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31/10/2014

Vitalité

Laisse monter en toi le délire de mots
Ferme les yeux à l’apostat !

Elle partit d’un jet, courant sur le pré
Encombrée de sa robe de mariée
Elle nous quitta sans bruit
Pfuit… Plus rien devant nous

J’eus beau chercher sa taille
Je ne trouvais que le bruissement
Des fils de soie de sa ceinture
Qui se dévidaient entre mes doigts

Alors moi aussi je me mis à courir
Derrière les courants d’air
Prenant garde de ne pas m’enrhumer
Jamais je ne pus la rattraper

Nous parcourûmes le monde
Puissant dans nos besaces
L’espoir de nous retrouver
Et de nous jeter dans les bras l’un de l’autre

Mais elle s’échappait plus vite
Allez savoir pourquoi
Elle sentait le stupre et la caresse
Mais volait comme une princesse

Nous passâmes au pôle nord
Refroidis jusque sous les aisselles
Nous parcourûmes le désert
Pleurant de soif derrière l’ombre

Nous naviguâmes toutes voiles dehors
Jusqu’aux confins de la terre
L’œil sur l’horizon, la main sur la barre
Sans jamais rencontrer un être vivant

Aujourd’hui, je poursuis nos fantasmes
Seul, sans pilote ni moteur
Ronronnant petitement, nu sous le soleil
Et me brûle au rêve de mes prédécesseurs

Où donc es-tu passé sous ta robe de taffetas ?
Ton fantôme court-il encore, invisible
Aux regards des hommes en attente
D’un plus grand désespoir ou abandon

Fuis-tu toujours sous l’opprobre
De cette matinée aérienne
Quand tu te levas avant de dire oui
Et sortis sereine sans un pleur

Plus rien ne pourra cacher
Cette blessure béante à ton flanc
Celle de la séparation mortelle
D’avec l’homme d’une vie morose

Altière tu nous quittas, tête haute
Les larmes aux yeux, mais souriante
Et marchas vers ton destin
L’adoration sans faille de la vitalité

© Loup Francart 

30/10/2014

Ne pars pas avant moi, roman de Jean-Marie Rouart

Le dernier chapitre éclaire le livre et le résume. L’orage. Eclatera-t-il  ou se contentera-t-il d’agacer les nerfs ? L’auteur condense en une description des aléas de la nature celle d'une vie qui semble familière, mais dont les plis recèlent de multiples réminiscences. Je pense à Berthe Morisot, qui a écrit dans ses carnets la phrase la plus belle et la plus désolée qu’on puisse confier à soi-même quand on s’apprête à quitter le monde : « Mon ambition se bornerait à fixer quelque chose de ce qui se passe ; quelque chose, la moindre des choses ; une attitude de Julie, un sourire, une fleur, un fruit, une branche d’arbre et, quelques fois, un souvenir plus spirituel des miens, une seule de ces choses me suffirait. » J’ai l’impression d’appartenir comme elle à cette race qui se désespère de ne trouver rien qui lui apporte la preuve de son existence, sinon en la mettant en peinture ou en mots. Ces mots capables de façonner les visages et les paysages, il me semble qu’ils me relient à la seule vie par laquelle j’existe. (…) Qu’est-ce qui demeure encore ? (…) Quel sens, tout cela ? (…)  

Le soleil réapparaît éclairant le cap Corse, effaçant le souvenir de l’orage. Un petit nuage rose à même l’impudence de gambader au-dessus de l’horizon. Je regagne ma chambre. Un message de Jean d’Ormesson m’attend : « Ne pars pas avant moi. »

Ainsi s’achève ce roman autobiographique, fait de morceaux de vie de l’adolescence à la vieillesse qui n'est qu'évoquée dans ce dernier chapitre. L’auteur se dévoile tout en s’interrogeant sur les mystères du destin. Un jeune homme lointain et proche, qui vit l’amour avec ironie et qui conte ses rencontres avec le sérieux qu’il semble attacher au côtoiement des grands de ce monde, en particulier de la littérature.

Qu’en retenir ? L’évocation de ses conquêtes. D’abord Solange qui le trompe, mais qui l’aime malgré son mariage, Sara qui abandonne ses futilités pour le rejoindre dans sa chambre d’étudiant et quelques autres, toutes enchantées et enchanteresses. L’évocation de ses rencontres aussi, avec Vergès, Cardin, Nourrisier, l’écrivain du désenchantement du monde, mais surtout Jean d’Ormesson, l’écrivain fétiche du jeune homme qu’il était et qu’il veut nous faire croire qu’il est toujours.

Cette dernière évocation donne le style du livre. Oui, il est merveilleusement écrit, plein de descriptions oniriques et d’extases sur cette vie de rencontre, promenade dans les salons littéraires quelque peu compassés. Car si le style est enchanteur, les enchantements décrits restent très personnels et font preuve d’un certain contentement de soi. Il se décrit comme un être rejeté parce qu’il a raté son bac ; J’avais dix-sept ans. Ce soir-là, je n’attendais rien de la nouvelle année. Pourtant j’en attendais tout. J’avais peur de m’enliser dans une existence grise et banale et, au fond de moi, j’étais gonflé d’espoir. (première page du livre qui en donne la trame). Mais il fait apparaître son contentement dans les descriptions de cette vie bourgeoise, riche matériellement et intellectuellement.

A la manière de Jean d’Ormesson, Jean-Marie Rouart est un enchanteur qui tourne sur lui-même, y revient sans cesse et se délecte dans ce mélange de réalité et de fiction, d’impressions et de descriptions, de liberté et d’obligations.

Ecoutez-le et vous comprendrez :

http://www.youtube.com/watch?v=VEAaG9t7yQ0&feature=player_embedded


29/10/2014

Messe pour les solennités (1/3)

Une messe composée pour la chorale qui la chanta plusieurs fois au cours des deux ans :

Messe solennelle 1.jpg

Messe solennelle 2.jpg

Messe solennelle 3.jpg

28/10/2014

Prodigieux (1)

Prodigieux ! Elle s’éveilla, se dressa sur le lit, me regarda et me dit :

– Quelle pâle lueur au fond des yeux.

