulé, j’ai tâté chaque recoin d’ombre
Comme un lac profond et frais dont on cherche vainement le fond.
J’ai caressé le velours frissonnant de l’auréole de lumière
Accrochée en guirlandes éphémères sur les murs tièdes.
J’ai arrondi le creux de ma paume sur la boule de chaleur
Qui se creusait un nid douillet dans la courbe du globe oculaire,
Penchant la tête de côté pour bien le pénétrer de ce contact bienfaisant.
Et j’ai voulu aller plus loin, regarder les étoiles, les effleurer.
Comme un enfant, j’essayais vainement d’atteindre à la surface du lac
Les nombreuses lentilles d’eau qui dérivaient en étoiles marines.
Mais la joue écrasée, aplatie sur le verre froid,
Je dus tellement tendre le bras, la main et les doigts
Qu’ils tremblaient avant de caresser la petite lueur.
Voilà pourquoi les étoiles clignotent à l’horizon.
06:43 Publié dans 42. Créations poèmes | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : poésie, poème, littérature | Imprimer
21/03/2011
La symphonie pastorale, d’André Gide, 1919
Ce n’est pas seulement l’histoire de l’éducation d’une aveugle que décrit André Gide, mais aussi la naissance d’un amour impossible. Un pasteur explique dans son journal intime comment il adopta Gertrude, une petite aveugle de quinze ans, qui vivait auparavant à la manière d’un animal. Nous assistons à la naissance des sensations, puis des sentiments de Gertrude, guidée par le pasteur qui lui dévoile un monde d’amour et de beauté dans lequel le mal, le péché et la mort n’ont pas de place.
Il emmène Gertrude au concert et c’est à l’écoute de la symphonie pastorale de Beethoven qu’elle découvre la nature et les couleurs :
_ Est-ce que vraiment ce que vous voyez est aussi beau que cela ?
_ Ceux qui ont des yeux ne connaissent pas leur bonheur.
Jacques, le fils du pasteur, s’éprend d’elle. Son père, implacablement, refuse cet amour et ce n’est que plus tard qu’il comprend qu’il aime Gertrude d’un amour moins pur qu’il ne le croyait. Gertrude aussi l’aime et le lui avoue, ne connaissant pas le mal, mais seulement le bonheur de vivre en communion avec la nature, les hommes et Dieu.
_ Vous savez bien que c’est vous que j’aime, pasteur… Je ne vous parlerais pas ainsi si vous n’étiez pas marié. Mais on n’épouse pas une aveugle. Alors pourquoi ne pourrions-nous pas nous aimer ? Dites, pasteur, est que vous trouvez que c’est mal ?
_ Le mal n’est jamais dans l’amour.
C’est dans l’ambigüité de l’amour envers Dieu et ses créatures et de l’amour envers un être que le pasteur se débat d’autant plus difficilement que Gertrude ignore le péché et ne connaît, comme il l’avait souhaité, que le bonheur.
Dans la deuxième partie du livre, Gertrude s’ouvre au monde des hommes et fait connaissance avec la tristesse, le malheur et le péché. Un médecin, ami du pasteur, lui rend la vue et, en découvrant le monde, Gertrude découvre son péché. Elle veut se suicider en se jetant à l’eau. Ce suicide manqué ouvre les yeux du pasteur qui découvre que ce n’est pas lui qu’elle aimait vraiment, mais Jacques. Celui-ci hélas ne peux plus l’épouser, étant rentré dans les ordres. Alors elle s’éteint doucement.
_ Quand vous m’avez donné la vue, mes yeux se sont ouverts sur un monde plus beau que je n’avais rêvé qu’il pût être. Mais non, je n’imaginais pas si osseux le front des hommes. Quand je suis entré chez vous, ce que j’ai vu d’abord, c’est notre faute, notre péché. Non, ne protestez pas. Souvenez-vous des paroles du Christ : « Si vous étiez aveugle, vous n’auriez point de péché. » Mais à présent, j’y vois… Quand j’ai vu Jacques, j’ai compris soudain que ce n’était pas vous que j’aimais, c’était lui.
Ecrit sous la forme du journal intime du pasteur, ce roman reste encore d’actualité malgré des tournures et des sentiments qui ne s’exprimeraient plus ainsi. A travers cette histoire, l’auteur peint les souvenirs de son enfance et dénonce, thème favori, une certaine hypocrisie religieuse. Il nous livre également un message : les aveugles ne sont pas toujours ceux que l’on croit. Au-delà de la morale de l’histoire, ce livre enchante par son atmosphère délicate et sa poésie. La fin malgré tout laisse une impression de tragique difficilement supportable après la beauté des premières pages.
Au-delà de l’histoire et de l’analyse psychologique qui l’accompagne, reconnaissons que le style d’André Gide contribue à faire de ce roman un livre exceptionnel. « On peut dire que le récit de La Symphonie Pastorale s’organise selon une structure complexe. Le style de cette œuvre est épuré, ciselé, raffiné et précis. La composition de La Symphonie Pastorale est plutôt unie, largement progressive, bien qu’on puisse constater une série de parallélismes entre les événements et leurs effets moraux. Les mots sont choisis avec soin par son auteur. Ce qui attire l’attention du lecteur c’est la densité du texte malgré sa brièveté, la pudeur des sentiments malgré leur intensité » (Marc Dambre, La symphonie pastorale d’André Gide, Paris, Gallimard, 1991).
