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31/03/2015

Porte

Elle est étroite cette porte mais combien lumineuse. On s’y glisse avec précaution, en se vrillant sur soi-même. Mais lorsqu’on atteint le fond, la sérénité envahit l’être. S’enfermer pour s’ouvrir… 

 « Porte »
Acrylique sur toile
1m x 1m
30 mars 2015

30/03/2015

Au-delà de la descente en soi-même

Attention ! Cette descente en soi n’est pas une dissolution de l’être, mais au contraire sa découverte. Qu’est-ce que cela signifie ? Tout simplement  la fin des frontières que s’impose l’esprit.  

La peinture abstraite représente visuellement cette absence de forme et, derrière, de pensée. Rothko, par exemple, nous renvoie l’image qui se forme derrière la rétine en l’absence de pensée : un halo lumineux, source non pas du désir, mais de l’accomplissement ressenti. De même, la mécanique bien huilée de Bach permet l’entrée dans cet au-delà sans pensée : les notes s’enchaînent les unes aux autres dans une harmonie pure et vous conduisent dans cet instant de silence que seule la musique peut apporter, paradoxalement. 

On est parce que le On n’est plus. Et cette dénomination de On est bien vue, car ce "On" est tout l’humain et personne en particulier. L’être apparaît derrière la personne, il se dévoile hors de toute image, au-delà des contraires. Vous devenez sphère transparente, aux frontières poreuses. L’être entier devient Un et ce Un est le Tout. 

Marcher est Zen
S’assoir est aussi Zen
Que je parle, que je me taise
Que je me repose, que je me presse
Dans l’ordre de l’Être
Tout cela est l’Immuable.

Shodoka[1]

Mais tout cela se perd aussi vite que c’est venu. Accepte-le, sinon tu ne connaîtras jamais la vie !



[1]L’un des quatre textes essentiels du zen, écrit par Yoka Daishi au VIIe siècle en Chine, dans lequel il témoigne de son éveil.

 

29/03/2015

Unité et Zen

Le but essentiel du Zen est la renaissance de l’homme par l’expérience de l’Être… C’est l’expression d’une expérience intérieure, celle de l’être qui est notre nature essentielle. Cette expérience est l’effet, le contenu, la forme d’une certaine conscience, celle où, en l’homme, la vie devient consciente d’elle-même.

(Graf Dürkheim, Le Zen et nous, Le courrier du livre, 1976)

 

La nature habituelle de l’homme est la dualité, c’est-à-dire la connaissance de ce qui nous sépare : le monde et nous, le moi et le toi, l’intérieur et l’extérieur, l’esprit et la matière, la vie et la mort, l’avant et l’après, là et ailleurs. Je suis parce que tu n’es pas moi.

Mais dans le même temps, cette séparation est ce qui nous empêche d’être nous-même. Seul l’effort d’aller au-delà de ce moi qui divise le monde nous permet de connaître le Soi. Mais n’oublions pas : « même après avoir éprouvé l’unité au-delà des contraires, l’homme reste lié, sa vie durant au moi qui pense par opposés ».

Alors plonge en toi-même, fais cesser tes pensées, descend dans ce néant que tu perçois en toi et oublie-toi !

Tu percevras l’Unité.

28/03/2015

Egon Schiele

Un génie, mort à 28 ans, qui produisit de nombreux dessins et tableaux et qui s’était spécialisé dans le portrait et le nu.

Des poses insolites, souvent prises de haut, des formes inusitées, crues, sans valeur sentimentale, des attitudes scabreuses, des corps anguleux. Mais un crayon vrai, reflétant toute la féminité, toute la hardiesse du regard et du nu. Un dessin fil de fer, parfois embrouillé, mais qui au total donne une impression de simplicité étonnante.

Une spécialité : les mains. Elles sont anguleuses, plus longues que la normale, osseuses. Elles expriment la personnalité de la personne représentée tel cet homme dont seules les mains et le visage sont réellement dessinés.

Les femmes n’ont pas de personnalité propre, chacune d’entre elles représentent toutes les femmes, en caléidoscope, dans toutes les poses, ouvertes, sans pudeur. Ce sont des femmes lascives, au corps sans grâce, mais d’une vie extraordinaire, vous regardant sans gêne ou au contraire vous tournant le dos, naturellement, comme si elles étaient seules.

Et là, une attitude non naturelle, voulue par l’artiste, comme un défi à la pesanteur, un corps suspendu dans le vide, sans aucun support. Mais un magnifique visage qui semble attiré par le néant.

Une élégante, presque normale dans son attitude, avec un bras gauche servant de reposoir au visage. Et l’on voit le trait du bras plus large à la bonne dimension, effacé à demi. Oui, ce bras gauche est volontairement disposé ainsi, comme un déhanchement du haut.

Les dessins peuvent être très expressifs, voire friser le suggestif, telle cette femme électrique, environnée de lumière, qui fait plutôt penser à un éclair d’orage.

Mais il sait également  être tendre et montrer les instants de déconnection, telle cette jeune fille au visage angélique, dormant en toute innocence.

 

Enfin, cette femme aveugle,  dans une très belle attitude, non féminine d’ailleurs, qui met en évidence la gestuelle de ceux qui sentent avec leurs mains et leurs bras.

 

 

 

Il faudrait plusieurs jours pour montrer toute la grandeur de ce peintre-dessinateur qui sut renouveler l’art du dessin et trouver un style à lui, émouvant, sincère et très humain parce que dépersonnalisé, aussi curieux que cela puisse paraître.

Egon Schiele est un peintre et un dessinateur autrichien né le 12 juin 1890 à Tulln an der Donau près de Vienne et mort le 31 octobre 1918 à Vienne. Schiele a laissé environ trois cents peintures, dix-sept gravures et lithographies, deux gravures sur bois, de nombreuses sculptures et 3000 dessins, aquarelles ou gouaches. Il a également écrit des poèmes dont certains ont été traduits par Nathalie Miolon.

[http://fr.wikipedia.org/wiki/Egon_Schiele]

27/03/2015

Avatar

Qu’est-il cet avatar ?
Un homme ou un assemblage de 1 et 0 ?
Vient-il du fond des âges
Incarnant les dieux d’une Inde exubérante
Ou est-il un objet dans un univers virtuel ?
Une métamorphose de la fonction
Ou une mésaventure fonctionnelle ?

Tu as toujours rêvé devenir autre
Plus puissant, plus beau, moins timoré
Elle s’est toujours vue plus charmante
Et pourtant ce ne sont que des vivants
Qui peinent sous le poids de l’existence

Et qu’en est-il des avatars d’avatar
Ces incarnations successives en politique ?
Tel le papillon volage, ils courent
Après la fortune des voix qui crient
Toutes contre un système désuet

L’avatar implique un changement de nature
Mais cette métamorphose peut être intérieure
Tu es autre et, pourtant, le même
Brume de l’ignorance dans un même paysage
Ton destin est scellé, tu ne peux te changer

Enfin te voici,
Femme de toujours
Unique et véridique
Un sourire aux lèvres
L’œil aiguisé
Il se penche sur elle
Et ne trouve que le vide
Car il n’est rien lui-même
Qu’un morceau de chair
Dans le désert imaginaire

© Loup Francart

26/03/2015

Jukebox

Un jukebox assez étonnant qui rappelle des années dépassées :

 

http://www.1959bhsmustangs.com/VideoJukebox.htm#

 

C’est rétro à souhait, cela fait sourire, mais pourquoi manquer cette occasion de rêver, même si ce n’est pas la musique que l’on apprécie habituellement.

