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13/10/2018

Ephistole Tecque (10)

Ignorant quelle attitude il devait adopter, Ephistole lui avait montré quelques cailloux pesants et lui avait fait remarquer les nervures bleutées ainsi que l’imperceptible bosse dans le contour quasi symétrique des deux pôles. Il avait rapproché sa tête de la sienne pour mieux lui faire percevoir la particularité de la pierre, puis avait déposé le caillou sur le meuble qu’il avait devant lui. Il avait vu ce corps abandonné, inerte comme la matière du caillou, et l’avait porté sur le lit pour qu’il s’éveille, se meuve, s’essouffle avec une ardeur jusque-là insoupçonnée. Il s’était longtemps souvenu de ce visage aux yeux clos, les lèvres légèrement entrouvertes, le cou tendu rejetant en arrière le menton, comme si cette extension de la tête eut mieux permis la tension du corps, de la gorge offerte et des jambes entrouvertes. Souvenir plus tactile aussi de cette zone de chaleur moite qu’il avait découvert d’une caresse descendant de la forme symétrique des seins vers la forme plus apaisante et maternelle du ventre. Il se souvenait aussi, et ce souvenir évolua au fil des diverses expériences qu’il avait pu faire par la suite, d’un cri, ou deux, inhumain, presque animal, bestial dirais-je, suivi d’un long et profond soupir rauque et enfin d’une sorte de halètement apaisé comme celui du coureur à pied quelques instants après avoir passé la ligne d’arrivée.

Plaisir simple, me direz-vous, si simple qu’il semble naturel et que par là même il peut être classé parmi ces plaisirs anodins dont vous nous avez parlé plus haut. Peut-être ? Mais qui d’entre nous n’a jamais éprouvé à cet instant son illusoire puissance. Ephistole, comme vous, crut un temps avoir atteint une sorte d’idéal écologique et social. Puis son exaltation s’était faite de plus en plus brève, jusqu’à ne plus être par la suite qu’une sorte d’indifférence vis-à-vis de ces fonctions intimes. Il avait alors espacé ces moments de plaisir pour être à même d’en goûter plus profondément le charme illusoire.

09/10/2018

Ephistole Tecque (9)

En dehors de ces plaisirs anodins, tel celui de la collection de cailloux, Ephistole avait cherché, ou plutôt avait trouvé par hasard, sans même en avoir ressenti le besoin puissant, sans même avoir sciemment puisé à cette force venant du bas-ventre et qui fait de nous pour quelques instants un être vulnérable, un plaisir nouveau, plus personnel, plus humain peut-être ou tout au moins plus biologique, le plaisir de l’amour. Il ne semble pas pourtant, à bien observer Monsieur Tecque, qu’il ait connu l’amour, c’est-à-dire cette communion intime de l’esprit et du corps avec l’autre face de votre moule, mais plutôt ce qu’on a coutume d’appeler le plaisir de la chair, plaisir de consommation, à la mode de notre époque, seul plaisir où la production vient après la consommation.

Ce plaisir, il l’avait en fait pris parce qu’il le fallait, comme une nécessité biologique. Il lui avait été offert par une de ces jeunes filles, jeune peut-être, fille sûrement pas, qu’il vous a probablement été donné de rencontrer un soir, alors que la solitude vous pesait ou que la compagnie d’une femme quotidienne vous fût à ce moment insupportable. Vous l’avez sans doute rencontrée dans un café bruyant, illuminé, trop, par des lustres de cuivre jaune, assise devant le bar, devant un verre, devant le garçon du bar avec qui elle semblait en excellent terme. Et vous-même vous asseyant sur le seul tabouret libre comme par hasard à côté d’elle, vous-même commandant par une étrange ironie du sort le même breuvage glacé et répondant par politesse à l’une de ces questions idiotes qu’elle a l’habitude de poser pour engager la conversation, jusqu’à ce qu’enfin, las de discourir, vous avez proposé à cette jeune fille de lui montrer votre collection de cailloux et qu’elle vous ai répondu bêtement qu’elle avait également dans sa jeunesse collectionnée les timbres. Alors elle vous avait suivi, ou plutôt vous l’aviez précédé comme le fit d’ailleurs Ephistole jusqu’à votre chambre un peu sale, désordonnée, que vous vous êtes efforcé de ranger en quelques secondes dès votre arrivée et en particulier le lit sur lequel vous aviez laissé traîner une pile de linge.

03/10/2018

Être

 

« Je suis celui qui est »

 Ramener toute chose à l’être, car, s’il n’y avait pas d’être, il n’y aurait pas de pensée.

C’est pourquoi il est nécessaire de se dire en face de chaque personne : « Il est », de la même manière, avec la même intensité que l’on se dit : « Je suis ».

En poursuivant cette démarche, on en viendra à dire :

« Je suis parce qu’il est ».

 

01/10/2018

Ephistole Tecque (7)

Ce n’était pas cependant qu’Ephistole n’aima rien et n’éprouva pas de plaisir, quel que fut l’objet de ses divertissements. Mais ce plaisir, cette petite joie qu’on éprouve chaque jour à propos d’un rien, il la considérait comme normale, faisant partie de sa vie, se mêlant dans l’ordre logique des choses aux déceptions et déboires habituels. Il se laissait aller entre deux eaux, sans effort de sa part, comme un noyé qui, après avoir rempli ses poumons d’eau, s’est aperçu qu’il est impossible de respirer en subtilisant à l’eau trouble les quelques bulles d’oxygène qu’elle transporte. Sa seule préoccupation était de s’attacher à rester aux abords de cette ligne de démarcation impalpable, mais sensible, qui sépare les eaux en fonction de leur densité.

En fait, ses plaisirs n’étaient que passagers et plus dus à certaines circonstances extérieures qu’à une véritable conviction personnelle de leur agréable possibilité et des bienfaits qu’ils pourraient lui procurer de façon durable. Il prenait le plaisir comme il venait, inéluctablement, avec la simplicité de l’acceptation, car aucun détachement ne s’y mêlait (si ce n’est une sorte d’inertie à participer). Il le laissait repartir, non pas comme un être anormalement repu de jouissances de toutes sortes, mais comme s’il acceptait l’ordre inévitable du temps, ce va-et-vient continuel de contradictions qu’éprouve chaque homme au cours de sa vie. Il avait éprouvé des plaisirs banals qui sont peut-être les seuls vrais plaisirs intimes parce qu’ils semblent parfaitement anodins et injustifiés à autrui quoique celui-ci en éprouva de semblables pour d’autres choses. C’était par exemple la collection de cailloux qu’il avait patiemment accumulée au cours de plusieurs années de recherche dans les différents lieux qui l’avaient accueilli. Elle gisait maintenant éparse dans un tiroir de son armoire, ou, pour les plus belles pièces, sous son lit, comme si la matière des cailloux eût pu lui transmettre durant son sommeil l’inertie qu’il opposait aux évènements quotidiens.

27/09/2018

Ephistole Tecque (6)

           Aussi vivait-il toujours cinq ou six ans après son installation (s’était-il d’ailleurs installé) en face de la même glace, la même armoire, dans le même lit dont le côté droit était légèrement affaissé parce qu’il y dormait plus souvent que sur le côté gauche. Et sans doute cet affaissement involontaire était-il une des seules transformations de sa chambre et du mobilier, si ce n’est l’entassement continuel de revues techniques et de journaux spécialisés qui, après avoir encombré les placards, débordaient maintenant des extrémités de la pièce vers son milieu, enduits d’une légère couche de poussière.