Oui, cela peut sembler désuet de parler de romans qui datent de bientôt un siècle, mais la beauté est intemporelle. Les sentiments restent les mêmes depuis que les tragédies grecques ont tenté de les disséquer. Ils ne font que s'exprimer différemment. Le langage de Gide est magnifique, mais très probablement plus personne n'oserait écrire une histoire semblable.
06:56 Publié dans 41. Impressions littéraires | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature, roman, psychologie, écriture | Imprimer
20/03/2011
Au matin, à peine réveillé
Au matin, à peine réveillé
Quand on n’a pas encore remonté
L’immense rouage de la conscience
Les gouttes s’évadent du toit
Avec patience
Une à une, elles tombent sur la roue
Encore malhabile et bloquée du ressort
Qui s’étire lentement. Il ya parfois des fous
Qui n’ont plus d’eau dans leur moulin
Ironie du sort
L’heure la plus chaleureuse, attendue du plaisir
Celle où l’invisible cycle s’évade de la nuit
Contre tout pouvoir, comme le navire
Est-ce ce premier instant où j’ignore
Le haut du puits ?
07:24 Publié dans 42. Créations poèmes | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : poése, poème, littérature | Imprimer
15/03/2011
Cet instant imprévu et subtil
Cet instant imprévu et subtil,
Quand la grisâtre odeur d’un ciel d’hiver
Dresse devant nous le souffle
D’un irréel sentiment d’ouverture,
Comme une respiration dans l’air
Ou une apnée prolongée et opacifiante.
Alors, transformation du paysage !
Le vert devient rouge, le jaune se détache
De murs sales et fripés d’ombres.
J’ai par magie laissé le poids
D’années lourdes des tracasseries
Des professionnels de l’ennui,
Du travail méticuleux et attachant,
D’obligations impératives
Et de contacts permanents
Avec les autres fantômes
D’un système qui tourne sur soi-même.
Aujourd’hui, devant moi,
S’ouvre la consistance du rêve,
La palpable vertu de l’inconnu.
Comme un aveugle les bras tendus,
Je cherche, au devant, dans l’obscurité,
La faible caresse de l’inavouable.
Perception d’un instant unique,
Celui d’un achèvement prévu,
Attendu et confondu parmi les songes,
Pour une renaissance émerveillée
A l’instant éternel et envoûtant
D’un jour semblable aux autres,
Comme une brume d’enthousiasme
Sur la pâleur du monde.
06:22 Publié dans 42. Créations poèmes | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : poésie, poème, littérature, métamorphose | Imprimer
10/03/2011
Le théâtre d'Armand Salacrou
Un dialogue sur la vie, tel est le théâtre de Salacrou dont l’œuvre pourrait se définir par les deux termes de « confession » et « passion ».
Son théâtre est obsessionnel :
_ Qu’auriez-vous aimé être ?
_ Dieu, pour comprendre l’univers et le sens de la vie.
Salacrou cherche à surprendre la réalité profonde. Le dieu qu’il évoque est le symbole d’une explication du monde dont elle dissiperait, à ses yeux, l’absurdité. Car ce qui domine son théâtre, c’est ce sentiment d’absurdité de la vie, d’irrévocable comme la mort ou l’amour. L’amour est ici une force irrésistible, fatale qui justifie tout dans une société sans morale. C’est un mystère, plus encore que la mort.
Aussi ses personnages semblent romantiques, par le regret du passé, des illusions perdues, d’une destinée espérée et qui a fui peu à peu, et par une recherche de l’évasion. « Je cherche quelque chose qui me dépasse, qui soit plus grand que moi, qui me surprenne, qui m’enlève. »
Mais ce romantisme aspire à un classicisme, à un ordre qui lui permette d’établir des principes. « Ce n’est pas la découverte psychologique qui m’intéresse, mais l’éclairage nouveau des objets présentés. Ce n’est pas la vérité, mais l’ordonnance. Son ambition est de promouvoir un ordre, d’apparence extravagante peut-être, mais un ordre enfin révélé qui explique et justifie l’univers personnel. »
Salacrou procède par le rapprochement d’éléments vrais, documentaires, et de visions imaginaires, d’envolées verbales, de morceaux de bravoures lyriques. Si son théâtre est plein de jeunesse et de pureté, il est aussi tragique : ses personnages, dans leur désir frénétique de justifier leur existence, refusent les facilités, les dérobades devant les vraies problèmes, la lâcheté surtout. Ils éprouvent trop cruellement le poids de fautes passées et de la vieillesse.
Toutefois, le théâtre de Salacrou est avant tout un théâtre de verbe et de réflexion. Les étonnantes visions qu’il propose au public ne sont pas tant dans le spectacle lui-même que dans le jeu individuel de l’imagination que son texte provoque chez le spectateur.