Et je voyais danser dans ce miroir intense les diables délurés des jours de colère. Elle ne me voyait plus. Ce n’était que bagarres et scènes. Rien ne nous rapprochait. Elle échappait à toute logique. Ses cheveux en bataille, son sourire charmant, sa lèvre enfiévrée, tout son corps tendu vers le souvenir, elle se repliait sur elle-même. C’était pourtant bien la même qui deux nuits auparavant avait revêtu sa nudité et s’était glissé dans le lit avec candeur. Elle s’était laissé étreindre en toute connaissance de cause, souriant à l’aventure, s’amusant de caresses insolites. Je vis pourtant dans ses yeux sa folie. Un éclair d’acier parcouru sa rêverie. Ce fut bref, mais intense. Je pris de la distance, prenant garde aux palpations malveillantes. Elle les prodiguait sans retenue, laissant errer ses mains au-delà de la décence. Mais toujours ce visage impassible, beau d’ailleurs, mais si lointain qu’il en devenait gênant. Je m’habituais, osant la regarder, contemplant ses cils qui palpitaient silencieusement et qui disaient tout bas ce qu’elle ne pouvait dire, la folie et l’inconscience.

Je l’avais rencontré dans une boutique obscure, encombrée de vêtements défraichis, derrière un présentoir. Elle essayait un corsage. Elle disposait d’une pile bigarrée et puisait dedans : trop petit, rugueux, enlaçant, verdâtre, ruisselant. Elle ponctuait chaque essai d’un mot dur, apostrophant. Je la regardais depuis un moment lorsqu’elle m’aperçut. Elle n’était nullement troublée. Elle me prit à témoin :

– Tenez, aidez-moi. Je ne sais quoi choisir. Aucun ne me semble destiné. Mais ce soir j’ai un diner et me dois d’être brillante.

Je lui répondis que le seul tissu pour cela était cette soie légère, de couleur lie de vin, aux épaules bouffantes, qui se cachait à moitié sous le tas diffus. Elle retira sans aucune gêne l’élégante blouse qu’elle avait mise en la passant par-dessus sa tête, les bras levés, les seins dressés. Elle prit le corsage, l’enfila, enfouit sous sa jupe étroite les pans resserrés et se montra dans toute sa beauté de femme qui sait ce qu’elle veut.

– Oui, ton goût est sûr. Cela me va mieux que tous ces salmigondis.

Elle le garda sur elle demandant à la vendeuse d’enfouir dans le sac d’achat son chemisier mis à mal, paya d’une carte orange et sortit promptement me regardant réellement pour la première fois.

– quel beau jeune homme, s’exclama-t-elle d’un air enchanté.

Elle partit le nez, qu’elle avait rectiligne, au vent d’automne, marchant aisément parmi la foule, portant son sac haut sous le bras, retenu par l’anse au creux de l’épaule. Elle fit une petite grimace lorsqu’elle vit son reflet dans la glace d’un magasin, redressa une mèche de cheveux, se sourit et engagea une longue conversation sur les faux chefs d’œuvre de la FIAC qu’elle venait de quitter.

– Une honte, je te le dis. J’ai vu trois pâles crottes rouges étalés sur le sol fait d’un morceau de linoléum dans un espace immense étincelant de propreté. Le galeriste vantait précautionneusement l’élégance de la scène qui se prénommait « Destitution ». Une vieille bigote de l’église d’art conceptuel pérorait à ses côtés, voulant comprendre pour quelle raison elle ne sentait rien. Et l’autre de lui dire que c’était normal. Il fallait laisser le travail de l’imagination faire son chemin, monter lentement dans l’enchevêtrement des souvenirs pour à un moment inattendu laisser venir au nez l’odeur délicate du chef d’œuvre.

Elle se mit tout à coup à courir en petits pas chassés, leva un bras impératif, s’engouffra dans un taxi noir et élégant. Eh bien, viens donc, qu’est-ce que tu attends, s’exclama-t-elle devant mon hésitation. Je montais derrière elle sans hésiter, déjà enjôlé par cette fille, non cette femme, à l’éclair vif argent. Elle ne cessa de bavarder en me montrant les rues, les gens, les chiens, les marchands de journaux. Tu as vu… Regarde… je suis folle de cela… Un tourbillon. Mais un visage de marbre.

A l’arrivée, elle me mit dans les mains ses paquets, fouilla longuement dans son sac boursouflé, en sortit  un trousseau et ouvrit avec précaution une porte si lourde qu’elle dut pousser fortement avec l’épaule pour la faire pivoter.

Monté jusqu’au cinquième dans une cage d’escalier rutilante, sur un tapis rouge grenat, dans un silence impressionnant. Je peinais avec les paquets sans toutefois me demander ce que je faisais là. Tout ceci me semblait naturel, dans l’ordre des choses, comme une conclusion lentement mûrie. Elle, elle ne voyait rien. Elle pérorait, mais sans chaleur. Elle dévidait ses propos avec distance, comme un sage. Elle avait l’art des contrastes. Détachée, mais active, voire enfiévrée. Tenant toujours à la main ses clés, elle tendit le bras et d’un geste sûr entra dans le pêne une sorte de passe-partout. J’étais dans l’antre d’une sorcière et je ne le savais pas.

27/10/2014

Danse

Ils étaient trois
Trois pigeons sur le bord d’un toit
Dans le carreau de ma fenêtre
Ils dansaient la valse des pigeons

Non… Il était seul, sans autre aide
Que celui du rebord de pierre
Sur lequel il s’épanchait
Sous l’œil impavide des deux autres

La gorge haute, il se dressait
Et avançait à petits pas
Puis deux tours sur lui-même
Sans autre forme de procès

Il revenait vers eux, crânement
Reprenait ses deux tours
En sens inverse, en métronome
Puis repartait en riant

Vraisemblablement, il délivrait
Aux deux autres un message
Que je ne compris pas
Je le voyais, aller et venir

Il poursuivit sa complainte
Devant le manque de réaction
De ces compagnons ahuris
Et s’arrêta, interrogatif

Ne voyez-vous pas, compatriotes
Que j’esquisse la danse sacrée
Des pigeons délurés
Jamais je ne tombe ni m’étourdis

Oui, il est temps de partir
Devant tant d’incrédulité
D’ailleurs l’un d’eux
Se jeta dans le vide

L’autre, penaud et embarrassé
Voulut conclure ce message
Il se redressa courroucé
Et monta droit dans les cieux

Le danseur resta unique
Sur le bord du toit
Là où toi et moi
Ouvrons nos cœurs de chair

Alors il partit lui aussi
D’un coup d’aile, un froufrou
Qui traversa la rue
Et vint frapper l’attente

Oui, trois pigeons au coin du toit
Dont un dansait la valse
Pour les deux autres
Qui ne virent rien

© Loup Francart

26/10/2014

Nuit et changement d'heure

Assis devant ma table de travail, je m’interrogeai sur ce que j’allais bien pouvoir faire, toujours un peu tendu à ces moments-là, quand l’inquiétude se mêle au bonheur de l’écran blanc. Oui, on ne parle plus de page, même si celle-ci apparaît encore, virtuellement, sous vos yeux. Je ferme les yeux et me voilà parti, monté sur la planche à surf, pourvu d’un coup d’accélérateur, comme une glissade impromptue sur une plaque de verglas.