Un garde-manger de fioritures pour les jours de spleen…

25/03/2015

Cosmos (pictoème musical)

Cliquez sur media et laissez-vous aller !

podcast

art abstrait,poème,poésie,écriture,peinture

 

24/03/2015

The voices, un film de Marjane Satrapi

Trois êtres vivants, Jerry Hickfang, son chat M. Moustache et son chien Bosco, en face de trois femmes, une belle anglaise, Fiona, son amie, amoureuse de Jerry, et une autre employée de l’usine de baignoire dans laquelle travaille Jerry. Les trois femmes mourront de la folie de Jerry, qui semble malgré tout normal. Il parle avec son chien qui est gentil et bêbête et son chat plein d’humour. « Le chat est super honnête, le chien est un connard de républicain qui veut tout le temps aller voir les flics et nous sort poncif sur poncif. Moi, j’adore les chats et je n’aime pas les chiens. Au départ, les voix des animaux devaient être assurées par des doubleurs, mais Ryan Reynolds a montré qu’il avait le talent pour le faire. En plus, c’était logique, vu que tout se passe dans la tête de Jerry. Ryan fait aussi le lapin, le cerf… », explique Marjane Satrapi, la réalisatrice.

On passe de la peur (accident de voiture au cours duquel Jerry tue un cerf),15-03-21 The voices.png à l’horreur (entraîné par l’égorgement du cerf, il finit par tuer Fiona) ou au rire (la tête de Fiona dans le frigo qui lui parle, rit avec lui et réclame d’autres têtes pour lui tenir compagnie) ou au mystère (un univers psychotique tout en douceur dans lequel la psychiatre ne sait s’il est malade ou non et en paye les frais).

On en ressort mécontent (quel bain de sang !), mais rêveur (il est pourtant gentil, Jerry) et séduit (quelles trouvailles !). L’absurdité finit par trop durer, mais on ne partirait pas pour donner sa place à quelqu’un d’autre.

Et tout cela fait un film à voir, si l’on n’a pas l’âme trop sensible.

23/03/2015

Un sourire

Hier, vous avez ouvert les yeux après une nuit réparatrice et ceux-ci sont tombés sur une revue qui traînait au pied du lit : un homme, mââle bien sûr, vous regardait d’un air méchant. C’était un dur et il le montrait (il n'était bien sûr pas rasé). En bas, à droite, en petit, une fiole de parfum, pour mââle évidemment. Il y a quelques années, les publicitaires auraient mis en évidence le charme souriant d’un homme à sa belle épanouie profitant de cette suavité. Aujourd’hui le sourire est devenu rare. Il est ringard. L’homme qui sourit n’est pas un homme, il n’est pas mââle !

Et, comme par mimétisme, les « femmes magazines » vous regardent elles aussi d’un air agressif, l’oeil passant sur vous sans vous voir, préoccupée de leur beauté profonde, inatteignable et insensible. Parfois même, les deux êtres se rencontrent, dans un décor de rêve, tout de jaune, pêche, paille, abricot, clémentine et autres fruits. Ils se croisent, mais ne se voient pas. Ils virevoltent en s’écartant et finissent par se rapprocher, prêts à s’écharper, pour un cannelé de Bordeaux. La colère gronde en eux, un seul pourra le déguster. Quelle merveilleuse idée, pense le publicitaire : l’exaltation de la lutte des sexes pour une bouchée de sensation gustative.

Deux jours plutôt, vous aviez assisté au compte-rendu d’un défilé de mode : jeunes femmes fil de fer qui ont du mal à supporter le poids de robes pourtant ajourées, marchant d’un air agacé et hautain, le visage fermé comme il se doit actuellement. La beauté disparaît derrière le dédain, la plénitude des formes s’essouffle du manque de matière. Elles ne sont plus évaporées. Elles s’évaporent réellement, fantômes revêtus de brillance pour cacher l’inexistence.

Devant la résistance du sourire français, les Américains ont imposé la photo sans sourire. Il paraît que l’on reconnaît mieux les terroristes parce que ceux-ci ne sourient jamais. Donc, logique technocratique, si trois pour cent de la population ne sourient pas, il faut imposer à tous de ne pas sourire sur les photos de passeport, car il est possible que pour passer inaperçus, les terroristes simulent et se mettent à sourire sur leur photo.

Surtout n’ayez pas l’inadvertance dans le métro de sourire à une femme. C’est une injure pour elle. Seuls les sourires destinés à leur enfant sont acceptables et acceptés. Quant à un homme, il en reste ébahi et vous regarde sans comprendre. L’échange de deux sourires n’est admissible qu’à propos d’un tiers qui ne se rend pas compte qu’il vient d’être l’objet d’une compréhension humoristique de son attitude insolite. Mais ces sourires ne durent qu’un instant. Comment ai-je pu me laisser aller à sourire à quelqu’un, pensez-vous aussitôt.

Parfois, il arrive, un dimanche matin, dans une bonne humeur décontractée, qu’une jeune fille vous sourit. Et vous lui répondez, sans penser à mal. Et cet échange est un événement exceptionnel. La barrière est tombée. Sans aucune intention malveillante, ensemble, vous avez renoué avec un humain, en toute liberté, parce que vous vous sentiez bien. Quel baume merveilleux : la pureté dans un monde trafiqué d’arrière-pensées. Alors vous poursuivez cette première expérience. Vous souriez à votre voisin. Et il vous rend votre sourire ! Vous souriez à la dame assise en face de vous. Elle vous répond d’un éclair des lèvres avant de se refermer. Et bientôt, la voiture entière, ou presque, se sourit discrètement. Ah, oui, c’est le printemps depuis deux jours et même en l’absence de soleil, les cœurs se réjouissent.

Tiens... Mais c’est votre station. Il faut sortir ! Vous souriez à tous et sortez, léger, lévitant parmi ceux qui, de noir vêtus, n’ont pas encore tenté un sourire candide.

22/03/2015

Don Camillo

Petit livre des années 1950, Don Camillo a accompagné mon enfance. Je me souviens de maman lisant ce livre le matin dans son lit, riant toute seule de ces chapitres drolatiques dans lesquels don Camillo affrontait Peppone et les membres du parti. Mais don Camillo avait toujours le dessus. En effet, il avait reçu de Dieu deux cadeaux importants ; une foi immense et une espèce de direct à la mâchoire capable d’assommer un bœuf, à supposer qu’un bœuf  eût une mâchoire et il n’a pas la force d’un bœuf. Peppone encaissa le direct et s’effondra : « Je te ferai voir moi, si la chair est faible, marmonnait don Camillo.

