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30/11/2015

Grandeur de l'homme

Tu te réalises lorsque tu es contenu et contenant.

Tu es contenu, Un dans le Tout et unique.
Alors tu acquiers la conscience de l’infini.

Tu es contenant et deviens ensemble vide.
Alors le Tout prend possession de toi et tu deviens infini.

Tu fais partie de l’infini et, dans le même temps, l’infini est en toi.

Dieu seul est incréé.
Il est hors ensemble.
Infini et différent de l’infini.
Un et Tout à la fois.

En vie, tu ne le connaîtras jamais,
Mais tu peux l’éprouver
Dans ce vide qui contient tout.

Découvre-le.

©  Loup Francart

29/11/2015

La fin de l'histoire (1)

Comme tous les jours, Nicéphore Pratoux prit sa pilule au moment de son petit déjeuner. C’était une obligation. Personne ne pouvait s’en passer. Depuis « la fin de l’histoire », le gouvernement mondial avait instauré cette nouvelle loi et mis en place un système de contrôle qui la rendait obligatoire. Nul ne pouvait transiger. Malgré de nombreuses recherches subventionnées par l’Etat, les chercheurs n’avaient pas réussi à trouver un moyen permettant de remplacer la pilule quotidienne. Par contre on identifiait immédiatement si la personne avait ou non pris sa pilule. Depuis la découverte d’André Bonnet, l’injection du signal lumineux sous la peau était obligatoire à l’âge d’un an. Celui-ci s’allumait si la dose contenue dans la pilule n’était pas ingérée. Comme l’ « indicateur », c’était ainsi que les gens l’appelait, se trouvait à hauteur du front, à l’endroit de la petite bosse artificielle créée par l’appareil miniaturisé, située un centimètre au-dessus des deux yeux, il était simple de voir si oui ou non la pilule avait été prise.

Cela faisait deux jours qu’il ne sentait pas bien. Il avait des sueurs glacées qui lui parcouraient le dos, des nausées à certains moments de la journée. Mais il ne voulait pas se déclarer malade. Cela l’aurait contraint à se faire soigner à l’hôpital et la cure pouvait durer plusieurs années. Il avait connu, lorsqu’il allait au lycée, une fille qui s’était déclarée malade au moment de sa puberté. Embarquée en ambulance, elle avait passé trois ans à l’hôpital. Lorsqu’elle était revenue, ses camarades ne l’avaient pas reconnue. Elle avait maigri, ses mains tremblaient et son élocution était ralentie à tel point qu’on n’avait pas envie de l’écouter. Ses parents avaient certes essayé de la récupérer plus tôt. Mais les médecins s’y étaient opposés. Elle était susceptible de faire une crise mettant en jeu l’ordre public et l’on serait alors obligé de l’euthanasier. Ils n’avaient pas insisté, sachant qu’ils risquaient eux aussi un séjour à l’hôpital. Ainsi, il n’y avait plus de malade au vrai sens du terme. Certes, il fallait toujours remplacer des organes chez ceux qui avaient des accidents internes ou externes, mais cela ne prenait que peu de temps et les patients ressortaient sains de corps et d’esprit le lendemain de l’opération.

28/11/2015

Pictoème sous forme de haïku

Évadée
Évidée du contenant
S’évase l’âme

poésie,haïku,dessin,spiritualité

Haïku sous forme 3 - 7 - 5.

27/11/2015

Saline royale d'Arc-et-Senans

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La saline royale d’Arc et Senans dans le Doubs, est un ensemble majestueux construit par un architecte génial, Claude-Nicolas Ledoux. Celui-ci fit un premier projet de saline qui a été présenté au roi Louis XV en 1774. Il fut rejeté, jugé trop ambitieux et novateur. Ledoux raconte cet échec : « Un prospectus dicté par des agents subalternes, qui préparent l’obscurité des décisions, avait circonscrit le travail. Tel est le despotisme des délégués de Plutus, ils passent une partie du jour à tailler leurs plumes, l’autre à neutraliser l’encre qu’elles contiennent. »

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Le second projet est également somptueux. Il comprend un saumoduc, canalisation en sapin longue de plus de 21 km, enterrée, le bâtiment de graduation qui permettait d’augmenter la concentration en sel de la saumure, le bâtiment des gardes, la maison du directeur et d’autres bâtiments et des jardins.

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Vous pourrez rêver devant la majesté des lieux et admirer l’ingéniosité de cet architecte infatigable dont un bâtiment abrite les plans. Il était sans doute trop en avance sur son temps comme beaucoup de personnes de génie. Il est dommage que la plupart de ses œuvres aient été détruites. Il construisit les 50 barrières d’octroi dont la plupart ont été démolies au XIX° siècle. Ne reste que celle de La Villette et de la place Denfert-Rochereau ainsi que la rotonde de l’entrée du parc Monceau.

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Dans sa ville idéale, Ledoux aspirait à créer un environnement rationnel et une organisation hiérarchique du travail. C’était une ville à la campagne,, avec des plantations alignées sur trois rangs, bordant les routes de la province et des bâtiments intégrés dans la nature. Tout le monde devait y être vu : le directeur par les employés, les employés par le directeur.

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Il avait des conceptions très modernes de l’architecture. Pour preuve cette maison des gardes agricoles :

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Ou encore ce pavillon des Cercles, construit sur les plans exacts de Ledoux, aire du Jura, sur l’autoroute A39 :

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26/11/2015

Se mentir à soi-même

Le mensonge est à la base de la personnalité de l’homme. Il lui donne une continuité et permet ainsi de constituer et de maintenir cohérent notre vision du moi. C’est certes un moi fuyant, insaisissable et vain. Mais il vaut mieux que son absence. Les mensonges sont des tampons qui nous permettent de donner une continuité à notre vie.

La faculté de mentir est propre à l’homme. Les animaux, même les plus développés, ne peuvent mentir, car ils n’ont pas la vision d’une continuité de leur vie. Celle-ci est liée à l’imagination, faculté également propre à l’homme, qui lui donne la possibilité de créer. On ne peut créer qu’en imaginant ce que l’on veut créer. L’homme ne peut progresser qu’en imaginant sa progression et en s’efforçant de se donner les conditions d’y arriver. Celles-ci peuvent se contredire, s’opposer à ce progrès. Pour donner du sens à ce que l’on recherche, nous utilisons le mensonge qui nous permet d’arriver à une certaine continuité. La vie prend du sens par ce colmatage permanent que lui donne le mensonge. Mais l’homme vit alors endormi dans ce nuage artificiel qu’il se fabrique lui-même. A partir d’un certain niveau de développement, le mensonge devient un obstacle contre lequel il faut lutter.