– Attend ! Où vas-tu ? Tu pars sans savoir.

– Oui, et alors ? N’est-ce pas le propre de la vie que d’errer sans but dans l’immensité des possibilités ?

– Que d’égarements, de doublons, d’insuffisances. Maîtrise ton énergie ! Tu t’engages dans le vide et te laisse basculer dans l’inadvertance.

– J’aime l’inconnu des nuits sans sommeil, quand vers trois heures, après m’être réveillé d’un café fort, je monte dans mon antre et pars en fumée dans un ciel étoilé, sautant dans le vide, les pieds coincés sur mon snowboard. Que se passe-t-il alors ? Je ne sais. Je reviens échevelé, la tête pleine de brouillard vert, les yeux rougis, les muscles las, les oreilles tombantes. Où suis-je allé, je ne sais. Mais quel bienfaisant repos de l’esprit, quelle réjouissance du cœur, lorsque s’accumulent dans ma besace les phrases moelleuses qui gonflent mon égo et lui donne de la consistance. Sont-elles bonnes ces heures inutiles de pas de danse de l’esprit, lorsque vous perdez votre image corporelle et que tous les grains de l’existence se rassemblent en un lieu secret, inconnu des autres et même peut-être de vous-même. Je m’enfonce dans le noir des nuits d’espérance et plus les ans passent, plus ce refuge prend de l’ampleur. Un instant ouvert sur le monde. Non… Ouverture sur un autre monde, sans paysage et sans matière, où le seul plaisir est ce vide étrange qui m’attire, chatoyant, mais sans existence réelle.  

– Illusion ! Tu te laisses égarer. Regarde la consistance de ta table et même de ton écran. Il vit. Les mots s’inscrivent tous seuls sur la ligne. Seul ton rêve te fait croire à l’existence de ce monde d’illusion où rien n’est comme tu l’expérimentes chaque jour.

– Mais j’aime, j’adore ces moments de repos complet de l’esprit, lorsqu’il effectue une montée spectaculaire vers l’infini. Je descends mon centre de gravité et me penche légèrement vers la droite pour amorcer un virage et éviter une planète qui me frôle. Je sens son souffle me rafraîchir. Je pourrai la cueillir, la porter à ma bouche et prendre la fièvre de l’absence, me vider totalement de mon être et devenir une coque transparente errant dans l’éther comme une bulle d’air prise dans le courant d’une eau pétillante. Et je monte, je monte toujours plus haut. Ah, attention ! Ne pas trop se laisser entraîner, la bulle risque d’éclater. Je m’interroge. Je ne serai plus, mais n’aurai pas non plus atteint la limite de la matière. Tiens bon, ouvre les yeux, attache-toi à ton corps, qu’il continue de respirer et de penser en acteur illégal, mais bienvenu.

Deux heures que je suis là. J’ai perdu la notion du temps à vagabonder dans un espace sans limite. Je me suis laissé entraîner dans l’entonnoir des réflexions qui semble faire un trou sur la couverture de l’existence. Dieu soit loué, je me suis récupéré dans ce lit douillet et chaud, comme baignant de saveurs de baisers doucereux, un peu alangui de ce voyage au-delà du temps et de l’espace. Comme sur un nuage je me suis posé et je contemple en bas la vie qui reprend. Le jour se lève, petite lueur pleine d’espoir sur une journée nouvelle. Qu’elle était bonne cette fin de nuit parmi ce rien qui est tout et qui conduit à l’immortalité. Devenu invincible, je ris à mon corps qui continue de vieillir. J’ai revitalisé ma jeunesse et mes espérances sont plus vives que jamais. Quel élixir : deux heures d’absence du monde et je peux maintenant affronter ce jour qui s’annonce pur et vierge, comme une larme de bonheur entre deux morceaux de pain noir. Ce sandwich est le bienvenu.

Un changement d’heure acidulé…

25/10/2014

Eclatement

Un agencement coloré, sans grand discernement, à la louche. Et pourtant, il est chatoyant, plaisant au regard d’un enfant, comme l’explosion d’un caléidoscope.

24/10/2014

L’avenir de l’humanité

Combien il est difficile d’imaginer l’avenir de l’humanité. Peu d’auteurs le tentent, avec plus ou moins de bonheur et lorsqu’ils le tentent de quel avenir parlent-ils ?

Pour les uns il s’agit, comme c’est le cas d’Attali, de l’avenir dans 50 ans (Jacques Attali, Une brève histoire de l’avenir, Fayard, 2006). Il n’est pas très beau : un monde sans Etats, un marché mondial désorganisé, un hyperempire marchandant le temps et les corps) qui finit par un hyper conflit. Celui-ci appellera l’humanité à prendre conscience de la solidarité impérative de l’humanité et amènera à des réseaux solidaires, des « entreprises relationnelles »,  du micro-crédit, une intelligence collective et enfin une démocratie participative mondiale.

Pour d’autres, l’avenir est ce que je suis maintenant, l’avenir est ce que nous faisons tous les jours de notre vie dans le présent. Ainsi le dit Krisnamurti, (Juan Carlos Kreimer, Krishnamurti for Beginners, Writers and Readers Ltd, 1999, p.201) : Y a-t-il un changement s’il y a une direction particulière, une fin particulière, une conclusion qui semble saine, rationnelle ? Ou peut-être une meilleure expression serait-elle « la fin de ce qui est ». La fin, pas le mouvement de « ce qui est » vers « ce qui devrait être ». Ceci n’est pas un changement. Mais la fin, la cessation, le - quel est le mot juste ? - Je pense que « fin » est un bon mot, tenons-nous en donc à celui-ci.

D’autres encore pensent l’avenir en termes de singularité naissant d’un changement d’échelle du développement exponentiel des nouvelles technologies. Elle peut s’imaginer en tant que singularité d’extinction (bond en arrière du développement de l’humanité), mais aussi en tant que singularité qu’autorisent les transferts massifs d’information entre l’homme et la machine qui feraient naître une nouvelle humanité que nous ne pouvons actuellement imaginer en raison des obstructions de type indécidabilité mathématique du mathématicien Gödel.