Au fil des livres dans un vide-grenier, j’ai retrouvé « Don Camillo et sesdon camillo, sabre et goupillon, chrétiens, communistes ouailles ». Il sentait la remise, était coloré de taches d’humidité, avait l’aspect désolé et authentique des vieux bouquins de bibliothèques publiques et était rayé d’une étiquette blanche avec un chiffre 1 écrit au stylo bleu par une dame de patronage bien intentionnée. Après quelques marchandages obligatoires pour faire plaisir au bouquiniste, j’obtenais le livre pour une poignée de centimes, heureux de repartir et de pouvoir me plonger à nouveau dans les délices de mon enfance.

Tous les ingrédients y étaient. Le premier chapitre était très éclairant. Il s’intitule « La lampe et la lumière » et nous parle de lampes à huile éclairant les idées des hommes :

Don Camillo leva les yeux vers le Christ du maître-autel et dit :

– Jésus, il y a en ce monde trop de choses qui ne vont pas.

– Je ne pense pas, répondit le Christ. Il n’y a que les hommes qui ne vont en ce monde. Pour le reste, tout va parfaitement.

Don Camillo fit quelques pas en long et en large, puis s’arrêta devant l’autel.

– Jésus, dit-il, si je me mets à compter : un, deux, trois, quatre, cinq, six sept, et continue ainsi à compter pendant un million d’années, arriverai-je au bout ?

– Non, répondit le Christ. Ce faisant tu es comme l’homme qui trace un grand cercle sur le sol et de met à en faire le tour en se disant ; « Je veux voir quand j’arriverai à la fin. » Tu n’arriveras jamais à la fin.

Don Camillo qui s’était mis aussitôt à cheminer mentalement  sur le grand cercle, se sentit étouffer comme s’il s’était penché, un instant, à la fenêtre de l’infini.

–Et pourtant, insista don Camillo, je dis, moi, que même les nombres doivent avoir une fin. Fieu seul est éternel et infini et si les nombres n’avaient pas fin, ils seraient éternels et infinis comme Dieu.

– Don Camillo, pourquoi en veux-tu tellement aux nombres ?

– Parce que, à mon avis, si les hommes ne vont pas, c’est à cause des nombres. Ils ont découvert les nombres et en ont fait les régulateurs suprêmes de l’univers.

Quand don Camillo embrayait, c’était terrible. Il alla de l’avant un bon bout ; puis ferma boutique et marcha de long en large dans l’église déserte. Il revint ensuite devant le Christ et s’arrêta :

– Jésus, si les hommes se réfugient dans la magie du nombre, n’est-ce pas, au contraire, une tentative désespérée de justifier leur existence d’êtres pendants ?

Il se tut un instant, angoissé :

– Jésus, les idées sont-elles finies ? Les hommes ont-ils donc pensé tout le pensable ?

– Don Camillo, qu’entends-tu par idée ?

– Un idée, pour moi, pauvre prêtre de campagne, c’est une lampe qui s’allume dans la nuit profonde de l’ignorance humaine et met en lumière un nouvel aspect de la grandeur du Créateur.

Et les chapitres s’égrainent, tous aussi pleins de conflits et d’amour déguisé entre les deux partis, celui de Dieu et celui du diable ou plutôt celui de Dieu et celui des hommes. On lit Pénitence, L’innocence, La grève, La bicyclette, Le Kolkhoz, Foudre et bien d’autres, jusqu’au dernier Via Crucis où Don Camillo est exilé par son évêque à Monterana, le pays le plus déshérité de la terre. Ne trouvant de crucifix, il alla le chercher dans son village et se fait ramener par Peppone et son camion, mais pas jusqu’au bout. Il part dans la campagne avec le crucifix sur l’épaule, le sentier est raide, les gros cailloux glissent et la croix est énorme, de chêne plein. Quatre heures pour arriver au village de Monterana. Mais Peppone avait suivi don Camillo pas à pas. Il n’avait pas la Croix sur l’épaule, mais il avait participé à cette immense fatigue et il n’avait pas cessé de sentir le poids de cette croix.

Il était entré dans l’église et apercevant le tronc des pauvres, il y avait glissé le billet de dix mille.

– Jésus, murmura don Camillo en levant les yeux vers le crucifix, vous n’êtes pas fâché d’être là ?

– Dieu est partout, répondit le Christ.

–Jésus, il n’y a qu’un drapeau ; mais chaque régiment a le sien. Vous êtes mon drapeau, Seigneur !

 

Et nous, enfants, qui avions du mal à lire ou lisions sans comprendre ce que signifiait chaque histoire, nous ne lisions que les images, c’est-à-dire les illustrations d’un inconnu, car je n’ai pas pu retrouver qui avait illustré la première page de chaque chapitre. Mais ce sont ces dessins un peu puérils qui ont bercé les jours de mon enfance, au même titre que Tintin.

21/03/2015

Conversion

Retourne-toi, retourne-toi !
Dans l’herbe tendre des jeunes années
J’ai longtemps cherché derrière
Ce qui pouvait guider les pas devant
Peine perdue…

Pourtant, parfois, je me suis fait tirer par la manche
Mais ce n’était que le temps pour ralentir mes ardeurs
Devant, toujours la même plaine
Rutilante de mirages,
Attirante comme le ventre d’un ogre
Où l’on coure et s’enfonce dans la lie
D’un bonheur à petits pas

Un soir, las d’un tennis de mots
Revenu solitaire dans l’antre de l’éveil
Je vomis le poids du cadrage moral
Quel soulagement ! Je ne suis plus tenu !
Cette peau principale et raide
Qui sert de frontière avec l’autre
S’est retournée et offre sa tendresse
Aux caresses des passants

Le vent frais y glisse
Et enivre le vieil homme
Redressé, il rage d’impuissance
Moitié dehors, moitié dedans
Il est crucifié par son initiative
Du ciel touché du doigt
Il garde la cloque de la connaissance
Du sol, empêtré, il ne peut s’extraire

Es-tu transformé ?
Ce retournement te satisfait-il ?
Un pas vers l’inconnu cette conversion
Je ne suis plus au centre
L’autre devient mon préféré
Je me cache derrière son ombre
Et poursuis ma quête le cœur dilaté

Un trou dans la poitrine
J’avance dans la troupe des vivants
Et attend l’extinction des feux

© Loup Francart

20/03/2015

La mode à Paris

Hier, je me promenais dans le quartier du Palais royal et marchais en contrebas d’un trottoir. Ne plus voir que les pieds de nos concitoyens représente un privilège certain. Ils sont beaux, épanouis et nantis. Beaux en partie par les tiges qui en sortent, fines et racées, revêtues de soie hors de prix qui lâche tous les trois jours. Epanouis, par l’aisance avec laquelle ils marchent et devisent ensemble, tapant du talon avec force et plaisir. Nantis enfin, car suivre la mode exige des sacrifices financiers : se priver de repas pour acheter les précieuses chaussures n’est pas à la portée de tous. Mais tous doivent porter ces chaussures sous peine d’être exclus de l’appellation « parisienne » qui signifie l’être féminin le plus admirable au monde.  