On distingue deux types de mensonge. Le mensonge aux autres, qui peut être nécessaire pour empêcher les conflits entre les personnes, et le mensonge à soi-même.

Les mensonges aux autres sont devenus une seconde nature. Celle-ci a ses côtés positifs, mais également ses côtés négatifs. Il convient donc de lutter contre les mensonges inutiles et, au fur et à mesure de sa propre progression interne, de les réduire au minimum, ce qui suppose une certaine conscience de soi et du développement de son moi. Il n’est pas possible de se promettre de ne pas mentir aux autres, car le mensonge est parfois bénéfique dans certaines situations, ne serait-ce que pour éviter de faire de la peine à ceux qui ne sont pas prêts à entendre la vérité en raison des circonstances qui les entourent ou de leur état d’être.

Inversement, il faut lutter impérativement contre le mensonge à soi-même. Celui-ci apparaît comme une attitude positive le plus souvent. Elle s’exprime par l’expression : Oui, mais… Utile dans les échanges entre personnes, il devient mauvais vis-à-vis de soi-même. Il permet de s’installer dans un mécanisme auto-tranquilisateur qui empêche toute progression. Il retire toute lucidité vis-à-vis de soi-même et enferme l’homme dans sa propre prison. Je me crois tel que je me vois alors que je suis autre, mais n’en ait pas conscience. Le mensonge vis-à-vis de soi est avant tout recherche d’excuses sur ce que l’on a mal fait ou pas fait ou que l’on ne fait pas. Pourquoi ne fait-on pas ce que l’on souhaitait faire ? Tout simplement parce que nous ne sommes jamais le même, nous sautons d’un personnage à l’autre en fonction du contexte, des circonstances, des personnes avec qui nous sommes en contact et bien d’autres causes encore. Nous ne nous rendons pas compte de tous ces personnages en nous. Alors veillons sur nous-même et sachons voir nos différents personnages. Ceci nous permettra par la suite de les unifier.

Le discernement commence vis-à-vis de soi-même et ce n’est pas une mince affaire !

25/11/2015

Elle

Elle est là, maigre et misérable :
« Qu’as-tu, petite, à demander ? »
« Je cherche l’homme responsable
De ma vie et de ma pauvreté. »

Elle poursuivit sa route, clopin-clopant,
Les yeux fixes et l’haleine fétide,
Regardant ses pieds, penchée vers l’avant,
Tendant un doigt fragile vers le vide.

Le lendemain on la vit revenir,
Fière jeune fille sans un soupir,
L’œil vif et la chevelure brillante.

« Qu’as-tu, belle enfant, à nous donner ? »
Elle entraîna derrière elle le village entier
Pour un baiser supposé sur ses lèvres glaçantes.

©  Loup Francart

24/11/2015

Cannage 2

Enfin, vous êtes prêt. Votre dessin est reproduit, en proportion, sur la toile. Vous sortez vos15-11-18 Tissage C.JPG pinceaux, vous les lavez, vous ouvrez vos pots de peinture et vous commencez dans un ravissement inégalé. Vous êtes revenu, enfin, dans la matière, immergé jusqu’au coude, le geste précis, la langue tirée, le genou flexible, bref dans l’attitude du vrai peintre qui est propre à vous-même. En fait il faut d’abord entourer les traits de peinture qui délimitera proprement ce qui est d’une couleur et d’une autre, ici blanc sur le fond noir du châssis (oui, on trouve des châssis noirs sans problème). Attention, ne pas dépasser le trait. C’est une question de patience et d’entraînement. Cela vient 15-11-18 Tissage D.JPGprogressivement et vous tirez maintenant vos traits au pinceau sans problème, à main levé. Combler les vides est facile et le temps dépend de la taille du pinceau utilisé. Large, mais pas trop, car plus il frôle les bords, plus l’attention doit être soutenue. Et lorsque les formes ressortent bien en noir et blanc, il faut recommencer. Ce n'est qu'un immense barbouillage. La peinture acrylique a  également ses inconvénients. Elle n’a pas la consistance de la peinture à l’huile. Il faut généralement passer une deuxième couche. C’est le cas aujourd’hui. Bon courage !

Enfin vous contemplez l’œuvre (en est-ce vraiment une ?).

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Vous êtes satisfait du travail accompli. Il reluit de tout son éclat. Est-il vraiment beau, tel que vous le vouliez ? Vous ne savez. Vous le saurez demain, quand d’un œil neuf vous y plongerez votre regard et vous direz : oui, c’est bien un tableau et il est beau. Dans deux mois lorsque vous en aurez peint deux ou trois autres, vous changerez peut-être d’avis. Mais pour l’instant, c’est bien sûr le plus beau que ayez jamais fait.

Pourquoi l’appeler cannage ? C’est un coup d’œil, une impression, un choc au coeur, qui donne son nom au tableau. Et ce coup d’œil m’a fait penser au cannage que l’on trouve sur les chaises de salle à manger. C’est idiot, bien sûr !

23/11/2015

Salon d’automne de Meslay du Maine

Un beau nom, des peintres passionnés, des organisateurs attentifs, des amis présents, un ciel bleu et le froid glacial. Être invité d’honneur, c’est pouvoir suspendre quinze tableaux là où les autres sont réduits à deux.

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Mais vous ne concourrez pas, car vous êtes hors norme. Quel bonheur : pas de confrontation, pas d’exigences, une paix bienheureuse et une participation à tout en toute liberté. Un jury sympathique et connaisseur qui juge au-delà de la technique les motivations et intentions des artistes. Vous marchez sur un nuage, sans trou d’air.

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Les délibérations sont sérieuses et l’unanimité est trouvée sans problème. C’est tout de même mieux que la chambre des députés : pas de cris, pas de hargne, pas de revendication, une harmonie raisonnable et bienvenue.

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Il vous appartient de faire un petit discours. Mais c’est si simple de parler de l’amour de l’art que cela ne pèse nullement.

22/11/2015

Exposition

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21/11/2015

Dédicace Saumur

Loup Francart présentera, lira des extraits et dédicacera ses deux derniers livres le samedi 21 novembre 2015 à l’Espace culturel Leclerc de Saumur entre 14 et 18 heures.

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Le temps suspend son vol, la matière flotte devant la langue française, irréelle, aux mille couleurs de l'humanité. C'était un samedi de promenade dans Paris, mais cela pourrait être à chaque instant où la pensée s'arrête et se laisse enchanter par la magie de l'apesanteur.