L’inconnue d’Arras
L’inconnue d’Arras est une des plus belles et plus puissantes inventions du théâtre moderne. La rencontre d’Ulysse mourant avec les figures de son passé atteint des moments extraordinaires. Ulysse se tue pour l’amour de sa femme Yolande qui le trompe avec son meilleur ami s’enfance, Maxime. Le temps de la pièce est le temps de la seconde qui précède sa mort, pendant laquelle il revit ses souvenirs un par un.
Si Ulysse a la surprise de découvrir en la personne d’un jeune soldat (son cadet) le grand père tué pendant la guerre de 1870, celui-ci a la désillusion de voir apparaître sous les traits d’un vieillard, la petite fille qu’il avait espéré avec sa femme enceinte.
L’opposition du Maxime de vingt ans au Maxime de 37 ans concrétise, avec une rigueur incroyable, l’antagonisme de l’adolescent plein d’un idéal intransigeant et de l’homme mûr complaisant qu’il est devenu, avec ce regret de Maxime 20 : « et penser que mes enfants ne me connaîtront jamais. »
Autre image poétique, celle du nuage bourdonnant qui environne Ulysse mourant, qui n’est que les paroles qu’il a prononcées durant sa vie qui reviennent et dont l’amoncellement a soudain quelque chose d’effrayant : « Chasse toutes ces petites mouches bavardes, crie Ulysse à Nicolas, écrase mes paroles… »
Nicolas, le serviteur d’Ulysse, est le raisonneur du théâtre de Salacrou : « Avez-vous jamais vu deux langoustes essayer de se caresser, puis partir bras dessus, bras dessous, comme à la noce ? Aussi grotesques, aussi maladroits sont deux êtres de notre race qui cherchent à s’aimer. »
Et cette inconnue rencontrée par Ulysse à Arras. Personnage fugitif, entrevu à peine une heure, mais dont la présence demeure la plus forte, la plus émouvante, la plus vraie. C’est que Salacrou a le génie d’exprimer dans la silhouette de cette jeune fille égarée avec son propre malheur, au milieu du malheur universel, toute la peine et tout l’espoir de l’homme. Il a imaginé un mythe de la fraternité.
L’archipel Lenoir
L’archipel, c’est la famille Lenoir et chaque membre une île isolée entourée de liqueur, comme le dit humoristiquement Victor. Chacun ne pense qu’à soi, à sa respectabilité et à celle de l’archipel. L’archipel, c’est la famille, le nom des Lenoir, indivisible bien que formée de petits morceaux. Qu’une des îles disparaisse pour que l’archipel reste en bonne place sur la carte mondaine, voilà qui ne dérange pas les membres de la famille. Le grand-père, ayant violé une gamine après soixante-treize ans de vie exemplaire, et appelé pour être jugé, se voit condamné par le reste de la famille qui ne veut pas voir ternir son nom.
Salacrou engage ici un dialogue sur l’absurdité de la vie, dont le raisonneur est le prince Boresku qui se trouve en dehors du drame. Il fait aussi le procès de la morale bourgeoise pour qui tout est autorisé si le monde n’en a pas connaissance. Et plutôt que de subir un procès infamant, elle préfère mettre fin au jour du fautif.
Le deuxième titre, il ne faut pas toucher aux choses immobiles, explique le déroulement du conseil de famille, plein d’humour et d’incidents, chacun reprochant à l’autre des actes qui jusqu’alors étaient restés dans l’ombre. Dans chaque famille, il est des eaux troubles et immobiles qu’il ne faut pas remuer.
Après des épisodes pleins de philosophie humoristique, les choses s’arrangent grâce au domestique qui parait le seul être raisonnable de la pièce.
Le prince :
_ Non, Monsieur Lenoir, vous n’êtes pas dans un cauchemar. A moins que vous en considériez la vie, l’ensemble de notre existence, le passage de l’homme sur terre, comme un cauchemar. Alors, là, nous sommes tous en plein cauchemar depuis l’instant où nous avons compris que nous étions vivants. Vous souvenez-vous de l’instant précis où tout à coup, petit garçon, vous avez eu cette révélation : Je suis vivant, j’aurais pu ne pas exister, et je vais mourir.
Non ? Moi si. Et je me suis évanoui. C’était une charge intolérable sur les épaules de ce petit garçon.
Le grand-père :
_ Quand on déroule ses sentiments à l’envers, on comprend que l’amour, çà s’invente.
La princesse :
_ Il y a des idées immobiles auxquelles il ne faut pas toucher, sinon elles se mettent à remuer et s’en est fini de notre repos. Personne ne peut plus les calmer.
Le prince :
_ Méfiez-vous d’en arriver à croire que les choses doivent être faites pour cette seule raison qu’il vous est difficile de les faire. La morale des courageux est aussi aveugle que la morale des lâches.