           Madame Irmide, sa logeuse, semblait avoir trouvé dans son bon sens de matrone affable, le véritable problème d’Ephistole. A quoi bon ! Tel était souvent son dernier mot. Pour quoi faire ? demandait-il également.  Ephistole ne croyait pas à grand-chose comme beaucoup de ses congénères qu’il croisait chaque matin en se rendant à l’usine. Croire à quoi, disait-il, et d’abord qu’est-ce que croire ? Croyez-vous qu’il faille croire à quelque chose pour vivre. Certainement pas. Ce manque de croyance n’empêchait pas Ephistole de vivre, c’est-à-dire chaque matin de se lever à sept heures après avoir rêvassé dans son lit, de se raser et de se laver tout en faisant chauffer sur un petit réchaud de fonte l’eau dans laquelle il mettait un sachet de thé à infuser, puis d’enfiler son imperméable tout en buvant sa tasse de thé trop chaude, de traverser la ville, une partie de la ville dans la tiédeur du petit matin, pour ouvrir d’un geste décidé la porte de son bureau et se plonger dans d’invraisemblables calculs qui s’accumuleront dans des chemises entrouvertes sur une table.

Cette absence de désir ne l’empêchait nullement de prendre de bon appétit son déjeuner au self-service de l’usine en compagnie d’autres ingénieurs aussi peu bavards que lui. Ils échangeaient cependant, par politesse ou distraction, quelques mots sur le temps toujours aussi pluvieux et maussade ou sur des arrivages de matières premières, en retard comme à l’accoutumée. Enfin, chaque soir, malgré son absence certaine de croyance en quelque chose, il rentrait chez lui pour se déshabiller et plonger distraitement dans les draps fripés de la veille. Ainsi vivait, depuis huit ou neuf ans, Ephistole Tecque, ingénieur chimiste.

23/09/2018

Ephistole Tecque (5)

Il était né dans une de ces rues rectilignes, anonymes malgré la plaque bleue sur laquelle s’inscrit un nom à moitié effacé, dans une de ces maisons de pierres moites qui laissent en automne couler quelques gouttes de sueur accumulées pendant les fortes chaleurs de l’été, peut-être dans un de ces appartements quatre pièces-cuisine-tout-confort, où le lavabo se trouve à côté de l’évier et la baignoire à proximité du vide ordure, à moins que ce ne fût dans une de ces chambres achevant la construction verticale de l’immeuble où s’entassent à côté d’objets hétéroclites, une table et un lit dans lequel s’enfonce le soir, épuisée, une de ces bonnes à tout faire qui font tout, même des enfants naturels. Sans doute est-ce d’une de ces filles quelconques dont la seule distraction est justement de recevoir des valets de chambre plus stylés qui, malgré l’abandon de la chambre, acceptent de partager leur lit, sûrement donc est-ce de l’une d’entre elles qu’il a eu le bonheur, ou le malheur, de voir le jour pour la première fois, ou plutôt une obscure lueur qui n’avait pas grand-chose à voir avec la véritable lumière du jour. Si j’avance une telle supposition (supposition de sa naissance dans une telle chambre, entre des draps défraichis, après une journée fatigante), c’est qu’il n’y a pas d’autres moyens d’expliquer son enfance à l’assistance publique, parmi d’autres gosses aussi éteints que lui.

Ensuite la trace d’Ephistole se perd jusqu’à l’acquisition de son diplôme d’ingénieur chimiste, quelques vingt ans après, peut-être un peu plus, peut-être un peu moins. Diplômé, Ephistole semblait partir d’un bon pied dans la vie, solidement armé pour la bataille individuelle, prêt à lutter à grands coups de chiffres et d’équations. Il manquait quelque peu d’ambition, comme si l’acquisition de son diplôme avait éteint en lui tout désir d’accéder à un niveau plus élevé dans l’échelle sociale. A quoi bon, disait-il. Peut-être était-ce là le drame d’Ephistole ? C’est du moins ce qu’avait cru comprendre sa logeuse, car à chacune de ses questions concernant l’aménagement éventuel d’une des parties des deux chambres qu’il occupait, il avait vaguement haussé les épaules et répondu : à quoi bon.

_ Vous serez mieux, Monsieur Tecque, avait rétorqué la vieille femme étonnée.

_ Croyez-vous que le fait de mettre une nouvelle glace au-dessus de mon lavabo va changer quelque chose à mon existence ? Je ne pense pas, répondait-il de sa voix lasse.

19/09/2018

Ephistole Tecque (4)

Ephistole était donc un homme tranquille. Le dimanche, quand aucun travail ne venait troubler le repos qu’on accordait bien qu’en fait il n’en éprouvât pas la nécessité, il lui arrivait d’enfiler un imperméable sur son costume de flanelle après s’être rasé d’un peu plus près que d’habitude, pour se rendre chez un ami dont la femme avait préparé à son intention quelques plats mijotés qu’il appréciait en connaisseur. Il arrivait aux environs de midi et demi après avoir traversé une partie de la ville ou même après être descendu dans ses profondeurs pour prendre le métro, praticable à cette heure. Il sonnait à la porte en tendant un bouquet de fleurs acheté la veille chez la fleuriste qui fait le coin de sa rue avec le boulevard, ou d’autres fois soutenant à la manière des garçons de café un carton enrobé de papier gonflant dans lequel se trouvaient côte à côte trois ou quatre tartelettes de cerise rouge passée. Il ne confiait jamais à cet ami d’occasion, bien qu’en fait ils se connaissent depuis longtemps, ses pensées sur l’art de vivre ou l’incertitude de la mort. Ils discourraient tranquillement un verre à la main des derniers projets de l’usine, des travaux en cours sur les grands boulevards ou encore de l’accident de la route survenu la veille (il y a toujours de tels sujets de conversation qui semblent occuper l’attention des gens, mêmes si ce qu’ils disent, ne les concerne pas).

Il repartait ensuite vers quatre heures, l’imperméable sous le bras ou légèrement entrouvert parce qu’il avait cessé de pleuvoir en début d’après-midi. Il rentrait chez lui à pied, lentement, grossissant le flot des promeneurs du dimanche qui ne se promènent que parce que c’est une nécessité ce jour-là, n’en ayant pas réellement ressenti le besoin. Si le temps était véritablement clément, il se dirigeait vers les jardins du Centre, sans doute pour voir quelques arbres à demi effeuillés ou pour sentir la terre meuble s’enfoncer sous ses pieds, ou encore pour regarder courir les enfants que les mères affolées appellent continuellement et qui paraissent sourds à toute réprimande. J’ai même pu voir Ephistole, un de ces dimanches où le soleil apparaissait pendant quelques minutes avant d’être à nouveau voilé entre les nuages, renvoyer à quelques gamins bruyants une balle venue s’égarer sous ses pieds. Mais jamais, si par hasard un des gamins renvoyait la balle dans sa direction, pour s’amuser, je ne l’ai vu renouveler ce geste du pied droit suivi d’un balancement du buste.

18/09/2018

L'arbre des possibles (2/2)

Et au fond, peut-on prétendre que l’une ou l’autre hypothèse (le séquoia ou le chêne touffu) est préférable, plus noble, plus humaine même ? Qui peut dire quelle est la meilleure part : persévérer jusqu’au triomphe (atteindre la place la plus élevée en fonction de son aptitude préférée) ou développer le maximum de possibilités en abandonnant la montée par lassitude ou envie de changement ?