De quoi sont-ils chaussés ces pieds des parisiennes si élégantes ? Eh bien, de boots évidemment ! Je n’avais jusqu’à présent jamais ouvert les yeux devant mode,élégance,chaussures,féminitécette réalité : neuf parisiennes sur dix portent des boots, bottes ou chaussures montantes. Elles arborent ces êtres mi-autonomes, mi-admirables et admirés, garnissant les pieds petits et si mignons de ces demoiselles ou dames joyeuses, enjôleuses et cajoleuses, devenus symbole haut et fort de l’élégance française (je n’ai pas encore eu l’occasion de mesurer la même attractivité pour ces hauts de chausse chez nos voisins). Et ils passent là devant moi, piétinant le pavé, laissant monter du sol quelques poussières mal venues, écrasant un mégot jeté là par hasard. Ils sont nombreux, battant la semelle, plus nombreux encore courant en tous sens, rares ceux qui s’arrêtent et se font face, encore plus rares, les derniers des mohicans, arrêtés face à face, dont une paire se dresse sur la pointe des pieds pour que sa propriétaire devienne objet d’amour. C’’est le printemps, ou presque, et cela signifie tout : la chaleur du bitume confronté au soleil, l’ardeur de la jeunesse à se rencontrer, les interjections entre les sexes, jusqu’aux caresses de lèvres vagabondes qui se rencontrent par inadvertance.

Il est évident que les boots, de par leur forme et leur attrait, facilitent la prise de connaissance. Certains ne sont cependant pas très abordables : lanières de cuir, noirs évidemment, agrémentés de clous dorés et de talons ferrés. D’autres sont plus amènes : cuir aussi, mais tannés et brillants de tous leurs feux, ou encore en peau, rouge ou jaune, souples comme la queue des lézards en vadrouille. Sans voir la tête des demoiselles au-dessus de leurs chaussures, j’en devine qui se contemplent les doigts de pied avec bonheur : « Quelles sont belles ces chaussures. Je les ai payées un peu chers, mais vraiment, c’est le top du top ! » « Elles montent royalement les escaliers », se disent entre elles les jambes en l’air. Alors elles redescendent pour se laisser remonter d’un pas plein de dignité cachée, d’envie suscitée ou de plaisir non dissimulé.

2.pngD’autres, il est vrai, ne font guère parisiennes. Mais c’est cela le chic, ne pas avoir l’air de ce que l’on est, n’en montrer qu’à demi l’existence tout en ayant l’air de dire : « Tout ceci, c’est pour ceux qui veulent frimer ! » Mais au-dessus de ces bottines s’étend un pantalon hors de prix et une petite veste, trop petite, qui fait tourner les pieds de nombreuses autres chaussures montantes.3.png

Certaines se veulent royales, couronnées de colliers, brillantes comme un sou neuf, surmontées d’allumettes désirables gainées de bas innocents. Ceux-ci ne fréquentent que leurs semblables, des êtres de qualité, portés par des personnes remarquables et remarquées.

Enfin, les impériales, simples, mais ornées de cheveux qui donnent un air de fête et font dresser sur la pointe les pieds qui les portent. Peut-être s’exercent-elles à ces rapports particuliers de printemps dont nous avons parlés tout à l’heure, ou encore s’extasient-elles en se contemplant à la devanture d’un magasin.

 

Une fois de plus l’excellence parisienne se manifeste ouvertement aux yeux du monde. Tous et toutes dans le même moule, mais quel moule, celui d’un hors normalité que tous arborent.

 

19/03/2015

Matin

La campagne est enrobée d’une brume laiteuse. Rien n’est cependant indifférent aux rayons d’un soleil discret, mais réel, qui pointe son œil sur le monde encore endormi. Le train file, flèche virtuelle dans la réalité du paysage printanier. Les trains, comme les cailloux, ne sont pas sensibles aux saisons. Ils s’essoufflent par jeu pour monter la côte, mais regardent en arrière dans la descente vertigineuse des souvenirs.

Et nous, enfermés dans cette boite roulante, mi-dormant, mi-éveillés, admirons cet éclaircissement progressif des sens et de la nature. Plus de ciel, aucune trace, rien qu’un pâle bleu de lait qui se confond avec l’horizon, un peu plus sombre, mais si peu qu’on se demande s’il y en a un. La terre s’illumine, chatoyante, semée de pierres précieuses qui flottent dans la verdure des bassins fourragers. Quelques êtres vivants, vaches couchées, lièvres levés par le bruit, chouette s’envolant de son arbre, rompent la monotonie de l’immobilisme.

Un monde figé, extatique, ronronnant et béat, se réjouit à chaque seconde de cette chaleur qui envahit le corps. Il s’épanouit en silence. Un coup de ciseau dans la pellicule de la vie…

18/03/2015

Sculptures de Ruta Jusionyte

Des êtres bizarres, mi-humains, mi-rêvés, figés dans des attitudes familières, pensifs et inoffensifs. Ce pourraient être des dieux, mais ils sont tendres comme la terre dans laquelle ils sont sculptés.

Leur fragilité leur tient lieu de linceul, ils sont d’un autre temps, d’un autre espace, fait de chair vivace, de regard ouvert sur la vie, mais également d’interrogations et de circonspections.

Ruta est lituanienne, née en 1978. Elle explique son cheminement : « La culture a été rayée, détruite pendant l'occupation russe, et même le savoir-vivre. Cinquante ans d'occupation et de privation, ça compte. A la libération, on s'est aperçu qu'on était des sauvages sans le minimum de culture pour vivre le quotidien. Mais moi, je sentais une culture profonde, enfouie, une culture souterraine. Quelques artistes lituaniens ont compris cela et n'ont pas peur du ridicule, de l'absurde et de la crise comme ils n'avaient pas peur d'attaquer l'envahisseur russe par la métaphore et les messages de leur art. Exprimer, c'est aussi laisser émerger ce monde de la métaphore, un monde archaïque en moi... mon seul héritage, c'est ma culture lituanienne qu'il m'est nécessaire d'exprimer ; et mon outil d'expression, c'est la métaphore qui détourne les situations pour arriver au but. »

Saisis dans leur extase, ils contemplent un monde impossible, le cœur ouvert, l’âme exaltée, un rêve inatteignable pour l’instant, mais qu’ils connaîtront un jour.

Ils peuvent aussi être saisis de terreur devant ce monde inconnu…

 Mais toujours, une profonde humanité saisit le spectateur devant ces morceaux de chair à vif, figés dans leur quotidien qui est autre. 

Les œuvres de Ruta Jusionyte sont visibles à la galerie Claudine Legrand, 49 rue de Seine 75006 Paris.

