Ephistole Tecque (9) (09/10/2018)

En dehors de ces plaisirs anodins, tel celui de la collection de cailloux, Ephistole avait cherché, ou plutôt avait trouvé par hasard, sans même en avoir ressenti le besoin puissant, sans même avoir sciemment puisé à cette force venant du bas-ventre et qui fait de nous pour quelques instants un être vulnérable, un plaisir nouveau, plus personnel, plus humain peut-être ou tout au moins plus biologique, le plaisir de l’amour. Il ne semble pas pourtant, à bien observer Monsieur Tecque, qu’il ait connu l’amour, c’est-à-dire cette communion intime de l’esprit et du corps avec l’autre face de votre moule, mais plutôt ce qu’on a coutume d’appeler le plaisir de la chair, plaisir de consommation, à la mode de notre époque, seul plaisir où la production vient après la consommation.

Ce plaisir, il l’avait en fait pris parce qu’il le fallait, comme une nécessité biologique. Il lui avait été offert par une de ces jeunes filles, jeune peut-être, fille sûrement pas, qu’il vous a probablement été donné de rencontrer un soir, alors que la solitude vous pesait ou que la compagnie d’une femme quotidienne vous fût à ce moment insupportable. Vous l’avez sans doute rencontrée dans un café bruyant, illuminé, trop, par des lustres de cuivre jaune, assise devant le bar, devant un verre, devant le garçon du bar avec qui elle semblait en excellent terme. Et vous-même vous asseyant sur le seul tabouret libre comme par hasard à côté d’elle, vous-même commandant par une étrange ironie du sort le même breuvage glacé et répondant par politesse à l’une de ces questions idiotes qu’elle a l’habitude de poser pour engager la conversation, jusqu’à ce qu’enfin, las de discourir, vous avez proposé à cette jeune fille de lui montrer votre collection de cailloux et qu’elle vous ai répondu bêtement qu’elle avait également dans sa jeunesse collectionnée les timbres. Alors elle vous avait suivi, ou plutôt vous l’aviez précédé comme le fit d’ailleurs Ephistole jusqu’à votre chambre un peu sale, désordonnée, que vous vous êtes efforcé de ranger en quelques secondes dès votre arrivée et en particulier le lit sur lequel vous aviez laissé traîner une pile de linge.

07:46 | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : nouvelle, récit, vie, vacuité, mal-être |  Imprimer