Le prince :
_ La vie est aussi dangereuse que le poker. On a toujours envie de parier, de tricher, de gagner. Regardez votre vie comme si vous regardiez pour la première fois des joueurs de cartes. Des fous, diriez-vous. Aussi, avec une grande énergie me suis-je efforcé de me désintéresser. Il y a une progression classique : on se désintéresse d’abord des hommes, ensuite des femmes. Enfin, les purs parviennent à se désintéresser d’eux-mêmes. Et j’aimerais le jour de ma mort, mourir totalement désintéressé. Que ce soit, même, le sens de ma mort.
04:18 Publié dans 41. Impressions littéraires | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : théâtre, littérature, sens de la vie, passion, réflexion | Imprimer
09/03/2011
Désert vert de la terre
Désert vert de la terre en cratères
Je rejoins les recoins de mon embonpoint
Là où rien ne vient des végétariens
Dans le respect de la paix du palais
Retour au recours des détours
Invention ou initiation sans humiliation
Vers les jardins, périgourdins ou girondins,
Pour revêtir le souvenir des ronds de cuir
Je vous ai vu tous, les jeunes pousses,
Faire reculer les azalées immaculées
Et brandir, sans contredire ni éconduire,
Les mots comme des joyaux infinitésimaux
Enfin avec la faim du matin sans fin
Quand du lit endormi des délits
Se réveillent corneilles, abeilles et perce-oreilles
Cuisinent les cousines en limousine
01:01 Publié dans 42. Créations poèmes | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : poésie, poème, littérature, écriture | Imprimer
05/03/2011
Comme l’âme dépareillée des marins
Comme l’âme dépareillée des marins ensevelis en terre,
Chaque pierre a son éloquence. Il y a la pierre du fou
Et celle du bienheureux. Celle de la tristesse et celle de l’opulence.
Les unes ont la densité de l’espoir ou la corpulence du crime,
d’autres la légèreté de l’ignorance ou la beauté de l’inconséquence.
Et chaque caillou sur le chemin montant vers le cimetière
S’arrondit lentement au pied des foules compassées
Qui y montent tristement, aussi lourdement que la douleur,
Pour redescendre joyeuses et plus légères d’insouciance
Vers le petit bistrot des âmes disparues au pied de la colline.
Lentement les âmes s’usent aux années plus rugueuses
Comme la corde d’amarrage des navires sous le sel.
Et un jour elles se détachent en petits cailloux brisés
Qui s’en vont un à un, le long du chemin,
Pour renforcer l’asphalte rectiligne et éternel
Jusqu’à l’arrêt de la mécanique humaine.
00:38 Publié dans 42. Créations poèmes | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : poésie, poème, littérature, écriture | Imprimer
03/03/2011
Dans le désert plat de l’imagerie télévisuelle
Dans le désert plat de l’imagerie télévisuelle
Que n’ai-je vu de beautés factices
Dédiées aux plus choquants des prêtres,
Ceux d’une publicité criante ou de jeux tapageurs,
Ou encore aux vertus de voitures carrossées
Par le dernier éphèbe en délire du jour ?
Que n’ai-je vu aussi, de guerres sanglantes
Et de soldats perdus pour un pouvoir obscur
Ou encore de rires émouvants et fragiles
De jeunes adolescentes effarouchées
Un soir de grisante veillée au bar délétère ?
Oui, j’ai contemplé
La noirceur des meurtres en série,
Le bleuissement des rêves enivrants,
Le jaunissement des fins d’une vie,
Le verdoiement des explorations perdues,
La griserie des fêtes mondaines,
Le brunissement de papyrus en miettes,
L’écarlate des bouches de femmes,
L’orangeté des délires printaniers
Dans l’étrange chambre de nos vingt ans,
Le vermillon des petits pas menus
Des danseuses chinoises aux pieds bandés,
La pâle blondeur des cheveux de reines,
Le bref éclair des couteaux affutés
Dans les rues inconnues de villes lointaines,
Jusqu’aux évanescentes rencontres
De sordides réseaux en mal de reconnaissance
Par des enfants insoumis et brutaux.
Parfois, vient un instant de pur délice,
Comme l’ombre de Dieu sur le ciel assombri,
Qui éclaire d’un reflet étincelant
Le lent cheminement de l’âme
A la recherche d’un plaisir sain.
Alors s’attardent les cœurs endurcis
Et les intellects obscurs et sordides
Pour contempler, fruit du pur hasard,
L’apparition attendue d’un désert sans fin
Où rien ne se passe hors du silence des sens.
07:22 Publié dans 42. Créations poèmes | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : poésie, poème, littérature, télévision, désert | Imprimer
25/02/2011
Rien… Le silence de l’attente
Rien… Le silence de l’attente
Dépouillé d’une vie antérieure
J’attends ta venue
Je connaissais le rire
Je savais des mots et des gestes
Parfois aussi la tristesse d’un jour sale
Je n’avais pas d’attaches
J’allais, enivré d’air
Un jour, sous le feu d’une étoile
Tu m’as regardé
Je t’ai aimée cette nuit
Pour une flamme dans tes yeux
Maintenant, j’ai oublié le vocabulaire
De ces mots qui me grisaient
Je suis le pantin désarticulé
Dont les gestes se confondent
Et mon rire résonne, étrangement faux
J’attends, les mains tendues
Comme un noyé vers les rives
Je ne sais plus qu’un mot
L’attente
05:33 Publié dans 42. Créations poèmes | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : poème, poésie, attente, littérature | Imprimer
23/02/2011
Que dire devant la page vide
Que dire devant la page vide
D’une nuit verte, au coin d’un réverbère ?