Notons tout d’abord que, d’une manière générale, les attendus d’un homme ou d’une femme sont différents selon son âge. Il est possible de distinguer trois grands temps dans la vie d’un humain. Tout d’abord le temps de l’aventure, celui qui correspond à l’adolescence et au jeune adulte (16-35 ans). C’est le temps de la folie, où l’homme veut se distinguer des autres, accomplir son rêve quel qu’il soit. Cette aventure peut être orientée vers le sport, l’exploration, la mystique, la conduite des hommes et bien d’autres choses encore. Ce qui compte, c’est avant tout la passion que la jeunesse met à cet engagement. Il veut montrer de quoi il est capable. Cela marche ou non. Il s’est fait les dents aux dures réalités de la vie, mais il a pu s’exprimer et donner libre cours à ses envies. Progressivement vient le temps de la méthode, qui correspond à l’âge mûr (environ 35-60 ans). L’acquisition de la réflexion et d’une certaine connaissance conduit l’adulte à évoluer dans sa façon d’aborder le monde et de s’y distinguer. Il ne s’agit plus d’imposer sa fougue, mais de mettre en évidence sa méthode pour conduire vers une meilleure société, quel que soit son domaine d’activités. Cela lui permet de s’imposer socialement et familialement, de fabriquer son personnage social et de tisser des liens qui l’aideront à monter dans l’échelle sociale. Enfin, doit venir, plus tard, le temps de la créativité personnelle, mieux même, celui de la réalisation personnelle, c’est-à-dire le ou les grand(s) projet(s) qui ont muri progressivement au cours des temps précédents. Ce temps arrive vers 55-65 ans, peut m’être qu’un passe-temps, un hobby, la mise en valeur d’une vocation cachée, dans tous les cas un type d’engagement personnel et non plus sociétal, dans lequel l’homme exprime son être intime et le pose comme étant sa marque sur le monde. Les uns se mettent au service de leurs semblables, les autres au contraire s’enferment dans leur projet en se désintéressant de la société dans laquelle ils vivent. Ils peuvent se lancer dans des activités artistiques, des engagements dans des associations, se mettre au service d’activités familiales. C’est un monde très ouvert où il se réalise personnellement dans un domaine qui l’attire, l’occupe et lui donne un but dans sa nouvelle vie dégagée de la construction de son avenir dans la société.

Remarquons qu’il en est différemment pour la plupart des femmes pour lesquelles la nature s’impose plus vite que les hommes. Oui, de nos jours, elles vivent plus ou moins le temps de l’aventure, elles attendent et vivent avec intensité le temps de la méthode (jusque vers 45 ans) dans laquelle la réalisation sociétale passe le plus souvent par la construction d’une famille, le temps de la réalisation personnelle ne venant que lorsque les enfants ont également trouvé leur voie et se sont lancés dans leurs premières aventures individuelles.

Chaque homme et chaque femme vivent plus ou moins ces trois temps. Certains ne vivent que le premier, engagés dans leur fougue et l’aventure. D’autres esquissent ou même zappent le premier temps, s’engageant au plus vite dans le second, par manque d’intérêt pour le premier ou poussés par leur environnement social ; enfin, le troisième temps ne peut être vécu que par une préparation personnelle, encouragée au cours des deux temps précédents. Combien de personnes à la retraite voit-on démunies d’intérêts intimes qui les conduisent à une fin à la fois sociétale, sociale et personnelle.

Vivre ces trois temps à leur rythme, sans impatience ni excès, accepter le passage de l’un à l’autre comme faisant partie d’une vie bien remplie, se préparer même à ces changements en les anticipant sans cependant les déclencher en avance et choisir le moment du passage de l’un à l’autre en toute quiétude, telles doivent être la sagesse et finalement la joie d’une vie humaine bien remplie. Peu importe le barreau atteint dans l’échelle permettant de comparer les vies entre elles. Ce qui compte, c’est notre capacité à s’enrichir intérieurement de tous ces temps qui nous sont donnés pour devenir pleinement homme ou femme accompli(e).

17/09/2018

L'arbre des possibles (1/2)

Dans son livre L’identité (Gallimard, 1997), Milan Kundera évoque Chantal, l’héroïne du livre, qui reçoit des lettres anonymes aux réflexions philosophiques : En bas, elle ouvrit la boite où une nouvelle lettre l’attendait. Elle trouva un petit jardin public où elle s’assit sous l’immense ramure automnale d’un tilleul jaunissant, embrasé par le soleil. « …vos talons qui sonnent sur le trottoir me font penser aux chemins que je n’ai pas parcourus et qui se ramifient comme les branches d’un arbre. Vous avez réveillé en moi l’obsession de ma prime jeunesse. J’imaginais la vie devant moi comme un arbre. Je l’appelais alors l’arbre des possibilités. Ce n’est que pendant un court instant que l’on voit la vie ainsi. Ensuite, elle apparaît comme une route imposée une fois pour toutes, comme un tunnel d’où on ne peut sortir. Pourtant, l’ancienne apparition de l’arbre reste en nous sous la forme d’une indélébile nostalgie… »

Cet arbre des possibles de la vie d’un homme ou d’une femme naît en réalité avant même la naissance de la personne à laquelle il est associé. Il est déjà chargé du poids de l’histoire de la société et de la famille. Les possibles ne sont pas les mêmes selon les lieux, l’époque et les événements vécus autour de la personne. Ils ne sont pas non plus semblables selon le caractère hérité de sa famille. Enfin, ils dépendent de l’histoire de sa jeunesse et de ses réactions face aux aléas de la vie avant cet instant fatidique où elle se demande ce qu’elle va faire de sa vie. Kundera suggère, sans l’expliciter, que la vision de cet arbre est éphémère et que l’arbre n’atteint jamais sa maturité, restant cette perche droite et unique qui devient un tunnel, donc une prison. Est-ce si sûr ? N’avons-nous qu’un seul destin ?

Constatons d’abord que cette affirmation semble vraie. La plupart des gens choisissent un métier et s’y tiennent, malgré les déceptions et l’attrait d’autres possibilités. Cela leur donne une stabilité qui leur semble nécessaire pour accomplir leur vie dans un calme relatif, à l’abri des aléas toujours possibles. Sans doute est-ce pour cela que le fonctionnarisme a tant d’adeptes dans la population française. Dans cette prison qu’ils s’imposent à eux-mêmes, ils tentent de trouver leur liberté, se fermant progressivement les portes par leurs choix professionnels, familiaux (le mariage, les enfants…), les loisirs qu’ils pratiquent, les amis qu’ils fréquentent, etc. Pour les uns, ces choix sont libres, ils s’y tiennent et cela leur permet de construire leur vie selon leurs désirs. Pour d’autres, ces choix deviennent ligne droite, une route qui conduit vers la fin, inexorablement. Certains en sortent fiers de n’avoir pas variés, d’autres contemplent leur arbre avec nostalgie, comme le remarque Kundera.