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20/11/2015

Cannage 1

Un tableau, ça se prépare, s’élabore et se mijote à la manière d’une recette de cuisine. Il faut y mettre un certain nombre d’ingrédients pour qu’il prenne forme. Ce sont des ingrédients virtuels, mais dont l’importance n’est plus à démontrer. Tout se passe dans la tête, dans un premier temps, dans les mains, dans un deuxième temps, puis dans la matière enfin.

Recherche.JPGLe premier temps est brouillon, plein d’aléas, imprévisible. Il naît d’un geste, d’un regard, d’un assemblage naturel ou artificiel tel une symétrie inusitée ou un contraste insaisissable. A partir de cette misère vous bâtissez sans vous en rendre compte dans votre tête un projet plus complet qui doit vous satisfaire ou bien vous laissez tomber. C’est un point délicat dont le basculement vers l’une ou l’autre solution est un processus ténu. Quel peintre n’a pas un carnet, et même plusieurs, de croquis qui est la mémoire des idées germées et inabouties.

Là, vous y êtes, une idée vient de sourdre, il convient de lui donner forme, c’est-à-dire bâtir un dessin complet, celui du tableau à réaliser par la suite. Comme vous êtes un homme moderne, vous n’utilisez plus votre crayon et une grande feuille de papier blanc, mais votre15-11-020.JPG petit écran dont la taille varie en fonction du zoom que vous lui donnez. Vous cherchez alors non plus les formes, mais leur assemblage. Comment les marier entre elles pour leur donner un aspect satisfaisant à l’œil et à l’entendement ? Oui, cela demande plusieurs essais, ratés, à moitié réussis ou à moitié ratés. Vous entassez les pages sur l’écran, heureusement il ne pèse pas plus lourd pour autant. Ah ! Ça y est. Le voilà celui que je cherche depuis un moment. Il est là, satisfaisant et même beau. Oui, disons-le, si vous ne le trouvez pas beau, continuez. Certes, vous êtes bien le seul à le trouver beau, mais il faut bien trouver des satisfactions dans son travail. Donc vous tenez la merveille qui s’étale à vos yeux virtuellement, mais cette virtualité à un côté tellement réel que vous craquez et l’adoptez.

Il faut maintenant l’adapter au support choisi, généralement un châssis acheté dans un 15-11-18 Tissage B.JPGmagasin spécialisé qui, avant toutes choses, doit être enduit d’un apprêt appelé gesso, généralement blanc. Mais comment passer d’un dessin virtuel à une réalité d’une autre dimension en conservant les mêmes proportions ? Certes, sur votre écran vous disposez d’une règle en largeur et en hauteur, mais encore faut-il que celle-ci se mette aux dimensions de votre tableau. Vous bidouillez un bon moment jusqu’à ce que vous trouviez le compromis qui vous permet de reporter, de l’écran sur la toile, le dessin, d’abord point par point, en abscisse et ordonnée, que vous reliez ensuite par un trait, sans vous tromper, jusqu’à former le même dessin sur le châssis. Pour cela vous vous servez d’un intermédiaire, une simple feuille imprimée du dessin sur lequel vous reportez les cotes de chaque point. C’est un travail long et contraignant. La moindre erreur et votre dessin part de travers. Pire, vous ne vous en apercevez qu’à la fin ou même le lendemain, au réveil, lorsque votre regard, plus clair, remarque l’erreur d’un coup d’œil.

19/11/2015

Attentat

On a trois attitudes : la compassion, l’indifférence ou la rage

Le choix de la compassion est un choix simple et naturel
Celui de l’indifférence peut être personnel, mais ne pas le dire
Celui de la rage est pour les accros de la politique
Rage contre l’action, rage pour l’action, sans réflexion

C’est ainsi que la France se réveille ce samedi matin
Sans trop savoir quoi faire sinon mobiliser
Pour quoi, pour qui, contre quoi, contre qui ?
Seules les forces de l’ordre sont là et agissent

Chacun a son point de vue, c’est comme une explosion
Et plus l’on s’éloigne dans l’espace et le temps
Plus les divergences se font sentir pesamment

Ce ne sera plus le rassemblement, mais l’antinomie
Dans la passion des opinions et des réactions
Hors de toute analyse, recul et discernement

La seule union est autour des victimes
Vers qui affluent les pensées de tous
La France reste la France, le pays des troublions
Qui, en un instant, se relève et chante la Marseillaise

©  Loup Francart

18/11/2015

Chute

C’est une chute vertigineuse, sans fin, qui guette celui qui glisse son regard vers le tableau. Il est aussitôt entraîné vers l’abîme sans pouvoir s’en abstraire malgré les paliers successifs qui l’attendent. Mais cette chute est également salvatrice, c’est une descente vers la lumière, le passage d’un monde visible, mais chaotique, vers un monde invisible, plus éclairant, mais inconnu. Choix difficile !

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17/11/2015

Le miroir : épilogue

Ai-je rêvé ces fins ou les ai-je vécues ? Je ne sais. Il est probable que rien de tout cela n’est arrivé. Je me suis complu à imaginer ces suites. En réalité, la fin fut moins glorieuse. J’appuyai sur la détente, le coup partit, la glace se brisa et mon double disparut. Artémise était toujours là. Je lui touchai la main pour m’assurer de sa présence réelle. Elle me regarda, surprise. Son double avait également et logiquement disparu. Elle me parut cependant bizarre, comme transparente. Mais oui, elle fondait devant moi, semblant s’évaporer dans l’air. Je distinguais encore son visage, mais il avait pris une couleur délavée. Son double avait peut-être pris le dessus. Il n’eut cependant aucun cri de triomphe ni même de satisfaction. Artémise souriait d’un air navré, puis elle me tendit la main.

– Au revoir compagnon d’infortune, me dit-elle d’une petite voix. Je pars et tu me manqueras. Nous nous sommes bien amusés. Maintenant la vie reprend le dessus, le réel dépasse l’imaginaire. Je te laisse à tes occupations. Attention, ne te regarde pas trop longtemps dans ta glace, on ne sait jamais. Je n’eus que le temps de déposer sur ses lèvres un baiser. Celles-ci étaient de glace, froides, sans matière, inconsistantes. Elle disparut sous mes yeux sans que je puisse la retenir.

La vie a repris. Elle n’est ni plus morne, ni plus attractive. J’ai retiré le miroir au-dessus du lavabo, acheté un rasoir électrique et me rase dorénavant en lisant. Artémise n’est plus là pour égailler mes journées.