Premiers mots qui passent comme un vol de cormorans.
Mais qu’y a-t-il derrière ? Un vent de fronde
Chassé par la profusion du langage.
Silence des sentiments.
Un vide dans le noir de l’esprit,
Image de la floraison du cœur.
Dans la tiédeur de l’obscurité monte en moi
Le chant heurté, puissant et magique,
Des sirènes mouvantes et volubiles.
Au loin le son aigu d’une voiture
Qui flotte au gré du vent sur la route de l’Espagne.
Pas un passant ne vient à mon secours,
Ne m’apporte le mot qui permettra la suite
De cette histoire sans fin, ni commencement.
Dorment les passants du jour,
Eveillés les fantômes de la nuit
Qui montent une garde acide
Aux tréfonds des portes cochères
Et rient de me voir, assis
Dans mes pensées sordides,
Faute de pouvoir dormir
Et laisser aller mon esprit
Dans la fraicheur du rêve.
Oui, la nuit s’enfonce en moi
Creusant un large trou
Que je remplis de verbes
Comme on enfile les huitres
Sur le fil à couper le beurre.
Elle ne cessera pas
Avant l’aube qui ne vient pas
De me dire « étends-toi ! ».
03:01 Publié dans 42. Créations poèmes | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : poésie, poème, littérature | Imprimer
18/02/2011
Jour du peintre
Jour du peintre, le soleil dort
Bordé de plumes, il se cotonne
Émergence sereine, sans contours
Il délivre sa myopie de cyclope
Terre de verre teintée, molle
Araignée laiteuse et géométrique
Je m’englue dans ta toile déployée
Jusqu’à cet œil pâle et soyeux
Mes pas étouffés par ta chair
Ne peuvent monter jusqu’à moi
07:03 Publié dans 42. Créations poèmes | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : poésie, poème, littérature | Imprimer
17/02/2011
Fables et contes de Jean de La Fontaine (8 juillet 1621 - 13 avril 1695)
Avant leur aspect moraliste, on retient de ces fables et contes leur légèreté et leur diversité.
Cette diversité, dont La Fontaine assure qu’il en avait fait sa devise (voir Le pâté d’anguille, conte, 1674), communique le mouvement à sa pensée, la rend diverse, chatoyante, l’anime d’une souriante mobilité :
« Je suis chose légère et vole à tout sujet :
Je vais de fleur en fleur et d’objet en objet… »
La Fontaine soutient que « les vers doivent avoir du rapport avec la nature ». Non seulement la nature dans le paysage et l’animal, mais aussi la nature de l’homme. C’est à sa nature profonde qu’il pense, à ce qui meut ses actions et ses pensées.
Pour La Bruyère, La Fontaine « est le modèle des bons contes, il fait parler les animaux, les arbres, les pierres, tout ce qui ne parle point : ce n'est que légèreté, qu'élégance, que beau naturel et que délicatesse dans ses ouvrages. » Ce qui charme dans les contes, c’est l’expression sans détour, directe des vers. Tout est simple, bien dit, sans ornement.
Mais ce sont surtout les fables qui intéressent, car les contes, à part leur forme, rappelle les contes de cette époque, un peu comme les contes de Florian*. Les fables sont, au contraire, d’une fraicheur inégalée et d’une diversité qui ne fatigue pas, et l’on peut lire La Fontaine sans éprouver le moindre ennui.
C’est aussi un moraliste et sa force est de faire passer la morale avec attrait, presque sans qu’on s’en aperçoive :
« Les fables ne sont pas ce qu’elles semblent être.
Le plus simple animal nous y tient lieu de maître.
Une morale nue apporte de l’ennui ;
Le conte fait passer le précepte avec lui.
En ces sortes de feinte, il faut instruire et plaire,
Et conter pour conter me semble peu d’affaire. »
Comme le disait Fénelon, « La Fontaine a donné une voix aux bêtes pour qu'elles fissent entendre aux hommes les leçons de la sagesse. » Les fables sont des contes à leur manière, et même, des contes pour enfants. Or en tout conte pour enfant, on trouve un précepte moral, qu’il soit mis en exergue ou qu’il soit caché.
* « Ce gracieux écrivain s'est exercé avec succès dans plus d'un genre de littérature ; mais c'est surtout dans la fable qu'il a réussi… Il avait le privilège d’inspirer partout la joie par ses bons mots, ses contes, ses chansons… Point de langueur avec lui ; il faisait la guerre aux longues et tristes discussions par ses saillies, et quelquefois même, par ses jeux d’enfant », écrivait Pierre de Lacretelle à propos de Florian.