Remarquons néanmoins qu’il existe d’autres perspectives et que certains arrivent à déployer les ramures de leur arbre sans scier les branches sur lesquelles ils sont assis. Un exemple ? Jacques Brel. Son nom me vient à l’idée parce que j’ai vu hier une émission de télévision qui racontait sa vie. Il refuse la carrière industrielle et familiale préparée par sa famille, il part à Paris et peine à s’imposer comme chanteur. Lorsque le succès est là, il abandonne la scène et tourne des films. Puis, il décide faire le tour du monde en voilier et devient, dans le même temps, pilote de bimoteur. Enfin, atteint d'un cancer du poumon, il se retire aux îles Marquises où il fait l’avion-taxi pour les populations. Nombreux sont les exemples de personnes ayant empruntées des embranchements très différents au long d’une vie chargée de rebondissements passionnés. Lesquels faut-il admirer : ceux qui n’ont qu’une route, imposée une fois pour toutes, ou ceux qui vagabondent de branche en branche et s’assiéront le soir de leur vie à l’ombre de leur chêne touffu ?

14/09/2018

Ephistole Tecque (3)

Si vous l’avez donc vu dans l’une quelconque de ces circonstances, sans doute ne vous en rappelez-vous que très vaguement et éprouvez-vous des difficultés à faire renaître l’image de son visage devant vos yeux. Etait-il petit, grand, maigre, étoffé ? Si, comme vous, je ne l’avais connu que par hasard (et on ne prend jamais assez garde aux faits qui arrivent par hasard), si je n’avais fait que le croiser, parmi d’autres personnes sans doute plus originales et par conséquent plus attirantes au premier regard, j’éprouverais également une certaine difficulté à retracer les traits réguliers de son visage, ce nez qui n’est ni trop droit, ni trop courbé, cette bouche symétrique aux lèvres vives, ce menton enfin qui donne à son visage une douceur enfantine. Peut-être me serais-je souvenu, et ce doit être votre cas si vous avez un tant soit peu levé les yeux sur lui, d’une certaine lucidité du regard, une lucidité parfois cinglante, à la limite de l’ironie. Il est possible que vous n’ayez rien vu, soit qu’il fut alors absorbé par un problème intérieur, soit qu’il fut occupé à lire son journal. Dans ces circonstances, il est de règle générale que le regard des gens ne semble pas exprimer grand-chose, si ce n’est l’attention dans le second cas, ou l’inattention dans le premier (inattention aux événements extérieurs, j’entends). Ainsi, lorsque je veux évoquer le visage d’Ephistole Tecque, ce n’est pas ce visage qui m’apparaît en premier, mais un objet qu’il regarde, un objet ordinaire qui peut être une casserole, un cendrier ou une affiche. De cet objet, je déduis le regard qu’il peut avoir, qu’il a normalement en le contemplant, bien que ce ne soit pas une véritable contemplation, mais plutôt une sorte d’arrêt dans la permanente mobilité des yeux. Puis, peu à peu, se dessine autour de ce regard le reste de son visage en commençant par les lèvres qui sont sûrement le second trait sur lequel se fixe le souvenir.

En fait, pour être franc, et je suppose qu’il en est de même pour vous, ce n’est pas son visage dont j’évoque l’image, mais plutôt une de ses attitudes, une de ces multiples photographies que nous possédons en nous-mêmes d’un être que nous connaissons un peu  où même dont la connaissance semble très ébauchée ; une de ces photographies privées de décor comme si l’être évoqué avait été transporté en plein ciel, en dehors de toute matière visible, ou encore plongé dans l’eau claire d’une piscine où il évoluerait avec aisance. Et encore, est-ce vraiment une attitude ? Ne serait-ce pas plutôt l’ébauche d’un mouvement, ou son achèvement, ou même cet état de tension musculaire et rythmique qu’impose le mouvement pendant son accomplissement. Il est possible enfin d’évoquer plusieurs phases continues d’un même mouvement, par exemple Ephistole écrivant à son bureau et dont la main après être arrivée à l’extrémité droite de la feuille sur laquelle elle trace d’irrégulières lignes revient d’un mouvement périodique à l’extrémité gauche ou plutôt à l’endroit où la marge cesse.

10/09/2018

Ephistole Tecque (2)

Il est cependant peu probable, je n’irai pas jusqu’à dire impossible, que vous ayez eu une véritable conversation avec lui, une conversation mettant en jeu de grandes idées, telle qu’une discussion sur la solitude de l’homme ou la nécessité des rencontres sociales. Ephistole n’était pas un grand parleur. Il n’aimait pas vraiment parler, sauf de son travail qui paraissait l’intéresser jusqu’à ces derniers temps. Fréquemment, et peut-être était-ce pour cela que vous ne l’avez pas rencontré si vous avez l’habitude de sortir à l’heure de fermeture des bureaux, il restait assez tard à l’usine pour parfaire la mise au point d’un nouveau projet ou pour exploiter une idée qui lui était venue avant la fin du travail. Il ne retenait personne, pas même sa secrétaire. Il préférait de beaucoup l’immobilité et le silence du bureau après les heures de travail aux moments agités qui en précédaient la fin. Renvoyant donc Sigalène, sa secrétaire, il s’installait à son bureau de bois blanc sur lequel étaient posés ses instruments de travail : quelques feuilles de papier, des classeurs contenant les projets en voie d’achèvement et plusieurs revues concernant de récentes découvertes pouvant l’aider dans ses recherches. Il s’asseyait et restait là plusieurs heures, le front soutenu par la paume tiède d’une de ses mains tandis que l’autre couvrait la page blanche de mots et de chiffres. Puis il enfilait son imperméable beige et refermait la porte derrière lui.

Certains jours où une nouvelle idée concernant les projets entassés sur son bureau n’avait pu éclairer l’après-midi, il partait en même temps que le reste des employés de l’usine. Vous l’avez peut-être vu sortir un jour par la grande porte métallique enfoncée dans le corps du bâtiment principal, perdu dans la foule des employés qui le bousculaient pour attraper le premier autobus qui passerait à proximité. Importuné, Ephistole prenait le chemin des écoliers. Il remontait lentement le large boulevard bordé d’arbres, s’arrêtant en face de quelques boutiques plus alléchantes que les autres, s’arrêtant aussi dans un bar quand il faisait plus froid pour commander le café qui lui permettrait de continuer plus agréablement cette promenade vers son domicile.

06/09/2018

Ephistole Tecque (1)

Ephistole Tecque était un de ces hommes tranquilles que vous pouvez voir chaque jour déambulant sur les trottoirs d’une ville. Vous l’avez peut-être rencontré un jour de promenade ou quand vous vous rendiez à la boulangerie pour acheter la baguette dont vous vous nourrissez avec quelques autres mets plus ou moins bien préparés, de votre main ou d’une autre. Vous l’avez peut-être croisé dans les couloirs de porcelaine sale du métro, dans l’escalier étroit qui mène au bureau de la perception des impôts ou encore en maillot de bain, affublé d’une peau blanchâtre laissant apparaître des touffes de poils à des endroits imprévisibles, alors que vous-même remontiez un peu plus vêtu, à peine, de l’étendue de sable doré où se meurent quelques vagues insuffisamment chaudes.

Il est possible également que vous ayez échangé avec lui quelques mots, peu, et sûrement sans signification, un jour où un petit déjeuner plus consistant qu’à l’accoutumée, vous avait rendu gai et sociable (c’est fou au fond ce que la nourriture peut changer un homme). Peut-être avez-vous échangé deux ou trois phrases dans le métro sur un titre de journal qu’il tenait à la main, qu’il tenait même ouvert entre ses deux mains écartées, et vous avez continué cette ébauche de conversation en parlant du temps pluvieux qui n’était plus le même qu’autrefois. Il est encore possible et sans doute probable, à moins que vous n’ayez pas eu ce soir-là à votre disposition ces petites boites à sons qui diffusent tant de phrases inutiles, que vous l’ayez entendu lors de l’explication qu’il a donnée au ministre de l’industrie qui visitait l’usine chimico-textile dans laquelle il travaillait.