16/11/2015

Dédicace et exposition

Dédicace :

Loup Francart présentera, lira des extraits et dédicacera ses deux derniers livres le samedi 21 novembre 2015 à l’Espace culturel Leclerc de Saumur entre 14 et 18 heures.

 1ère Couv Dictionnaire poétique.jpgPetits bouts de rien couv1ère-2.jpg

 

 

 

 

 

 

 

 Exposition :

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15/11/2015

L'autre

Qu’es-tu toi pour me dire
La vanité des rencontres
La futilité des réunions
L’inanité de tout débat ?

J’y vois au contraire
Le propre de l’humain
La parole libre de l’être
Qui condense en un mot
Ce qui le met en joie
Le terrifie ou l’encourage

Seule, la créature s’étiole
Se réduit à elle-même
Et meurt d’absence

Ne te retire pas de toi-même
Tu y perdrais le meilleur
C’est-à-dire ce double
Que l’autre regarde
Avec concupiscence
Et que toi-même ignore

©  Loup Francart

14/11/2015

The lobster, film de Yorgos Lanthimos

Une histoire simple, mais insolite, une société où seules peuvent vivre normalement les couples. Les personnes seules sont aussitôt arrêtées et enfermées dans un hôtel. Elles doivent trouver un partenaire en 45 jours, sinon elles sont transformées en l'animal de leur choix. David débarque dans l’hôtel, arrêté par la police des mœurs parce que sa femme l’a quitté. Il amène avec lui son frère, un chien qui n’a pu trouver l’âme sœur dans le temps imparti. Cet homme stable qui s’inquiète au fur et à mesure que le temps passe, choisit le15-11-13 The-lobster.jpg homard comme animal au cas où il ne rencontrerait pas l’âme sœur. Il finit par s'échapper et il rejoint les Solitaires, un groupe de rebelles qui vit dans les bois. Cette autre société, sauvage et également inattendue, a inversé les règles : le flirt et les relations sexuelles sont interdits et passibles de savantes tortures. Mais il y rencontre l’amour et va tout faire pour revivre une vie normale, en couple, dans la ville, comme tout un chacun.

Ce film du grec Yorgos Lanthimos est surprenant, drôle, plein de mystérieuses péripéties : l’arrivée dans l’hôtel, la cérémonie d’accueil à la manière d’un conscrit, les réunions dans la salle avec la directrice, très proches des réunions commerciales standardisées du type Weight Watchers, la chasse à l’homme dans les bois avec un fusil à fléchettes. On a envie de rire, mais dans le même temps on s’interroge : tragique ou comique ? on ne sait.

Le film est une image de la société moderne où la publicité prime sur la vie réelle, dicte ses règles, enferme la personne dans un monde absurde, mou, duquel seuls quelques individus arrivent à s’affranchir. Le bonheur est un bonheur obligatoire, organisé, et les plus faibles sont prêts à tout pour y accéder. Ils maquillent leur personnalité pour ressembler à leur future compagne, ce que tente de faire David, sans succès. La fin est impressionnante, mais sans contours précis : pour rester avec celle qu’il aime, devenue aveugle par la méchanceté des solitaires, se crève-t-il ou non les yeux ? On ne sait.

13/11/2015

Le miroir 13

Mais s’imposa également sous mes yeux une troisième possibilité que je vécus simultanément aux deux autres, sans cependant les mélanger. La balle se dirigea vers mon double. J’ai même cru la voir dans la glace, rageusement mortelle. Elle le frappa au-dessous du genou, le faisant s’affaisser brutalement. Il s’accrocha au cou d’Artémise qui tenta de l’empêcher de tomber. Elle le maintint quelque temps serré contre elle, mais sa tête bascula de son épaule à l’un de ses seins, déchirant le bouton de son corsage, puis tout son corps s’affaissa. Elle ne put que le poser doucement à terre avant de le reprendre dans ses bras et de le tenir contre elle. Elle laissa jaillir quelques larmes, passant sa main sur son visage en une caresse intense pleine de compassion. Et tout à coup, je sentis son parfum, comme si j’étais à la place de mon double, serré contre sa poitrine. J’éprouvai également ses caresses et je ne pus m’empêcher de déposer un baiser sur cette chair offerte et m’enivrer de la vie qu’elle contenait. Oui, nous nous sommes retrouvés enlacés, liés l’un à l’autre comme nos doubles et progressivement nous-mêmes et nos doubles se sont rejoints et prirent la même attitude. Quelle était bonne Artémise, tendrement offerte, sans un mot, me regardant dans les yeux, la bouche légèrement entrouverte, aspirant au baiser réel. D’une légère inclinaison de la tête, elle me fit signe. Oui, je pouvais celer notre entente. Je me penchai vers elle et embrassai longuement cette bouche offerte, comme je l’avais vu faire quelques instants auparavant par mon double. Je pensai néanmoins à remettre dans ma poche le pistolet. Il n’eût pas été de bon aloi d’embrasser une femme un pistolet à la main pour confirmer un amour naissant. Artémise, comme à son habitude, ne perdait pas le nord. Elle me regarda, souriante et me dit :

– Quelle défaite. Ton double s’est bien moqué de nous. Tellement bien que le mien l’a imité. Ils nous ont devancés d’un commun accord en toute tranquillité. Ils ont été au-delà de nos espérances, allant jusqu’à jouer un meurtre pour nous faire comprendre ce qui nous motivait. Regarde, il n’a plus de blessure et il semble parfaitement valide. Danse un peu sur place que l’on voit comment il s’en sort.

J’esquissai quelques pas de danse qu’il imita à la perfection, mais accompagné d’un clin d’œil. Je me rapprochai à nouveau d’Artémise et baisai ce cou si tendre qui sentait un parfum de liberté. Libéré du poids du passé, je compris que l’avenir s’ouvrait devant nous, grand comme le ciel. Tournant le dos au piège, nous sortîmes tous les quatre, deux à deux, étroitement enlacés.

Le meurtre n’a pas eu lieu. Désormais nos doubles se comportèrent normalement, comme de simples images de notre consistance. Tout cela faisait peut-être partie de notre destin.

C’était finalement un bon double !

12/11/2015

Fenêtre

Une fenêtre, c’est une longue vue qui permet de regarder dans les deux sens.

– Quel temps fait-il ?

– Regarde par la fenêtre, disaient nos grands-mères.

L’enfant se précipitait, levait les yeux, c’était bleu ou gris et même, parfois, noir. Cela lui suffisait. Il savait comment s’habiller.