17/03/2015

La chute du mystique

Tourné vers le mystère de la vie et de la mort
Le mystique se regarde vivre sans participer
Au ballet de ceux qui goûtent à la pomme
Acidulée, elle laisse un arrière-goût dans la bouche
Qu’il avait tristement ressenti un jour
Lorsqu’il se laissa aller à contempler
A travers le trou d’une serrure, l’œil écarquillé
La blancheur diaphane des filles dénudées

De toutes les fibres de son bas-ventre
Il avait senti monter le désir et la fièvre des corps
Quelle amertume ! Aucun contrôle. L’élan même
D’une animalité qui sourit de sa victoire
L’esprit chéri, choyé et caressé, refuge
Eloigné de l’agitation démesurée du quotidien
S’évada d’un coup d’aile, laissant place
A la lourdeur de la pesanteur et des viscères
Il pleura des nuits entières, sans bouger
Perclus sur son lit de douleur et de remord
Il s’enferma dans la caverne de l’inexpérience
Mais toujours et sans cesse, la concupiscence
Le taraudait, le laissant désespéré et exsangue  
« Je ne peux cependant me défaire consciemment
De ce que Dieu m’a donné en toute volonté
Qu’en faire ? »

Il abandonna ses rêves de blancheur
Il se roula dans sa chair et sa flamme
Il embrassa tous les recoins des corps
Ronds, polis, adoucis de talc, fermes
Des femmes, des demoiselles, vertueuses
Ou débauchées, nubiles ou fatiguées
Il se repue de sensualité exacerbée
De parfums capiteux, de caresses tentantes
Il connut l’ivresse des jours couchés
Et des nuits dénudées sans sommeil
Jusqu’à ne plus pouvoir distinguer
La vie des corps de la mort de l’esprit
Alors il appela son âme à son secours

Elle vint sous la forme de l’innocence

Une femme, encore jeune, débordante de vie
Plantée naturellement sur le fil du juste milieu
Qui lui tendit la main d’un sourire débordant
Mais le retint de toute manifestation
Il ne put que se laisse traiter ainsi
Entre charme et refus, flot et assèchement
Jusqu’à ce que la séduction l’achève
Et lui fasse rendre son orgueil de mâle
Elle le prit dans ses bras, le caressa longuement
Lui dit toutes les douceurs du monde
Et ils s’envolèrent légers et décoiffés
Dans la fraicheur d’un hymen inespéré

Désormais ils vont main dans la main
Lui, délivré de ses cauchemars
Elle, enfiévrée de vies à venir

16/03/2015

Sommeil

Enfin, le premier pictoème musical qui allie musique, dessin et poésie en un harmonieux ensemble qui vous permet de rêver en toute quiétude, avec les délices d'un assemblage conçu par le même artiste : composition musicale (une improvisation), dessin (au pied levé) et poème (pour la jouvencelle).

Avant de lire, mettre le son en cliquant sur : Sommeil.wma

 

Tu dors de ton sommeil écrasant de bonheur
Le drap frais rejeté d’un geste théâtral
Dévoilant cette débauche de blancheur
Dans une fuite jusqu’au triangle central

L’ombre de la nuit tamise ton image
Légers et fragiles sont les plis de ton corps
Je découvre en moi une envie d’abordage
Mais ton indolence devient un mirador

peinture,dessin,poème,poésie,taploème

Tu es belle de ton harmonie profonde
Je te contemple, enfant, comme les ondes
Sous les vibrations du chant du violoncelle

Ensemble nous sommes depuis la nuit des temps
Moitié rêvée, moitié réelle, jamais à contretemps
Tu demeures l’ineffable jouvencelle

© Loup Francart

 

Certes, le son n'est pas bon, mais les moyens sont limités. La seule fonction magnétophone de l'ordinateur ne permet pas de couper ou modifier le son. Nous améliorerons cela dans l'avenir.

15/03/2015

La grammaire est une chanson douce, d’Erik Orsenna

Est-ce une grammaire, un conte, un roman, on ne sait. Mais ce que l’on constate, c’est cette fraicheur délicieuse que procure sa lecture. Les mots s’aèrent et se trémoussent, cherchant leurs adjectifs, leur article et toute la panoplie d’une phrase jusqu’au verbe qui transforme le tableau en action vivante. Comme on est loin de ces grammairiens prétentieux et imbu d’un savoir mort et glacial qui encombrent les bans des écoles en tant que soi-disant pédagogues, pratiquant la médecine légale sans aucun discernement. Et Madame Jargonos me souriait : « – Bienvenue, ma petite. Bienvenue dans notre stage. Tu te rends compte de ta chance ? » Rien que des professeurs. Une classe entière de professeurs qui suivent  l’une de ces fameuses cures de soins pédagogiques. Et Madame Jargonos reprit sa leçon. Sa chanson incompréhensible (elle explique la fable le loup et l’agneau) : « … Dans cette phrase narrative finale, le manque (faim de S2) introduit dès le début comme déclencheur-complication, se trouve elliptiquement résolu. Vous avez des questions ? ».

Deux enfants font naufrage et échouent sur une île. Ils ne peuvent plus parler, sans doute sous le coup de l’émotion de la perte de leurs parents. Ils vont errer dans cette île avec Monsieur Henri, le poète et musicien, pour découvrir la vie des mots, les uns se rengorgeant comme « analyse d’urine », les autres dansant à la face du monde  comme « soutien-gorge », d’autres vivant cachés pour vivre heureux comme échauboulure (petite cloque rouge qui survient sur la peau pendant les chaleurs de l’été). On trouve des célibataires endurcis, des adverbes invariables qui ne s’accordent pas, des pronoms qui cherchent à emprunter la vie des autres.

Ils rencontrent quelques écrivains dans une usine : Saint-Ex. Ses phrases sont courtes : Il n’y eut qu’un éclair jaune près de sa cheville. Il ne cria pas. Il tomba doucement comme tombe un arbre. Ça ne fit même pas de bruit, à cause du sable. Marcel (Proust) : – Pourquoi tu fais des phrases si longues ? – Il y a des pêcheurs qui prennent des poissons de surface avec une ligne très courte et un seul hameçon. Mais pour d’autres poissons, les poissons des profondeurs, il faut des filets très très longs.

Cette promenade dans la ville des mots est emplie de poésie, de charme et d’humour. C’est parfois trop académicien, mais le naturel revient toujours au galop.

14/03/2015

Pictoème

Après consultation de quelques amis, nous avons décidé de changer le terme de taploème par le terme pictoème, c’est-à-dire un poème exprimé tant par le graphisme que par les mots. Le poème ne va pas sans la peinture ou le dessin et inversement ceux-ci ne sont rien sans le poème. Les deux forment un ensemble indissociable évoquant un instant, une émotion, un sentiment, voire même une histoire.

Le préfixe « pict… » vient bien sûr de pictural, adjectif général signifiant ce qui a trait à la peinture. Le terme taploème a été jugé peut audible et sonnant mal. De plus le pictoème se rapproche du pictogramme et appartient à la même famille dont l’objet est le mélange de deux arts, l’art poétique et l’art pictural.

Alors, bienvenue au pictoème dont, espérons-le, la longévité sera plus impressionnante que le taploème, ce qui n’est pas difficile. Le pictoème peut se réduire à une couleur et un mot, il se rapproche alors de la synesthésie. Il peut être délirant dans les couleurs, le dessin et l’association des mots, qu’ils soient tirés du dictionnaire ou inventés. L’intensité du délire doit sans doute se mesurer ainsi.