Ne poursuivons pas ces différentes visions. Posons-nous la question en tentant de voir encore plus loin. C’est ce qu’a tenté Pierre Teilhard de Chardin (Œuvres de Teilhard de Chardin, L’avenir de l’homme, Le Seuil, 1959). Pour lui, tout se passe  comme si, au cours de son existence phylétique, chaque forme vivante atteignait ce qu’on pourrait appeler une période ou même un point de socialisation (p.58). L’homme à la rencontre des autres et de lui-même par la foi en la valeur spirituelle de la Matière. Quel idéal : l’homme atteint sa plus grande originalité et sa plus grande liberté dans une socialisation qui va jusqu’à, in fine, sacraliser la matière qui deviendrait spirituelle. Y a-t-il une vision plus large que celle-ci ? Teilhard était un homme singulier, un génie visionnaire dont la vision était globale et se rapprochait des celles des savants qui cherchent au-delà du big-bang. Mais, chose singulière, cette vision était tournée vers l’avenir et non vers le passé, c’est-à-dire la naissance de l’univers. Lui aussi voit l’apparition d’un ultra-humain. Son objectif : un rebondissement de la vision de l’humanité : vers l’en haut par l’en avant, une fusion de la vision tournée vers un Dieu créateur du monde et d’une humanité qui se construit elle-même et se divinise. Mais Teilhard va encore plus loin, il parle de la fin de l’espèce humaine qui se fond en un ultra-humain. Ainsi, comme une marée immense, l’être aura dominé le frémissement des êtres. Au sein d’un océan tranquillisé, mais dont chaque goutte aura conscience de demeurer elle-même, l’extraordinaire aventure du Monde sera terminée. Le rêve de toute mystique aura trouvé sa pleine et légitime satisfaction. (Inédit, Tientsin, 25 mars 1924).

 

Ces derniers propos ne sont-ils pas rafraîchissants ? Ils nous éloignent de nos préoccupations premières d’homme qui n’est pas encore un surhomme ou un hyper-homme ou un superman. Je suis homme tout simplement. N’est-ce pas déjà un miracle ?

23/10/2014

Percuphone et OMNI, dans l’atelier de Patrice Moullet

http://www.youtube.com/watch?v=5zzU68YGPvs

Musique étrange, sensuelle, dérangeante, qui ébranle le corps et travaille l’esprit. Quelle machine ! On s’attend aux bruits d’un atelier, mais ce sont des cercles envahissants de sons qui progressivement vous entraînent dans une danse infernale et bienheureuse qui vous laisse pantois.

Michel Moullet est un artiste inclassable. Il a fait des études de musique classique, mais s’est assez vite passionné pour les sons produits par l’électronique. Deux instruments qu’il a créés sont véritablement innovants, le percuphone et l’OMNI.

Le percuphone :

« À l'origine acoustique (cordes frappées), le percuphone est actuellement une interface électromécanique pour piloter manuellement et en temps réel les systèmes de production sonore numérique.

L'instrument comporte 256 voix de polyphonie, une banque de 20 000 sons sur ordinateur (sampleurs virtuels) et une interface octophonique fire wire. Cet instrument a été mis au point avec le concours d'Alstom pour la motorisation et de l'Ircam pour l'interface de conversion analogique. 57 prototypes ont été réalisés depuis sa création. » (http://fr.wikipedia.org/wiki/Percuphone)

L’OMNI ou objet musical non identifié :

« L'Omni est un instrument de musique audionumérique créé et développé par Patrice Moullet à partir d'un concept global proposé par Guy Reibel en 1985. Le premier prototype a été créé en 1988 pour la Cité de la musique de la Villette.

L'omni est une interface pour piloter les systèmes sonores virtuels, constituée de 108 plaques de 108 couleurs différentes réparties sur une surface légérement sphérique de 160 cm de diamètre et bénéficiant des convertisseurs d'Emmanuel Flety de l'Ircam.

L'instrument comporte 108 canaux midi, 256 voix de polyphonie, une interface son Firewire octophonique, une banque de 20 000 sons sur ordinateur (sampleurs virtuels). » (http://www.jpontier.com/Omni.html)

 

Alors laissons-nous entraîner dans cette danse envoûtante qui semble sortie des forges de Vulcain.

22/10/2014

Double

Il est parti celui qui est plus que moi-même
Et je ne sais même plus qui je suis devenu

Un grand noir s’est installé, froid de marbre
Je m’y cogne la tête. Elle est toute cabossée

Où es-tu passé mon frère, toi qui m’accompagnais
Au cours du périple inhumain de la vie ?

Dans un brouillard intense, j’erre, solitaire
Je marche les yeux fermés, les oreilles bouchées
Le nez au vent, les mains en avant
Sans revivre ces jours intenses et rafraîchissants
D’une présence personnelle et troublante

Moi-même devenu autre et pourtant moi
Errant dans l’absurdité du monde déchu
Percé de courants d’air et de gaz purulent

Quel malheur ce départ !

Il est parti celui qui est plus que moi-même
Et je ne sais même plus si je suis.

© Loup Francart

21/10/2014

John Pugh, un artiste qui trompe son monde

John Pugh est un artiste qui n'a pas froid aux yeux. Il peint des scènes immenses sur des murs encore plus grands et fait apparaître, là où seule la platitude existe, des mondes imaginaires qui sont une deuxième réalité.

Un paysage montagneux, des trains qui circulent, encastré dans le béton, ce voyage se fait dans la tête.

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Une piscine sur le mur, comme une plongée dans un monde mystérieux et banal.

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Quelle drôle de maison? Existe-t-elle?

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La magie du trompe-l'œil reste exemplaire. On pourrait prendre ces escaliers et partir dans un autre monde, celui de l'imaginaire devenu réalité. Les désirs transformés en irréel dur comme du béton et plat comme la main.

20/10/2014

Un ensemble mongol dérangeant

 

http://www.youtube.com/watch?feature=player_embedded&v=DB0g8g6Hf0o

 
http://www.youtube.com/watch?feature=player_embedded&v=DB0g8g6Hf0o

Un mélange éclectique, extraordinaire et envoûtant entre la musique mongole traditionnelle et la musique pop, dans le décor surréaliste d’une Mongolie contemporaine, avec des instruments anciens et modernes. 

On retrouve le vent des steppes, les flots enragés du printemps, le galop des chevaux, dans une impression déphasée.

Où suis-je, est-ce que je rêve ?