La fenêtre fonctionne également en sens inverse. On voit souvent les gens de la fenêtre d’en face regarder la fenêtre éclairée et suivre comme au cinéma la scène familiale ou intime. La fenêtre opposée, dans son halo de lumière devient le centre du monde parce qu’elle est l’œil d’un autre monde. L’information circule, sans tuyau, sans fil, sans commérages, en direct. C’est émoustillant !

Ainsi la fenêtre est une scène de théâtre à contempler dans les deux sens. L’extérieur semble defenêtre,frontière,séparation,intimité,société prime abord plutôt un lieu d’exercice masculin motivé par l’exercice professionnel, guerrier ou de loisirs de plein air. L’intérieur, à vocation plus féminine, est le lieu de l’intimité, de l’éducation et des arts. Mais est-ce à dire que l’homme de l’intérieur regarde vers l’extérieur et inversement pour la femme. Sûrement pas ! C’est beaucoup plus complexe que cela.

La fenêtre est une frontière entre l’espace social et l’espace privé et crée des règles d’échange entre les deux. L’oubli de ces règles crée la confusion des genres comme le repos du guerrier ou la détermination des amazones.

Peut-être, parce que la fenêtre est devenue spectacle, l’art en fait une photographie du réel que ce soit en littérature, en peinture, en musique même. A travers la fenêtre, le monde est contemplé et contemple, l’œil humain devient monde ou le monde se fait œil.

11/11/2015

Vide

Se dit d’un contenant qui ne contient rien…
Le rêve de l’astrophysicien, les jours de pluie
Qui est de définir le vide sans lui donner du plein
Et dans lequel le zéro ne peut être déduit

La quatrième dimension peut-elle être vide ?
Est-ce à dire qu’aucun événement n’y apparaît ?
Le temps s’en va et ne circule nul fluide
L’univers s’écroule et tout devient muet

L’espace peut-il sévir s’il ne peut être mesuré ?
Le vide peut-il être limité par un contenant ?
Même le mot rien ne peut le délimiter
L’imaginer c’est déjà lui donner un lieu accueillant

Alors Dieu serait-il vide et sans saveur
Ou serait-il l’ultime recours de l’imagination ?
Au fond le vide est-il un alibi contre la peur
Ou une huile pensante à manier avec précaution ?

©  Loup Francart

10/11/2015

Chine, toujours inattendue

https://www.youtube.com/watch?v=8oqPR5-GLuA


L'homme ne serait-il qu'une infime particule dans un monde en suspension ?

Et n'oubliez pas :

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09/11/2015

Le miroir 12

Simultanément, comme dans une autre vie et un autre monde, je contemplai un autre avenir. Je suivis la trajectoire de la balle qui se dirigea vers mon double de la partie droite du miroir. J’ai même cru la voir dans la glace, avançant lentement, sans possibilité d’en changer la destination. Elle le frappa à la poitrine. Il me regarda sans rien dire et s’affaissa doucement. Il ne semblait rien me reprocher. Son regard n’exprimait qu’une incompréhension, une détresse immense et un soudain manque d’air. Il s’accrocha au cou d’Artémise qui tenta de l’empêcher de tomber. Elle le maintint quelque temps serré contre elle, mais sa tête bascula de son épaule à l’un de ses seins, déchirant le bouton de son corsage. Le corps de mon double s’affaissa.

J’étais délivré. Je jubilais. J’avais vaincu mon double devenu adversaire. J’avais été le plus fort et plus rien ne s’opposerait à moi. Je m’apprêtai à me précipiter aux pieds d’Artémise pour lui demander sa main. Mais je la vis dans la glace penchée sur mon double, pleurant réellement devant son corps, ne me jetant pas un coup d’œil. Je fus saisi et en oubliai de regarder la vraie Artémise. Voilà maintenant que son double faisait de même que le mien. Il prenait son indépendance.

Artémise, la vraie, me donna un coup de coude :

– Qu’est-ce que vous attendez ? Tirez donc sur mon double, vous voyez bien qu’il fait la même chose !

Je n’y comprenais plus rien. Que faisaient ces doubles ? Etaient-ils réellement indépendants ? Je regardais Artémise qui continuait à me supplier de tirer. Je pointai une deuxième fois mon arme, visai et tirai. Son double s’écroula également. Je me tournai alors vers Artémise en disant :

– Ça y est, nous sommes libres !

Mais… Je n’en cru pas mes yeux. Artémise n’était plus là. Une seconde avant je l’entendais me dire de tirer et maintenant… Plus rien. J’étais seul tenant à la main le pistolet. Des passants s’approchèrent. Deux jeunes hommes musclés vinrent vers moi, me prirent l’arme des mains et me tinrent serré contre eux. Ils demandèrent que quelqu’un appelle la police. Deux minutes plus tard, une voiture pleine de policiers surgit, sirène hurlante. Je fus embarqué sans ménagement. Je ne réagissais plus, abasourdi de l’absence d’Artémise. Où était-elle passée ? Je ne comprenais plus. Nos deux doubles tombés à terre, touchés par les balles. Mais Artémise, la vraie, qu’était-elle devenue ? Une idée bizarre m’assaillit. Au fond, Artémise était-elle vraie, c’est-à-dire réelle ? Je ne la connaissais que peu. Certes, elle avait habité chez moi pendant quelques jours, mais après tout, qu’est-ce que cela voulait dire ? Aurait-elle été envoyée par quelqu’un pour faire cesser mon cauchemar ? Une fois sa mission accomplie, elle disparaît. C’était logique, mais était-ce possible ?

Arrivé au poste de police, je tentais vainement d’expliquer ce qui s’était passé. Le commissaire n’entendait pas que l’on se moque de lui. Garde à vue ! Je me retrouvai en cellule. Cela me permit de réfléchir à ces événements. Mais rien ne vint. Je n’y comprenais toujours rien. Le lendemain, à nouveau interrogé, je répétai la même chose. Le commissaire prit une décision. Il m’envoya à l’hôpital psychiatrique. Après une journée dans une pièce de couleur crème, garnie de mousse, avec un lit également en mousse, on m’annonça l’arrivée du médecin. Stupéfaction. C’est Artémise qui entra. Elle me regarda tranquillement pendant que je me remettais de cette apparition. Mais que faisait-elle là ? L’infirmier me lassa seul avec elle.

– Artémise, que faites-vous là ?

– Mon cher, j’étais chargé de vous surveiller.

– Mais, pourquoi ? Qu’est-ce que cela veut dire ?