23/04/2018

Le mouvement

Le monde moderne est un monde de mouvement dans lequel le temps et l’espace se confondent. Ce mouvement est la cause de l’anxiété de l’homme face à la vie quotidienne. Il engendre le désir : ailleurs se trouve l’objet de ce désir et tous courent derrière, vers son rêve, son cauchemar, son idéal ou même sa folie. Tous s’essoufflent dans ce rêve. La plupart y laissent des plumes, détruisent ce qu’ils ont patiemment construits, sans trouver mieux le plus souvent. Ils reconstruisent un autre rêve et courent à nouveau derrière lui. Peu s’interrogent sur le but réel. Ils ne rêvent qu’au but immédiat. Le reste n’est qu’un brouillard fragile et impénétrable qui, pourtant, est ce qui lui permettra de vivre. Mais y pensent-ils ?

La vie ne devient course de fond que lorsqu’elle laisse entrevoir la longueur des déplacements et le temps à y consacrer. Car qu’est-ce que le mouvement : du temps et de la distance. Apprendre à prendre conscience du temps à utiliser pour produire quelque chose dans sa vie, apprendre à ne pas s’inquiéter de la distance à parcourir pour l’obtenir. Chacun de ces deux facteurs du mouvement sont psychologiquement contradictoire, puisqu’un déplacement implique une perte de temps et une perte de temps implique une accélération du rythme.

Assied-toi. Regarde passer ceux qui courent, rit des vapeurs de désir qu’ils laissent derrière eux. Mais ne perd pas cet instinct de courir vers la vraie vie, celle qui délaisse le temps et l’espace et regarde au-delà ce qui fait courir.

12/04/2018

Moi et la vie

On a l’habitude de dire : « C’est la vie », lorsqu’une contradiction se présente et que l’on refuse de se laisser préoccuper par elle. Mais pourquoi faire de la vie quelque chose d’extérieur dont il faudrait accepter la fatalité ? Ce que l’on appelle prendre la vie avec philosophie n’est qu’un renoncement à être. On renonce à notre propre réalité.

Note système éducatif est élaboré  pour faire face à la vie, si bien que l’homme finit par croire qu’il y a deux choses : lui et la vie, c’est-à-dire le monde. Pourtant, le monde n’est pas plus la vie que lui. Le tout est la vie, car la vie est ce qui est.

Descartes a trompé l’homme lorsqu’il a dit : « Je pense, donc je suis ». Par cette simple phrase, il a dissocié la pensée et l’être, argumentant en faveur du fait que la vie de l’homme est en dualité permanente entre la pensée et l’être. Il a mis la pensée avant l’être. Pour lui, l’être n’est que parce qu’il pense, alors qu’en fait, en dehors de tout système philosophique, la pensée n’existe que parce que j’existe. Elle n’est qu’une des manifestations de l’être, comme l’amour. « Je suis, donc je pense » ?

Alors la dualité disparaît, le dualisme du sujet et de l’objet s’évanouit. Nous ne cherchons plus à saisir, car nous sommes ce que nous saisissons, le soi et le monde constitue une unité.

25/12/2017

Noël 2017

Le Tout est Un…

Tiens-toi droit
Que le monde vienne à toi…

Ne sois rien
Assis sur le feu de l’esprit
Tu perçois la blancheur
Mais tu ne peux l’atteindre…

Une naissance en soi
Est toujours une mort
De l’être que tu étais
Pour celui que tu deviens

Immobile devant l’immensité
Tu erres sans espace-temps
Et découvre la singularité
De cette naissance en toi

Tu n’as plus d’excuses
Il est né, fais-le vivre

©  Loup Francart

25/11/2017

Louange

Des couleurs à la non couleur… du bruit au silence bienfaisant…. Du mouvement à l’immobilité…

Et ces mouvements infimes de l’action à l’être ébranlent progressivement la certitude. Qu’est-ce que la vie ? Une étincelle. Entre les yeux, ce vide intense qui éclaire tout. Ce n’est pas le néant. Ce n’est pas le rien. C’est l’infini imaginaire, encore plus puissant que l’infini matériel. Une tornade impalpable qui tourbillonne, puis se calme pour devenir aussi tendre qu’un baiser. Et c’est la jonction entre ces deux infinis, quels qu’ils soient, qui produit l’étincelle.

 

L’émotion éprouvée par l’âme est faite de rires et de sanglots,

Parce que seule l’âme est sensible aux contraires

Et perçoit les différents aspects des choses.

21/11/2017

Détruire, dit-elle, de Marguerite Duras (2)

Alissa n’est pas encore allée au-delà de la folie, de cette folie apparente engendrée par la destruction. Elle est la destruction (détruire, dit-elle) et en fait elle qui déclenche le drame, car rien ne serait arrivé ans elle. Alissa sait, dit Max Thor, mais que sait-elle, se demande-t-il. Sans doute, ne le sait-elle pas elle-même, n’est pas capable de le formuler. Seul Stein pourrait le faire, mais Stein ne répond pas. Alissa comprend Stein d’instinct, intuitivement. Elle le sent fémininement et Stein la comprend, c’est pourquoi l’amour naît aussitôt entre eux, ontologiquement pourrait-on dire.

Max thor n’est pas encore du même camp. Il cherche. Il s’interroge, il regarde de la même manière dont regarde Elisabeth Alione. « Quelque chose le fascine et le bouleverse dont il n’arrive pas à connaître la nature », aussi bien chez Elisabeth que chez Alissa. Il ne connaît pas Alissa, sa femme. Il la cherche, car il sait que c’est en elle que doit être la réponse ; et ce problème, le seul qui le touche vraiment, s’effacera de lui-même, sans qu’il ait besoin d’en avoir la réponse, au cours du troisième temps du livre, au cours de l’affrontement. Alors il saura ce qu’est Alissa et Stein. Elisabeth Alione le fascine également. Il l’aime d’un amour différent de celui qu’il éprouve pour Alissa (amour inquiet et interrogateur, tourné vers l’avenir), d’un amour tourné vers le passé qu’il ne peut encore quitter tout à fait, ne connaissant pas l’avenir.

Enfin, il y a Elisabeth Alione, qui, en fait, n’existe pas en elle-même, c’est-à-dire en tant qu’être propre, individuel et personnel. Elle croît à ce que les autres disent d’elle. « Elle est à celui qui la veut, elle éprouve ce que l’autre éprouve. Elisabeth Alione, c’est le passé. Tout n’existe pour elle que par le passé et l’avenir lui fait peur car aucun passé ne s’y rattache. Aussi a-t-elle peur des trois autres et surtout d’Alissa, peur d’eux qu’elle ne comprend pas parce qu’elle ne sait rien d’eux alors qu’eux savent tout d’elle. Une fois dans sa vie, Elisabeth aurait pu être en tant qu’être véritable, mais elle a eu peur de cette lettre du médecin qu’elle a montré à son mari parce que, là encore, elle avait peur d’un avenir différent du passé, inconnu. Puis elle a regretté son geste parce que quelque chose en elle disait oui à la lettre. Sa maladie véritable venait en fait de cette contradiction entre ce qu’elle croyait être et ce qu’elle était réellement, intérieurement. La destruction de l’ancienne Elisabeth commence le jour où elle rencontre Alissa, puis Stein. Elle découvre par l’intermédiaire d’Alissa la véritable cause de sa maladie. Elle ne peut plus redevenir ce qu’elle était auparavant, bien qu’elle ne s’en rende pas compte, et au-delà de la peur qu’elle a éprouvée, elle découvre le dégoût (ces nausées… Ce n’est qu’un début, dit Mas Thor. Bien… Bien… dit Stein).