19/10/2014

L'ombre

Longtemps, je ne l’ai pas remarquée
Elle passait inaperçue à mes yeux
Peut-être ne voyais-je pas le soleil ?
Un jour cependant, ou plutôt un soir
Elle m’est apparue, fragile
Comme une ombre d’elle-même
C’était bien mon ombre à moi

Oui, elle me ressemblait
Même profil, encore que j’ai du mal
A contempler mon profil altier
Sans utiliser une glace fraiche
Embuée à sa sortie du frigo
Depuis elle ne m’a plus quitté
Je la trimbale avec moi
C’est ma sœur, encombrante
Elle veut parfois passer devant moi
Elle me pousse vers le chambranle
Et se propulse en courant d’air
Pour entrer la première, rosissant
Devant les regards acérés

Oui, elle me fait de l’ombre
Cette enveloppe sombre
 Qui se détache de moi
Sans avoir le courage de me quitter
Parfois elle me sourit
– Qu’en penses-tu ?
Semble-t-elle me demander
J’avoue ne plus savoir
Si elle est mon double
Ou si elle se joue de mes hésitations
Je la contemple se mouvoir
Et sourire à tous, enchantée
De ce subterfuge honteux
Et je dois moi-même sourire
Pour ne pas délier ce mariage
Hors nature avec mon double

Oui, il lui arrive de se coucher
A mes pieds, vers midi,
Et de me dire – Ne bouge plus
Je suis bien près de toi
Laisse-moi reposer contre toi
Me réchauffer à ton corps brûlé
Enflamme-moi dans tes bras
Et courre plonger dans l’eau
Là où les rayons de l’astre
Ne peuvent m’atteindre
Je pourrai alors te laisser en paix
Blottie dans ton corps refroidi
Jusqu’à devenir transparente
– Quelle idée, lui ai-je répondu
Sans toi je ne serai plus
Si tu deviens invisible
C’est que moi-même ne suis plus
Même dans l’eau claire
J’ai besoin de ma consistance
Comment pourrai-je nager ?
Je coulerai et disparaîtrai
A jamais aux yeux de tous

Et c’est ainsi qu’un jour
Il y a déjà longtemps
Je devins transparent
Invisible
Nu
Comme une amibe
Même au microscope
Mes voisins ne m’ont pas trouvé
Ils pleurèrent quelques jours
Puis, de guerre lasse
Me laissèrent partir vers d’autres cieux
Dans ce pays où la lumière
Envahit tout, y compris les êtres
Là l’ombre n’existe pas
Et ne fait plus peur aux femmes
Elles ne se remaquillent plus
Sûres de leur effet sur l’unique
Sans doublure vertueuse
Qui les regarde béatement
Volant de ses petites ailes
Autour de leur personne
Qui rayonne de bonheur
Sans l’ombre d’un doute

© Loup Francart

18/10/2014

Arrière-plan

Tel est le titre de l’exposition d’Alain Bublex à la galerie Vallois 36 rue de Seine Paris 6ème. Mais ce sont tantôt des arrière-plans, tantôt des avant-plans, tantôt des retouches dans un paysage encore entier que pratique Alain Bubex. Admirez par exemple ce pont peint sur ce paysage sylvestre. Il semble vrai, enjambant la vallée, féminisant le décor de sa gracieuse courbure, donnant un poids humain à la sauvagerie du lieu.

Là c’est cette fois l’inverse. Le mont Fuji est peint derrière ce paysage de mer. Tout l’arrière-plan est inventé et produit un effet de décalage qui s’accommode cependant bien avec le premier-plan.

Ici, seul le premier-plan est photographique. Et encore, on voit le reflet de l’usine dans les divergences de l’eau ? Où commence la réalité, ou finit la fiction ? On ne le sait et cette ignorance provoque un trouble dans les certitudes de notre cerveau. Est-ce que je rêve ?

Mais Alain Bublex peint également des paysages modernistes et industriels tel ce tableau au dessin simple, à la peinture à plat, qui semble sortir d’un papier de bonbon des années 70.

Quel contraste avec cet autre paysage  montagnard où l’homme apparaît perdu dans le coin gauche du tableau, à cheval. Là aussi une peinture à plat, irréaliste, mais poétique par cette lumière mystérieuse éclairant l’arrière-plan sans cependant illuminer l’avant-plan.

Enfin, que dire de cette transformation d’une maison de banlieue en usine à gaz ?

D’une manière générale, les tableaux d’Alain Bubex tournent autour de deux thématiques ; l’architecture et les moyens de transport, automobiles en particulier. Mais disons également que c’est le contraste entre la modernité réaliste et la nature réelle des rues, paysages ou autre objet, qui l’intéresse. Ce mélange surprenant entre la photo et la peinture donne une vision décalée qui interpelle le spectateur et l’oblige à entrer dans la poésie du mélange.  

17/10/2014

La leçon de piano

L’enfant entame le morceau avec assurance, ferveur et un semblant de délié des doigts qui lui donne assurance. Tout d’un coup, la panne. Il reprend, toujours aussi vite, avec la même détermination. Même échec de la mémoire automatique des gestes. Il s’arrête, ne dit rien, tente de se remémorer la succession, non pas des notes, mais des mouvements de doigts, reprend plus lentement, mais toujours sans penser à regarder les notes qui se trouvent sous ses yeux, imprimées sur l’album. Blocage !

Il faut alors reprendre patiemment le cheminement mental de la lecture de la note à l’écoulement des sons qui s’enchaînent harmonieusement. Comme il est difficile de lire ces ronds pourvus de queue, qu’ils soient noirs ou blancs, perchés entre deux lignes ou à cheval sur l’une d’entre elles. Voyons… Et l’enfant recompte à partir de la ligne du bas… Sol ? La ? Fa ? Bien sûr vous ne l’aidez pas en lui disant oui ou non. Il faut qu’il trouve, qu’il se souvienne de la visualisation de la ligne et du rond. Cela dure… Quel lent apprentissage, quel effort à produire dans un abstrait en dehors de tout son revigorant la motivation. Comment passer de cet apprentissage épuisant pour les neurones à cet enchantement de la mélodie ? C’est un bien grand mystère à reproduire à chaque nouveau morceau. Comment s’enclenche dans cette tête brune, concentrée, le fil ténu d’une continuité de la mélodie ? Mystère. Tout se passe hors de votre contrôle. Un jour, huit jours ou quinze, tout se déroule avec aisance comme par enchantement. La complainte se déploie, frappée avec régularité, dans un automatisme sans faille, peut-être un peu trop mécanique, dans un style de machine à écrire. Ça y est.. On peut passer à l’expression, une phase plus complexe, car la maîtrise de la puissance des sons et du moment de leur frappé est plus complexe que le déroulé mécanique d’une mélodie. Là, marquer un ralentissement avant d’énoncer la note qui produit la douceur attendue ; ici, atténuer l’émission du son en caressant le clavier sans attaque, puis, à cet endroit, au contraire, mettre un contraste qui vous soulève le cœur et le porte aux nues.