– Vous faites partie d’un programme spécial. On étudie votre degré de résistance au changement. C’est un programme d’étude mis au point par le gouvernement pour les élections futures. Nos hommes politiques s’interrogent sur nos capacités au changement. La France reste bloquée sur une vision unique qui consiste à ne rien vouloir changer et, dans le même temps, à exiger de nos politiques des améliorations dans leur vie. Alors ils ont demandé à une entreprise spécialisée dans la conduite du changement de faire un programme d’étude sur plusieurs personnes pour identifier leur capacité d’évolution.

– Mais de quel changement parlez-vous ? Les autres ont-ils eu également droit à des changements de comportement de leurs doubles ?

– Non, chacun a été doté d’un changement spécifique. Vous, vous êtes tombé sur celui-ci, mais cela aurait pu être différent.

– Mais comment avez-vous fait pour m’impliquer dans une comédie comme celle-ci ? Je n’étais pas fou. J’ai bien vu mon double se comporter différemment de moi-même !

– C’est un secret. Je ne peux vous le dévoiler.

– Et, cela ne vous a pas dérangé de me jouer la comédie pendant tous ces jours ?

–Non. D’ailleurs je me suis bien amusé. Vous étiez trop drôle !

J’étais furieux contre Artémise, d’abord parce que je n’y comprenais rien, puis parce que je me sentais trahi. Notre entente s’arrêtait là. Qu’est-ce que voulait dire ce programme d’étude sur nos capacités au changement ? Etait-ce encore une invention de nos dirigeants pour se trouver des excuses lors d’une prochaine élection ? Intérieurement, je me jurai de m’expatrier dès que je serai libre. La vie dans notre pays n’était plus possible. Je le dis à Artémise d’un air las. Elle me regarda avec compassion, sans cependant tenter de se rapprocher de moi et de mes pensées. Elle restait froide comme un médecin de banlieue devant une maladie rare. Elle ajouta cependant :

– Si vous le souhaitez, vous pouvez interrompre le programme. Bien sûr, ce sera sans indemnités.

– Ah, il est prévu des indemnités ?

– Oui, mais seulement si le patient va au bout du programme.

– Eh bien, je vous dis non. Je m’en vais. Et laissez-moi vous dire : je suis profondément déçu par votre marchandage et votre comédie que je trouve indigne. Si vous me laissez partir, dès demain je quitte le pays.

Je fis demi-tour, laissant Artémise (était-ce d’ailleurs son prénom véritable ? J’en doute !). Je fus libre le soir même. Le lendemain, je partais pour l’Angleterre où je commençai une autre vie. Oui, je bannis ma maison de tout miroir et je choisis une femme qui avait peur de se regarder. Elle était jolie pourtant. Cette phobie m’arrangeait.

08/11/2015

La Mayenne, sens dessus dessous

L’irréalité du soir envahit les bords de l’eau. Elle devient ciel et cette beauté transmise par l’oeil du photographe vous dédouble vous-même et inspire un double fortuné de rêves délirants.

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Mais s’agit-il d’un rêve ou d’une réalité transformée par la symétrie. L’univers serait-il dédoublé pour le plaisir des yeux ?

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Le ciel et la terre confondus en un ensemble dont la symétrie fait douter de son existence :

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07/11/2015

L'oiseau

L’oiseau, vert et cadencé, s’en est allé
Depuis, la pluie couvre les bois en silence

Une goutte se glisse et pénètre le col
Le frisson rappelle l’âme à elle-même

Envolée la luxure de l’automne
Qui tournait la tête aux biens intentionnés

Désormais le feu de l’hiver enchaîne
Le corps aux mouvements du cœur

Quelle est bonne cette odeur subtile
De salaisons et fumigations à ressortir
Lorsque la bise enlace la maison
Et vous force à rester là, tranquille
Dans l’attente imprévue d’une éclaircie
 
Et l’oiseau, vert et envolé, reviendra
Chantant pieusement le rayon de lumière
Qui frappe l’œil et fait fondre le cœur

©  Loup Francart

06/11/2015

Le miroir 11

Mon attention fut tout d’abord attiré par le reflet qui montait vers le coin en haut et à gauche du miroir.  Je suivis la trajectoire de la balle qui se dirigea vers mon double. J’ai même cru la voir dans la glace, avançant lentement, sans possibilité d’en changer la destination. Elle le frappa à la poitrine. Il me regarda sans rien dire et s’affaissa doucement. Il ne semblait rien me reprocher. Son regard n’exprimait qu’une incompréhension, une détresse immense et un soudain manque d’air. Il s’accrocha au cou d’Artémise qui tenta de l’empêcher de tomber. Elle le maintint quelque temps serré contre elle, mais sa tête bascula de son épaule à l’un de ses seins, déchirant le bouton de son corsage. Tout son corps s’affaissa.

En fait, contrairement à ce que j’avais pensé, à l’instant où la balle frappa sa poitrine, je ressentis la blessure. Je ne la voyais pas, mais le trou causé par la balle laissa sortir ma rage et entraîna un écoulement intempestif de mes émotions. Je me vidais littéralement et sentis les parois de mon être se rapprocher. J’étais écrasé par une pesanteur imaginaire. Je pesais une tonne, mes joues se mirent à coller aux dents, mon ventre se ferma sur les intestins, même mon sexe se racornît. Je ne pouvais plus lever les bras et mon pistolet me tomba des mains. Je ne contrôlais plus mes mouvements. Je n’avais plus de volonté ! Un état d’être bizarre s’empara de moi. Je voulus lutter contre cette impression, mais rien n’y fit. Je fermais mes mains autour de la blessure, tentant d’empêcher la fuite de ma personnalité. Mais la pression était trop forte. Elle jaillissait entre mes doigts et je m’enfuyais à grandes enjambées. Surpris par l’événement, je me suis tout d’abord affolé. Peu à peu, la poussée s’affaiblit et une certaine sérénité s’empara de moi. Je me regardais me dissoudre dans l’air et contemplais le fait comme s’il survenait à un d’autre. Cette fuite de mon personnage hors de lui-même m’empêchait de respirer. Je manquais de souffle et hoquetais pour tenter d’en aspirer d’avantage. Mais rien ne venait. J’avais comme un sparadrap sur les lèvres et n’arrivais pas à le retirer. Ma vue se troubla, je regardais Artémise, elle me souriait d’un air tendre sans paraître comprendre ce qui m’arrivait. Pour elle, j’avais vaincu mon double et c’était une bonne chose. Mes genoux flagellèrent. Elle me retint quelque temps, puis me laissa tomber mollement sur le sol, me soutenant la tête. Je ne pouvais plus respirer normalement. De temps à autre, j’arrivais à prendre quelques bouffées d’air, mais elles se faisaient de plus en plus rares. Mes yeux se fermèrent pour se concentrer sur la recherche d’air. Mais plus rien. Je fus plongé dans le vide avec une sensation de chute libre et je savais que je ne disposais pas de parachute. Cela dura, dura, avant que la lumière ne m’envahisse d’une chaleur bienfaisante, dissolvant mes cellules.

