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17/10/2014

La leçon de piano

L’enfant entame le morceau avec assurance, ferveur et un semblant de délié des doigts qui lui donne assurance. Tout d’un coup, la panne. Il reprend, toujours aussi vite, avec la même détermination. Même échec de la mémoire automatique des gestes. Il s’arrête, ne dit rien, tente de se remémorer la succession, non pas des notes, mais des mouvements de doigts, reprend plus lentement, mais toujours sans penser à regarder les notes qui se trouvent sous ses yeux, imprimées sur l’album. Blocage !

Il faut alors reprendre patiemment le cheminement mental de la lecture de la note à l’écoulement des sons qui s’enchaînent harmonieusement. Comme il est difficile de lire ces ronds pourvus de queue, qu’ils soient noirs ou blancs, perchés entre deux lignes ou à cheval sur l’une d’entre elles. Voyons… Et l’enfant recompte à partir de la ligne du bas… Sol ? La ? Fa ? Bien sûr vous ne l’aidez pas en lui disant oui ou non. Il faut qu’il trouve, qu’il se souvienne de la visualisation de la ligne et du rond. Cela dure… Quel lent apprentissage, quel effort à produire dans un abstrait en dehors de tout son revigorant la motivation. Comment passer de cet apprentissage épuisant pour les neurones à cet enchantement de la mélodie ? C’est un bien grand mystère à reproduire à chaque nouveau morceau. Comment s’enclenche dans cette tête brune, concentrée, le fil ténu d’une continuité de la mélodie ? Mystère. Tout se passe hors de votre contrôle. Un jour, huit jours ou quinze, tout se déroule avec aisance comme par enchantement. La complainte se déploie, frappée avec régularité, dans un automatisme sans faille, peut-être un peu trop mécanique, dans un style de machine à écrire. Ça y est.. On peut passer à l’expression, une phase plus complexe, car la maîtrise de la puissance des sons et du moment de leur frappé est plus complexe que le déroulé mécanique d’une mélodie. Là, marquer un ralentissement avant d’énoncer la note qui produit la douceur attendue ; ici, atténuer l’émission du son en caressant le clavier sans attaque, puis, à cet endroit, au contraire, mettre un contraste qui vous soulève le cœur et le porte aux nues.

Mais quel bonheur lorsque tous ces ajustements faits, l’élève se concentre et joue pour lui, sans plus s’occuper de votre propre impression, le regard sérieux, comme voyageant dans un paysage merveilleux que les sons diffusent. L’esprit de la musique l’atteint, le soulève et le laisse s’envoler vers d’autres cieux, ceux de la félicité de la musique. Et c’est vraiment un autre monde !

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