Une fenêtre ouverte,

Un carré de chaleur,

Le rouge d’une obscure clarté

Œil fermé,

Le blanc de l’aveuglement

Œil ouvert

Une lettre, le A

Un Ah de stupéfaction…

Bienheureuse

13/03/2015

Galerie Vivienne

Au cœur de Paris, près de la bibliothèque nationale et de l’Ecole des Chartes, se trouve la galerie Vivienne.

« Luxueux passage couvert construit, en 1823, selon les plans de l'architecte François-Jean Delannoy, la Galerie Vivienne est inscrite aux monuments historiques en 1974. Sur 176 mètres de long et sous une lumière zénithale qui illumine le sol de mosaïque d'époque, s'affichent des boutiques au luxe raffiné. » (http://www.galerie-vivienne.com/la-galerie-r21721.html)

«P1040479 Paris II galerie Vivienne entrée rwk» par Mbzt Travail personnel. Sous licence CC BY 3.0 via Wikimedia Commons - http://commons.wikimedia.org/wiki/File:P1040479_Paris_II_galerie_Vivienne_entr%C3%A9e_rwk.JPG#/media/File:P1040479_Paris_II_galerie_Vivienne_entr%C3%A9e_rwk.JPG »

 

 

 

Deux autres entrées donnent l’impression d’un terrier enfoui entre les immeubles. Et on y est bien, comme dans un cocon !

 

 

 

 

Les pas résonnent sur une mosaïque turlupinée que l’éclairage naturel illumine.

 

 

 

 

Des recoins permettent au promeneur de s’assoir pour passer un moment. Même les élèves d’une école de dessin viennent ici pour apprendre la perspective. Il y a de quoi faire.

 

 

Enfin, quelques boutiques originales donnent à l’ensemble un air de fête. 

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Allez donc passer quelques instants dans cette galerie qui garde tout le charme du XIXème siècle. S’il n’y a pas trop de monde, vous pourrez vous prendre pour un poète ou un musicien renommé qui ont hanté ce beau passage. Cela vous inspirera.

12/03/2015

Accomplissement

Ils partirent séparés. Ils joignirent leurs efforts. Ils s'accomplirent, bien que prisonniers.

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11/03/2015

L’inconnue d'avant-hier

Elle réfléchit, mais elle sait se moquer d’elle-même.
Elle n’a pas la beauté grecque, mais elle a un charme fou.
Lorsqu’elle sourit, son cœur s’entrouvre.
Elle ne se livre pas, mais se fait connaître.
Elle a fait mille choses et très sérieusement.
Elle est si naturelle qu’elle vous rend libre.
Elle voyage géographiquement et combien mieux en pensée.
Elle mêle la vraie vie et l’existence imaginaire
Et l’on ne sait si elle se trouve au recto ou au verso.
Elle s’évadera un jour des pages de son livre
Pour flotter dans l’azur, imperturbable et passionnée.
Elle attend tout de la destinée, mais elle a déjà tout,
Sauf, sans doute, ce double d’elle-même
Dans lequel elle pourra se mouler.

Elle est française, bien sûr, et…
Parisienne évidemment !

 

© Loup Francart

10/03/2015

Paysage musical

 podcast

Cela commence mystérieusement, quatre notes plongeantes, profondes, interrogatives. Puis la caresse du piano, joyeuse, mais méditative, donnant l’espoir nécessaire à la vie, disant la joie et la mesure, avec des ruptures de rythme pour annoncer que l’existence est toujours pleine de surprise.

Un arrêt (en 2.40), une plongée dans la réflexion, comme un retour sur soi-même : qui es-tu ? Où te trouves-tu ? Jusqu’à quand ? La vie reprend plus passive, plus attentiste. Elle s’achève sans qu’on ait pu le prévoir et la tentation immédiate est de la réécouter, la revivre.

Bravo au compositeur, un jeune garçon passionné de musique qui tripatouille son ordinateur pour en tirer des sons dignes d’un instrument. Est-ce une musique de film, un rêve réel, une fiction sonore ou la matérialité qui s’échappe en paillettes d’or. C’est fou ce que peut faire la virtualité !

09/03/2015

Elle franchit l'enceinte

 Elle la franchit le cœur battant, mais la tête haute, fière de son audace :

Elle franchit l'enceinte3(pol 16).jpg

08/03/2015

Rues

Quel agencement ! Est-ce une ville du siècle prochain, l'intérieur d'une termitière, un nouveau langage ou encore un agroglyphe (ou crop circle) ?

Mais peu importe ce que cela représente, n'est-ce pas beau en soi, d'une beauté singulière de par sa géométrie inégale...

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07/03/2015

Tuyau

Un tuyau c’est ce nœud dans la gorge
Qui s’ouvre béat en un instant
Sur le mystère de la vie
Et t’assied là, seul
Face à face avec toi-même
Devant l’immensité du désert

L’air s’y engouffre, d’abord en filet
Puis en flots continus
Et te vide de tout sens
Jusqu’à l’innocence

Tu n’es plus qu’une frontière
Entre le monde palpable
Et ce rêve étrange et laiteux
D’un devenir sans objet

Dans ce passage étroit
Résonnent les harmoniques
Qui transforme toute couleur
En blanche lumière
Eclairant ta lanterne

Tu es seul et le Tout
Devenu parcelle du vivant
Parce que tu as accepté
De n’être plus rien

Pars, nu à la conquête de ce monde
Que tes yeux ne peuvent voir
Deviens cosmos et atteins
Les portes de l’immortalité

© Loup Francart

06/03/2015

L'île Maurice

Il se promenait sur l’esplanade des Invalides quand une femme, encore jeune, élégante et vêtue de vert, se heurta à lui. Peut-être était-il distrait ? Il s’excusa de bonne grâce, dénonçant sa distraction. Elle le regarda et s’exclama :

– Emmanuel, je ne m’attendais pas à te trouver ici. 

Il la regarda sans la reconnaître. « Mais qui donc est cette femme ? » Incapable du moindre souvenir, il leva son chapeau et lui dit :

– Désolé, mais je ne crois pas que nous nous connaissions. 

– Voyons, tu es bien Emmanuel Lissacre. Nous nous sommes rencontrés à l’île Maurice, il y a quatre ans. Nous avons même déjeuné ensemble, nous sommes baignés et avons fini la soirée à Grand Baie. 

– Mais, je ne suis jamais allé à l’île Maurice.

Elle avait pourtant bien prononcé son nom. Il la regarda plus attentivement. Elle jouait de ses yeux de manière instinctive. Elle souriait aimablement, tout à fait à l’aise, inconsciente du malaise qui s’infiltrait en lui. Elle lui posa même la main sur l’avant-bras comme pour attester d’habitude de camaraderie, voire peut-être plus. Elle sortit son portefeuille, fouillant dans un tas de photos sans cependant arriver à retrouver celle-ci qu’elle désirait lui montrer.  Il la regardait d’un air quelque peu égaré, cherchant toujours en sa mémoire des souvenirs d’un séjour à l’île Maurice. Certes, il en avait bien entendu parlé, mais ce n’était que par amis interposés.  Pour se rassurer, il se dit que cette personne qu’elle croyait reconnaître était probablement un sosie. Cependant… Son nom… prononcé clairement devant lui… Peut-être l’avait-elle entendu peu avant dans la conversation qui avait précédé son départ du café où ses amis et lui-même se détendaient. Mais pourquoi serait-elle venue ensuite se heurter à lui ?