« Il y a eu un commencement de… comme un frisson… non... un craquement de… du corps », dit Stein.

« Ce sera terrible, ce sera épouvantable, et déjà, elle le sait un peu ».

La destruction a fonctionné comme cette musique, cette fugue de Bach qui s’arrête, reprend, s’arrête à nouveau, repart jusqu’à ce qu’elle passe la forêt, fracasse les arbres, foudroie les murs.

20/11/2017

Détruire, dit-elle, de Marguerite Duras (1)

Le décor : un périmètre dans la forêt où les gens viennent s’isoler, s’apprendre à vivre eux-mêmes dans le repos. Ici les livres, qu’ils soient à lui, Max Thor, ou à elle, Elisabeth Alione, ne servent à rien. Ils font partis du décor. Rien ne se passe dans cet hôtel, tout commence et rien ne s’achève, car aujourd’hui n’a plus de rapport avec hier. Le temps ne soule plus, ou coule sans souvenirs, sans souvenirs d’impressions durables, sauf, peut-être, le souvenir de ce qui est et non pas de ce qui arrive.

C’est dans ce monde où rien ne compte qu’être, que fonctionne la destruction comme cette musique des dernières pages, cette fugue de Bach, qui s’arrête, reprend, s’arrête à nouveau, repart, jusqu’à ce qu’elle fracasse les arbres, foudroie les murs. Elle arrive en trois temps, trois actes du livre. Sans un premier temps, il n’y a rien, rien ne se passe, on regarde, Marguerite Duras pose le décor et ses personnages, puis arrive Alissa qui est la destruction à l’œuvre et cette destruction plante ses racines et les enfonce dans le décor, imperceptiblement. Enfin, dans un troisième temps, les deux forces opposées, l’avenir avec le groupe d’Alissa de Stein et Max Thor et le passé avec Bernard et Elisabeth Alione, s’affrontent et se déchirent, enracinant la destruction chez Elisabeth Alione sans même qu’elle s’en soit rendu compte, sans toutefois aller jusqu’au bout de l’acte, jusqu’à ce qu’il y a au bout de la destruction, c’est-à-dire la folie. La folie, c’est Alissa, l’inacceptation de tout état de fait, la destruction de tout le passé, c’est-à-dire de toutes les habitudes.

Les personnages maintenant : qui sont-ils ? Il y a en fait deux forces en action, deux clans qui s’opposent, ceux qui sont tournés vers l’avenir, qui savent ce que les autres ne savent pas, qui ne savent même pas qu’il y a à savoir, qui sont leurs habitudes.

Stein sait. Il sait au-delà de la folie, vers ce vide qui est au-delà. C’est un sage, une sorte de moine, pourrait-on dire. Il se refuse à tout, à tout ce qui semble constituer la vie de chacun, le mariage, un métier, des projets. Il peut se permettre de faire des choses que les autres ne feraient pas, qu’ils appelleraient indiscrètes. Les autres ne l’intéressent pas vraiment. Il les regarde comme on regarde un troupeau. Lui-même ne l’intéresse pas, il se regarde comme il regarde les autres, sans retenue aucune (quelques fois j’entends ma voix, dit-il).

02/10/2017

Dieu et ma vie

Dieu n’est que dans la mesure où il est en moi et je ne suis que dans la mesure où Dieu est en moi.

En effet :

* Dieu est une réalité vivante. Pour la nommer, je l’appelle Dieu parce que j’ai fait l’expérience de cette réalité vivante. Tant que je ne l’ai pas faite, Dieu n’est pas. Il n’est qu’un mot que j’emploie.

* C’est cette expérience de la réalité vivante qui existe en moi, qui fait que je découvre ma propre réalité. Je peux alors, et seulement alors, dire que je suis.

Dieu, c’est la vie. C’est ma vie. Tant que Dieu est pour moi une abstraction, un mot, je ne vis pas. C’est dans ma vie que doit être cherché Dieu, pas en dehors.

Et c’est pour chacun la même expérience, car Dieu est en tous. Mais je ne peux le voir chez l’autre que lorsque je l’ai perçu en moi.

 

19/07/2017

Spiritualité et spirituel

Les termes spiritualité et spirituel sont issus d'une racine latine "spir" signifiant le "souffle" qui se trouve dans "spirare" ("souffler"). A cette racine a été ajouté le suffixe "-tus" qui sert à former des noms et qui a donné en latin  "spiritus" ("le souffle"). Puis, à ce dernier mot, a été ajouté le suffixe "-alis" qui permet de former des adjectifs et qui donne "-el" à la fin des mots français. "Spiritualis" signifie en latin  "relatif au souffle", mais aussi "relatif à l'esprit" : le mot a donc évolué dans un sens abstrait. Enfin, à cet adjectif, on  ajoute encore le suffixe "-itas" qui permet de former des noms : "spiritualitas" désigne  la vie  de l'âme,  l'immatérialité. D'après son étymologie, ce mot désigne donc "ce qui est de l'ordre de l' "esprit".

On ne peut évoquer la spiritualité et le monde spirituel sans, dans le même temps, l’opposer au monde matériel. La spiritualité ne relève pas des lois de la nature, d'un système d'explication rationnel. Elle appartient à un univers supérieur au monde terrestre. Le simple fait de cette opposition dans les définitions impose immanquablement deux modes opposés et une dichotomie qui est en réalité mal venue. Si l’on se réfère au souffle, c’est-à-dire à la fois au mouvement et à ce qui déclenche le mouvement, c’est-à-dire le mystère insondable de l’origine de la vie, et si l’on se réfère à la genèse de l’univers, on constate qu’il s’agit du même phénomène. La création est le commencement du monde matériel qui naît du souffle qui se manifeste par la lumière. Ainsi le matériel et le spirituel, loin de s’opposer, s’assemblent, vont de pair et restent inséparables dans notre monde. Sans aucune prétention intellectuelle, je pense qu’on peut rapprocher les termes naturel et surnaturel des termes matériel et spirituel, plus volontiers employés au Moyen Âge. Le monde matériel est notre monde naturel, celui où nous sommes nés et qui est notre cadre de vie, le monde surnaturel est un monde hors de la nature, hors du matériel, un monde hors du corps. Ce qui signifie qu’il y a une vie spirituelle hors de la vie naturelle ou matérielle.

L’erreur humaine est de les opposer, plutôt que de tenter de les assembler. Oui, ils s’opposent concrètement dans la vie quotidienne et la vie intellectuelle, mais le souffle originel les rapprochent et les assemblent. En fait, l’homme ne peut accéder à la vie spirituelle que parce qu’il possède une vie matérielle. Cette opposition est à l’origine des affrontements religieux, des idées d’une morale incarnant le bien et s’opposant au mal et, in fine, des guerres, chacun définissant le bien et le mal selon ses propres critères.