* Voir le site très bien fait : http://www.la-fontaine-ch-thierry.net/
04:19 Publié dans 41. Impressions littéraires | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature, auteurs | Imprimer
12/02/2011
Cette immense tenture noire
Cette immense tenture noire
Qui tombe sous mes yeux fatigués
S’entrouvre parfois sur des paysages finis
Réminiscences de mon enfance
D'autres fois, l’azur blanc des cieux
En montre les plis amers aux regards
Comme ces plaies des malades
Qui restent cachées sous les linges
Certains jours, une étrange pâleur
Voile les événements les plus simples
Comme celui d’un reflet sur le café du matin
Ou l’éclat d’un réverbère sur une vitre
Alors ce jour est marqué à jamais
Des senteurs du passé, tièdes et ténues
Jusqu’au moment où le soir survient
Pour enfouir au creux de sa nuit
Les images ensoleillées des jours
D’autres soirs, au creux de notre manteau intérieur
Se construisent dans un tiroir de la mémoire
Des bulles de connaissances oubliées
Elles éclatent au visage de notre indifférence
Et balayent nos doutes sur leur existence
Ce sont des pluies fines, colorées et chatouilleuses
Qui ensorcellent les pensées et les font danser
En tangos endoloris ou en valses alanguis
Fête de la nuit dans le repos du corps
Que tombe la tenture sur ces souvenirs
Ou qu’elle s’entrouvre sur un monde fou
La déraison conduit à partir
Dans les fossés d’eau courante
Jusqu’à une mer acide et verte
07:46 Publié dans 42. Créations poèmes | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : poésie, poème, littérature | Imprimer
06/02/2011
La poésie ne prouve pas. Elle impose.
La poésie ne prouve pas. Elle impose. Elle ne démontre pas, ne calcule pas. Elle suggère, elle laisse glisser la compréhension à travers des méandres inconnaissables. Chaque image verbale se suffit à elle-même, mais c’est l’enchaînement des images qui fait de ce texte un poème et lui donne son impact sur le centre de l’être. Ne pas chercher de rapport logique, mais le rythme qui s’impose à soi, hors de soi, comme une écriture automatique qu’il faut cependant contrôler. Les images se succèdent. Il ne s’agit pas d’images au sens de la vue, mais d’impressions fixées en quelques mots, qui donnent au lecteur l’ambiance et la finalité de ce que l’auteur a ressenti et a voulu exprimer.
Dans l’immense vide de la conscience, jaillissent les mots qui éclatent en bulles d’images et rendent vie aux instants privilégiés où s’est établie l’étincelle d’une affection de l’âme pour le fait vécu ou l'imaginaire qui s’enracine dans la réalité. Rien ne saurait dire auparavant que cette synergie s’établirait. Elle surgit en un instant, impromptue, lancinante, jusqu’au moment où il faut céder à cet impérieux désir d’exprimer ce que remue en soi ce petit bout de vie, si petit qu’il s’oublie très vite, malgré les efforts faits pour le conserver en mémoire. Alors commence le travail des images, puis des mots, puis des enchaînements, jusqu’au moment où se forme ce que certains appellent un poème, mais qui, pour l’auteur, n’est qu’une naissance inespérée, à chaque fois différente. Cet enchevêtrement, il lui arrive parfois de le reprendre, de retravailler chaque image, jusqu’à ce que, derrière l’apparent jaillissement des mots, se cache une construction subtile, aux apparences candides.
La poésie est la pensée à nu, simplifiée de tout l’appareil de la raison, comme un don invisible de l’auteur à son lecteur, invisible mais authentique et unique. La poésie aspire, ouvre l’être qui se jette dans le grand vide, heureux de sentir cette sensation extraordinaire de l’envolée du corps, du cœur, de l’esprit et de l’âme. La poésie est le liant des défaites terrestres et des espoirs célestes, une harmonie souveraine qui fait de l’homme un archange des images mentales qui transcendent son égo et l'ouvrent à la sérénité.
09:26 Publié dans 42. Créations poèmes | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : poésie, philosophie, littérature, poème, pensée | Imprimer
01/02/2011
Il me manque, certains jours
Il me manque certains jours, lorsque le soleil confie sa face rubiconde aux mains boisées de l’horizon, l’ombre du désir blotti dans la chaleur de ton être.
Quand je te regarde, étrangère, sous une apparence de femme, riante de tes doigts autour de mots inventés, et que sur tes yeux ouverts, j’abaisse les paupières du souvenir, je revois ta pâle dépendance hébergée sur mes lèvres. Partagé d’étonnement, j’imprime au vide du néon la lettre lumineuse de l’attente.
Inlassablement dépecée de la vérité du moment, tu danses de dix bras et de sourires multiples le ballet de tes retournements. Je te vois, là, assise, au regard de la glace, et je te vois courbée au cygne de mon épaule, reposante de ton corps dans l’abîme de notre endurance.