C’est alors que je vis mon double. Il était resté sur terre. Il semblait s’être remis de sa blessure. Mieux même, il ne semblait pas avoir subi l’impact de la balle. Il riait et Artémise continuait à sourire. Elle semblait délivrée, prenant du recul, considérant ce qui s’était passé comme un non-événement. Ils se regardèrent, firent un geste de dépit de la tête, levèrent la main en signe d’au-revoir et partirent chacun de leur côté comme si de rien n’était. J’essayai de crier, mais mes cellules ne répondaient plus. Elles étaient trop dispersées et je m’éloignais trop vite.

J’avais tellement froid…

05/11/2015

La table

Une table, pensons-nous, est un objet universel, comme l’est un pot de chambre ou une carafe d’eau. Eh bien non ! Certaines sociétés n’admettent pas la table. Leurs habitants mangent par terre, assis en tailleur, taillant les beefsteaks à pleines dents. Généralement d’ailleurs, ceux qui ne disposent pas de table ne disposent pas non plus de fourchettes. Curieux, est-ce le hasard ? La table serait-elle liée à l’esprit carnivore ? On peut se le demander !

En fait, la table est une invention récente et dépend vraisemblablement du degré sophistication de la population qui l’emploie. Ainsi les hommes de Cro Magnon, dénommés ainsi parce qu’ils mangeaient avec leurs dents directement sans utiliser le couteau, n’avaient pas besoin de table. En Afrique, parce qu’il fait toujours chaud, la table n’est pas non plus utilisée et n’a pas été inventée là-bas. Une feuille de bananier suffit pour y faire une assiette. De même en est-il chez les chameliers arabes et la population sud méditerranéenne. Assis par terre, les jambes croisées, ils n’ont pas d’assiettes non plus, mais un plat unique contenant de petites graines qu’il faut tasser entre les doigts et projeter dans la bouche avec adresse en même temps que l’on déguste un pilon de poulet à pleines mains. Ils n'ont d’ailleurs pas non plus de verre. Ils boivent à même la panse d’un chameau en visant leur gosier. Ce n’est pas grave si cela déborde et mouille le col, car ça sèche vite dans ces pays. En fait, la table est une invention purement occidentale, même si les japonais disposent également de tables lilliputiennes avec coussins assortis. Cela leur permet de s’incliner gravement devant la tablée avant de s’assoir en retirant leurs chaussures. Ils sortent alors leurs baguettes, se les enroulent autour des doigts qu’ils gigotent ensuite pour prendre trois grains de riz et se les propulser dans la gorge en tenant leur bol à hauteur des yeux. Jamais de couteaux, ils craignent le crime et ne mélangent pas l’art de la table et l’arme blanche. Tout est prémâché chez eux, standardisé, optimisé pour éviter toute fatigue aux convives. On ressort détendu du repas, mais les jambes nouées.

La table fut inventée au Moyen Age. C’est récent. C’était en fait plutôt une tablette sous laquelle on installait des pieds. Sa définition est simple : « Meuble à plateau horizontal posé sur un ou plusieurs pieds ». Ce plateau est généralement pourvu de quatre pieds, ce qui lui donne une certaine stabilité. Mais on rencontre des tables à trois pieds, plus économiques, mais plus instables. En effet, le préfixe « in » sert à former les contraires, c’est-à-dire les antonymes d’adjectifs ou de substantifs. In-s-table, signifie donc que la table n’en est pas vraiment une car le plus souvent les mets qui s’y trouvent se retrouvent par terre. Nous reparlerons de la table à un pied, plus moderne avec ses avantages et inconvénients.

Donc, au Moyen Age, on emmenait la table avec soi. Elle était composée d’une planche et de deux tréteaux et se repliait facilement. L’inconvénient était le vol de table qui a débuté lorsque le civilisé s’est intéressé au spiritisme. On fabriqua alors de nombreuses tables tournantes. Les tréteaux ne servaient plus à rien, mais rien ne tenaient sur ces meubles. On finit par les abandonner. Devant l’augmentation des cambriolages, on fit des tables lourdes qu’on ne déplaçait plus. Elle devint objet d’abord de luxe, puis très commun. Nous avons tous une table chez nous, et même, pour les plus nantis, plusieurs.

Chez les occidentaux, la table n’est jamais seule. Elle est pourvue d’accessoires indispensables à quatre pattes également, mais dont le plateau ne sert qu’à poser les fesses. Appelés d’abord tabourets et très proches de la table, ils furent perfectionnés et devinrent chaises, pourvus d’un dossier. Les plus riches peuvent également utiliser des fauteuils, sortes de chaises munies d’accoudoirs permettant un maintien plus sophistiqué. L’inconvénient des chaises réside dans la hauteur que l’on donne à leurs pieds par rapport au plateau de la table. Trop bas, vous risquez de laisser tomber le contenu de votre fourchette avant qu’il n’atteigne votre bouche, trop haut, vous n’atteignez pas la fourchette. Tout cela est maintenant standardisé, sauf pour les enfants qui continuent, lorsqu’ils mangent à la table des grands, à avoir leur assiette à hauteur de la bouche. On ne leur donne pas de fourchette, mais une petite cuillère qui permet plus facilement de faire glisser les aliments de l’assiette à la bouche.

Dernier raffinement, d'origine américaine bien sûr, la table à un pied (on y vient !). Enfin, ce n’est pas vraiment un seul pied, mais une sorte de patte d’éléphant avec un manche et un empattement plus épais vers le bas. Cela tient jusqu’à un certain point si le sol est plat. Ce qui est nouveau, c’est l’art de se servir de ces tables unipattes. On l’utilise sans chaise. On reste debout et on amène les aliments dans des petites boites en carton que l’on déguste avec des fourchettes en plastique. Quelle élégance ! Et quel bonheur pour les enfants de participer à ce nec plus ultra de la gastronomie occidentale. L’inconvénient pour eux est que la table est généralement trop haute. Ils ne voient pas ce qu’ils veulent manger avant de l’avoir pris, enfoncé leurs mains dedans qu’ils avaient auparavant léchées pour les nettoyer. Par contre cela leur permet de courir entre deux bouchées pour les faire passer. Encore quelques temps et l’on reviendra à la table sans pieds ni plateau, simple objet de décorum qui tient debout en lévitation magnétisée et dont seul le reflet permet de savoir où poser son assiette.