– Puis-je vous demander votre nom ?

– Je suis Claire Parfaite. Souvenez-vous, nous avons dansé ce soir-là et vous m’avez même sérieusement pris dans vos bras, puis nous avons marché le long de la côte en parlant si longtemps que vos amis sont partis à notre recherche. Ecoutez, si vous avez le temps, venez, j’habite à deux pas et je vous montrerai les photos que je croyais avoir sur moi.

– Pourquoi pas, répondis-je, intrigué par cette femme que je ne connaissais pas il y a cinq minutes.

Tout en me guidant dans les petites rues proches de l’esplanade, elle papotait sans arrêt, évoquant ces instants à Grand Baie où elle s’était sentie si bien, prétendait-elle. Arrivé à la porte de son immeuble, je croyais déjà la connaître, sa faconde faisant merveille. Claire monta au quatrième étage, sortit sa clé, ouvrit sa porte, entra, puis me fit pénétrer dans une grande salle encombrée de meubles hautains. Elle retira son manteau et se mit aussitôt à fouiller une sorte de coffre, fort beau d’ailleurs, qui contenait une multitude de photos entreposées en vrac. Elle en sortit moins d’une dizaine, ficelées ensemble, entourées d’un papier sur lequel était marqué « Ile Maurice, printemps 2004 ».

– Regardez, me dit-elle d’un ton convaincu.

En effet, la première photo qu’elle me montra laissait apparaître un groupe de jeunes gens où elle apparaissait au premier plan et moi, oui, c’était bien moi, derrière elle, une main sur son épaule. Une seconde photo nous montrait étendus sur la plage, riant et nous tenant la main. Aucun doute, non seulement nous nous connaissions, mais nous avions fait plus que connaissance. Elle me fit assoir sur le canapé, me dit de regarder à nouveau les photos et sortit préparer du café. J’étais troublé. Je n’avais aucun souvenir de cette femme, de l’île Maurice, de la plage exotique présente sur chaque photographie. Je cherchais à me rappeler ce que je faisais au printemps 2004. Oui, j’étais en Suède, en mission pour ma boîte, très pris et ne pouvant disposer de mon temps comme je l’aurais souhaité. Pourtant c’était bien moi, là à côté d’elle, lui souriant et semblant répondre à ces caresses. Elle revint, portant un plateau avec deux tasses et un présentoir contenant des petits gâteaux. Oui, elle était belle, ou plutôt mignonne avec son visage rond, les yeux mobiles, les lèvres charmeuses. Je me dis que j’aurai très certainement tenté de la séduire si je l’avais rencontré. Alors je me laissais tenter après l’avoir entendu me dire :

– Pour te prouver que je  te connais, je peux même te dire que tu as sur le haut de la cuisse droite une tache brune qui m’avait intrigué et séduite. Ai-je raison ?

Effectivement, cette tache se transmettait dans ma famille depuis plusieurs générations sans que nous en comprenions les raisons. Plutôt que de répondre, je me penchais sur ses lèvres et y déposais un baiser.

– Doucement, me fit-elle. Nous ne nous étions pas jurés fidélité et longue vie ensemble. Il convient de tout reprendre à zéro.

Mais rien ne se passa ainsi. J’eus beau chercher dans ma mémoire les instants évoqués par cette femme, j’étais sûr de ne pas la connaître, ni même de l’avoir déjà vue. Elle semblait persuadée du contraire. Je lui demandais comment nous nous étions connus.

– C’est très simple. Je me promenais sur Quay street lorsque je me suis heurté à un homme. Celui-ci m’accueilli d’un air enchanté : « Claire, que fais-tu là, je te croyais à Paris ! » J’étais pressé ayant un rendez-vous chez un marchand de biens et voulant conclure l’affaire assez vite. Je lui donnais rendez-vous en début d’après-midi. Nous nous revîmes et c’est ainsi que je fis ta connaissance, car cette personne, c’était toi.

– Pourriez-vous me remontrer les photos, s’il vous plaît.

Elles étaient là, sur la table basse. L’une d’elle avait été prise à l’aéroport. Je me souvenais subitement avoir vu sur le tarmac la queue d’un A380. En examinant à nouveau la photo je constatais qu’il en était bien ainsi. Or les A380 ont été mis en service en 2007. Nous étions en 2008 et elle m’avait dit que nous nous étions rencontré il y a quatre ans. C’était invraisemblable. Elle m’aurait rencontré dans le futur en évoquant une rencontre passée il y a quatre ans et nous devisions ensemble dans le présent de 2008, l’une persuadée de m’avoir connu dans le passé, moi-même certain de ne l’avoir jamais rencontrée. Ma tête allait exploser. Je me sentis mal et lui demandais un verre d’eau fraiche. En buvant, je la regardais. C’est vrai qu’elle est belle, me dis-je. Elle se pencha sur moi pour reprendre le verre, inquiète, mais rassurée de me voir reprendre vie. Elle portait un parfum fort qui imprégnait ses cheveux et je fus ensorcelé par cet arrière-goût d’ambre et de fruits verts. Je plongeais ma tête dans sa chevelure. Elle rit et se dégagea sans protestation.

Je ne lui fis pas part de ma découverte. Je l’avais connu dans un futur proche et c’est pour cela que je ne pouvais la reconnaître. Mais comment se retrouvait-elle dans ce présent qui, pour elle, était du passé ? Deux solutions s’offraient à moi. Soit elle seule avait été propulsée dans un avenir proche (ou encore avait-elle rêvé cet avenir ?), soit c’était moi-même qui était resté enfermé un moment dans le passé, peut-être au cours d’une nuit de sommeil plus longue que de coutume.

Je décidais de rien lui dire et de faire comme si nous nous connaissions réellement. Deux jours plus tard, avec quelques amis, nous partîmes pour Grand Baie en voiture. L’un de ceux-ci disposait d’un appareil photographique polaroid et ne cessait de prendre des clichés. A un moment, il me montra une photo de Claire et de moi-même que j’avais déjà vu. Mais je ne souvenais plus où. Etait-ce à Port Louis, était-ce ici, à Paris ? Fidèle à ma promesse, je ne dis rien. Nous sommes bien, je contemple Claire, je lui tiens la main, nous regardons nos compagnons se baigner. Je pose sur ses lèvres un baiser.

– Que le temps présent est bon, me dit-elle. Profitons-en !

– Oui, profitons-en, car on ne sait de quoi demain sera fait, lui répondis-je.

05/03/2015

Manoir de Mes Rêves avec Angelo Debarre - Thomas Dutronc

https://www.youtube.com/watch?v=qTmwZsy8xbg


 

Avant tout le rythme, balancé, échevelé, qui vous met dans un état second, voire troisième. Vous vibrez naturellement et communiez avec toute la communauté manouche dans cette trépidation incessante.

A l’origine, un homme, Django Reinhardt, qui lui-même avait rencontré le jazz américain. Un mélange subtil à l’intersection de la musique tzigane et du jazz de l’époque de Louis Armstrong.