Mais quel bonheur lorsque tous ces ajustements faits, l’élève se concentre et joue pour lui, sans plus s’occuper de votre propre impression, le regard sérieux, comme voyageant dans un paysage merveilleux que les sons diffusent. L’esprit de la musique l’atteint, le soulève et le laisse s’envoler vers d’autres cieux, ceux de la félicité de la musique. Et c’est vraiment un autre monde !

16/10/2014

Enfantement

Chaque cellule s’organise pour accepter ces rondeurs. Au centre, la vie se prépare, mathématiquement. Est-ce possible ? 

1-14-01-08 Ronde.jpg 

15/10/2014

Ange

Quelle expression ! Il est aux anges.
Serait-il confit de sucre et d’olives
Dans un sourire figé et malheureux
Comme le chevalier du ciel

Certains en font le saut
Ils s’élancent de la falaise
De leurs idées préconçues
Et plongent dans la folie

D’autres, en cheveux fins
Enlacent leur possession
D’un filet protecteur
Pour mieux les conserver

Les anges de mer
Planent dans les eaux
Et font de l’ombre
Aux plongeurs ensommeillés

Ils se mangent également
Ces fins vermicelles argentés
Flottant dans leur potage
Comme des bras de poulpe

Peut-être vivront-ils assez longtemps
Pour entreprendre l’estomac
Et vous courber en deux
Dans une crampe dithyrambique

Avec une patience d’ange
Elle contourne le viril
Et le retourne sur le gril
Pour convertir son égo

Les enfants comme les anges
Volent en paquets rieurs
Ils s’amusent de l’effroi
Qu’ils causent inconsciemment

Parfois même, ils se moquent
Des remontrances outragées
Que font dans le village
Les guetteurs de scandale

Pourtant ils existent ces anges
Qui protègent la victime
De l’inlassable opprobre
Des veilleuses à la fenêtre

Mon ange s’exclame la mère
Mais ange est-il celui-ci
Qui court en sabots
Dans la neige de l’innocence

L’ange est fidèle et serein
Il ne cache pas sa préférence
Pour le meilleur de l’homme
Il l’enrobe de ses bras protecteurs

Certains cependant se sont révoltés
Et on acquit l’indépendance
Mais pour quoi faire ?
Ils errent dans le noir et le froid

Déchus, ils recherchent compagnie
Et tendent leur bâton sucré
A ceux qui méditent en silence
Sans savoir vers quoi pencher

Les quatre cavaliers de l’Apocalypse
Ministres de la vengeance divine
Epuisent en rond leurs montures
Pour assurer une victoire amère

Mais il est des anges féminins
Qui font craquer l’homme quel qu’il soit
D’un regard assuré et d’une caresse maligne
Le cœur retourné, le baiser sur la bouche

L’ange de lumière ne se dévoile
Qu'à ceux qui se laisse aller
Dans les bras de l’absence
En toute innocence

Toi, mon ange,
Qu’es-tu pour m’attirer à toi
Ouvrir mon âme asséchée
Et la couvrir de baisers ?

© Loup Francart

14/10/2014

desideri

http://www.youtube.com/watch?v=nVjh-oY0hek


 

Quel chant ! Il ouvre le corps en deux et le projette dans l’espace et le temps et vous vous laissez écarteler, déchirer jusqu’à ne plus être que cette nostalgie délibérée qui vous agresse et vous conduit à l’absence. Vous êtes envoûté et seul un changement de ton, le son frêle du piano vous ramène à la vie tout en vous laissant un goût amère dans la bouche.

C’est un poème de Konstantinos Kavafis (1863-1933) que chante Kyriacoula Constantinou. Il s’éteint comme il est venu, avec insistance et bienfaisance et est remplacé par le silence non pas de l’oubli, mais de la mémoire qui se cherche sans parvenir à savoir d’où est sorti le chant.

13/10/2014

Vernissage

Quelle confusion. Que de monde tournant en rond, le nez en l’air, l’air égaré. Ils regardent sans voir réellement et ceux qui voient réellement sont dérangés. Où va le regard ? Doit-il partir vers la droite comme le suggère l’assemblage cubiste qui semble monter vers eux. Mais lorsqu’il remonte vers la gauche, il constate un mouvement inverse qui le conduit à penser que le monde bascule. Alors il tente un coup d’œil d’ensemble. Quelle montagne tortueuse qui ne tiendrait pas debout dans la réalité. Peindre en deux dimensions pour donner l'illusion de trois dimensions c’est pourtant l’enfance de l’art. La perspective a été inventée pour tromper l’œil et lui donner une assise confortable alors qu’elle permet des positions d’objets impossibles dans la réalité. C’est pourquoi tous ces visages, toutes ces mains, toutes ces jambes se mélangent dans la pensée et font de vous un fourre-tout où se mêlent souvenirs des uns, reconnaissance des autres, identification de nouveaux visages, caresse lente  et sourde d’une valse d’images qui tournent autour d’un axe, celui de vos rêves et de vos cauchemars.

Dans le même temps vous prenez du recul, vous vous rendez au point de fuite de toutes ces perspectives et vous contemplez avec étonnement  ces trois pièces qui s’enfoncent dans l’immeuble jusqu’au confortable nid douillet de vos certitudes. Lui, connu il y a quarante ans, qui n’a pas changé, toujours rieur et moqueur, content de lui malgré son manque d’envergure. Lui encore, grand, qui se voûte quelque peu, dont le sourire sympathique s’ouvre sur un visage anguleux et dont le regard semble devenu las. Ne voit-il que la laideur du monde ou les profondeurs ailées des parts de ciel que donnent les tableaux ? Elle qui sût charmer de sa voix d’or mes oreilles musiciennes, mais dont le visage est toujours découpé en lamelles divergentes. L’autre devenue plus femme que femme, couverte de bijoux et passablement maquillée, riant fort sans remarquer les regards désapprobateurs. Toutes ces images, tous ces sons, toutes ces impressions, sentiments, réminiscences, en même temps, en un même lieu, dans cette grotte devenue l’impact du monde pour un moment, le lieu d’un formidable raccourci, comme un regard de fin qui se prolonge à l’infini.

Vous êtes passé derrière les tableaux, dans cette perspective cachée des yeux du passé et de l’avenir, là où plus rien ne vous touche, ne vous étreint, ne vous bouscule. Dans ce calme étonnant du passage, vous restez froid, l’œil ouvert, l’ouîe en éveil, la main en l’air comme pour saluer une dernière fois votre être qui se pavanne immanquablement secoué de rires et de sanglots. Adieu chers amis, je pars dans le pays des songes, je m’élève ou je m’enfuis dans les profondeurs terrestres. Bref, je m’éloigne de ces préoccupations bavardes pour redevenir l’être perdu, vierge et tendre tel un champignon hallucinogène.

