Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

20/08/2020

Voir l'invisible

Marie et Léo, en côtoyant Munier, des Vosges au Champsaur, avaient progressé dans l’identification de l’indiscernable. Sur le plateau désert, ils détectaient parfois l’antilope dans les roches blondes ou le chien de prairie regagnant l’ombre. Voir l’invisible : principe du Tao chinois et vœu d’artiste.

(Sylvain Tesson, La panthère des neiges, Gallimard, 2019, p.47)

 

Voir l’invisible inclut deux points de vue contradictoire : voir, c’est-à-dire percevoir les images des objets par le sens de la vue et l’invisible, c’est-à-dire voir une image que l’on ne peut pas voir parce qu’elle est invisible. Ne nous arrêtons pas à cette contradiction, allons au-delà ou plutôt tentons d’en faire le tour. Disons dans un premier temps qu’il importe de prendre conscience que l’invisible n’est pas forcément invisible pour tout le monde. Certains ont un don de perception plus développé et perçoivent ce que les autres ne voient pas. La contradiction s’efface d’elle-même. De plus, sachons que nous ne voyons que ce que nous avons envie de voir. La vision dépend de nos centres d’intérêt. Nous ne voyons pas ce que nous ne voulons pas voir, nous discernons ce que d’autres ne voient pas parce que nous sommes intéressés par l’image qui s’impose à nous.

Mais, au-delà de tout cela, sachons qu’il y a deux types d’images à discerner : les images visibles et les images invisibles. Les images visibles correspondent à la définition donnée plus haut. On voit par le sens de la vue physique. Les images invisibles ne deviennent visibles que par un entraînement et une qualité qui ne dépendent pas de la vue physique, mais d’un état d’être que l’on doit acquérir. Alors seulement l’invisible devient visible. Mieux même, on construit dans sa tête l’invisible à voir que l’on discerne peu à peu, selon l’état d’être que l’on se donne. Alors apparaît une troisième manière de voir qui ne dépend plus de nous. Il nous est donné de voir de manière inspirée, indépendante de notre volonté. Cette alchimie se produit indépendamment de notre volonté. Elle s’impose à ceux qui sont prêts à la percevoir. C’est la vision des sages et des saints.

26/11/2015

Se mentir à soi-même

Le mensonge est à la base de la personnalité de l’homme. Il lui donne une continuité et permet ainsi de constituer et de maintenir cohérent notre vision du moi. C’est certes un moi fuyant, insaisissable et vain. Mais il vaut mieux que son absence. Les mensonges sont des tampons qui nous permettent de donner une continuité à notre vie.

La faculté de mentir est propre à l’homme. Les animaux, même les plus développés, ne peuvent mentir, car ils n’ont pas la vision d’une continuité de leur vie. Celle-ci est liée à l’imagination, faculté également propre à l’homme, qui lui donne la possibilité de créer. On ne peut créer qu’en imaginant ce que l’on veut créer. L’homme ne peut progresser qu’en imaginant sa progression et en s’efforçant de se donner les conditions d’y arriver. Celles-ci peuvent se contredire, s’opposer à ce progrès. Pour donner du sens à ce que l’on recherche, nous utilisons le mensonge qui nous permet d’arriver à une certaine continuité. La vie prend du sens par ce colmatage permanent que lui donne le mensonge. Mais l’homme vit alors endormi dans ce nuage artificiel qu’il se fabrique lui-même. A partir d’un certain niveau de développement, le mensonge devient un obstacle contre lequel il faut lutter.

On distingue deux types de mensonge. Le mensonge aux autres, qui peut être nécessaire pour empêcher les conflits entre les personnes, et le mensonge à soi-même.

Les mensonges aux autres sont devenus une seconde nature. Celle-ci a ses côtés positifs, mais également ses côtés négatifs. Il convient donc de lutter contre les mensonges inutiles et, au fur et à mesure de sa propre progression interne, de les réduire au minimum, ce qui suppose une certaine conscience de soi et du développement de son moi. Il n’est pas possible de se promettre de ne pas mentir aux autres, car le mensonge est parfois bénéfique dans certaines situations, ne serait-ce que pour éviter de faire de la peine à ceux qui ne sont pas prêts à entendre la vérité en raison des circonstances qui les entourent ou de leur état d’être.

Inversement, il faut lutter impérativement contre le mensonge à soi-même. Celui-ci apparaît comme une attitude positive le plus souvent. Elle s’exprime par l’expression : Oui, mais… Utile dans les échanges entre personnes, il devient mauvais vis-à-vis de soi-même. Il permet de s’installer dans un mécanisme auto-tranquilisateur qui empêche toute progression. Il retire toute lucidité vis-à-vis de soi-même et enferme l’homme dans sa propre prison. Je me crois tel que je me vois alors que je suis autre, mais n’en ait pas conscience. Le mensonge vis-à-vis de soi est avant tout recherche d’excuses sur ce que l’on a mal fait ou pas fait ou que l’on ne fait pas. Pourquoi ne fait-on pas ce que l’on souhaitait faire ? Tout simplement parce que nous ne sommes jamais le même, nous sautons d’un personnage à l’autre en fonction du contexte, des circonstances, des personnes avec qui nous sommes en contact et bien d’autres causes encore. Nous ne nous rendons pas compte de tous ces personnages en nous. Alors veillons sur nous-même et sachons voir nos différents personnages. Ceci nous permettra par la suite de les unifier.

Le discernement commence vis-à-vis de soi-même et ce n’est pas une mince affaire !