Une autre manière de voir les choses peut être l’opposition faite entre l’extérieur et l’intérieur de soi-même. Lorsque je dis "Je", je me réfère à quelqu’un qui se considère Un, à la fois dans le monde grâce à son corps et en même temps, distinct du monde par son unité propre. Mais quelle est cette unité distincte du monde ? Telle est la question. Il faut, avant d’en arriver là, développer en nous la connaissance de cet intérieur de nous-même. Nous avons tellement l’habitude de vivre à l’extérieur en raison de l’omniprésence de nos cinq sens (et même six comme le pensent les hindous, ajoutant l’intellect) que la plupart des gens hésitent et même refusent de chercher en eux-mêmes. Alors ils se réfèrent à de préceptes qui leur sont donnés dans des livres ou par la parole humaine.

« Cherche en toi et tu trouveras ! », mieux même, « le royaume de Dieu est en dedans de toi ». Alors l’opposition cesse et la jonction des contraires s’opère.

Se réaliser, c’est comprendre et vivre le fait qu’au-delà du moi existe l’être spirituel, le souffle, le soi, qui dépasse le monde matériel et sa compréhension de la spiritualité, pour vivre pleinement ce rien qui est le Tout.

Comprenne qui pourra !

03/07/2017

Les choses, roman de Georges Perec (1965)

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Sans doute fruit d’une longue enquête sociologique, ce roman est celui du mal moderne, c’est-à-dire de cette absurde quête actuelle du bonheur dans « les choses », tout ce qui s’étale sur les affiches, qui fait envie, qui se vend, qui s’achète enfin si l’on possède de l’argent. Telle est la course au bonheur de ce jeune couple, semblable à des milliers d’autres. Et cette course demeure vaine, faite d’envies aussitôt épuisées ou jamais soulagées.

Roman insipide, car il fait un étalage abusif de ces choses qui seront le bonheur, un bonheur dans lequel rien ne vient éclairer cette vaine recherche d’un bien-être matériel.

22/06/2017

Lettre ouverte à un jeune homme, d’André Maurois

Quatre règles de vie :
•    Il faut vivre pour autre chose que pour soi ;
•    Il faut agir ;
•    Il faut croire à la puissance de la volonté ;
•    Il faut être de ceux qui ne déçoivent jamais.

Les obstacles :
« Il faut se dire chaque matin : aujourd’hui j’aurai à faire à un important, à un ingrat, à un brutal, à un fourbe » (Marc-Aurèle).
Ne répondez pas à la haine par la haine.
Pardonner en expliquant le pardon, n’est pas pardonner.
Vivons avec ceux qui nous aiment.

L’objectif :
Je suis capable de gentillesse. Je ne savais pas refuser durement, ce qui est la seule façon de refuser.
Choisissez bien le point d’application de vos efforts ; puis, le choix fait, il suffit que vous soyez tout entier derrière votre décision.
Il faut apprendre à faire la moindre chose de la façon la plus grande.
L’objectif, c’est d’être heureux.

Les loisirs :
Il faut choisir très jeune un sport et y exceller.
Acquérir une culture artistique.

Votre carrière, le chef, la conduite des hommes :
Deux attitudes, soit vivre dans l’ombre, un des chemins de bonheur, soit se jeter dans la mêlée.
Il n’y a point de faveur imméritée qui puisse durer. La chance sera fragile, si au temps du jeu ou de l’amour, ne succède le temps du travail.
Les vertus du chef : l’objectivité, une ardeur passionnée, le respect par la rigueur envers soi.

Les femmes :
Faites-vous une jeunesse tendre et passionnée.
Les femmes ont besoin qu’on s’occupe d’elle, qu’on leur parle.
Le temps passé auprès des femmes n’est jamais perdu.
Ne cherchez à tenir une femme que de sa propre volonté.

Le bal masqué :
La vie est un bal masqué. Faut-il toujours y porter le même masque ? Cela dépend du masque… et de vous. Mais attention ! Le masque fera pour vous le bal.

L’entraînement :
Commencez par le plus facile.
Au début, écrivez des choses courtes.
Prenez confiance en vous. Et surtout, ne dites jamais du mal de vous-mêmes. On vous croirait.

On peut ne pas être d'accord sur tout. Mais André Maurois reste un fin observateur de la vie !

 

18/06/2017

But de vie

A vingt ans, le nombre de possibilités heureuses qui s’ouvrent devant soi paraissent infinies. Progressivement, cette ouverture se resserre. L’avenir se dessine en ombre et lumière, ébauche un chemin et transforme le rêve en réalité. Celle-ci peut être dorée. Mais elle peut également se ternir et s’effacer brusquement. L’avenir semble tracé, mais il ne l’est jamais à jamais. Pour certains il devient même inexorable et oppressant.

Toujours garder cet équilibre à réaliser : l’imagination éclaire le chemin, fournit un but, mais celui-ci peut être plat, en dénivelé ou se perdre dans les marais.

Avoir un but,

Mais ne pas en être prisonnier.

 

20/04/2017

Passé, instant de la séparation

Le passé commence à l’instant de la séparation. On n’éprouve le poids du passé qu’au moment  où l’être ou l’objet partagé se sépare de nous ou nous de lui. La vie est faite de coupures de présent et à chaque coupure ce temps devient une page du passé et ces pages s’accumulent et se collent affectivement, oubliant toute chronologie.

La vie sous sa forme dynamique est celle de l’instant, le passé est la vie devenue statique. Accéder à la contemplation, c’est réunir ces deux formes de vie en une force neutralisante, résultante de l’inertie et de la dynamique.

08/04/2017

Interrogation

Pour la première fois depuis qu’ils ont fait connaissance, il ne se manifeste pas au matin. Rien ne bouge, aucune pensée ne vient troubler la sérénité de Charles. Habitué aux sautes d’humeur, au réveil en fanfare, ce dernier s’en étonne. Pourquoi cette indolence ?

Il l’avait connu plus gaillard, debout et fier de sa prestance, encouragé dans ses vagabondages, revendiquant sa souveraineté dès lors que les pensées Charles se tournaient vers elle, omniprésente, belle de présence d’odeurs et de frottements, cueillie dans ses vagabondages et offerte bravement aux rapprochements des corps et de l’esprit.

Chaque jour, il renouvelait sa foi et tendait son désir vers l’aimée. Et ces milliers de jours furent comme une seule vie, ensevelie dans la bulle de l’amour, deux en un, dans ce monde où chaque caresse devient un frémissement qui se transforme en feu vivant. Il accumula les souvenirs d’étreintes malhabiles, de passions dévorantes, de tendres apaisements après l’envolée lyrique. Que de fois son cœur vibra et son corps se mit en marche, brutalement, comme un autre lui-même, dressé au-dessus de toute autre préoccupation, assoiffé de ses instants sublimes où plus rien d’autre n’existe.

Aussi quel est donc cette douceur tendre qui fond dans le puit des âges et rend ses soupirs délaissés d’accompagnements des baisers ? Serait ce jour redouté où cette tension féroce s’assagit en lents vagissements, comme le veau que l’on mène à l’abattoir ? Serait-ce l’entrée dans le troisième âge, celui des bruissements de la nuit sans accompagnement de caresses, sans même l’image de ces  statues nues courant dans le cerveau déchaîné.

