Cannage 1 (20/11/2015)
Un tableau, ça se prépare, s’élabore et se mijote à la manière d’une recette de cuisine. Il faut y mettre un certain nombre d’ingrédients pour qu’il prenne forme. Ce sont des ingrédients virtuels, mais dont l’importance n’est plus à démontrer. Tout se passe dans la tête, dans un premier temps, dans les mains, dans un deuxième temps, puis dans la matière enfin.
Le premier temps est brouillon, plein d’aléas, imprévisible. Il naît d’un geste, d’un regard, d’un assemblage naturel ou artificiel tel une symétrie inusitée ou un contraste insaisissable. A partir de cette misère vous bâtissez sans vous en rendre compte dans votre tête un projet plus complet qui doit vous satisfaire ou bien vous laissez tomber. C’est un point délicat dont le basculement vers l’une ou l’autre solution est un processus ténu. Quel peintre n’a pas un carnet, et même plusieurs, de croquis qui est la mémoire des idées germées et inabouties.
Là, vous y êtes, une idée vient de sourdre, il convient de lui donner forme, c’est-à-dire bâtir un dessin complet, celui du tableau à réaliser par la suite. Comme vous êtes un homme moderne, vous n’utilisez plus votre crayon et une grande feuille de papier blanc, mais votre petit écran dont la taille varie en fonction du zoom que vous lui donnez. Vous cherchez alors non plus les formes, mais leur assemblage. Comment les marier entre elles pour leur donner un aspect satisfaisant à l’œil et à l’entendement ? Oui, cela demande plusieurs essais, ratés, à moitié réussis ou à moitié ratés. Vous entassez les pages sur l’écran, heureusement il ne pèse pas plus lourd pour autant. Ah ! Ça y est. Le voilà celui que je cherche depuis un moment. Il est là, satisfaisant et même beau. Oui, disons-le, si vous ne le trouvez pas beau, continuez. Certes, vous êtes bien le seul à le trouver beau, mais il faut bien trouver des satisfactions dans son travail. Donc vous tenez la merveille qui s’étale à vos yeux virtuellement, mais cette virtualité à un côté tellement réel que vous craquez et l’adoptez.
Il faut maintenant l’adapter au support choisi, généralement un châssis acheté dans un magasin spécialisé qui, avant toutes choses, doit être enduit d’un apprêt appelé gesso, généralement blanc. Mais comment passer d’un dessin virtuel à une réalité d’une autre dimension en conservant les mêmes proportions ? Certes, sur votre écran vous disposez d’une règle en largeur et en hauteur, mais encore faut-il que celle-ci se mette aux dimensions de votre tableau. Vous bidouillez un bon moment jusqu’à ce que vous trouviez le compromis qui vous permet de reporter, de l’écran sur la toile, le dessin, d’abord point par point, en abscisse et ordonnée, que vous reliez ensuite par un trait, sans vous tromper, jusqu’à former le même dessin sur le châssis. Pour cela vous vous servez d’un intermédiaire, une simple feuille imprimée du dessin sur lequel vous reportez les cotes de chaque point. C’est un travail long et contraignant. La moindre erreur et votre dessin part de travers. Pire, vous ne vous en apercevez qu’à la fin ou même le lendemain, au réveil, lorsque votre regard, plus clair, remarque l’erreur d’un coup d’œil.
07:20 | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : peinture, dessin, art optique, art cinétique | Imprimer