08:00 Publié dans 42. Créations poèmes | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : poème, poésie, littérature | Imprimer
26/01/2011
Ce que je voudrais être
Ce que je voudrais être pour toi
Ce n’est ni la force, ni le savoir
Ni l’orage, ni le torrent, ni la tempête
Mais le refuge de tes regards
Le lac, la vallée et le logis
Je serai aussi pour toi
Les piliers de ton temple de vie
Celui qui sera toi et rien d’autre
L’ombre de ta démarche joyeuse
Le soleil du repos de ton âme
Et si parfois un vent léger se lève
Et t’éloigne quelque temps du lac
Ton regard suffira à me dire les saisons
Et la raison de nos émerveillements :
Un amour comme une fleur éclose
Aux premières heures du jour
Aux premiers temps de notre jeunesse
Que la lumière épanouit
Que les baisers reposent
Un amour qui ne dure qu’un jour
Parce que chaque jour le voit différent
Un amour qui n’en est plus un
Parce qu’il sera à la fois l’amour
L’amitié, l’estime et respect
Un amour qui est plus que l’amour
Parce qu’il sera bien d’autres choses encore
07:10 Publié dans 42. Créations poèmes | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : poème, poésie, littérature | Imprimer
23/01/2011
Les flambeaux étaient des mains
Les flambeaux étaient des mains
Et leurs bras étaient ma mort
De longues rides sillonnaient leur bronze
Les quais étirent paresseusement leur pierre
Et la statue jette sa main en l’air
Tandis que le jaune égraine ses écailles de feuilles
Sur le gravier qui frôle ses pieds nus
Les deux fêtards se tournent le dos
Alors que brûlent leur veston
Et que les notes s’envolent dans le froid
Gémissantes sur ce doigt alangui
Blonde est ma chambre que cachent ses ombres
Et les têtes des candélabres me surveillent
De leurs yeux de feu dans la glace piquée
Au plafond courre un cheval de plâtre
Autour de la lampe noircie par le soleil
Le marbre de la cheminée est nu
Je vois ses veines et son teint de cadavre
Qui jaunit déjà par endroits
Derrière une forêt de grands tuyaux
Des pattes d’échassier aux ailes ployées
Écrasent de leur ombre la paresse du tapis
Et la lyre du piano allonge ses pieds
Sous ma chaise aux grands cheveux de paille
Sur les riantes parois de la bibliothèque
Les cloques de l’acajou ont crevé ça et là
Laissant la chair claire pénétrée de lumière
Dors donc me dis la rose qui repose…
06:24 Publié dans 42. Créations poèmes | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : poème, poésie, littérature | Imprimer
20/01/2011
Silence des nuits sans sommeil
Silence des nuits sans sommeil
Où le cœur marque inexorablement
L’écoulement des heures figées
Dans la pose de l’enfant endormi
Et que dehors dans l’obscurité mouvante
La lune accomplit son périple immuable
Chaleur du poids de la veille
Dans la moite activité imaginaire
Des rêves du premier sommeil
Se lever et marcher dans l’obscurité
Sentir le carrelage froid sous le pied
Et l’odeur persistante du jour
Qui imprègne encore les pièces vides
Jusqu’à ce que la paupière lourde
Les membres las et la tête vide
Le corps replonge dans l’élément de son absence
06:14 Publié dans 42. Créations poèmes | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : poésie, poème, littérature | Imprimer
14/01/2011
Les pieds à l'horizon
Les pieds à l’horizon, le corps au zénith
Tes genoux formaient le globe de ma terre
Où je reposais naufragé d’un océan indifférent
Je levais le regard à l’ombre de tes étoiles bleues
Deux étoiles qui dansaient à l’innocence du feu
Recréant d’elles-mêmes la chaleur d’autres planètes
Une terre à l’envers du creux de mon cou
Ma joue abritait parfois l’ombre de ta main
Bien qu’elle soit petite. Mais l’ombre s’agrandit
À l’angle du souvenir. Je ne peux plus chercher
Dans l’arrondi de ma paume la mémoire
Des formes de la tienne. Aurait-elle déjà oublié
De quelle étrange sensation elle se revêtait.
Tu fermes les yeux comme un rideau de théâtre
Entracte ou fin ? J’attends les acclamations pour savoir
Un rideau noir, avec des franges recourbées
Noir comme le vent ou de la fumée
Un rideau noir, l’auteur s’y cache
A quoi sert sa ligne bleue
Doublée pour les ivrognes ou le borgne ?