12/10/2014

Une lettre à Tchékov

http://vivelamagie.com/actualite-titre-Une_belle_illusion_en_noir_et_blanc-nid-99-al-56bb18f95a613-rg-370195_3.html

Changer juste son regard et re-découvrir un tout autre univers grâce aux Gravity Sisters et la musique de Maria Bonzanigo. Étonnantes femmes aux capacités hors du commun (eh eh eh) à découvrir dans cette vidéo. Découvrez la Compagnie Finzi Pasca par le biais de cet extrait de pièce magique écrite et mise en scène par Daniele Finzi Pasca avec Bruno Lima, Felipe Arruda et Chicao da Katinha. 

Les deux comédiennes sont Veronica Melis et Béatriz Sayad. Ce petit morceau est extrait d'une pièce : "Donka, une lettre à Chekhov".

Quelle belle illusion, poétique et drôle, d’un naturel qui fait sourire les gens non guindés et que dédaignent les serre-fesses. Voilà un vrai spectacle !

Compagnia Finzi Pasca est une compagnie italienne qui tourne dans le monde entier avec des créations foisonnantes totalement magiques et féeriques. Cette compagnie se caractérise par une constante recherche d'esprit créatifs, imaginatifs avec toujours ce regard que nous aimons au Festival, ce petit pas de coté pour voir autrement cette réalité étonnante et magique sans oublier une petite pointe d'humour indispensable.

11/10/2014

Moi et Toi

Moi et Toi. Qui de nous deux ?
Serais-tu celle que je suis ?
Suis-je celui que tu es ?

Nous sommes deux ou un
Selon le cas, selon l’heure.
La nuit, dans l’obscurité,
Je prends ta main pour la mienne.
Tu me caresses le visage
Et ton souffle veille sur mon corps.
Enveloppé de douceur
Je ne sais plus où je suis.
Suis-je même encore moi-même ?

Je m’approche de ton être.
Tu deviens ce que je suis
Et je suis ce que tu es.
Ensemble nous marchons
Dans notre tête enrubannée
Et portons haut et fort
Notre volonté de vaincre
Ceux qui ne savent pas
Qu’ils sont un en étant deux.

Moi et Toi. Qui sommes-nous ?
Nous sommes l’un multiple
Et rien ne nous détachera.

Si ! Sans doute… la mort.
Mais qu’est-elle finalement
Au regard de l’amour.

© Loup Francart

10/10/2014

La volonté est-elle toujours positive ?

Staline : « Quelle est, camarade Jdanov, la première propriété d’une volonté ? »

Jdanov se tait et Staline répond : « Sa liberté. Elle peut affirmer ce qu’elle veut. Passons. La vraie question est celle-ci : il y a autant de représentations du monde qu’il y a de personnes sur la planète ; cela crée inévitablement du chaos ; comment mettre de l’ordre dans ce chaos ? La réponse est claire ; en imposant à tout le monde une seule représentation. Et l’on ne peut l’imposer que par une seule volonté, une seule immense volonté, une volonté au-dessus de toutes les volontés. Ce que j’ai fait, autant que mes forces me l’ont permis ; Et je vous assure que sous l’emprise d’une grande volonté les gens finissent par croire n’importe quoi !

Milan Kundera, La fête de l’insignifiance, Gallimard, 2013

 

Le personnage de Staline dans ce roman de Kundera reflète bien la définition du dictionnaire : « Faculté de l'homme de se déterminer, en toute liberté et en fonction de motifs rationnels, à faire ou à ne pas faire quelque chose ». Et si l’on va plus avant dans le texte ci-dessus comme dans le dictionnaire, une autre définition apparaît aussitôt : « Décision ou détermination ferme de l'individu d'accomplir ou de faire accomplir quelque chose ».

Dans le premier cas, la définition est positive et donne à l’homme le moyen de s’accomplir grâce à sa volonté. Dans le second cas, elle peut devenir négative et plonger l’homme dans l’esclavage mental. C’est la différence entre l’argumentation et la manipulation. L’argumentation est une forme d’expression visant à convaincre un autre de la justesse d’une idée. Elle laisse cependant libre celui qui la reçoit. La manipulation vise à contraindre un autre à adopter une idée en utilisant des moyens de pression divers.

Alors que chacun de nous s’interroge sur sa volonté vis-à-vis des autres, même sous le prétexte de faire le bien. L’enfer est bien pavé de bonnes intentions.

09/10/2014

Expériences de mort imminente

https://www.youtube.com/watch?v=Hxs7WPaBiZo

Intéressant montage sur des expériences de mort et de retour à la vie. Un voyage hors du monde, reconstitué par des expériences multiples sur lesquelles la science s’est penchée. Mais ce qui est encore plus intéressant est l’explication que tente d’en donner l’Institut national de recherche sur le cerveau aux Pays-Bas.

Le promoteur de cette nouvelle théorie distingue le cerveau, cette masse matérielle blanche et grise, de l’esprit, le bio-ordinateur électrochimique de la psyché subjective. L’esprit n’est pas indépendant du cerveau, mais il est également en relation avec un autre plan. Il estime que le monde physique n’est que la surface d’une réalité plus profonde comme la surface de l’océan sur laquelle nous flottons lorsque nous sommes en bateau. Les profondeurs de la pensée nous réservent encore bien des surprises, comme les profondeurs de l’océan.

Certes, la théorie ne va pas plus loin. Elle entrouvre une porte sans que l’on puisse pénétrer à l’intérieur. On perçoit une fente qui n’explique rien, mais qui dévoile une autre réalité. Est-ce une région du cerveau qui permet ce voyage ou autre chose ? La science ne le sait, pour l’instant. Mais quel pas par rapport à ce que les scientifiques pensaient il y a encore peu de temps.

08/10/2014

Dans le jardin de l’ogre, roman de Leïla Slimani

Elle veut être une poupée dans le jardin de l’ogre. Elle ne réveille personne. Elle s’habille dans le noir et ne dit pas au revoir. Elle est trop nerveuse pour sourire à qui que ce soit, pour entamer une conversation amicale. Adèle sort de chez elle et marche dans les rues vides. (…) Elle ramasse sur le siège en face d’elle un journal daté d’hier. Elle tourne les pages. Les titres se mélangent, elle n’arrive 143-10-07 Dans le jardin de l'ogre.jpgpas à fixer son attention. Elle le repose, excédée. Elle ne peut pas rester là. Son cœur cogne dans sa poitrine, elle étouffe. Elle desserre son écharpe, la fait glisser le long de son cou trempé de sueur et la pose sur un siège vide. Elle se lève, ouvre son manteau. Debout, la main sur la poignée de la porte, la jambe secouée de tremblements, elle est prête à sauter. (…) « Adèle… » Adam sourit, les yeux gonflés de sommeil. Il est nu. « Ne parle pas. » Adèle enlève son manteau et se jette sur lui. « S’il te plaît. »

Adèle se rhabille et lui tourne le dos. Elle a honte qu’il la voie nue. « Je suis en retard pour le travail. Je t’appellerai. » Comme tu veux, répond Adam.