Enfin, sachons-le, la table est un instrument utile, car elle ne sert pas qu’au plaisir de la table. Elle a de nombreux autres usages tous aussi indispensables les uns que les autres. Ainsi, moi-même vous décrivant la table, je l’utilise pour poser mon ordinateur et taper quelques voyelles et consonnes. En fait, très vite la table devint un vide-poche où l’on balance ses clefs et autres objets en rentrant le soir du travail. Il faut toujours avant de s’en servir la débarrasser de ces attributs inusités, mais indispensables. Ainsi l’occidental passe entre douze et quinze heures par jour à table. Pas étonnant qu’il grossisse. Certains vont même jusqu’à rouler sous la table certaines fins de semaine. Ils appellent cela « Happy hour ». C’est une invention américaine qui date, parait-il, de la prohibition. Cela se pratiquait alors chez soi, entre amis. Puis, comme à l’habitude outre-atlantique, la pratique fut commercialisée. Cela rapporte, paraît-il ! En France, la Mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie envisage l'interdiction des happy hours. Mais à Paris de nombreuses tables la proposent.

La table est un sujet à la mode depuis que nos grands chefs construisent des œuvres d’art. Elle s’accompagne d’un art de la table où le décorum a autant sinon plus d’importance que ce qu’il y a dans l’assiette. L’assiette devient tableau, parfum. Elle n’a pas encore trouvé le moyen de jouer de la musique, mais cela ne saurait tarder.

Il reste encore beaucoup de choses à dire sur la table, mais j’entends quelqu’un crier dans la maison « à table ! », alors je vais devoir vous quitter. Comme le disent certains, en pensant qu’il est poli de se réjouir à l’avance : « Bon appétit ! ».

04/11/2015

Les mardis littéraires

Je présenterai, avec Lann Bellat, directrice littéraire des éditions du Panthéon, mes deux livres, Dictionnaire poétique et Petits bouts de rien, le mardi 10 novembre aux Mardis littéraires (café de la Mairie, 1° étage, place Saint-Sulpice, Paris 6°) entre 20h30 et 21h15.

Au rendez-vous : lectures et impressions, échanges avec le public et dédicace.

Vous êtes invités, venez nombreux !

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03/11/2015

Eternel

Toi, revenu sur ta parole
De la tête à la queue
Tu refuses pourtant le cercle
Et te projettes sur la ligne

Elle s’enfonce dans l’espace
Et s’enfuit dans le temps
Tu es là, seul, innocent
Perdu sur ta branche

Tu agites les ailes de la tentation
Et tombes les bras en croix
Tu es saisi par le vide
Qui courre sous tes pieds

Suis la corde de ta trajectoire
Prends la tangente de ta peine
Et parcours la moitié
Du paradoxe d’Achille

Toujours tu seras derrière
Et la course dure mille ans
Plus tu avances, plus tu ralenties
Jusqu’à t’arrêter au bord de l’éternité

Alors seulement tu pourras revisiter
Ta destinée dans l’éternel retour

02/11/2015

Le miroir 10

Enfin vint le jour attendu. Le piège se referma de manière très naturelle. Nous nous promenions l’air de rien, l’un à côté de l’autre. Nous nous engageâmes dans la rue jusqu’au recoin muni de miroirs, nous tournâmes à gauche comme si de rien n’était et nous pûmes nous voir dans le miroir de face. Il se tînt d’abord comme un bon double. Pas un geste déplacé, une symétrie impeccable. Mais il dût se sentir trop à l’aise dans ce piège parfait à trois miroirs. Je le vis imperceptiblement se détacher de mes mouvements et prendre son autonomie, même s’il faisait semblant de suivre plus ou moins ce que je faisais. Il rejoignit le double d’Artémise et, la prenant par la taille, l’embrassa sur la bouche. Nous étions suffoqués : deux mutineries. De plus la situation était gênante. Je n’osais regarder celle-ci, mais j’entendis une sorte de petit rire discret et amusé. Elle semblait apprécier, sans toutefois trop le manifester. J’avais sorti mon pistolet. Mais comment viser mon double près de celui d’Artémise ? C’était trop risqué. Et ils continuaient de s’embrasser. Que faire. J’entendis Artémise me crier :

– Allez-y, qu’attendez-vous pour tirer ?

– Mais… Je risque de vous toucher !

–Mais non, ce n’est que mon double. Je ne risque rien. Tirez !

Je restai impassible, exécutant mes gestes dans une sorte de brouillard épais. J’avais néanmoins un sentiment d’allégresse. J’allais être débarrassé de cet être ignoble qui me narguait sans cesse. Je pointai mon arme vers lui, rageusement, par jalousie sans doute. Je pris froidement la visée, la maintins, puis appuyai lentement sur la détente jusqu’au point dur de décrochage. Je sentis l’instant où le percuteur fut libéré et où il frappa la cartouche.

Que se passa-t-il alors, je ne le sais. Ma tête explosa littéralement. Ma vision se fractura en plusieurs espaces, un peu comme vous vous regardez démultiplié lorsque deux miroirs se font face et que vous vous interposez entre eux. Mais là, ce n’était pas seulement un simple aller-retour de doubles qui prolifèrent entre les deux glaces, mais trois reflets : l'un en face comme on a coutume de se voir dès l’instant où deux glaces se font face,  un autre à gauche et le dernier à droite, ces deux-là partant non pas vers un point convergent, mais au contraire divergent. Et bientôt je vis chacun de ces reflets prendre son autonomie et avancer dans le temps de manière différente, mais quasiment ensemble. La balle frappa la vitre qui se brisa en mille morceaux et commencèrent trois épisodes étroitement mêlés, mais se façonnant un avenir fondamentalement différent. Je ne comprenais pas comment cela pouvait se faire, mais cela était. Je vécus alors trois fois, dans le même temps, la suite des événements sans comprendre lequel était le vrai ou même s’il y en avait un vrai.

01/11/2015

Prière 2

L'univers est-il fini ou infini. Pour l'instant pas de réponse. Le théorème de Cantor énonce que, pour tout infini, il existe un infini supérieur, c'est-à-dire qu'il existe une infinité d'infinis. Seul le divin, qui sort de l'épure du réel créé, ne possède pas d'infini supérieur.

peinture, dessin, numérique, optique art