Va mon mignon ! Dors aujourd’hui. Demain tu reprendras ta danse éternelle et lumineuse devant celle qui t’a donné sa vie.

19/12/2016

Aspirations

 

A la fin de la vie, seules vous maintiennent vos aspirations. Alors vous réalisez que ce sont elles qui sont la vie. Qu’elles aient échouées ou soient advenues, vous n’êtes fort intérieurement que de vos rêves.

 

02/12/2016

Percevoir l'éternité

Percevoir l’éternité, c’est inverser notre perception du temps et, ne l’oublions pas, de l’espace. Qu’est-ce que cela signifie ?

Le monde perd ses dimensions. Au lieu de la perception de l’immensité de l’univers, du temps, de l’espace et de la matière, c’est un sentiment de complète fusion entre le soi et la vie. L’infini est ressenti non pas à l’extérieur de soi, mais à l’intérieur. C’est une perception intime de la totalité qui vient lorsque ce moi obsédant cesse tout à coup d’imposer sa loi. La vie devient un vaste chant d’amour, une source qui coule, cette eau vive dont parle l’évangile.

Alors naît en soi ce désir indéfinissable de l’absolu qui donne à la fois la joie parce que l’on a fait l’expérience du divin et la souffrance parce qu’on ne peut encore s’unir à lui.

Oublie-toi et tu vivras !

27/11/2016

Rupture ou glissement ?

Chaque période de vie se démarque de la précédente par une rupture ou un glissement ; rupture par la cessation brutale d’une activité qui a été au centre de votre vie pendant un certain temps ou glissement par un désintérêt psychologique de cette activité.

La rupture a l’avantage de vous obliger à vous poser la question de ce pour quoi vous vous passionnez. C’est une période de gestation difficile, car elle est le plus souvent due à un événement indépendant de votre volonté. La vie vous coupe de votre intérêt et même de votre passion pour quelque chose que vous avez pratiqué à fond, en y mettant le meilleur de vous-même. En un instant, rupture. Votre élan est cassé par la volonté d’un homme ou d’un système qui ne vous permettent plus de pratiquer ce que vous avez considéré comme une des clés de votre attention à la vie. Il faut alors avoir le courage de vous reconstruire, de rebâtir une nouvelle vie, différente, autre, dont vous ne savez bien sûr si cela va marcher, c’est-à-dire vous remplir pleinement d’une même passion que celle que vous aviez précédemment. Il faut que vous repassiez par toutes les étapes de la rage, puis de la dépression, puis de la remise en cause et enfin de la naissance d’un autre pôle d’intérêt en vous-même. Cela peut durer, de quelques semaines à plusieurs mois, voire même plusieurs années. En fait, tout dépend de votre aptitude psychologique, intellectuelle et physique à changer de vie. Vous êtes devant un vide qu’il vous faut combler par une nouveauté dont vous ignorez tout. C’est en fait une période magnifique, une renaissance de votre être, l’ouverture d’une nouvelle porte qui, par le seul fait d’être totalement à construire, devrait vous motiver au mieux. Mais il faut dans le même temps vous départir de votre ancienne passion, vous désolidariser de vos connaissances, vous ouvrir à l’inconnu et y trouver une place, ce qui demande effort et ténacité. Pendant longtemps vous demeurez abasourdi devant le vide de votre cerveau qui n’est plus asservi par des préoccupations quotidiennes. Rien. Le blanc et parfois le noir. Pas de couleurs, pas de joie et pas de montée cardiaque. La vie devient un long fleuve, pas tranquille du tout. Vous êtes sur votre radeau de survie et vous vous en allez au fil du courant, sans contrôle aucun. Vous regardez la rive qui défile devant vous sans pouvoir vous arrêter et y participer.

Dans d’autres circonstances, l’ancienne vie, qui était rassurante, s’efface peu à peu par un changement plus subtil des conditions qui vous environnent. Vous continuez à vous accrocher à vos habitudes, mais le paysage change subtilement. Vous le déplorez bien sûr, mais peu à peu vous constatez l’inanité de vos efforts pour poursuivre ce qui vous a passionné pendant un temps. C’est le cas, par exemple, de votre vie de parent. Il vient un moment où les enfants ont droit à votre respect de les laisser vivre leur vie, même si, éventuellement, ils le regretteront plus tard. Vous passez du rôle de conseiller (pour les aider à choisir) à celui d’assistant (pour faciliter la mise en œuvre de leur choix). Rien n’a changé. Vous êtes toujours parent, respecté par vos enfants. Mais une nouvelle étape se met en marche, dans laquelle votre attitude doit devenir différente sous peine d’entraîner des difficultés qui n’existaient pas jusqu’à maintenant. Ces glissements sont essentiels à la compréhension de la vie et à son bon déroulement. Là aussi, la cécité peut vous prendre. Vous ne voyez pas cette évolution impérative et vous cherchez à vous maintenir dans cet état de bien-être dont la facilité est la caractéristique première. Vous risquez alors, à force d’attendre, une rupture qui sera finalement plus dure que celle dont nous avons parlé précédemment, parce que due à votre propre inconscience des évolutions. Il arrive également que vous-même vous désintéressez progressivement de ce qui vous passionnait auparavant. Lassitude, train-train, impossibilité d’aller plus loin, manque de motivation. Oui tout cela peut vous conduire, un jour ou l’autre, à vous poser la question d’un changement que vous retardez bien sûr, car le confort intellectuel ou même physique est prégnant.

Finalement, loin d’être un long fleuve tranquille, la vie est une remise en cause permanente de ce qui vous y attache. Elle est pleine de pics et de faux plats. Il faut du temps pour en prendre conscience. Ils sont d’abord subis difficilement, qu’ils viennent d’une rupture ou d’un glissement. Puis il vous appartient de les prévoir, voire de les anticiper. Ce n’est qu’alors que vous prenez votre vie en main. Oui, la vie est à construire en permanence, d’abord volontairement en se donnant un projet et en tentant de le mettre à exécution pour se donner une certaine stabilité, puis en le faisant évoluer non pour maintenir cette stabilité, mais pour vous faire évoluer vous-même et non votre environnement. Cette deuxième étape est plus dure et plus incertaine, mais vous en tirerez toujours des bénéfices si vous le faites consciemment.

14/09/2016

C'est mon homme

C’est mon homme !
Il a l’humour ardent
Et pas mal aux dents

C’est mon homme !
Il me prend aux aisselles
Et je vois trente-six chandelles

C’est mon homme !
Il a du poil au nombril
C’est qu’il fut sans-abri

C’est mon homme !
Il rougit de colère
Mais c’est un bon père

C’est mon homme !
Il travaille jour et nuit
Et jamais il ne fuit

C’est mon homme !
Je lui caresse l’oreille
Il se retrouve sans appareil

C’est mon homme !
Il a horreur des baisers
Mais penche pour la nuitée

C’est mon homme !
Il me caresse aussi
Je l’aime ainsi
 
C’est mon homme !
Je me sens bien chez lui
C’est comme un parapluie

C’est mon homme !
Je l’aime tout entier
Sans pouvoir m’arrêter

Oui, C’est mon homme !
Quel drôle de bonhomme !

©  Loup Francart

08/09/2016

Rêve ou réalité

 

Par la lecture on vit plusieurs vies
Jusqu’au jour où la vie est enlevée
Elle rejoint les vies lues et rêvées

Beaucoup pensent vivre alors qu’ils ne font que rêver.