Pourtant Adèle est mariée à Richard, médecin, et a un petit garçon de trois ans, Lucien. Ils semblent heureux. Elle aime son mari, son mari gagne bien sa vie, mais il n’est pas porté sur la chose. De plus, Adèle n’aime pas son métier. Elle hait l’idée de devoir travailler pour vivre. Elle n’a jamais eu d’autre ambition que d’être regardée. Alors elle cherche les hommes et, en premier, son patron. Elle a passé ses lèvres sur sa langue, très vite, comme un petit lézard. Il en a été bouleversé. La salle de rédaction s’est vidée, et pendant que les autres rangeaient les gobelets et les mégots éparpillés, ils ont disparu dans la salle de réunion, à l’étage. (…) Elle l’avait désiré pourtant. Elle se réveillait tôt chaque matin, pour se faire belle, pour choisir une nouvelle robe, dans l’espoir que Cyril la regarde et fasse même, dans ses bons jours, un discret compliment. (…) A quoi servait de travailler maintenant qu’elle l’avait eu ?

Mais un jour, Richard apprend cette double vie. Que va-t-il faire ? La répudier, continuer comme si de rien n’était ? Faire une scène mémorable ?

Malgré tous les efforts de Richard, elle dérive, elle plane dans son addiction. Il a attendu sur le quai. Elle n’était pas dans le train de quinze heures vingt-cinq. (…) Richard quitte la gare. Il est en apnée, affolé par l’absence d’Adèle, rien ne parvient à le détourner de son angoisse. (…)

Ça n’en finit pas, Adèle. Non, ça n’en finit pas. L’amour, ça n’est que de la patience. Une patience dévote, forcenée, tyrannique. Une patience déraisonnablement optimiste.

Nous n’avons pas fini.

Reviendra-t-elle ? Nul ne le sait. Le roman se termine ainsi, dans l’incertitude d’une guérison d’Adèle. Malgré les efforts de Richard, malgré l’amour qu’elle porte à son fils. Mais les aime-t-elle réellement ? Ne joue-t-elle pas la comédie d’une femme belle et heureuse ? Ne préfère-t-elle pas cette brutale montée de sang dans son corps qui l’emmène loin de toute raison ?

Non, ce roman n’est pas un beau roman. Dans un style froid, impersonnel, il raconte une histoire crédible jusqu’à un certain point. Oui, elle est crédible cette femme qui ne sait comment vivre. Mais dans le même temps vouloir nous faire croire qu’elle est normale, qu’elle aime son fils et même son mari, cela devient inacceptable. Le récit s’empêtre dans des contradictions et jusqu’au bout on ne sait où il va. La porte ouverte sur l’inconnu, le roman sombre dans une disparition qui a un arrière-goût d’affaire de mœurs.

07/10/2014

Elle avait des bagues

Elle avait des bagues plein les doigts
Peut-être pour cacher leur fragilité?
Des bagues en poils d’éléphant.
D’autres en eussent fait un manteau,
Le chameau est si commun.
Il eut sans doute été trop lourd
A soutenir par la tige d’acier
Où repose la pyramide de verre.
La tête, comme les doigts, entourée de bagues
Se tisse une couronne d’innocence volontaire.

© Loup Francart

06/10/2014

Irish Tune from county Derry, de Percy Grainger

http://www.youtube.com/watch?v=Pff-UtLsqDU


 

Une très belle pièce romantique qui commence par une phrase très simple reprise plusieurs fois : trois notes qui montent, puis la quatrième qui meurt lentement dans quatre accords de reprise du thème. C’est une promenade un soir d’été au bord du fleuve. L’eau coule lentement et on assiste à la tombée de la nuit, interminable. Cela vous serre le cœur, mais sans tristesse, comme une indifférence froide. On se serre les uns contre les autres, attendant le noir qui monte patiemment. Il est là et l’on s’endort sans même s’en rendre compte, heureux de cet intermède qui fait oublier la chaude journée. Départ vers le rêve, un rêve caressant comme un chat.

 

05/10/2014

Kagemu : ombre et lumière

Beaucoup de bruits, des effets de manches, mais, malgré tout, une belle prestation.

04/10/2014

Rappel

Affiche Expo le SdA A4-2.jpg

03/10/2014

Qu'es-tu, toi qui n'es rien

Qu’es-tu, toi qui n’es rien ?
D’où viens-tu, toi qui n’as pas été ?
Où vas-tu, toi qui deviens tout ?

Je me cherche à l’extérieur de moi-même
Je me trouve derrière la frontière
Elle est de verre, invisible, incolore
Je la trouve en un clin d’œil
Mais cette enveloppe est vide
Et d’une richesse infinie
Rien ne vient la troubler
Enfermé dans cette coquille de noix
Je promène mon inexistence
Au-delà des planètes et des galaxies

Tu es ce que je ne suis pas
Je suis de chair et d’os
Tu me donnes l’inexistence
Un être sans squelette
Je flotte entre les strates
Des univers cloisonnés
La lumière se dévoile
Et me rend aveugle

Oui, qui est-il lui qui est tout ?

© Loup Francart

02/10/2014

L'amour divin

L’amour humain est une impulsion qui vient d’en bas, de la matière et indirectement de l’énergie divine contenue en toutes choses. Cette énergie s’adresse à l’homme matériel. Elle peut le porter à se surpasser lui-même, puisqu’elle retourne à Dieu par l’homme. Mais cet amour est une énergie incontrôlable. Il transforme, mais nous n’en sommes pas maîtres. En revanche, l’amour spirituel envoyé par l’Esprit n’exclut personne. Il s’adresse à tous sans distinction d’affinité. L’homme empli de l’Esprit dilate son cœur  et y inclut le monde. Toute chose, toute personne, est en lui individuellement comme le plus bel objet, le plus bel être. Cet homme ne possède rien, et dispose de tout. Il déborde d’amour pour son ennemi et voudrait lui venir en aide, lui donner la joie débordante qui l’habite.

Devenu transparent, il est le monde et plus que le monde. Il apporte à chacun sa part de lumière.