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30/10/2014

Ne pars pas avant moi, roman de Jean-Marie Rouart

Le dernier chapitre éclaire le livre et le résume. L’orage. Eclatera-t-il  ou se contentera-t-il d’agacer les nerfs ? L’auteur condense en une description des aléas de la nature celle d'une vie qui semble familière, mais dont les plis recèlent de multiples réminiscences. Je pense à Berthe Morisot, qui a écrit dans ses carnets la phrase la plus belle et la plus désolée qu’on puisse confier à soi-même quand on s’apprête à quitter le monde : « Mon ambition se bornerait à fixer quelque chose de ce qui se passe ; quelque chose, la moindre des choses ; une attitude de Julie, un sourire, une fleur, un fruit, une branche d’arbre et, quelques fois, un souvenir plus spirituel des miens, une seule de ces choses me suffirait. » J’ai l’impression d’appartenir comme elle à cette race qui se désespère de ne trouver rien qui lui apporte la preuve de son existence, sinon en la mettant en peinture ou en mots. Ces mots capables de façonner les visages et les paysages, il me semble qu’ils me relient à la seule vie par laquelle j’existe. (…) Qu’est-ce qui demeure encore ? (…) Quel sens, tout cela ? (…)  

Le soleil réapparaît éclairant le cap Corse, effaçant le souvenir de l’orage. Un petit nuage rose à même l’impudence de gambader au-dessus de l’horizon. Je regagne ma chambre. Un message de Jean d’Ormesson m’attend : « Ne pars pas avant moi. »

Ainsi s’achève ce roman autobiographique, fait de morceaux de vie de l’adolescence à la vieillesse qui n'est qu'évoquée dans ce dernier chapitre. L’auteur se dévoile tout en s’interrogeant sur les mystères du destin. Un jeune homme lointain et proche, qui vit l’amour avec ironie et qui conte ses rencontres avec le sérieux qu’il semble attacher au côtoiement des grands de ce monde, en particulier de la littérature.

Qu’en retenir ? L’évocation de ses conquêtes. D’abord Solange qui le trompe, mais qui l’aime malgré son mariage, Sara qui abandonne ses futilités pour le rejoindre dans sa chambre d’étudiant et quelques autres, toutes enchantées et enchanteresses. L’évocation de ses rencontres aussi, avec Vergès, Cardin, Nourrisier, l’écrivain du désenchantement du monde, mais surtout Jean d’Ormesson, l’écrivain fétiche du jeune homme qu’il était et qu’il veut nous faire croire qu’il est toujours.

Cette dernière évocation donne le style du livre. Oui, il est merveilleusement écrit, plein de descriptions oniriques et d’extases sur cette vie de rencontre, promenade dans les salons littéraires quelque peu compassés. Car si le style est enchanteur, les enchantements décrits restent très personnels et font preuve d’un certain contentement de soi. Il se décrit comme un être rejeté parce qu’il a raté son bac ; J’avais dix-sept ans. Ce soir-là, je n’attendais rien de la nouvelle année. Pourtant j’en attendais tout. J’avais peur de m’enliser dans une existence grise et banale et, au fond de moi, j’étais gonflé d’espoir. (première page du livre qui en donne la trame). Mais il fait apparaître son contentement dans les descriptions de cette vie bourgeoise, riche matériellement et intellectuellement.

A la manière de Jean d’Ormesson, Jean-Marie Rouart est un enchanteur qui tourne sur lui-même, y revient sans cesse et se délecte dans ce mélange de réalité et de fiction, d’impressions et de descriptions, de liberté et d’obligations.

Ecoutez-le et vous comprendrez :

http://www.youtube.com/watch?v=VEAaG9t7yQ0&feature=player_embedded


02/09/2012

Chers disparus, de Claude Pujade Renaud

 

Leurs chers disparus sont Jules Michelet, Robert Louis Stevenson,écrivains,littérature,écriture,histoire Marcel Schwob, Jules Renard ou Jack London. Les héroïnes sont les veuves de ses écrivains. Elles décrivent leur vie au côté du grand homme et ont en commun de poursuivre le travail de leur mari. Non, il ne s’agit pas de poursuivre ses écrits, mais de les trier, classer, organiser, publier les œuvres inédites, voire les œuvres complètes. Non, ce n’est pas un livre de bibliothécaire, ni de chercheur. C’est la vie de plusieurs femmes, subjuguées par leur cher mari, grand écrivain.

Au-delà de cette sommaire description de ce que représente le livre, je n’ai aimé que le premier récit, intitulé La jolie morte. Athénaïs Mialaret ose adresser une lettre à l’historien connu dans toute l’Europe. Très vite, elle se retrouve mariée, entre l’auteur et sa famille, une belle-mère, une fille et son mari. Ce n’est pas un récit organisé chronologiquement. Ce sont des impressions, des événements qui ont marqué soit leur vie en commun, soit sa vie après la mort de Michelet, dont la rencontre d’Emile-Antoine Bourdelle, sculpteur, soit aussi des événements de sa vie de jeune fille. Elle parle de l’amour de Michelet, parfois de manière crue, voire érotique. Elle raconte ses recherches sur les manuscrits de son mari. Elle découvre que dans son journal, Michelet parle d’elle et de leur vie intime :

A soixante-quatre ans, il se livre à une étude comparée de ses deux épouses. Pauline faisait jouir en jouissant beaucoup. Avec Athénaïs, il goutte l’exquise volupté qu’on a d’entrer dans un esprit. A-t-il rêvé d’une femme alliant les deux registres ? Je n’en suis pas certaine. Ma pureté, ma perpétuelle virginité, voire mon air de première communiante lui plaisaient, le stimulaient, je crois.

Elle déclare à ses amis qu’elle est moins la veuve de Jules Michelet que son âme attardée, un prolongement de lui-même qui veille à la publication intégrale de son œuvre. Enfin, elle signe le bon à tirer du quarantième volume. Sa tâche est achevée.

Le récit est intéressant, ses souvenirs sont vifs, amusants parfois, malgré les répétitions voulues concernant ses maux et leurs conséquence sur leur rapport avec Michelet.

 

Les autres récits de chacune des femmes des auteurs cités sont une répétition de ce premier récit. Certes différents, mais qui racontent leur histoire avec les mêmes détails, les mêmes thèmes. L’ennui s’installe assez vite. Toutes ses vieilles femmes entourées de leurs chats, parlant de leurs maux, finissent par lasser.

L’histoire de la femme en elle-même disparait devant les histoires de famille et l’évocation du grand homme. La femme s’annihile, malgré ses souvenirs.

Dommage !