Un long moment, autour du feu, auprès des meilleurs jazzmen manouches… Une belle virtuosité…

04/03/2015

Sommeil (taploème)

Sans titre (6).wma

Tu dors de ton sommeil écrasant de bonheur
Le drap frais rejeté d’un geste théâtral
Dévoilant cette débauche de blancheur
Dans une fuite jusqu’au triangle central

L’ombre de la nuit tamise ton image
Légers et fragiles sont les plis de ton corps
Je découvre en moi une envie d’abordage
Mais ton indolence devient un mirador

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Tu es belle de ton harmonie profonde
Je te contemple, enfant, comme les ondes
Sous les vibrations du chant du violoncelle

Ensemble nous sommes depuis la nuit des temps
Moitié rêvée, moitié réelle, jamais à contretemps
Tu demeures l’ineffable jouvencelle

© Loup Francart

03/03/2015

Matinale 5

Avant de reprendre le chemin de la piscine, Emilie décida de faire de nouvelles recherches. Elle s’intéressa aux univers parallèles découverts par le physicien américain Hugh Everett en 1957. Elle se souvenait d’avoir lu un jour que quelques savants se posaient la question de savoir de quel lieu notre propre univers était issu et laissaient tomber la question plus subtile de l’existence d’une créateur démiurge. Le continuum se poursuivrait-il au-delà de ce que nous connaissons ? Y aurait-il des relations entre notre espace-temps-matière et d’autres spatialités-temporalités-matérialités ? Elle imaginait des trous noirs constituant des entrées dans ces autres univers, elle se sentait tout à coup prise dans le tourbillon attractif d’un grand vide qui conduisait vers un au-delà inimaginable, peuplé de créatures étranges ou même d’êtres humains semblables à nous ou sans doute nous-mêmes. Après un séjour sur terre, ils poursuivent leurs vies multiples en d’autres lieux et d’autres temps, peut-être sans matérialité. Insaisissable cette vision ! Mais elle aimait s’interroger sur cet aspect des choses. Feuilletant les pages d’Internet, elle découvrit que l’univers n’est plus seul et unique comme son nom l’indique. Grâce aux sciences mathématiques, nos savants ont découvert qu’il est très probable que l’univers soit multivers. De plus, elle lut que l’on commence à avoir des preuves de cette géniale intuition. Ainsi la bulle de notre univers, qui s’étend de plus en plus dans l’espace (mais peut-on encore parler d’espace ?), en expansion constante, côtoie d’autres univers qui naissent et meurent à côté de nous (tout est relatif, ce sont des milliards et des milliards d’années-lumière, immesurables !).

Andrei Linde, un des théoriciens de l’inflation, explique que notre univers est une bulle d’espace-temps noyée dans une mousse d’autres univers. Ainsi le big-bang n’est pas la naissance du cosmos à partir du rien, mais une expansion dans un « faux vide ». Ce faux vide se caractériserait par une énergie très élevée et un champ gravitationnel répulsif, une sorte de gravitation " négative " ou antigravitation : remplissez un ballon de faux vide, il se dégonfle ! Cette expansion de bulles donne naissance à des bébés univers possédant leur propre temps, espace et matière.

Elle dut arrêter sa lecture. La tête lui tournait, d’autant plus qu’elle se sentait à l’aise avec ces mondes multiples, ces temps qui se superposent, ces espaces qui gravitent ensemble, ces particules mouvantes qui arrivent à ne pas trébucher. Elle était attirée par ces champs gravitationnels, voire par des champs qui au contraire rejettent ce qui passent à proximité. Déjà, lorsqu’elle était petite, elle rêvait (mais était-ce du rêve ou une remémoration venant d’autres horizons ?) qu’elle pouvait se dédoubler, voler à hauteur du plafond, voire tenter de s’évader par la fenêtre fermée et voguer dans d’autres cieux, un monde différent qu’elle ne parvenait pas à reconstituer. Ce n’était qu’une question de volonté et d’entraînement. Mais ces rêves s’estompèrent au fil des ans jusqu’à ne plus être qu’un vague souvenir. Ils restaient au fond de ses souvenirs, tenaces et semblant toujours aussi réels.

Poursuivant ses investigations, elle s’intéressa à l’exploration de l’infiniment petit qui permettrait de comprendre l'infiniment grand. La théorie des cordes prétend que les particules fondamentales de l’univers sont des sortes de cordes vibrantes sous tension, à la manière d’un élastique. Leur degré de vibration engendrant des particules élémentaires qui sont à l’origine de notre univers. Dans ce concept (qui reste pour l’instant théorique), le monde serait non pas tridimensionnel, mais multidimensionnel. Et ces dimensions s’enroulent les unes dans les autres dans un tissu spatial dit espace de Calabi-Yau qui constitue une forme complexe de 6 dimensions. Ainsi, l'univers observable à quatre dimensions (la quatrième étant le temps) serait une sous-partie d’une Totalité disposant de dimensions supplémentaires, pouvant aller jusqu’à 11 pour certains.

La théorie des cordes suppose que l’univers est fondamentalement constitué de cordes d’énergie en vibrations constante. Elle voit l’univers comme une immense symphonie. Et cette comparaison sembla assez bonne à Emilie. Les dimensions de notre univers sont normalement décrites dans un système décimal (multiple et sous-multiple de dix) alors que la musique fonctionne autrement, de façon beaucoup plus complexe, et permet des variations et harmonies impossibles dans un système décimal.

Dans sa recherche, elle tomba sur un livre qui traitait de l’uchronie. Ce terme utilisé dans la fiction littéraire, fait appel à une réécriture de l’histoire à partir d’une modification d’un événement passé. Ce néologisme repose sur la similitude avec l’utopie, c’est-à-dire un U négatif et chronos. C’est donc un non-temps qi permet d’imaginer les différences conséquences possibles issues d’un effet domino influant sur le cours de l’histoire. C’est une histoire refaite logiquement telle qu’elle aurait pu être qui commence au point de divergence choisi par l’auteur. Mais elle se rendit compte que cette diversion ne pouvait l’intéresser dans ses recherches. Le problème n'est pas le fait d’une uchronie qui survient à un moment donné, mais le fait de l’existence de deux mondes parallèles qui se retrouvent présents au même moment et en un même lieu. J’y réfléchirai plus tard, se dit-elle.

La sonnerie indiquant la fermeture de la bibliothèque retentit. Elle mit un certain temps à la percevoir, l’esprit trop occupé par toutes ces hypothèses aussi insolites que bizarres. Elle se leva à regret, rangea son bloc-note et ses crayons, l’œil vague, le corps engourdi, le cerveau flottant dans une mare d’impossibles réflexions. Elle rentra chez elle, reprenant peu à peu conscience du monde qui l’entourait, sursautant lorsqu’une voiture la frôlait ou lorsqu’un camion klaxonnait. Elle se coucha tôt, la tête encore pleine d’univers s’entrechoquant et d’humains sautant dans le vide pour atterrir elle ne savait où.

02/03/2015

Au-delà

Un vrai taploème :

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