Après l’entracte, la pièce commence
Elle est toujours différente, pourtant les entractes se succèdent
L’acteur n’a pas fini de signer les autographes
Alors tu biographes jusqu’au jour du mot fin
02:03 Publié dans 42. Créations poèmes | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : poème, poésie, littérature | Imprimer
11/01/2011
Silence, voilà la nuit sur la ville
Silence, voilà la nuit sur la ville
Un passant cherche la chaleur de l’obscurité
Autour du halo glacial des réverbères
Il va d’un pas rapide et étriqué
On ne voit déjà plus son chapeau
Mais on l’entendra longtemps
Si la fenêtre reste entrebâillée
Silence sonore des résonnances
D’une ville prête à nous échapper
Où l’on n’a plus sa part de vie
Parce qu’elle est au monde de la nuit
Mais si cette ville n’est plus la nôtre
Que ne découvre-t-on pas en elle
Chaque bruit prend la consistance
Du rêve étrange de la connaissance
14:25 Publié dans 42. Créations poèmes | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : poème, poésie, littérature, nuit | Imprimer
30/12/2010
La longue main de mon regard
La longue main de mon regard au poing fermé dans la nuit noire
S’est avancée derrière la vitre pour se fermer sur l’obscure froideur
De la rue ouatée et transparente. A l’abri de l’enceinte linéaire
Du verre mobile et ondulé, j’ai tâté chaque recoin d’ombre
Comme un lac profond et frais dont on cherche vainement le fond.
J’ai caressé le velours frissonnant du halo de lumière,
Accroché en guirlandes éphémères sur les murs tièdes.
J’ai arrondi le creux de ma paume sur la boule de chaleur
Qui se creusait un nid douillet dans la courbe du globe oculaire,
Penchant la tête de côté pour bien me pénétrer de ce contact bienfaisant.
Et j’ai voulu aller plus loin, regarder les étoiles, les effleurer,
Comme, enfant, j’essayais vainement d’atteindre, à la surface du lac,
Les nombreuses lentilles d’eau qui dérivaient en étoiles marines.
Mais la joue écrasée, aplatie, sur le verre froid,
Je dus tellement tendre le bras, la main et les doigts,
Qu’ils tremblaient à l’instant de caresser la petite lueur.
Voilà pourquoi les étoiles clignotent à l’horizon.
06:10 Publié dans 42. Créations poèmes | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : poésie, littérature | Imprimer
26/12/2010
La faim sans fin des matins de rêve
La faim sans fin des matins de rêve
Quand l’œil de la nuit se regarde encore
Quand le drap colle aux jambes engourdies
Quand la main délaisse les doigts sur la neige
Quand le sable tombe goutte à goutte dans l’oreille flétrie
Quand le vent, quand le rouge, quand la tache
De mon œil de cyclope forme une planète
Sur l’opuscule pâle des fleurs de l’inconscience
Quand le rond du ventre épouse le rond de la terre
Quand la mort lèche de frissons la plante des pieds
L’araignée impassible tisse une toile ailée
Qu’un son éclate en bulles de savon dans
Le gaz du sommeil chaud, arrondi, caverneux
Les cheveux éclairés d’une incroyable rousseur
La tête du guillotiné est secouée de spasmes
Son corps détaché, prisonnier de sa trame
Se débat sans élasticité, lentement, douloureusement
Quand le goût des requiem envahit les oreilles
Quand le chuintement de la vie siffle entre les dents
Quand les paupières troublent la page blanche de leurs hélices
Il se met en quinconce, les genoux sur les yeux
Les ongles déchirant les oreilles de froissements de verre
Replié dans sa rondeur, dans sa chaleur, sans sa profondeur de chat
Il se lisse les poils dans le bon sens
Dans le sens des aiguilles d’une montre
Et ses genoux cerclés de rouge sont le regard
Noir de son nombril de cyclope au front d’intelligence
Il se met en quinconce, en carré, en cercle, jusqu’à la ligne droite
Qui déroule solitaire avec lenteur les nœuds magiques
De sa route incontournable comme le nœud des pendus
Quand les plumes collent au palais avec l’odeur de l’édredon
Quand la peau n’est qu’une carapace
Quand les dents se cimentent de pâte amère
Quand… Quand…
11:57 Publié dans 42. Créations poèmes | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : poésie, poème, littérature, écriture | Imprimer
25/12/2010
Passage, d'une vie à l'autre
L’enfant regardait la fleur tristement, en soupirant,
Et la fleur qui était coquette, mais qui avait bon cœur,
Demanda à l’enfant les raisons de ses gémissements :
« Ce matin, on m’a pris mon ours, petite fleur,
Dit l’enfant. C’était mon ami, il me comprenait ;
Il me regardait, je le regardais, nous étions heureux.
Maintenant, je n’aurai plus rien à regarder, jamais.
Toi aussi, tu es jolie. Tu n’es pas comme eux,
Mais je ne t’aime pas encore, alors je suis triste.
A mon ours, je pouvais tout lui dire.
Il me croyait. Je voulais être artiste
Pour lui peindre une maison, lui donner un empire.
J’aurai attrapé la lune un soir d’été
Et l’aurai mise dans son royaume, pour jouer.
Maintenant à quoi me servirait une lune détachée,
Si je n’ai personne à qui la donner ».
« Moi je la voudrai bien si tu me la donnais,
Répondit la fleur en rougissant de tous ses pétales,
Tu serais mon ami et tu me regarderais
Quand je m’épanouis dans l’aube matinale ».
Et l’enfant, quand vint l’été, attrapa la lune
Et oublia l’ours en apprenant à aimer la fleur.
19:10 Publié dans 42. Créations poèmes | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : poésie, enfance, littérature | Imprimer